CHAPITRE II -
L'APPLICATION DU DROIT DE L'URBANISME EN 1997
Après avoir dressé, comme chaque année, un bilan d'application des lois et des décrets publiés et de l'évolution du contentieux de l'urbanisme depuis l'examen du précédent projet de loi de finances, le présent chapitre présentera l'état d'avancement des directives territoriales d'aménagement (DTA) ; ainsi qu'un état des aides de l'Etat aux collectivités locales au titre des compétences qu'elles exercent en matière d'urbanisme.
I. BILAN LÉGISLATIF RÉGLEMENTAIRE ET CONTENTIEUX POUR 1998
A. LES TEXTE LÉGISLATIFS
1. Les textes publiés
Depuis le vote du budget pour 1997 quatre lois ayant une
incidence en matière d'urbanisme ont été publiées.
Il s'agit de :
La loi n° 96-987 du 14 novembre
1996 relative
à la mise en oeuvre du Pacte de relance pour la ville
Ce texte a apporté d'importantes modifications au code de l'urbanisme,
afin de faciliter la restructuration des parties les plus
dégradées des zones urbaines sensibles (ZUS). Il a notamment
prévu :
- la modification du régime juridique des
établissements
publics d'aménagement
visés par les articles L.321-1 et
suivants du code de l'urbanisme ;
- la création
d'associations foncières urbaines
réunissant des propriétaires d'immeubles qui pourront contribuer
à la réhabilisation et à la requalification des
copropriétés en difficulté situées dans les
quartiers relevant de la politique de la ville ;
- la création d'un établissement public d'aménagement
national portant le nom
d'établissement public d'Aménagement
et de Restructuration des Espaces Commerciaux et Artisanaux
(l'
EPARECA
), dont la mission est d'assurer la maîtrise
d'ouvrage des opérations tendant à la création,
l'extension, la transformation ou la reconversion de surfaces commerciales ou
artisanales situées dans des zones urbaines sensibles.
Il est encore trop tôt pour mesurer l'impact concret de l'ensemble de ces
innovations, qui constituent le volet urbanistique du Pacte de Relance pour la
ville, mais la Délégation Interministérielle à la
Ville (DIV) suit leur avancement de façon régulière.
La loi n° 96-1236 du 30 décembre 1996 sur
l'utilisation rationnelle de l'énergie
.
Ce texte, qui fixe des règles destinées à connaître,
à prévenir, à réduire et à supprimer les
pollutions atmosphériques a modifié les articles L.110,
L.121-10, L.122-1, et L.123-1 du code de l'urbanisme.
Il prévoit que les documents d'urbanisme prennent en compte l'impact des
pollutions atmosphériques, ainsi que les orientations des plans de
déplacement urbain dans les agglomérations qui en sont
dotées.
La loi n° 96-1241 du 30 décembre 1996 relative
à
l'aménagement, la protection
et la
mise en valeur de
la zone dite des cinquante pas géométrique
.
Ce texte tend à limiter le développement urbain
incontrôlé, essentiellement sur le littoral de la Guadeloupe et de
la Martinique.
A cette fin, il distingue entre les espaces déjà en partie ou
totalement urbanisés -où des bâtiments pourront être
construits- et les espaces naturels qui seront, eux, protégés de
toute urbanisation.
Il institue, en outre, une servitude de passage longitudinale parallèle
au rivage de la mer et prévoit le respect d'une servitude de passage
perpendiculaire aux plages qui permettra l'accès de tous au rivage. Il
crée enfin dans chacun des départements de la Guadeloupe et de la
Martinique une agence soumise à la tutelle de l'Etat, chargée de
la mise en valeur de la zone dite des cinquante pas géométriques,
qui sera dotée de ressources propres.
La loi n° 97-179 du 28 février 1997 relative
à
l'intruction des autorisations de travaux dans le champ de
visibilité des édifices classés ou inscrits et dans les
secteurs sauvegardés
.
Ce texte modifie les articles L.313-2 et L.144-6 du code de l'urbanisme.
Il permet aux représentants des communes de former un recours contre
l'avis de l'architecte des Bâtiments de France devant une commission
désignée par le préfet de région.
Votre Commission des Affaires économiques souhaiterait être
informée des raisons pour lesquelles ce texte -qui résulte d'une
proposition de loi déposée au Sénat- n'a toujours pas
reçu de décrets d'application, plus de 8 mois après
sa promulgation.
2. Les projets
L'année 1997 a été marquée par
l'annonce de deux réformes importantes.
Au printemps, on a appris que le Gouvernement alors en fonction avait
demandé aux services d'engager une réflexion sur la modification
du régime juridique
du permis de construire
. Puis, après
les élections, le nouveau Premier ministre a annoncé sa
décision de préparer une réforme de la
procédure
de l'enquête publique
qui, pour être principalement liée
à la préservation de l'environnement n'en intéresse pas
moins, de façon décisive, le droit de l'urbanisme.
Le projet de modification du régime juridique du permis de
construire
Dans le cadre de la réforme de l'Etat, le précédent
gouvernement a, au début de l'année 1997, demandé aux
services du ministère de l'équipement d'engager une
réflexion sur les possibilités de simplification de l'octroi du
permis de construire.
Cette démarche tendait principalement à alléger les
nombreuses démarches préalables à la délivrance de
ce permis.
Il semble qu'il ait été envisagé dans ce cadre, d'exclure
du champ du permis de construire les constructions d'une surface
inférieure à 250 m². Or, ces constructions
correspondent à l'habitat individuel.
Une telle réforme aurait notamment eu pour conséquence de
dispenser du recours à un architecte tous les projets de construction
d'une superficie inférieure à 250 m².
Cependant, comme le rappelle la loi du 3 janvier 1977 relative
à l'architecture "
l'architecture est une expression de la
culture. La création architecturale, la qualité des
constructions, leur insertion harmonieuse dans le milieu environnant, le
respect des paysages naturels ou urbains ainsi que du patrimoine sont
d'intérêt public ".
Aussi votre Commission des Affaires économiques souhaiterait-elle
obtenir publiquement du Gouvernement l'assurance que la réforme
entamée par son prédécesseur est bien ajournée.
Elle estime, en effet, qu'une réforme du permis de construire devrait
inévitablement ménager une plus grande place aux architectes, et
non pas limiter leur intervention comme semblait le prévoir le projet
initial.
Votre Commission des Affaires économiques souhaiterait, sur cette
importante question, connaître les intentions du Gouvernement et savoir
si de nouvelles réflexions sont menées conjointement par la
sous-direction de l'architecture du ministère de la culture et par la
direction de l'aménagement foncier et de l'urbanisme du ministère
de l'équipement.
Vers une réforme de la procédure de l'enquête
publique
A l'occasion de son discours de politique générale, le Premier
ministre a annoncé que le Gouvernement procèderait à une
réforme de la procédure de l'enquête publique.
Votre Commission des Affaires économiques souhaiterait
connaître l'état d'avancement des travaux du Gouvernement sur
cette question, ainsi que l'intensité de la collaboration des services
du ministère de l'équipement à l'occasion de la
préparation de cette réforme.
Elle souhaiterait également se voir communiquer le calendrier que se
fixe le Gouvernement s'agissant de la présentation du projet de loi
portant réforme de la procédure d'enquête publique au
Parlement.
D'un point de vue général, et sans préjuger du texte
soumis au Sénat le moment venu, votre Commission des Affaires
économiques estime que cette réforme doit avoir pour objet
d'améliorer la qualité des enquêtes publiques.
Elle appelle l'attention du Gouvernement sur le danger d'alourdir des
procédures déjà complexes. Elle souhaiterait, en
conséquence que la clarification des procédures constitue
également un objectif du projet de loi qui sera soumis au Parlement.
B. LES TEXTES RÉGLEMENTAIRES
1. Décrets publiés
Trois décrets sont parus dans le domaine de l'urbanisme
depuis l'automne 1996.
Il s'agit des décrets :
n° 96-1018 du 26 novembre 1996 relatif à
l'autorisation d'exploitation de certains magasins de commerce de détail
et de certains établissements hôteliers, et modifiant le
décret n° 93-306 du 9 mars 1993.
n° 96-1022 du 27 novembre 1996, portant création du
comité des investissements à caractère économique
et social. Ce texte a abrogé les articles R.530-1 et R.530-2 du
code de l'urbanisme.
n° 97-807 du 31 mai 1997 relatif aux règles de
protection contre le bruit et à l'aide aux riverains des
aérodromes, modifiant les articles R.147-2 et R.147-3 du code de
l'urbanisme.
2. Décrets en préparation
Selon les informations communiquées à votre
rapporteur pour avis, les services préparent actuellement plusieurs
décrets, à savoir :
- le projet de décret portant extension et adaptation à la
collectivité territoriale de Mayotte de la partie réglementaire
du code de l'urbanisme ;
- les décrets d'application de la loi n° 95-101 du
2 février 1995 relative au renforcement de la protection de
l'environnement et relative à l'urbanisme. Il s'agit d'une part des
décrets fixant les modalités d'établissement de la liste
d'aptitude aux fonctions de commissaire enquêteur établie dans
chaque département, et d'autre part des décrets portant
modification des dispositions réglementaires du code de l'urbanisme
relatives aux espaces naturels sensibles des départements ;
- le décret pris pour l'application de la loi
n° 95-73 du 21 janvier 1995 d'orientation et de
programmation relative à la sécurité, fixant les
modalités d'application de l'étude de sécurité
publique devant être jointe aux études préalables à
la réalisation des projets d'aménagement, des équipements
collectifs et des programmes de construction ;
- le décret d'application de la loi n° 95-115
d'orientation du 4 février 1995 relative à
l'aménagement et au développement du territoire, qui concerne la
procédure de révision du schéma directeur de la
région Ile-de-France.
Votre Commission des Affaires économiques s'interroge sur les raisons
pour lesquelles plusieurs lois n'ont pas reçu de décret
d'application plus de deux ans après leur promulgation.
C. L'ÉVOLUTION DU CONTENTIEUX
Voici un an, votre rapporteur pour avis déplorait
l'inflation du contentieux de l'urbanisme. Cette observation reste,
hélas, d'actualité cette année.
Les statistiques disponibles -qui concernent l'année 1994- permettent de
mesurer le nombre de contentieux auxquels donnent lieu d'une part les
décisions prises par l'Etat en matière d'urbanisme, et d'autre
part les recours des préfets dans le cadre du contrôle de
légalité des actes des collectivités locales.
1. Le contentieux des décisions prises au nom de l'Etat
Le tableau ci-dessous retrace la variation du nombre de recours et de décisions :
ÉVOLUTION DU NOMBRE DES CONTENTIEUX
DES
DÉCISIONS PRISES AU NOM DE L'ETAT
DE 1993 À 1994
1993 |
1994 |
Variation |
|
Recours en annulation |
823 |
937 |
+13,8 % |
dont - permis de construire |
323 |
393 |
+21,6 % |
- certificats d'urbanisme |
137 |
153 |
+11,6 % |
- demandes de sursis à exécurion |
145 |
163 |
+12,4 % |
Décisions prononcées |
687 |
930 |
+35 % |
dont - annulations |
112 |
164 |
+46 % |
Soit en % du total des décisions |
23 % |
27 % |
- |
- sursis à exécution ordonnés |
91 |
107 |
+17,5 % |
Source : ministère de l'équipement
Votre rapporteur pour avis note que le nombre des contentieux relatifs aux
décisions de l'Etat en matière d'urbanisme ne cesse de
croître, comme il l'avait déjà relevé en 1996. Il
déplore cette situation et souhaite que le Gouvernement s'applique
à y remédier.
2. Les recours des préfets dans le cadre du contrôle de légalité
L'évolution des recours des représentants de l'Etats visant les actes des collectivités locales en matière d'urbanisme est tout aussi préoccupante ainsi que le montre le tableau suivant :
ÉVOLUTION DU NOMBRE DES RECOURS EXERCÉS
PAR
LES REPRÉSENTANTS DE L'ETAT
DANS LE CADRE DU CONTRÔLE DE
LÉGALITÉ
1993 |
1994 |
Variation |
|
Nombre d'actes déférés au juge administratif |
209 |
341 |
+63,1 % |
dont demandes de sursis à exécution |
119 |
164 |
+37,8 % |
Nombre de jugements rendus |
203 |
293 |
+45,3 % |
dont - désistements ou non lieu à statuer |
72 |
95 |
+31,9 % |
- décisions rendues au fond |
91 |
110 |
+20,8 % |
dont annulations |
79 |
92 |
+16,4 % |
- demandes de sursis à exécution |
40 |
88 |
+120 % |
dont sursis à exécution prononcés |
29 |
58 |
+50 % |
Source : Ministère de l'Equipement
Votre Commission des Affaires économiques constate avec
préoccupation le développement de ce contentieux qui traduit les
difficultés que rencontrent les administrations, pour appliquer le droit
qu'elles contribuent à édicter.
3. Le contentieux des décisions prises par les maires
Depuis la promulgation des lois de décentralisation, le
maire exerce, dans les communes dotées d'un plan d'occupation des sols,
l'essentiel des compétences en matière d'urbanisme puisqu'il lui
revient de statuer sur les demandes de permis de construire.
Comme l'année dernière, votre Commission des Affaires
économiques s'étonne de ce que le Gouvernement ne dispose pas de
statistiques relatives à ces contentieux qui sont, à n'en pas
douter, beaucoup plus nombreux que ceux qui intéressent l'Etat.
D'un point de vue général, votre Commission estime souhaitable
que le contentieux de l'urbanisme, dont le caractère quasiment
" pathologique " a été relevé par le Conseil
d'Etat fasse l'objet d'un suivi statistique plus rigoureux. Elle juge
spécialement utile de connaître l'état du contentieux des
communes ainsi que la durée de jugement de l'ensemble des instances.
Lors de l'examen du budget du ministère de l'équipement pour
1997, le ministre avait, en séance publique, fait état du projet
de doter ses services d'un outil statistique permettant un suivi précis
du contentieux de l'urbanisme.
Votre Commission des Affaires économiques estime qu'il est plus que
jamais souhaitable de disposer d'un tel instrument.