C. LA RÉFORME DE LA PROCÉDURE DE RECRUTEMENT DES ENSEIGNANTS-CHERCHEURS
Les procédures de recrutement actuellement applicables aux enseignants-chercheurs sont régies par le décret du 27 avril 1995 modifiant le décret du 6 juin 1984 relatif aux dispositions statutaires.
1. Les inconvénients de la procédure actuelle
Ces procédures présentent deux inconvénients principaux : une lourdeur de gestion et une rigidité qui rend difficile la prise en compte des besoins pluridisciplinaires des établissements du point de vue scientifique et pédagogique.
a) La lourdeur de la procédure
Le recrutement se déroule actuellement en trois
phases :
- sélection par les commissions de spécialistes
constituées au sein des établissements ;
- qualification par le Conseil national des universités en application
de l'article 56 de la loi du 26 janvier 1984 sur l'enseignement
supérieur qui prévoit l'intervention d'une instance
nationale ;
- classement par les commissions de spécialistes des candidats
qualifiés par le CNU.
Cette suite d'opérations impose aux établissements un calendrier
très rigoureux, qui n'accorde pas toujours aux jurys les délais
nécessaires à la sélection permettant d'analyser avec
exactitude les mérites respectifs de candidats de plus en plus nombreux.
A l'occasion de la troisième phase des opérations, il arrive en
outre que la commission de spécialistes se trouve dans
l'impossibilité de dégager une majorité permettant le
classement des candidats, lorsque le candidat qui avait recueilli la
préférence en cours de première phase n'a pas
été qualifié.
b) Une prise en compte imparfaite des besoins interdisciplinaires des établissements
Les modalités de recrutement en vigueur permettent difficilement de prendre en compte des besoins interdisciplinaires. Les emplois sont en effet publiés au titre d'une section disciplinaire principale, avec, le cas échéant, mention de caractéristiques correspondant à une ou plusieurs autres sections secondaires. Les commissions de spécialistes concernées, lorsqu'il est fait référence à plusieurs sections, peuvent se réunir conjointement lors des phases locales de recrutement. Mais, pour l'examen des candidatures par l'instance nationale, c'est la section principale de publication qui détermine seule l'unique section du Conseil national des universités appelée à se prononcer sur la qualification des candidats aux fonctions considérées. Les candidats qui se situent à la charnière de deux ou plusieurs sections du Conseil national des universités se trouvent ainsi souvent pénalisés par l'instance nationale. Celle-ci ignore les profils des postes à pourvoir et contrarie de ce fait la politique scientifique et pédagogique des établissements. Aucune procédure d'appel ne vient équilibrer ce dispositif.
c) Une qualification limitée à l'année en cours
Il convient enfin d'ajouter que la qualification aux fonctions de maître de conférences ou de professeur des universités n'est valable que pour l'année en cours et que les candidats classés, mais non retenus perdent, d'une année sur l'autre, l'entier bénéfice de leur participation au concours, sans aucune assurance de voir leur qualification reconnue à nouveau dans le cadre de la campagne de recrutement suivante.
2. La réforme proposée
La réforme en cours d'élaboration a pour objet essentiel de mettre un terme à ces rigidités et de revenir, dans ses grandes lignes, au système existant avant celui mis en place en 1995.
a) La dissociation des procédures
La procédure de qualification serait dissociée du recrutement proprement dit et s'organiserait en deux étapes autonomes qui s'articuleraient ainsi : l'instance nationale, c'est-à-dire le Conseil national des universités, arrêterait deux listes de qualification, l'une aux fonctions de maître de conférences, l'autre aux fonctions de professeur des universités ; seuls les candidats inscrits sur la liste de qualification correspondante pourraient se présenter aux concours de recrutement ouverts dans les établissements.
b) Les avantages attendus
Les avantages attendus de cette réforme sont de plusieurs ordres : la procédure s'organiserait en deux phases plus souples et moins longues. Les instances universitaires disposeraient de délais accrus pour examiner les candidatures qui leur seraient soumises. Les candidats auraient moins de formalités à accomplir puisque leur inscription sur une liste de qualification, une fois acquise, serait valable quatre ans. Les établissements, eux, verraient leurs besoins pris en compte de manière plus satisfaisante. Les emplois mis au concours pourraient en effet être ouverts au titre de plusieurs sections du Conseil national des universités. Toute personne inscrite sur une liste de qualification aux fonctions de maîtres de conférences ou de professeur des universités pourrait faire acte de candidature sur tout emploi de rang correspondant publié au Journal officiel.
c) Une procédure d'appel
De plus, une procédure d'appel devant les groupes du Conseil national des universités serait instaurée en faveur des candidats dont la demande d'inscription sur les listes de qualification a fait l'objet de deux refus successifs. Cette procédure constitue un gage de pluralisme scientifique et une garantie pour les candidats dont la recherche se situe à la charnière de plusieurs sections disciplinaires.
d) La création d'une agrégation interne
Le projet envisagé modifierait également les procédures de recrutement applicables aux professeurs des universités des disciplines juridiques, politiques, économiques et de gestion. A côté de l'agrégation externe serait instaurée une agrégation interne ouverte aux maîtres de conférences ayant dix ans de service dans l'enseignement supérieur, et également, sous certaines conditions d'ancienneté, aux chargés de recherche des établissements publics à caractère scientifique et technologique et aux professeurs agrégés affectés dans l'enseignement supérieur. Le nombre des postes offerts à ce concours interne ne pourrait être supérieur à celui offert au concours externe. Parallèlement, la procédure de recrutement au choix après audition par le Conseil national des universités est maintenue.
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Si elle convient de la complexité des procédures actuelles de recrutement, votre commission tient à exprimer sa perplexité devant la perspective d'un retour au système antérieur institué en 1992 : celui-ci avait en effet abouti en deux ans à la constitution d'un stock de 12.000 " reçus-collés ", c'est-à-dire des enseignants potentiels qui avaient vocation à enseigner dans l'université et qui sont restés sans emploi.