B. DE NOUVELLES ORIENTATIONS EN MATIÈRE D'AIDE SOCIALE AUX ÉTUDIANTS
1. Le caractère " anti-redistributif " du système actuel : le rapport Cieutat
En janvier 1997, M. Bernard Cieutat, conseiller à la
Cour des Comptes, a remis au ministre un rapport dressant un état
précis de l'effort de la nation en direction des étudiants.
Les aides attribuées par le ministère en charge de l'enseignement
supérieur (bourses diverses, prêts d'honneur, financement des
oeuvres universitaires, aides aux associations étudiantes, compensation
aux établissements de l'exonération des droits d'inscription
accordée aux boursiers) ne représentent que 35 % du total.
Les étudiants bénéficient également d'aides
directes accordées par d'autres ministères. Il s'agit
principalement des aides au logement qui dépendent respectivement du
ministère du logement et du ministère des affaires sociales et
des aides fiscales du ministère du budget (réduction
d'impôt et majoration du quotient familial).
Les prestations versées sous condition de ressources (bourses, APL et
exonérations des droits d'inscription pour les boursiers) ne
représentent que 30 % de l'ensemble.
A l'inverse, les autres aides profitent soit à l'ensemble des
étudiants (ALS, oeuvres universitaires), soit aux foyers imposables et
donc davantage aux revenus élevés (aides fiscales).
Il en résulte qu'un étudiant issu d'une famille déclarant
plus d'un million de francs de revenus est davantage aidé que celui
d'une famille touchant le SMIC et près de deux fois plus que celui d'une
famille déclarant un salaire net de 140.000 francs.
La répartition des divers types d'aides est indiquée dans le
tableau ci-après :
Types d'aides |
Nombre de bénéficiaires |
Budget |
Ministères concernés |
Bourses sur critères sociaux |
353 000 |
) |
|
Bourses sur critères universitaires |
13 000 |
6,5 milliards |
) Enseignement supérieur |
Prêts d'honneur |
2 800 |
) |
|
Oeuvres universitaires |
2 000 000 |
1,9 milliard |
Enseignement supérieur |
Concours divers |
0,85 milliard |
||
Allocation logement (ALS) |
512 000 |
4,6 milliards |
CNAF - Aff. sociales |
Allocation logement (APL) |
120 000 |
0,75 milliard |
Équipement |
Déficit de la S.S. (régime étudiant) |
2 000 000 |
2,7 milliards |
Affaires sociales |
Déductions fiscales |
environ 800 000 |
9,3 milliards |
Budget |
TOTAL |
26,6 milliards |
Source : Rapport Cieutat
2. Les orientations du gouvernement
Lors de son discours de politique générale du 19
juin 1997, le Premier ministre a annoncé la mise en place d'un plan
social étudiant qui permettra à tous de travailler dans des
conditions matérielles convenables.
Le champ de ce plan social couvre non seulement les aides financières
directes et indirectes mais aussi les différents secteurs de la vie de
l'étudiant : logement, restauration, santé,
citoyenneté, sport, culture.
Une concertation a été engagée avec les organisations
étudiantes représentatives, les mutuelles étudiantes, les
présidents d'université, les syndicats, les parents
d'élèves. Les autres ministères concernés
(économie, finances et industrie, emploi et solidarité,
défense, équipement, transport et logement, agriculture et
pêche) devraient être associés au plan social
étudiant.
Un rapport d'étape devait être établi au moment de la
rentrée universitaire.
Un document synthétisant l'ensemble des contributions accueillies par le
groupe de travail consacré au statut étudiant devait être
présenté à la fin du mois d'octobre et une table ronde
devrait réunir début novembre l'ensemble des parties prenantes.
Si deux tendances se dégagent sur ce thème (allocation
d'études pour tous ou système redistributeur), le
réaménagement des aides fiscales et des aides au logement suppose
une concertation entre les ministères concernés et des mesures de
caractère législatif.
3. Les observations de la commission
Devant la commission, le ministre a indiqué que la
préparation du plan social étudiant, qui n'avait pas
été assorti d'un financement par le précédent
gouvernement, avait déjà fait l'objet d'une cinquantaine de
réunions de travail, et qu'il souhaitait associer la commission à
la préparation de ce plan en l'invitant à entendre le
président du groupe de travail sur le plan social étudiant.
Il a précisé que le Parlement sera invité à
examiner les principales orientations du futur statut étudiant lors d'un
débat qui sera organisé au printemps prochain.
Votre commission s'interroge sur la nécessité de reprendre
à zéro une concertation qui avait été
engagée par le précédent gouvernement sur ce thème
dans le cadre de la procédure dite des états
généraux de l'université et qui avait abouti à la
création d'un groupe de travail " vie de l'étudiant "
compétent pour examiner la mise en place d'un statut social, d'une
allocation d'études et la réforme des CROUS.
Elle tient à rappeler à cet égard les orientations qui
avaient été annoncées le 18 juin 1996 par le
précédent gouvernement concernant les grandes orientations du
statut de l'étudiant :
- une allocation sociale d'études devait être proposée aux
nouveaux étudiants entrant à l'université en 1997, sa mise
en place devant être progressive ;
- cette allocation sociale d'études se serait substituée aux
aides existantes et devait permettre de définir un nouveau cadre plus
équitable, le système actuel étant jugé trop
complexe et peu transparent, mais aussi d'unifier l'ensemble des prestations
sociales aujourd'hui servies aux étudiants ;
- cette allocation devait prendre en compte les revenus de la famille,
l'éloignement de la résidence de l'étudiant du site
universitaire choisi, certains critères pédagogiques et ne devait
pas être cumulable, au plan fiscal, avec le maintien de la demi-part
fiscale étudiante ;
- les nouvelles modalités d'attribution des aides sociales aux
étudiants devaient par ailleurs s'inscrire dans le cadre d'une
réflexion générale sur la réforme de la
fiscalité ;
- la refonte générale des aides sociales directes (bourses,
prêts d'honneur, ALS) et indirectes (réduction d'impôt pour
les enfants inscrits dans l'enseignement supérieur, demi-part fiscale
pour les étudiants à charge) avait également pour objet de
recibler ces aides sur les familles " moyennes ".
Votre commission estime ainsi qu'une réflexion approfondie a
déjà été engagée sur le statut
étudiant et que celle-ci devrait permettre d'accélérer la
préparation du futur plan social étudiant. Elle souhaiterait que
le débat parlementaire prévu au printemps sur ce thème
laisse au Parlement la possibilité de procéder à un
arbitrage entre les orientations qui lui seront proposées et que la
représentation nationale n'ait pas seulement à approuver un plan
qui conditionne le devenir de nos étudiants et de notre
université.
Votre commission ne peut enfin que s'inquiéter de l'initiative
récemment prise par les services fiscaux qui demandent désormais
aux étudiants d'acquitter la taxe d'habitation alors qu'ils n'y
étaient pas assujettis jusqu'à présent. Ce changement
annonce-t-il les nouvelles mesures du statut social étudiant ?