II. RÉPONSES AUX QUESTIONS DE M. JEAN CLUZEL, RAPPORTEUR SPÉCIAL
A. SOCIÉTÉ FRANÇAISE DE PRODUCTION
Je voudrais d'abord rappeler quelques éléments
d'historique et vous dire dans quel état j ai trouvé ce dossier
à mon arrivée au ministère.
La SFP affichait un déficit structurel de 200 à 250 millions
de francs pour un chiffre d'affaires de 580 millions de francs, et vivait
sous perfusion depuis plusieurs années. Elle était proche de la
cessation de paiement, soumise à la menace d'une demande de
remboursement d'un montant de 1,2 milliard d'aides versées entre
1993 et 1996, ce qui aurait déclenché un dépôt de
bilan. Sans la vente d'un terrain, à des conditions très peu
avantageuses pour la société, la cessation de paiement aurait
déjà été effective.
Mais cette entreprise a une histoire, un savoir-faire, une richesse humaine et
technique qui peuvent lui permettre de retrouver une viabilité, de
revivre dans un environnement concurrentiel difficile.. La SFP a encore une
chance de survie, mais il faut agir très vite, à la fois à
cause de la situation de l'entreprise, dont je viens de vous parler, et
à cause de l'application du droit communautaire de la concurrence, qui
interdit de soutenir à coups de subventions ou d'aides diverses une
entreprise non rentable dans un secteur concurrentiel.
Mes prédécesseurs s'étaient engagés à
plusieurs reprises, depuis la fin 1996, à soumettre à la
Commission européenne un plan de restructuration industrielle et
financière dans les plus brefs délais. Ces engagements n'avaient
pas été tenus, et peu après mon arrivée au
Ministère, j'ai reçu une demande très forte de la
Commission, qui en avait assez des atermoiements des gouvernements
précédents. Ces engagements n'avaient pas pu être tenus,
parce que le gouvernement avait considéré que le meilleur moyen
de s'en sortir était de privatiser la SFP. Or, les offres reçues
dans ce cadre appelaient toutes un concours massif et présentaient des
risques, soit que les perspectives d'activité semblaient mal
évaluées, soit que les tours de table n'étaient pas
assurés, soit qu'on ait pu contester la personnalité de tel ou
tel de leurs promoteurs. Leur étude, pour ma part, ne m'a pas convaincue
de la pertinence de leur projet industriel. Elle m'a par contre convaincue de
l'absence totale d'intérêt d'une privatisation de la SFP, dans les
circonstances actuelles.
Quoiqu'il en soit, c'est en raison du déclenchement du processus de
privatisation et de la promesse d'une restructuration forte permettant le
retour à la viabilité que la Commission avait accepté de
considérer les aides déjà versées à la SFP
comme préalables à une aide à la restructuration, et
d'autoriser le versement de deux aides de sauvetage en décembre 1996 et
février 1997 (250 et 350 millions de francs) en anticipation des
montants nécessaires à la restructuration.
Bruxelles était donc en droit d'attendre le plan promis. Au cours de
l'été, j'ai reçu une lettre de la Commission dans laquelle
elle rappelait qu'elle attendait toujours la présentation du plan de
restructuration, et qu'en l'absence de réponse, elle mettrait en demeure
le gouvernement d'exiger de la SFP le remboursement des aides versées.
Après avoir fait mener une première étude du dossier, je
me suis rendue à Bruxelles pour y rencontrer le Commissaire Van Miert.
J'ai convaincu le Commissaire de la volonté du gouvernement d'aboutir
très rapidement à une solution. M. Van MIERT m'a rappelé
que j'étais la cinquième ministre à venir lui parler de la
SFP. et il a insisté sur le fait qu'il avait dû souvent vendre ce
dossier à ses collègues commissaires. mais que cela devenait de
plus en plus difficile. S'il n'y avait pas eu de changement de gouvernement,
une décision négative aurait déjà été
prise, mais la Commission a pour habitude de laisser un délai
d'instruction aux nouveaux gouvernements, quels qu'ils soient.
De retour de Bruxelles, j'ai reçu le Président Jacques BAYLE,
qui, devant l'annonce de l'arrêt de la privatisation, a souhaité
me remettre sa démission, puis les syndicats devant lesquels j'ai
exposé mes intentions, qui sont les suivantes:
D'abord, assurer la survie de l'entreprise, en tenant compte de la
réalité: le secteur où intervient la SFP est un secteur
concurrentiel, la SFP doit être compétitive, et satisfaire ses
clients. Ensuite mettre l'action de l'État en cohérence:
éviter que les entreprises publiques ne se fassent pas concurrence entre
elles, et veiller à un traitement adéquat du dossier de
l'intermittence, permettant aux entreprises publiques de ne pas devoir subir
une concurrence déloyale. Enfin. veiller à ce que la
restructuration se fasse dans le respect des personnes, dans de bonnes
conditions humaines et sociales.
J'ai donc chargé M. Roland FISZEL d'élaborer un projet de
restructuration de la société, fondé sur un plan
industriel susceptible de conforter la SFP sur les marchés où
elle dispose de capacités réelles, et de lui donner des
perspectives d'avenir.
Nommé au Conseil d'administration du 13 Octobre, M. Roland FISZEL
travaille avec tout le personnel, mais aussi avec les clients actuels ou
potentiels de l'entreprise pour définir ce plan. La première
étape sera d'obtenir l'accord de la Commission, mais ce ne sera qu'une
étape, le processus de restructuration se fera dans la durée. La
tâche est difficile, mais possible, parce que la SFP a de nombreux atouts.