II. L'AUDIOVISUEL EXTÉRIEUR
Le dernier Conseil audiovisuel extérieur de la France
du 23 novembre 1995 avait défini trois orientations : rationaliser
le dispositif audiovisuel extérieur en constituant deux pôles
opérationnels, adapter l'offre à la demande internationale et
multiplier l'offre de programmes.
Si une certaine convergence semble se manifester autour de ces objectifs
généraux, il n'en est pas de même des moyens et, en
particulier, du choix des structures opérationnelles. Au moment
où un choix avait été arrêté par le
précédent Gouvernement, M. Lionel Jospin a interrompu le
processus et demandé une expertise de la holding Téléfi
qui devait fédérer les initiatives françaises.
Pour regrettable qu'il soit, ce retard n'empêche pas les
opérateurs publics d'infléchir leur action en fonction des
orientations définies en décembre 1995.
Le plus important est que ces objectifs témoignent, de la prise de
conscience de ce que l'action culturelle ne peut être
considérée indépendamment de l'action économique.
Voilà le point essentiel pour votre rapporteur. S'il convient de veiller
à ce que la promotion de la langue et de la culture française
soit en cohérence avec le développement de nos exportations
audiovisuelles, il faut également et surtout réaliser que c'est
sur le dynamisme de notre industrie de programmes, que repose, en
définitive, la présence culturelle de la France à
l'étranger. Tel est le sens de l'initiative prise
43(
*
)
- début septembre,
quelques semaines avant que le nouveau Gouvernement n'annonce son plan -
pour soutenir l'exportation de programmes français.
A. LA RESTRUCTURATION DE L'ACTION AUDIOVISUELLE EXTÉRIEURE EN SUSPENS
A l'origine de la nouvelle politique, se trouve le rapport
remis fin 1995 par M. Francis Balle sur " L'Action audiovisuelle
extérieure ". Ce rapport, dont a largement rendu compte le rapport
de la Commission des Finances (en décembre 1996), proposait, sur la base
d'une analyse des ambiguïtés et des faiblesses de notre dispositif
dans un monde de plus en plus concurrentiel, de créer une nouvelle
structure
, l'agence audiovisuelle extérieure
. Cet organisme
aurait eu pour objet, en prenant appui sur une charte de l'audiovisuel soumise
au Parlement, de contrôler les holdings opérationnelles.
Bien que ses propositions à caractère institutionnel n'aient pas
été reprises, le rapport paraît avoir inspiré la
nouvelle politique et les premières mesures de rationalisation des
structures administratives.
1. La mise en oeuvre des orientations définies par le Conseil audiovisuel extérieur de la France du 23 novembre 1995
Les pouvoirs publics se sont efforcés de mettre en oeuvre les orientations de ce Conseil. Mais l'un des éléments majeurs du nouveau dispositif, la constitution d'un pôle télévisuel extérieur, n'a pu encore être réalisé par suite des hésitations du précédent Gouvernement et du délai de réflexion souhaité par son successeur.
a) Les premières mesures
Si la forme que prendra la rationalisation de l'Action
audiovisuelle extérieure n'est pas encore arrêtée, le
regroupement des actions radiophoniques extérieures autour de RFI a
été réalisé en 1996 avec le rattachement à
cette société de la SOMERA (RMC Moyen-Orient) et Radio Paris
Lisbonne.
La volonté d'adaptation des programmes à la demande
internationale, - deuxième grande orientation fixée par
le Conseil de l'Action audiovisuelle extérieure - s'est traduite
par une régionalisation accrue des programmes radiophoniques et
télévisuels :
1°/ RFI a mis en place en 1996 trois programmes permettant localement des
reprises à la carte :
- une chaîne d'information continue en français (RFI 1),
dont la thématique évolue dans la journée en fonction des
heures de grande écoute par région ;
- une chaîne en langues étrangères (RFI 2),
découpée en modules d'une demi-heure susceptibles de
s'insérer dans la grille de RFI 1 ;
- une banque de programmes majoritairement musicaux (RFI 3).
2°/ Canal France International, banque de programmes, décline ses
programmes par blocs régionaux en ayant recours autant que possible au
doublage ou sous-titrage en langues étrangères. La banque
d'images a lancé des modules cryptés en Afrique, en Asie et en
Europe, permettant de faire coexister diffusion culturelle et commercialisation
de programmes en concertation avec les professionnels.
3°/ TV5 dispose actuellement d'un signal pour l'Europe, utilisé
également en Afrique et en Asie avec des décrochages
spécifiques, d'un signal pour le Canada et d'un signal pour les
États-Unis (2 heures quotidiennes), ainsi que d'un signal pour
l'Amérique latine.
4°/ MCMI a créé un programme spécifique pour
l'Afrique.
Pour répondre au troisième objectif, l'offre de programmes a
été multipliée avec la constitution de bouquets satellite
dans les principales régions du monde.
En Europe, depuis 1995, outre TV5, Euronews et Radio France,
4 chaînes françaises ont rejoint la position orbitale
13° Est d'Eutelsat : la SEPT-ARTE, La Cinquième, MCMI et
Canal Horizons (cryptée).
En Asie, depuis mai 1996, TV5 et MCMI sont diffusées en numérique
sur Asiasat 2 dans le cadre d'un bouquet européen comportant la
Deutsche Welle, la RAI et la TVE. RFI devrait prochainement les rejoindre. En
outre, CFI a numérisé son signal sur Intelsat 704 afin de
multiplier et spécialiser les programmes offerts dans la zone.
En Afrique, un bouquet numérique a été lancé
à titre expérimental en mai 1997. il comprendra à terme,
outre Canal Horizons, TV5, CFI et MCM Africa déjà
présentes sur le continent africain, La Cinquième, ARTE, Euronews
(versions française et anglaise), AB Cartoon, chaîne pour
enfants, Planète, chaîne documentaire, RFI et Radio Nova.
En Amérique latine, le lancement de plusieurs bouquets satellitaires
numériques régionaux ouvre de nouvelles possibilités aux
programmes français : TV5 a déjà conclu des accords de
diffusion avec un certain ombre de bouquets locaux, et devrait prochainement
étendre sa diffusion à l'ensemble du continent grâce
à un accord général avec le groupe Sky.
2. Les premières hésitations
Pour la télévision, la rationalisation des
structures s'est avérée délicate. La désignation en
décembre 1996, plus d'un an après la fixation de l'objectif, de
M. Jean-Paul Cluzel, président-directeur général de RFI,
comme responsable du pôle télévisuel extérieur,
témoigne des difficultés que le Gouvernement de M. Alain
Juppé a rencontrées pour mettre en oeuvre les orientations du
Conseil de l'audiovisuel extérieur de la France du 23 novembre 1995.
Au-delà d'un évident conflit de personnes, ce retard
révèle d'abord une hésitation quant au choix de
l'organisme leader au sein de la nouvelle structure et, par conséquent,
de la composition du capital : celui-ci sera-t-il détenu
majoritairement par l'État ou par les sociétés publiques
du secteur audiovisuel ?
Mais ce retard est dû aussi au peu d'empressement manifesté par le
ministère de l'Économie et des Finances en raison du coût
de la réforme. On peut rappeler que les Conseils audiovisuels
extérieurs de la France de 1994 avaient prévu une augmentation
importante des crédits publics affectés à l'audiovisuel
extérieur qui devaient passer en cinq ans (entre 1994 et 1999) de moins
de 1 milliard de francs à 1,5 milliard de francs.
En fait, la situation budgétaire a conduit les pouvoirs publics à
mettre entre parenthèses les aspects financiers de la stratégie
du Conseil audiovisuel extérieur de la France. On est loin des objectifs
fixés par le rapport Balle qui proposait que la France consacre autant
de moyens que ne le font l'Allemagne avec Deutsche Welle et l'Angleterre avec
BBC World, qui, chacune, consacre environ 2,5 milliards de francs
à leur audiovisuel extérieur.
Pour sa part, votre rapporteur, estime, que l'effort de l'État est
déjà considérable dans un contexte de ralentissement de la
dépense publique et qu'il conviendrait plutôt d'engager dans
l'ensemble du secteur une vaste entreprise de restructuration. Elle pourrait
utilement commencer par une réduction drastique de multiples et
encombrantes structures. De ce point de vue, les perspectives
financières associées à la constitution de
Téléfi apparaissent plus réalistes.