B. LA COMPLEXITÉ DU SYSTÈME DES REDEVANCES
Ayant succédé au BANA, le BAAC reste
majoritairement s'il ne l'est plus exclusivement -loin de là- le budget
de la navigation aérienne dont la nature des prestations avait
justifié le recours à la formule du budget annexe.
Les prestations en cause sont en effet financées au moyen de recettes
tirées de la tarification d'un prix aux usagers.
Cette tarification a, de fait, pris la nature de redevances au sujet
desquelles le Conseil d'Etat a, à plusieurs reprises, rappelé que
leur montant devait être proportionnel au service rendu. Sur la base de
ce principe, le Conseil d'Etat avait annulé, le 10 février
1995, l'arrêté du 21 décembre 1992 fixant les
conditions d'établissement et de perception de la redevance pour
services terminaux de la circulation aérienne aux motifs que :
les auteurs de l'arrêté n'avaient pas établi la
liste des aérodromes où les services de circulation
aérienne donnaient lieu à rémunération ;
l'imputation forfaitaire d'une partie des coûts exposés par la
DGAC pour calculer les coûts générés par le
contrôle d'approche n'offrait pas de garantie quant à l'exactitude
des charges résultant de cette activité.
En bref, se posait à l'évidence le problème d'un
calcul des coûts réels de la navigation aérienne
. Pour
contribuer à le résoudre, la Commission des finances du
Sénat, à l'instigation de votre rapporteur, avait souhaité
contraindre la DGAC à mieux formaliser les coûts de ses
différentes missions. La Haute Assemblée ayant souscrit à
ses intentions, l'article 99 de la loi de finances pour 1996 imposa à la
DGAC l'élaboration d'un état récapitulatif
présentant la répartition des coûts et des dépenses
budgétaires en distinguant ceux afférents aux prestations de
services rendus aux usagers par la direction générale et ceux
résultant des missions d'intérêt général
public assumées par elle.
Ce rapport, déposé, avec un retard certes regrettable, mais
minime, devait contribuer à hâter la construction d'une
comptabilité analytique par les services, à améliorer
l'information du Parlement et à constituer un élément fort
du dialogue entre la DGAC et les usagers. Même si, à l'analyse, il
ne satisfait pas pleinement l'ensemble de ces objectifs, il y contribue
beaucoup et il faut s'en satisfaire. D'ores et déjà, on peut
renouveler le souhait déjà exprimé l'an dernier que ce
rapport soit largement diffusé auprès des partenaires de la DGAC
afin qu'il joue pleinement son rôle dans le dialogue nécessaire
que doivent entretenir les acteurs du transport aérien.
Un enseignement fort résulte à l'évidence de ce
rapport, celui de la complexité du système de tarification de la
mission de navigation aérienne.
a) Les problèmes posés par l'identification des coûts de la navigation aérienne
Cette complexité provient d'abord de ce que
l'identification
des coûts de cette mission n'est pas simple. Elle
suppose en premier lieu de disposer d'une comptabilité analytique fiable
permettant d'isoler les coûts effectifs attachés à
cette mission. Les difficultés les plus sensibles rencontrées
dans cet exercice concernent l'identification des dépenses
d'administration générale résultant de l'exercice de la
mission de contrôle aérien dont 57,1 % des charges sont
considérés comme relevant de cette mission sans qu'on soit
toujours sûr que cette évaluation soit étayée sur
des bases entièrement solides. Seul un contrôle minutieux
permettrait d'accréditer ou de contester ce chiffre.
Mais d'autres conditions s'imposent pour que l'identification des
coûts de la navigation aérienne puisse être jugée
convenable. Il faut, en particulier, que le calcul des charges à
incorporer dans ces coûts soit pertinent.
Deux questions sont à évoquer :
- celle des investissements ;
- celle du calcul des intérêts.
S'agissant des investissements
, on ne peut en effet retenir l'ensemble
des charges budgétaires exposées dans l'intérêt du
contrôle aérien pour établir le montant des coûts du
contrôle. En effet, les recommandations de l'Organisation de
l'administration civile internationale -OACI- qui paraissent, sur ce point,
conformes à notre droit public précisent que la valeur d'origine
des immobilisations doit être amortie sur l'estimation de leur
durée de vie utile et que
les coûts d'amortissement ne doivent
commencer à courir qu'une fois l'installation mise en service
. Il
convient donc de vérifier que cette condition est toujours remplie avec
sincérité.
C'est assez peu douteux s'agissant des investissements directement
financés par le BAAC. Ce l'est davantage s'agissant des investissements
effectués par Eurocontrol dans la mesure où la DGAC a pris le
parti d'incorporer aux coûts de la navigation aérienne la
totalité de sa contribution annuelle à Eurocontrol. Il faudrait
alors s'assurer que les appels à contribution de cette organisation
tiennent elles-mêmes compte des recommandations de l'OACI.
S'agissant du calcul des intérêts
, on rappelle que l'OACI
considère que les intérêts doivent être
calculés sur la base de la
valeur nette des immobilisations en
service au cours de l'exercice.
Cette règle est contestable en ce que l'application du taux
d'intérêt ne tient pas compte du niveau d'autofinancement des
immobilisations, étant uniforme quelque soit le mode de financement -sur
emprunt ou sur ressources propres- de l'investissement.
Or, en cas d'autofinancement sur ressources tirées des redevances, le
choix d'appliquer cette règle revient à faire supporter deux fois
le coût financier d'opportunité des investissements aux redevables
des redevances.
Enfin, surgit l'écueil du calcul des coûts
dénommés dans le
rapport "
éléments
supplétifs d'assiette
" et dont l'essentiel consiste dans les
coûts des prestations d'organismes extérieurs à la DGAC aux
premiers rangs desquels, le ministère de l'équipement et celui de
la défense. Leur prise en compte intégrale, alors même que
la DGAC ne supporte pas de dépenses à due proportion au profit de
ces deux ministères, est conforme au principe qui veut que l'ensemble
des coûts d'un service soit pris en compte pour en asseoir le tarif. On
doit cependant observer que, de ce fait, le budget annexe perçoit des
ressources qui excèdent les coûts propres exposés par la
DGAC et qu'ainsi, tout se passe comme si le ministère des transports
bénéficiait, du fait de ce mécanisme, d'une subvention de
la part des ministères de l'équipement et de la défense.
b) Les problèmes posés par l'imputation des coûts de navigation aérienne
Au-delà des problèmes posés par
l'identification des coûts de la mission de navigation aérienne,
se pose celui de l'imputation de ces coûts aux redevables des
redevances.
A ce propos, plusieurs difficultés doivent être relevées.
La première concerne le "
mécanisme correcteur"
.
Les
taux des redevances de navigation aérienne sont établis sur la
base de prévision de la façon suivante. Une fois
déterminées les assiettes des redevances, leur tarif
découle de prévisions portant sur le niveau des unités de
service taxables. Si une erreur survient sur l'un ou l'autre nombre de ce
rapport, il se peut que les produits appelés soient inférieurs ou
supérieurs aux coûts effectivement engagés pour satisfaire
la mission de contrôle aérien. Le déficit ou
l'excédent de produit est alors ajouté ou déduit de
l'assiette des redevances, avec un décalage de 2 ans. Par exemple,
en 1996, un surcroît de produits de 131 millions de francs
constaté en 1994 a dû être déduit des coûts de
la mission de navigation aérienne.
Sans doute conviendrait-il d'améliorer ce mécanisme en
affectant aux sommes qu'il concerne un taux d'intérêt
représentatif du coût d'opportunité que l'immobilisation de
ces montants suppose.
Une deuxième difficulté déjà relevée l'an
dernier concerne le sort des
créances impayées
. En les
intégrant dans la base de calcul des coûts de la navigation
aérienne, l'administration choisit de prélever auprès des
"
bons
payeurs
" des sommes représentatives, par
définition, de coûts qui ne leur sont pas imputables. Autrement
dit, une partie, certes minime, du tarif des redevances apparaît, non pas
comme la contrepartie d'un service rendu aux redevables, mais bien comme la
conséquence d'un mécanisme de solidarité collective entre
les usagers. Cette option, qui n'apparaît pas conforme aux principes de
calcul des redevances rappelées par le juge administratif, pourrait
constituer, pour l'administration, un élément désincitatif
à un recouvrement diligent de créances auprès des mauvais
payeurs.
Elle devrait être abandonnée.
Avec les difficultés posées par les
exemptions et
exonérations
,
on aborde une troisième
difficulté
, de taille puisque les montants concernés ont
atteint 675 millions de francs en 1996, qui voit la DGAC renoncer à
percevoir les redevances auprès de certains usagers pour des prestations
de contrôle aérien rendues par elle à ces usagers.
Les exemptions concernent la RSTCA qui n'est perçue que lorsque le
trafic d'un aéroport dépasse le seuil de 5.000 unités de
service par an en moyenne sur les trois dernières années.
Les exonérations s'appliquent à certains types de vol et, en
particulier, aux vols militaires.
Les exonérations de fait concernent l'outremer où les redevances
effectivement perçus ne couvrent que moins de 20 % des coûts
effectifs de la navigation aérienne.
S'il apparaît justifié de réduire les coûts
associés à ces prestations pour calculer les coûts
facturables par voie de redevances, il ne faut pas en déduire que ces
coûts n'existent plus "ipso facto". En réalité, ils
subsistent et doivent être couverts par d'autres ressources.
Trois conséquences nocives essentielles résultent de la
complexité du système des redevances :
elle pose d'abord un problème de compréhension aux redevables
qui nuit à l'acceptation des redevances ;
elle suppose des arbitrages parfois contestables qui entretiennent le doute et
la suspicion ;
elle s'accompagne de transferts peu transparents entre administrations.
Mais, surtout, elle pose un redoutable problème de financement au
budget annexe.