ARTICLE 4
Statut patrimonial des ouvrages de transport
d'électricité d'EDF
Commentaire : Le présent article a pour objet
de constater le transfert à EDF de la propriété des
ouvrages de transport d'électricité du réseau
d'alimentation générale (RAG) de l'Etat, jusqu'à
présent propriétaire concédant.
Cette opération, accompagnée d'une
restructuration du
bilan
de l'établissement public, vise à mettre fin à
l'incongruité de la structure capitalistique d'EDF qui se
caractérisait jusqu'à présent par une disproportion
frappante entre des capitaux propres inférieurs à
24 milliards de francs et des actifs qui avoisinent 680 milliards de
francs. Aux terme de l'opération, le montant des capitaux propres
devrait plus que tripler pour atteindre près de 80 milliards de
francs. En outre, EDF devrait être en mesure d'acquitter pour la
première fois l'impôt sur les sociétés à
hauteur de 3 milliards de francs.
Elle répond également aux
observations de la Cour des
comptes
, qui, dans un rapport particulier sur les concessions d'EDF datant
d'octobre 1994, mettait en cause le traitement comptable exorbitant du droit
commun des ouvrages concédés par la puissance publique. Ce
traitement dérogatoire qui a pour conséquence la constitution de
substantielles provisions pour renouvellement permettait en outre à EDF
d'échapper à l'impôt sur les sociétés.
Elle permet enfin à l'Etat de
respecter l'engagement inscrit dans le
contrat d'entreprise Etat-EDF
signé le 8 avril 1997 de restructurer
le bilan d'EDF.
En conséquence, il conviendra désormais de distinguer, pour leur
traitement comptable, les installations appartenant au réseau
d'alimentation générale (haute et très haute tension) -
qui seront amorties comme des immobilisations propres d'EDF - et les
ouvrages du réseau de distribution (c'est-à-dire ceux qui
distribuent, en moyenne et basse tension, l'électricité jusqu'aux
consommateurs finaux), qui, en tant qu'ouvrages concédés par les
collectivités locales propriétaires, continueront à faire
l'objet de provisions de renouvellement.
Une telle disposition figurait, à un alinéa près, à
l'article 45 du projet de loi portant diverses dispositions d'ordre
économique et financier (DDOEF) d'avril 1997 dont l'examen par le
Parlement a été interrompu par la dissolution de
l'Assemblée nationale.
I. LA FIN D'UNE CONTRADICTION
Le présent article tend à mettre fin à une ambiguïté qui se traduisait par une contradiction entre le traitement patrimonial implicite et le traitement comptable réel des ouvrages du réseau d'alimentation générale en énergie électrique. En effet, si les ouvrages du RAG étaient implicitement considérés comme appartenant à EDF, ils étaient traités comptablement comme des ouvrages concédés par l'Etat à EDF et faisaient en conséquence l'objet de provisions injustifiées.
A. THÉORIQUEMENT, LA CONCESSION DES OUVRAGES DE TRANSPORT D'ÉLECTRICITÉ À EDF L'AUTORISE À APPLIQUER UN TRAITEMENT COMPTABLE DÉROGATOIRE
Jusqu'au contrat d'entreprise signé entre l'Etat et EDF
le 8 avril 1997
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*
)
, la
distribution d'électricité était placée en France
sous le régime de la concession. C'est ce que la loi du 15 juin 1906 sur
les distributions d'énergie électrique, toujours en vigueur,
spécifiait.
Il convient à cette étape de préciser que les ouvrages de
transport public d'électricité peuvent être
concédés à EDF par deux types de
collectivités : les ouvrages du réseau d'alimentation
générale sont concédés par l'Etat, tandis que les
collectivités territoriales sont les autorités concédantes
des installations du réseau de distribution. L'article 3 de la loi du 15
juin 1906 dispose en effet que :
" La concession d'une distribution publique d'énergie est
donnée,
soit par la commune ou par un syndicat formé entre
plusieurs communes
, si la demande de concession ne vise que le territoire
de la commune ou du syndicat, ou par le département dans
l'étendue de celui-ci,
soit par l'Etat
dans les autres cas .
Toute concession est soumise aux clauses d'un cahier des charges conforme
à l'un des types approuvés par décret
délibéré en Conseil d'Etat,
sauf dérogations
ou modifications qui seraient expressément formulées dans les
conventions passées au sujet de ladite concession. "
La loi n° 46-628 du 8 avril 1946 maintint ce principe et confia la
gestion des entreprises nationalisées d'électricité
à Electricité de France (EDF) " Service national ",
établissement public de caractère industriel et commercial. Le
cahier des charges type de la concession à EDF du réseau
d'alimentation générale en énergie électrique fut
approuvé par le décret n° 56-1225 du 28 novembre 1956.
Un décret du 23 décembre 1994 lui a récemment
substitué un nouveau cahier des charges type.
Ainsi, EDF est devenu concessionnaire de l'Etat lui-même pour la gestion
de la production hydraulique et le transport d'électricité, et
des collectivités locales pour la distribution.
La distinction Réseau d'alimentation générale /
réseau de distribution
En vertu de l'article 2 du décret du 23 décembre 1994 modifiant
le cahier des charges type de la concession à EDF du réseau
d'alimentation générale en énergie électrique,
relèvent du réseau d'alimentation générale :
" les installations de tension supérieure ou égale
à 63 kV, à laquelle peuvent être
intégrées, par exception, celles des installations, de tension
inférieure, dont la fonction de répartition de l'énergie,
ou de desserte de plusieurs concessions, a été reconnue par
l'ingénieur en chef chargé du contrôle après avis
des autorités organisatrices de la distribution
concernées. "
Par exception, sont exclues du RAG et relèvent par conséquent du
réseau de distribution, propriété des collectivités
territoriales :
" les autres installations de tension inférieure à
63 kV ainsi que, sur autorisation de l'ingénieur en chef
chargé du contrôle, les installations de tension supérieure
ou égale à 63 kV et inférieure à 225 kV
ou, sur autorisation du ministre chargé de l'électricité,
les installations de tension supérieure ou égale à
225 kV, qui sont situées sur le territoire des entreprises de
distribution, dont la fonction se limite à la distribution locale, et
qui permettent d'abaisser les coûts de cette distribution, tout en
préservant l'intérêt économique
général. "
Compte tenu des contraintes auxquelles doivent faire face les concessionnaires
et notamment du principe de pérennité des services publics,
le
guide comptable des entreprises concessionnaires
approuvé par le
Conseil national de la comptabilité en 1975,
autorise les
concessionnaires à appliquer des principes comptables
dérogatoires du droit commun
pour assurer le traitement comptable
des immobilisations mises en concession.
Outre l'obligation d'enregistrer sous une rubrique spécifique à
l'actif du bilan du concessionnaire les immobilisations mises en concession par
le concédant ou par le concessionnaire, le plan comptable de 1982
énonce le principe suivant :
" Le maintien au niveau exigé par le service public, du
potentiel productif des installations concédées, doit être
recherché par le jeu des amortissements, ou éventuellement, celui
des provisions adéquates. Dans la mesure où la valeur utile d'une
installation peut être conservée par un entretien convenable,
ladite installation ne fait pas l'objet, au niveau des charges d'exploitation
du concessionnaire, de dotations aux amortissements pour
dépréciation. Les provisions utilisables pour viser au maintien
du potentiel productif sont des provisions pour renouvellement. "
Effectuées pour le compte du concédant, les provisions pour
renouvellement viennent en déduction des résultats de
l'entreprise, et sont dotées au cours de chaque exercice en fonction du
coût prévisionnel - et ajusté chaque année - de
remplacement à l'identique de l'immobilisation devant être
renouvelée pendant la durée de la concession. Elle est
calculée pour un montant égal à la différence entre
le coût estimé de remplacement et le coût d'achat du bien.
Les différentes catégories de biens mis en
concession
Quelle que soit leur origine, c'est la destination finale des biens en fin de
concession qui permet d'identifier leur propriétaire :
Affectés d'une clause de retour obligatoire à la
collectivité concédante, les
biens de retour
sont la
propriété de celle-ci dès la période de la
concession, et non la propriété du concessionnaire, qui en a
seulement la jouissance.
En revanche, les
biens de reprise
, que la collectivité
concédante a la faculté de reprendre en fin de concession, et non
pas l'obligation, restent la propriété du concessionnaire tant
que l'option finale n'a pas été levée.
Enfin, EDF est propriétaire des biens acquis et aménagés
par elle directement. C'est le cas des centrales thermiques, classiques ou
nucléaires.
Le traitement comptable des immobilisations mises en concession
Les immobilisations mises en concession par le concessionnaire relèvent
d'un traitement comptable différent selon qu'il s'agit d'immobilisations
renouvelables pendant la durée de la concession ou d'immobilisations non
renouvelables pendant cette durée, et selon qu'elles sont remises
gratuitement au concédant à la fin de la concession ou qu'elles
lui sont remises, moyennant le versement d'une indemnité.
Les
immobilisations non renouvelables
peuvent faire l'objet d'un
amortissement de caducité permettant à l'entreprise de
récupérer leur coût déductible des résultats,
à l'exclusion des amortissements pour dépréciation qui ne
sont pratiqués que pour présenter l'immobilisation au bilan
à sa valeur actuelle.
Les
immobilisations renouvelables
font l'objet d'un amortissement pour
dépréciation, de provisions pour renouvellement, de provisions
pour grosses réparations et d'amortissement de caducité.
Forte de ces principes, Electricité de France a , selon des
modalités et dans des conditions prévues à son plan
comptable particulier
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*
)
, mis
en pratique les recommandations du régime comptable des entreprises
concessionnaires pour le traitement de l'ensemble des ouvrages du réseau
de transport de l'électricité à partir de 1987.
Ainsi, comme le retrace la Cour des Comptes dans son rapport particulier sur
les concessions d'Electricité de France du 10 octobre 1994 :
" A compter de 1987, le régime comptable des entreprises
concessionnaires, qui n'était jusqu'alors appliqué qu'aux seules
concessions de distribution publique concédées par les
collectivités locales, a été étendu à
l'ensemble des concessions consenties par l'Etat, et les modalités de
calcul des provisions de renouvellement ont été modifiées,
entraînant la constitution de provisions de rattrapage. Dans le
même temps, le principe de l'amortissement de caducité
était abandonné, et les participations des tiers étaient
comptabilisées en compte de bilan alors qu'antérieurement elles
figuraient en compte de résultat. "