II. LA REMISE EN CAUSE PARTIELLE D'UN SYSTÈME ÉQUILIBRE OUVRE UNE VOIE PRÉOCCUPANTE POUR L'AVENIR
A. LA REMISE EN CAUSE PARTIELLE D'UN SYSTÈME ÉQUILIBRE ACCROÎT LA COMPLEXITÉ DE LA FISCALITÉ
1. La remise en cause partielle d'un système équilibré...
A l'issue de ces réformes, le régime des
plus-values à long terme semblaient enfin avoir trouvé son
équilibre : en effet, en restreignant le champ d'application du
régime des plus-values à long terme aux seules plus-values de
cessions d'éléments d'actif et de titres de participation,
à l'exclusion de toutes les plus-values réalisées sur des
cessions de titres de trésorerie et de placement, les lois de finances
pour 1991, pour 1992 et pour 1995 ont mis fin à l'avantage fiscal indu
dont bénéficiaient les placements financiers.
Votre commission des finances, qui avait été à
l'initiative de plusieurs de ces articles, s'était alors réjouie
de la stabilisation autour d'un taux unique d'un
régime
modifié treize fois en dix ans
, et de l'arrivée à
maturité de son champ d'application.
Aujourd'hui, le Gouvernement propose de réduire encore le champ
d'application du régime des plus-values à long terme en le
réservant aux seules plus-values issues de la cession de titres de
participation ou de parts de fonds commun de placement à risque ou de
sociétés de capital-risque
16(
*
)
,
et au résultat net de la
concession d'éléments de la propriété industrielle
(brevets, inventions brevetables).
Le Gouvernement opère à cet égard une distinction entre la
cession de brevets et la concession de brevets. Il considère en effet
qu'il est légitime de taxer au taux normal les plus-values à long
terme issues de la cession de brevets dans la mesure où il convient de
ne pas encourager les entreprises à se déposséder de leur
savoir-faire.
Quant au résultat net provenant de la concession de brevets, il s'agit,
en continuant à le taxer à taux réduit, de ne pas
favoriser la fuite des brevets à l'étranger, sachant que dans ce
cas, l'invention reste dans le patrimoine de la société.
Montant du résultat net de la concession de brevets en 1995 :
Sachant que les concessions de licence représentent 83 % des
produits de la propriété industrielle, qui entrent
eux-mêmes à hauteur de 12,5 % dans le montant des plus-values
à long terme soumis au taux réduit de 19 %, les
résultats de concession de licences représentent 83 % x
12,5 % = 10,37 % du montant des plus-value à long terme,
soit 42 mdsF x 10,37 % =
4,36 milliards de francs
Deux arguments justifient par ailleurs selon le Gouvernement la suppression du
régime des plus-values à long terme pour les cessions d'actifs.
En premier lieu, il conviendrait
" de ne pas avantager les
résultats exceptionnels provenant de la cession d'actifs par rapport
à ceux résultant de l'exercice normal de l'activité de
l'entreprise ".
En second lieu,
" cette suppression
est
d'autant plus légitime que l'inflation est faible ".
En revanche, les plus-values provenant de la cession de titres de participation
étant issues en partie de la capitalisation de bénéfices
déjà imposés provenant de l'activité des filiales,
le maintien d'un taux de taxation réduit semble retrouver une
légitimité
17(
*
)
. Il
convient de remarquer que les titres de participation sont à l'origine
de la moitié des plus-values à long terme en valeur, soit plus de
20 milliards de francs.
Le
risque de délocalisation
motive également le maintien
du taux réduit pour les titres de participation compte tenu de la
souplesse des régimes de taxation de ces titres à
l'étranger (cf. comparaisons européennes ci-après).
Enfin, le maintien du régime de faveur pour les plus-values à
long terme issues de la cession de parts de Fonds commun de placement à
risque ou capital-risque reflète la préoccupation du Gouvernement
d'encourager le capital-risque.
2. ... accroît la complexité de notre système fiscal
En ne supprimant que partiellement le régime des
plus-values à long terme, le Gouvernement entretient une
complexité nuisible à la bonne lisibilité de la
législation fiscale.
En effet, dans la mesure où elles proviennent de cessions
d'éléments d'actifs autres que les titres de participation, les
moins-values à long terme en instance de report à l'ouverture de
l'exercice ayant débuté en 1997 auraient dorénavant deux
terrains d'imputation possibles pendant la période de dix ans suivant
l'exercice de leur constatation :
- d'une part, et prioritairement, les plus-values de l'exercice continuant de
bénéficier de l'imposition au taux réduit (imputation
franc pour franc) ;
- d'autre part, le résultat de l'exercice taxable au taux plein.
Cependant, l'imputation se limiterait à 19/33,33
ème
de
la moins-value, en sorte qu'une moins-value de 100 serait seulement porteuse
d'une économie de 19 sur l'impôt de 33,1/3 grevant la plus-value
de 100 sur laquelle elle viendrait s'imputer. D'autre part, l'imputation serait
plafonnée à la fraction du montant du résultat
représentative des plus-values à long terme nouvellement exclues
du bénéfice de l'imposition au taux réduit et ne pourrait
donc en aucun cas générer un déficit. Le solde non
imputé serait alors reporté sur les plus-values à long
terme puis, le cas échéant, sur le résultat imposable de
l'exercice suivant selon les mêmes modalités.
La mise en uvre de ce dispositif est de nature à soulever une
difficulté particulière liée au fait que seules les
moins-values nettes subies à raison des biens autres que les titres de
participation pourraient être partiellement imputées sur les
résultats relevant du taux de droit commun. Les entreprises devraient
donc déterminer au préalable l'origine de leurs moins-values
reportables afin de ne pas imputer sur du résultat taxable au taux de
droit commun la moindre part de moins-value à 19 %, nonobstant le
ratio à 19/33,33. Cette opération pourraient s'avérer
particulièrement délicate lorsque des imputations partielles ont
été effectuées au cours des exercices
précédents.
Dans son rapport relatif au projet de loi de finances pour 1992, votre
rapporteur général avait déjà relevé la
complexité engendrée par la coexistence de plusieurs taux
différents d'imposition des plus-values à long terme. Une telle
situation est en effet
" à l'origine de phénomènes
complexes de compensation entre plus ou moins-values à long terme
relevant de taux différents, une plus-value nette catégorielle ne
pouvant être apurée que par une moins-value relevant d'un taux
supérieur. "
Mais plus encore, les arguments avancés par le Gouvernement ne
semblent pas décisifs pour justifier la suppression, même
partielle, du régime des plus-values. En outre, cette mesure aurait un
certain nombre d'effets pervers.