II. LES TRAVAUX DE L'ASSEMBLÉE NATIONALE
A. DE LARGES CONVERGENCES DE FOND A VEC LE SÉNAT
Quoique, à l'exception de l'article 4, tous les articles du projet de loi demeurent en navette après la nouvelle lecture par l'Assemblée nationale, les deux assemblées ont adopté des précisions fort proches sur la plupart des dispositions qu'elles concernent la notion de délai raisonnable ou la définition du trouble à l'ordre public -que l'Assemblée nationale a voulu non seulement exceptionnel mais aussi persistant-.
B. LES POINTS DE DIVERGENCE
Ils concernent quatre séries de dispositions.
I. La durée maximale de la détention provisoire
Sur ce point, l'Assemblée nationale a estimé qu'une durée maximale de détention provisoire d'une année, si elle pouvait être acceptée pour les infractions passibles de 5 ans ou moins d'emprisonnement, risquait de se révéler problématique dans les grosses affaires.
Elle a en conséquence proposé de fixer à 2 ans cette durée maximale lorsque la peine encourue serait supérieure à 5 ans et inférieure à 10 ans.
2. Le référé-liberté
Pour l'article 7, l'Assemblée nationale est quasiment revenue à la rédaction initiale du Gouvernement, précisant toutefois que l'avocat de la personne mise en examen serait autorisé, s'il le demandait, à présenter oralement ses observations au président de la chambre d'accusation.
Elle a notamment jugé le transfert du pouvoir de décision au président du tribunal comme contraire au principe selon lequel c'est à la chambre d'accusation qu'il appartient de contrôler les décisions du juge d'instruction.
Sur le plan pratique, M. Philippe Houillon a émis des réserves sur l'efficacité du contrôle par le président du tribunal dans les petites juridictions, celui-ci pouvant selon lui hésiter à sanctionner son juge d'instruction qu'il fréquente quotidiennement.
3. La suppression des dispositions relatives au placement sous surveillance électronique mais l'approbation de son principe
En dépit des précautions contenues dans le texte du Sénat, plusieurs députés ont craint que le placement sous surveillance électronique se substitue davantage au contrôle judiciaire qu'à la détention provisoire.
Il a également été indiqué -ce qui avait d'ailleurs été soulevé au Sénat- que compte, tenu des critères du placement en détention provisoire, le placement sous surveillance électronique n'aurait qu'une portée fort limitée sur celle-ci.
Enfin, l'application de ce procédé à des prévenus a été considérée comme prématurée et même, pour reprendre les termes de M. Houillon, comme « précipitée » .
Plusieurs députés, dont le rapporteur, ont néanmoins fait part de leur accord de principe au placement sous surveillance électronique mais estimé préférable de le réserver par priorité à des personnes condamnées. C'est la raison pour laquelle, si l'Assemblée nationale a supprimé l'ensemble des dispositions relatives au placement sous surveillance électronique insérées par le Sénat, elle a adopté un article additionnel précisant dans le rapport annexé à la loi de programme relative à la justice que le placement sous surveillance électronique devait pouvoir être substitué à la détention (article 8 nonies).
4. Le refus d'exclure l'éventuel état de récidive pour le placement en détention provisoire
L'Assemblée nationale n'a pas souhaité écarter l'éventuel état de récidive pour le calcul du quantum de peine autorisant le placement en détention provisoire. Elle a estimé que, même pour une infraction bénigne, cet état démontrait que l'intéressé n'était pas parvenu à se conformer à la loi pénale après une première condamnation. Elle a en conséquence supprimé l'article premier A que le Sénat avait inséré.
C. LES AJOUTS DE L'ASSEMBLÉE NATIONALE
L'Assemblée nationale a adopté plusieurs articles additionnels qui, en dépit de leur utilité, n'apportent pas de modification substantielle au droit actuel. Ces dispositions seront donc présentées dans le cadre de l'examen des articles du présent rapport.
Pour l'heure, votre rapporteur souligne l'adoption de l'article 8 octies A imposant au président de la chambre d'accusation de transmettre au moins une fois par an ses observations écrites sur le fonctionnement des cabinets d'instruction au premier président et au procureur général de la cour d'appel ainsi qu'au président et au procureur de la République du tribunal.
Mais c'est l'article 1er AB qui constitue la principale innovation. Il autorise la communication aux parties de reproductions de pièces et actes d'un dossier d'instruction.
En l'état actuel du droit, les parties, si elles peuvent consulter sur place le dossier, n'ont pas possibilité d'en obtenir de reproduction.
Le texte adopté par l'Assemblée nationale précise que les copies ainsi obtenues ne peuvent être communiquées à des tiers, à l'exception des copies de rapports d'expertises si ces communications sont nécessaires aux besoins de la défense. La méconnaissance de cette interdiction est passible de 25.000 Francs d'amende.
Un pouvoir d'opposition est cependant conféré au juge d'instruction. Il doit s'exercer dans les cinq jours et prendre la forme d'une ordonnance spécialement motivée « au regard des risques de pression sur les victimes, les personnes mises en examen, leurs avocats, les témoins, les enquêteurs, les experts ou toute autre personne concourant à la procédure » .
La décision de refus du juge d'instruction peut être déférée dans les deux jours au président de la chambre d'accusation qui statue par décision motivée non susceptible de recours.
On observera que le principe est inversé s'agissant des parties civiles dont la recevabilité fait l'objet d'une contestation : celles-ci ne pourraient obtenir de copies qu'avec l'accord du juge d'instruction ou du président de la chambre d'accusation.
Cet article additionnel résulte d'un amendement de la commission des Lois de l'Assemblée nationale qui reprenait une proposition de loi déposée par M. le président Michel Dreyfus-Schmidt et rejetée par le Sénat en 1995. Cette proposition avait été reprise sous la forme d'un amendement au présent projet de loi lors de la discussion de celui-ci en première lecture mais avait également été rejetée par notre assemblée.
Toutefois, le texte adopté par l'Assemblée nationale est, compte tenu de l'adoption de plusieurs sous-amendements du Gouvernement, fort différent du texte présenté par M. Michel Dreyfus-Schmidt, lequel était ainsi rédigé :
« I. - Le dernier alinéa de l'article 114 du code de procédure pénale est remplacé par les dispositions suivantes :
« Après la première comparution ou la première audition, les avocats des parties peuvent se faire délivrer, à leurs frais, copie de tout ou partie des pièces et actes du dossier.
« Les avocats peuvent transmettre à leur client la copie ainsi obtenue. Celui-ci atteste au préalable par écrit avoir pris connaissance des dispositions des deux alinéas suivants qui sont reproduits sur chaque copie.
« Cette copie ne peut être communiquée à des tiers que pour les besoins de la défense.
« Le fait de la publier par tous les moyens, en tout ou en partie, est puni de 25 000 francs d'amende.
« A titre exceptionnel, le juge d'instruction peut s'opposer, après avis du bâtonnier et par ordonnance motivée, à la transmission par l'avocat à son client de certaines copies de pièces ou actes du dossier. »
« II. - Après le premier alinéa de l'article 180 du code de procédure pénale, est ajouté un alinéa ainsi rédigé :
« Lorsque l'ordonnance de renvoi est devenue définitive, le prévenu et la partie civile peuvent se faire délivrer copie du dossier et ce, sauf lorsque la peine encourue est supérieure à cinq ans d'emprisonnement, à leurs frais. »
« III. - Au troisième alinéa de l'article 186 du code de procédure pénale, après les mots : « de l'ordonnance », sont insérés les mots : « prévue au dernier alinéa de l'article 114 ainsi que de l'ordonnance ».
« IV. - L'article 194 du code de procédure pénale est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« En matière d'appel de l'ordonnance prévue au dernier alinéa de l'article 114, la chambre d'accusation doit se prononcer dans les plus brefs délais et au plus tard dans les quinze jours de l'appel, faute de quoi l'avocat est en droit de transmettre à son client les copies de pièces ou actes du dossier en cause » .
« V. - L'article 279 du code de procédure pénale est ainsi rédigé :
« II est délivré gratuitement à chacun des accusés et parties civiles copie du dossier » .
« VI. - L'article du code de procédure pénale est abrogé. »