CHAPITRE IV : LES SOCIÉTÉS DU SECTEUR PUBLIC DE L'AUDIOVISUEL

I. FRANCE TÉLÉVISION

Quelles furent les leçons de la crise du printemps 1996 qui a secoué France Télévision et France 2 ? Quelles sont les orientations prises par l'actuelle présidence commune ? Quelle est la situation budgétaire de France 2 et de France 3 ?

A. LA CRISE DU PRINTEMPS 1996 : UNE CRISE ÉVITABLE ?

Les contrats signés entre France Télévision et certains animateurs-producteurs ont suscité une crise sans précédent qui s'est terminée par le départ du président de France Télévision, M. Jean-Pierre Elkabbach.

Rappelons à titre préliminaire que cette crise est intervenue dans un contexte marqué par les prémices de la campagne pour le renouvellement du mandat du président de France Télévision (prévu début décembre 1996), par l'accord conclu entre le secteur public et plusieurs entreprises privées pour constituer un bouquet numérique concurrent de celui de Canal Satellite et par une certaine érosion de l'audience de TF1 au profit de celle du secteur public, et notamment de France 3. En outre, un audit de l'audiovisuel public , annoncé par le Premier ministre le 28 août 1995, et piloté par l'Inspection générale des finances, a débuté ses travaux en février 1996 pour s'achever en juillet 1996. À cette dernière procédure s'ajoutent des investigations de la Cour des comptes , qui ne s'était pas occupée de télévision depuis 1991, et qui acheva son enquête à l'automne 1996.

Cette crise est tout d'abord due aux montants en cause : 600 millions de francs pour six contrats conclus avec les producteurs-animateurs, avant 1994 (Mireille Dumas, Jacques Martin, Nagui), en mai 1994 avec Jean-Luc Delarue et Michel Drucker, puis, en avril 1995, avec Arthur. Seuls trois de ces contrats avaient été signés par M. Jean-Pierre Elkabbach. L'amalgame a souvent été fait entre le coût total des émissions et le revenu net des animateurs considérés.

Enfin, la crise trouve son origine dans les conditions peu transparentes de la passation de ces contrats et les dysfonctionnements des procédures de contrôle.

1. Une conséquence de la logique du financement du secteur public et dont l'État bénéficie.

a) La logique du financement du secteur public de l'audiovisuel

Les conditions offertes à certains animateurs-producteurs, et la dérive commerciale qui en procède, résultent de la structure du financement de France Télévision. En effet, celle-ci fait une trop large part aux ressources publicitaires : 46 % pour France 2 en 1996 et 52 % en 1997 ( ( * )36) .

Toute diminution des ressources commerciales devrait donc se traduire, sous peine de creuser le déficit de France Télévision, par un recours accru aux ressources budgétaires ou à une augmentation à due concurrence de la redevance (majoration de son taux, ou élargissement de son assiette).

Dès lors que le secteur public de l'audiovisuel se trouve en situation concurrentielle, on ne saurait lui interdire l'accès à des ressources qui traduisent cette concurrence. En effet, les recettes publicitaires ne sont que le reflet de l'audience dont le secteur public ne saurait - sauf exception - s'affranchir : une chaîne publique sans audience ou avec peu d'audience ne remplit évidemment pas sa mission. On ne voit pas pour quelles raisons l'ensemble des contribuables paierait pour la satisfaction d'un petit nombre.

Avoir une large audience est d'ailleurs une vocation reconnue à France Télévision , et particulièrement à France 2, par le préambule de son cahier des

charges : elle a vocation à « atteindre un large public auquel elle offre une gamme diversifiée et équilibrée de programmes. Sa position dans la concurrence lui assigne l'ambition de jouer dans les domaines (...) du divertissement (...) un rôle d'entraînement et d'innovation pour l'ensemble du secteur public audiovisuel ». En outre, l'étude du CSA de juillet 1993 sur le coût de la programmation à la télévision avait relevé que, comme les chaînes privées, les chaînes publiques « doivent fonder en partie leur politique de programmation sur la relation coût/audience, en particulier aux heures de grande écoute. Les chaînes publiques répondent ainsi à une triple contrainte. Celle, tout d'abord, de la concurrence. En s'approvisionnant sur le marché de la production indépendante, elles n'ont en effet d'autre recours que de s'adapter aux règles commerciales existantes. Celle ensuite de leur vocation de chaîne grand public. Aussi orientent-elles une partie de leur programmation vers les produits porteurs d'audience et par suite onéreux. Celle enfin de la rationalité économique. Celle-ci leur a permis de retrouver une situation économique équilibrée et un niveau d'audience satisfaisant ».

b) L'État bénéficie de ce financement dual

Le recours à la publicité permet donc de soulager les finances publiques. Sans financement par la publicité, sur le modèle de la BBC, l'État serait obligé d'apporter aux chaînes publiques 3 milliards de francs supplémentaires . La redevance audiovisuelle, fixée à 700 francs en 1996, atteindrait 900 francs (mais resterait néanmoins inférieure à l'Allemagne).

En outre, la progression des recettes publicitaires de France Télévision a permis à l'État de prélever, en novembre 1995, 280 millions de francs sur le budget des deux chaînes, au titre des économies budgétaires.

La bonne tenue du marché publicitaire a même permis d'assainir la situation financière des chaînes du secteur public. Rappelons, en effet, qu'en décembre 1993, un rapport de l'Inspection générale des finances jugeait préoccupante la situation des comptes de France Télévision. C'est pourquoi, à cette date, l'État avait dû demander au Parlement d'approuver 450 millions de francs d'ajustement et de mesures nouvelles puis, en avril 1994, 640 millions de francs supplémentaires, soit plus d'un milliard de francs en quatre mois !

* (33) Proposition de loi n° 477 du 27 juin 1996

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