D. POUR UN MEILLEUR USAGE DE LA DÉPENSE FISCALE
1. La dépense fiscale peut s'avérer plus efficace que la dépense budgétaire
a) Un instrument souple
La dépense fiscale est par nature plus souple, car elle n'exige pas de décision expresse préalable de l'administration -sauf régime exceptionnel d'agrément-. On peut dès lors considérer que son remplacement par une subvention budgétaire tarirait, dans beaucoup de cas, ses effets, une subvention supposant la constitution d'un dossier et un délai d'attente. La modernisation de l'administration dans le cadre de la réforme de l'Etat devrait encourager ce type de simplification des décisions.
b) Un facteur d'équité
En agissant sur l'impôt, la dépense fiscale, bien utilisée, devrait pouvoir être plus équitable que la dépense budgétaire, par utilisation du taux de réduction d'impôt, des règles de plafonnement...
c) Des mesures pour le long terme
Enfin la dépense fiscale permet -à condition de ne pas trop varier- de programmer une décision économique sur plusieurs années : ainsi le crédit d'impôt-recherche "récompense" une augmentation des dépenses de recherche d'une année sur la précédente ; de même le régime d'intégration fiscale des groupes de sociétés est pris en compte dans les décisions de l'entreprise pour ses résultats sur plusieurs exercices.
2. Une rationalisation est indispensable
a) L'incorporation au barème de l'impôt ?
La réforme de l'impôt sur le revenu met en lumière la nécessité d'une réflexion sur la dépense fiscale "redistributrice", et son incorporation, le cas échéant, au barème contenu dans la réforme de l'impôt sur le revenu. Le projet de suppression de la décote fait suite, ainsi, à l'analyse exposée dans le rapport Ducamin :
"La décote a pour justification de compenser pour les célibataires de condition modeste, l'incidence favorable du quotient familial pour les familles.
"Le groupe de travail, pour sa part, croit équitable de souligner que cette compensation comporte trois conséquences également inacceptables :
"- elle contribue à rendre le barème de l'impôt sur le revenu illisible pour plusieurs millions de contribuables ;
"- elle affecte d'une manière insidieuse et difficilement mesurable l'incidence d'un des principes fondamentaux de notre impôt sur le revenu à savoir la familiarisation ;
"- elle réserve le plein bénéfice du quotient familial aux familles dont les cotisations excèdent 4.320 francs en raison du niveau relativement élevé de leurs revenus.
"En conséquence, le groupe recommande la suppression de la décote et suggère qu'une priorité soit donnée, dans le cadre de l'allégement du barème, à la mise en oeuvre des dispositions qui permettraient d'obtenir que cette suppression ne comporte aucune surcharge pour les personnes de condition modeste.
"La réalisation de ces aménagements entraînerait une perte de recettes de l'ordre de 22 milliards de francs et apporterait donc aux familles une réduction de charges qui représenterait environ quatre fois l'incidence que pourrait comporter l'imposition des allocations actuellement exonérées."
b) Une évaluation indispensable
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La nécessité de
l'évaluation
L'absence d'évaluation explique très largement l'accumulation de dépenses fiscales successives sur un même sujet.
En même temps, elle prive de son sens une partie du débat budgétaire, les parlementaires se voyant opposer à leurs propositions d'aménagements fiscaux l'argument d'un coût excessif, sans que les éléments objectifs du chiffrage soient toujours connus, et sans que l'efficacité de la mesure proposée ne puisse se référer à aucun précédent vérifié.
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Les possibilités
d'évaluation
L'évaluation de la dépense fiscale a été effectuée jusqu'à présent à travers son coût : le rapport du Conseil des impôts de 1990 a ainsi étudié de manière très détaillée le montant moyen des allégements d'impôt sur le revenu, par bénéficiaire et par tranche d'impôt. A travers cette analyse, le conseil des impôts concluait à une efficacité incertaine de la dépense fiscale : "D'une efficacité douteuse sur le plan social, la dépense fiscale l'est également pour la réalisation d'objectifs économiques : elle suscite des transferts d'épargne d'un type de produit à un autre, elle crée des rentes de situation pour le gestionnaire de certains placements, mais son effet incitatif global n'est pas démontré. Dirigée sur un nombre limité d'interventions précises, au lieu d'être éparpillée en avantages fiscaux, la dépense publique serait plus utile".
A nouveau le rapport Ducamin s'est récemment prononcé sur l'opportunité de certaines dépenses fiscales à travers un coût moyen : ainsi la réduction d'impôt pour souscription au capital des SOFICA qui a bénéficié à 2.500 contribuables en 1993, pour un montant moyen de 45.000 francs, a été jugée "disproportionnée" au regard d'un coût total de 100 millions de francs.
En sens inverse, la réduction d'impôt au titre des intérêts d'emprunts contractés pour l'habitation principale, qui ne représenterait qu'une économie moyenne de 3 à 4.000 francs par an par bénéficiaire était jugée trop faible pour être efficace.
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Aller plus loin
Le rapport précité sur "l'évaluation des politiques fiscales du logement" a souligné la nécessité d'aller plus loin dans l'évaluation, en étudiant les coûts et les effets de la politique fiscale.
En ayant recours à des travaux d'experts extérieurs, en l'occurrence l'Observatoire foncier et immobilier du Crédit foncier de France, le groupe de travail sur la fiscalité du logement constitué par la commission des finances du Sénat a mis en lumière l'impératif d'approfondir l'évaluation des coûts de la dépense fiscale, en étudiant des scénarios alternatifs.
Le groupe de travail a également souligné les lacunes actuelles des dispositifs d'étude des comportements et la nécessité absolue de combler ces lacunes. "La connaissance des effets comportementaux de la fiscalité est donc un élément capital, qui devrait en principe précéder toute décision. Or, les connaissances dans ce domaine se révèlent extrêmement pauvres".
Le groupe de travail se référait alors à un modèle américain permettant d'apprécier l'impact sur le comportement des agents économiques des différentes mesures fiscales et de leurs incidences budgétaires, et concluait au développement possible d'un outil de simulation comparable en France, "la principale interrogation portant sur la disponibilité des données statistiques nécessaires à l'alimentation du modèle ".
En tout état de cause, dans le cadre de la suppression programmée d'allégements d'impôts sur le revenu, une étude approfondie, "monographique", de chaque dépense fiscale s'avère nécessaire. L'article 34 de la loi du 24 avril 1996 portant diverses dispositions d'ordre économique et financier prévoit d'ailleurs la remise au Parlement, à l'automne 1996, d'un rapport sur les conditions d'application des réductions d'impôt sur le revenu, qui devrait éclairer le débat sur la réforme de cet impôt.
Outre le coût total, le coût moyen de la dépense fiscale, et le revenu moyen des contribuables en bénéficiant, des indicateurs devraient être fournis sur l'efficacité présumée de la mesure : résultats sur l'objectif affiché, évolution de la dépense fiscale depuis son origine, impact éventuel des modifications intervenues, comparaison des résultats avec ceux de mesures budgétaires... Sans être scientifique, une évaluation de ce type permettrait au législateur de disposer d'éléments de décision indispensables.