2. Les effets de l'abus de dépenses fiscales

Au-delà de ces inconvénients "incontournables", les principaux défauts de la dépense fiscale viennent aujourd'hui du recours abusif qui en a incontestablement été fait.

a) L'apparition d'effets pervers

L'abus de dépenses fiscales porte en germe deux risques majeurs :

- l'apparition de distorsions de concurrence, telles que l'avantage procuré par la réduction d'impôt "assurance-vie" par rapport aux autres produits d'épargne, ou les différences de rendement entre les investissements dans le logement neuf ou ancien, créées au détriment de celui-ci par les aides fiscales telles que le "Quilès-Méhaignerie" :

- l'apparition d'un "cercle vicieux" qui veut que l'abus de dépenses fiscales prive l'impôt de son rendement : ainsi l'impôt sur le revenu paraît actuellement suffisamment criblé d'allégements fiscaux pour que son produit s'érode, et ce malgré des taux élevés, car ceux-ci ont précisément privilégié ces allégements.

b) Des risques de contradictions

L'accumulation de dépenses fiscales porte en elle des risques de contradictions, l'emploi du revenu des contribuables étant sollicité dans plusieurs directions à la fois : grosses réparations, dons aux oeuvres, emplois à domicile...

Mais, ces contradictions peuvent apparaître aussi entre deux dépenses fiscales qui n'interviennent pas au même stade d'imposition et dont les effets se contrarient. Un des meilleurs exemples a été fourni dans ce domaine par le Conseil des Impôts en 1990 par la comparaison de l'imposition d'une personne âgée isolée ayant des enfants majeurs par rapport à un célibataire jeune, en fonction du revenu déclaré : le cumul de la déduction de 10 % pour salaires et pensions, de l'abattement spécifique aux personnes âgées, de la demi-part supplémentaire plafonnée aux veufs ayant eu des enfants, les anomalies de la minoration -aujourd'hui supprimée- provoquaient une égalité de traitement jusqu'à 50.490 francs de revenu, puis un avantage au veuf, augmentant irrégulièrement, puis diminuant, s'annulant et se transformant en désavantage...

Comme le soulignait le Conseil des impôts, "On ne distingue finalement plus très bien l'intention du législateur. A force de distribuer des avantages, et de corriger ce qu'ils peuvent avoir d'excessif, la loi fiscale, parfois, s'égare".

Cette contradiction, qui affecte les allégements à vocation redistributive, peut s'exercer également entre des dépenses fiscales ayant le même objectif sectoriel. Ainsi les aides fiscales au logement adoptées depuis 1993 ont pu avoir des effets directement antagonistes :

Le logement et la politique fiscale entre 1993 et 1996

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Le plan de relance de mars 1993 comportait neuf mesures législatives favorables aux propriétaires-occupants et propriétaires-bailleurs. Pourtant, alors même qu'était réaffirmée la nécessité de réduire les droits de mutation à titre onéreux, le processus, engagé en 1992, de réduction échelonnée du plafond des droits départementaux était retardé d'un an, à un moment où les transactions s'effondraient.


• Le collectif de l'été 1995 comportait pas moins de six mesures faisant partie d'un nouveau plan de relance du logement, dont une réduction transitoire de 35 % des parts régionale et départementale des droits de mutation à titre onéreux. Mais ce collectif était accompagné d'un relèvement de deux points du taux normal de la TVA, dont l'effet sur le logement neuf ne pouvait pas être considéré comme négligeable.


• La loi de finances pour 1996 a sensiblement réduit le montant plafond de la cotisation d'impôt sur le revenu permettant de bénéficier du plafonnement de la taxe d'habitation.


• Dans la période récente (premier collectif pour 1995, loi de finances pour 1996), l'impôt de solidarité sur la fortune, dont l'assiette est largement constituée de logements, a été relevé de 10 % dans un premier temps, puis a perdu le bénéfice du double plafonnement par rapport au revenu".

Source : "Pour une évaluation politique fiscale du logement". Rapport du groupe de travail de la commission des finances du Sénat sur la fiscalité immobilière - 20 juin 1996.

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