B. L'ENDETTEMENT DE L'ETAT EXERCE PROBABLEMENT UN EFFET DÉPRESSIF INDIRECT SUR L'ACTIVITÉ.
1. Les justifications théoriques d'une politique d'endettement ne manquent sans doute pas.
Dans l'approche keynésienne, le déficit permet de distribuer des revenus dont l'effet multiplicateur autorise une hausse de la production et des revenus distribués qui, à leur tour, accélèrent le rythme de croissance
Ces mécanismes viennent réduire le niveau du déficit constaté "ex post".
En théorie, ils possèdent un pouvoir d'entraînement d'autant plus important que le financement du déficit provient de la création monétaire.
Toute réduction du déficit exerce des effets inverses.
Les modèles macro-économiques keynésiens confirment ces analyses.
Les effets d'une politique budgétaire restrictive selon les résultats de simulations réalisées à l'aide de modèles macro-économiques (1) 1. Les effets d'une réduction des dépenses publiques A titre d'illustration, les tableaux suivants présentent les résultats (2) de variantes de réduction de 1 % du PIB (environ 80 milliards de francs courants) des dépenses publiques. Ces résultats doivent être interprétés avec la plus grande prudence : ils ne sont en aucun cas une « prévision » des effets d'une politique budgétaire restrictive, mais seulement une estimation de son impact « mécanique » sur l'activité. (1)Les développements de l'encadré sont issus d'une note de synthèse de la division des études macro-économiques du service des études du Sénat. (2)Ces résultats ne sont pas strictement comparables. En effet, les périodes de départ de la simulation sont distinctes : les variantes du COE et du Crédit Lyonnais ont été réalisées à partir d'un compte de référence en « prévision » pour la période 1997-1999, tandis que les variantes de l'OFCE, de l'INSEE, de la Direction de la Prévision et de la Banque de France ont été établies par rapport aux évolutions réelles constatées sur des périodes passées (1988-1990 pour l'OFCE, 1986-1988 pour les autres institutions). Toutefois, pour les variantes retenues, le choix de la période de référence n'affecte pas l'ordre de grandeur des résultats. Tableau 1 EFFETS D'UNE BAISSE DURABLE DES DÉPENSES PUBLIQUES D'INVESTISSEMENT DE 1 % DU PIB (0,8 % POUR LES DÉPENSES DE PRODUITS MANUFACTURÉS ET 0,2 % POUR LE BTP) (EN % D'ÉCART PAR RAPPORT AU NIVEAU QUI AURAIT ÉTÉ ATTEINT SANS CETTE BAISSE)
Tableau 2
EFFETS D'UNE BAISSE DURABLE DES DÉPENSES
PUBLIQUES DE 1 % DU PIB, SELON LE TYPE DE
(EN % D'ÉCART PAR RAPPORT AU NIVEAU QUI AURAIT ÉTÉ ATTEINT SANS CETTE BAISSE)
Tableau 3
EFFETS D'UNE BAISSE DURABLE DES DÉPENSES
PUBLIQUES DE 1 % DU PIB « EX ANTE »,
Tableau 4 C.O.E. (1) (modèle O.E.F.)
EFFETS D'UNE BAISSE DURABLE DES DÉPENSES
PUBLIQUES DE 1 % DU PIB « EX-ANTE »,
(1) Centre d'Observations Economiques de la Chambre de
Commerce et d'industrie de Paris.
Dans l'ensemble, les modèles macroéconomiques suggèrent ainsi qu'une baisse initiale des dépenses publiques de 1 % du PIB a en France pour impact mécanique de court terme (2-3 ans) un ralentissement de la croissance de l'ordre de 1 point de PIB (0,8 % à 1,3 % selon les hypothèses et les modèles), - ce que les économistes traduisent en écrivant que le « multiplicateur keynésien de moyen terme » est voisin de 1 -, la non-création ou la destruction de 100.000 à 200.000 emplois et, in fine, une amélioration du solde public effectif de l'ordre d'un demi-point de PIB seulement. Il est à noter que les variantes proposées peuvent naturellement être lues à l'envers, et permettre, par symétrie, d'estimer l'impact mécanique d'un accroissement des dépenses publiques. Par ailleurs, les effets récessifs de la baisse des dépenses publiques sont d'autant plus importants que cette baisse s'effectue au détriment des dépenses d'investissement, en particulier, au détriment des dépenses en infrastructures et en bâtiments (l'impact sur la demande est alors maximum car le contenu en importations de ces dépenses est très faible). Toutefois, l'utilisation de modèles multinationaux suggère que l'impact des politiques budgétaires restrictives serait moindre en France que chez ses principaux partenaires : |
Tableau 5
EFFETS À TROIS ANS D'UNE BAISSE DES
INVESTISSEMENTS PUBLICS DE 1 POINT DE PIB,
(À TAUX DE CHANGE ET TAUX
D'INTÉRÊT NOMINAUX CONSTANTS),
SELON LE MODÈLE MIMOSA
(OFCE - CEPII)
(EN % D'ECART PAR RAPPORT A UN SCENARIO SANS CETTE
HAUSSE)
En effet, les effets multiplicatifs des dépenses publiques sont d'autant plus importants :
- que le degré d'ouverture de l'économie est faible ;
- que l'investissement est sensible à l'évolution des débouchés ;
- enfin, que l'emploi (donc les revenus salariaux) s'ajuste rapidement à la production.
L'impact récessif d'une baisse de l'investissement public sera donc plus élevé aux Etats-Unis, ceux-ci cumulant faible degré d'ouverture et ajustement très rapide de l'emploi.
2. Les effets d'un accroissement des prélèvements publics
Les effets macroéconomiques d'un relèvement des prélèvements fiscaux ou sociaux diffèrent sensiblement selon les prélèvements considérés.
? Par exemple, l'augmentation des cotisations sociales à la charge des employeurs ou la hausse de la fiscalité des entreprises (impôts sur les sociétés, taxe professionnelle), accroissent les coûts des entreprises. Celles-ci peuvent alors théoriquement ou bien maintenir leurs prix inchangés en réduisant leurs marges et leurs profits, ou bien répercuter intégralement la hausse de leurs coûts sur leurs prix de vente. En pratique, les entreprises ont un comportement de marge intermédiaire entre ces deux extrêmes ; cependant, elles ne peuvent augmenter leurs prix de vente qu'après un certain délai.
Il s'ensuit que l'augmentation des prélèvements sur les entreprises a deux effets principaux : à très court terme une dégradation de leur situation financière, susceptible de ralentir leur effort d'investissement ; d'autre part, après un délai d'ajustement, une hausse du niveau des prix. Ce surcroît d'inflation réduit la compétitivité-prix des entreprises : il en résulte une contraction des exportations et éventuellement une augmentation des importations. En outre, l'accélération de l'inflation pèse doublement sur la consommation des ménages : par un effet dit « d'encaisses réelles » (lorsque l'inflation augmente, les ménages cherchent à préserver la valeur réelle de leur capital en augmentant leur épargne) et par un effet-revenu (parce que l'évolution des salaires ne suit la hausse de l'inflation qu'avec un certain délai, ce qui réduit temporairement le pouvoir d'achat). ? Si les entreprises ne les répercutent que partiellement ou progressivement, les augmentations de la fiscalité indirecte (TVA, TIPP, droits sur le tabac et l'alcool) ont des effets semblables à ceux d'un accroissement des prélèvements sur les entreprises. ? En revanche, une hausse de la fiscalité indirecte immédiatement répercutée sur les prix à la consommation ou une augmentation de l'impôt sur le revenu ont un impact direct sur la demande des ménages et affectent ainsi a priori l'activité selon les mêmes mécanismes qu'une baisse des dépenses publiques. A titre d'illustration, le tableau ci-dessous présente les résultats de « variantes » d'augmentation ex-ante de 1 % du PIB des prélèvements sociaux ou fiscaux. Ces résultats peuvent évidemment être lus à l'envers pour estimer l'impact mécanique d'une baisse des prélèvements obligatoires. Tableau 6
EFFETS SELON LE MODÈLE O.E.F. DU C.O.E. D'UNE
HAUSSE DES PRÉLÈVEMENTS
(1) Impôts sur les sociétés et taxe professionnelle notamment. Il est à noter que les modèles macroéconomiques suggèrent que l'impact récessif d'une hausse des prélèvements obligatoires est moindre que celui d'une baisse des dépenses publiques. En effet, l'accroissement de l'impôt s'effectue pour partie au détriment de l'épargne des ménages : il pèse moins sur la consommation totale des agents qu'une baisse de la consommation publique de 1 % du PIB. |