B. PRINCIPES ET DISPOSITIONS RETENUS PAR LA DIRECTIVE DU 22 SEPTEMBRE 1994
L'objet de la directive est, comme l'indique son titre, d'informer et de consulter sur la base d'un échange de vues et l'établissement d'un dialogue les travailleurs par l'intermédiaire de leurs représentants. Il s'agit d'un droit nouveau, venant compléter le droit à l'information et à la consultation déjà reconnu par les législations nationales. Mais pour y parvenir, le texte laisse une grande liberté aux partenaires sociaux qui peuvent choisir entre une procédure d'information et de consultation ou un comité d'entreprise européen ; il leur appartient en outre de déterminer les conditions de mise en place et de fonctionnement de ces procédures ou instances. Ils peuvent aussi refuser délibérément de s'engager dans cette voie. Toutefois, un dispositif minimal est imposé par la directive (un comité d'entreprise européen) en cas de refus du chef d'entreprise de s'engager dans la voie conventionnelle ou si aucune décision n'a été prise dans le cadre des négociations dans un délai de trois ans. Par ailleurs, la directive laisse à chaque pays le soin de déterminer les conditions et les modalités de la transposition qui peut être légale, conventionnelle ou mixte, en renvoyant le plus souvent aux règles et aux usages nationaux.
- Champ d'application - Sont visées par la directive :
• les entreprises de dimension communautaire occupant
au moins 1.000 travailleurs dans les États membres et au moins 150
salariés par État dans au moins deux États
membres ;
• les groupes d'entreprises de dimension
communautaire composés d'une entreprise qui exerce le contrôle et
d'entreprises contrôlées. Pour entrer dans le champ de la
directive ces groupes doivent employer au moins 1.000 salariés dans les
États membres avec au moins deux entreprises d'au moins 150
salariés dans au moins deux États membres.
À cette occasion, et pour la seule application de la directive (le projet français en fait le cas général), les notions d'entreprise qui « exerce le contrôle » et « d'entreprise contrôlée » sont définies. L'entreprise « qui exerce le contrôle » est celle qui exerce une influence dominante sur une autre entreprise du fait, par exemple, de la propriété, de la participation financière ou des règles qui la régissent. Cette influence est présumée établie par la détention de la majorité du capital, la détention de la majorité des voix attachées aux parts émises par l'entreprise, ou encore le pouvoir de nomination de plus de la moitié des membres du conseil d'administration, de direction ou de surveillance, ce dernier étant, en cas de conflit de lois, le critère dominant.
La directive s'applique aux entreprises des pays signataires membres de l'Union européenne et de l'Espace économique européen, mais également aux entreprises répondant aux critères définis situés sur le territoire de ces pays et dont le siège principal est hors du champ d'application de la directive. C'est ainsi que des entreprises filiales de sociétés britanniques, américaines, japonaises etc. peuvent être concernées.
- Initiative de l'institution d'un comité d'entreprise européen ou d'une procédure d'information et de consultation - La directive confie la responsabilité de lancer la procédure à la direction centrale de l'entreprise dominante ou à son représentant dans un pays signataire lorsque celle-ci n'est pas située dans le périmètre des États signataires. La direction centrale doit mettre en oeuvre les conditions et les moyens nécessaires. Elle ouvre les négociations spontanément ou à la demande écrite d'au moins cent salariés ou de leurs représentants relevant d'au moins deux entreprises ou établissements situés dans au moins deux États membres différents. Il s'agit donc d'une procédure obligatoire doublement sanctionnée : par l'instauration d'un dispositif légal obligatoire en cas de refus de la direction d'ouvrir des négociations ou de leur non-aboutissement dans un délai de trois ans, et par des procédures administratives et judiciaires que chaque État doit prévoir afin d'obtenir l'exécution des obligations prévues par la directive.
Les représentants des travailleurs visés par la directive sont ceux définis comme tels par la législation de chaque État.
- Le groupe spécial de négociation (GSN) - La négociation avec la direction centrale sur la constitution d'un comité d'entreprise européen ou l'instauration d'une procédure d'information et de consultation est confiée à un groupe spécial de négociation composé de trois membres au minimum et de dix-sept au plus. Chaque État membre détermine le mode d'élection ou de désignation des représentants devant être élus ou désignés sur son territoire. La directive fixe les conditions minimales de représentativité des États (un par État concerné) et des salariés (membres supplémentaires en fonction du nombre de salariés, désignés ou élus selon les règles fixées par l'État). Les représentants peuvent être des représentants déjà élus ou désignés dans d'autres instances relevant de la législation nationale, ou, à défaut, des représentants spécifiquement élus ou désignés.
Le GSN peut décider de se faire assister d'experts de son choix. Les dépenses liées aux négociations sont supportées par la direction centrale, mais les États peuvent fixer des règles budgétaires et notamment limiter la prise en charge financière à un seul expert.
Le GSN peut aussi décider, par au moins deux tiers des voix, de ne pas ouvrir de négociation ou d'annuler les négociations en cours. Cette décision n'entraîne pas l'obligation de mettre en place le comité d'entreprise européen prévu par la loi en l'absence d'accord : la décision conventionnelle est respectée. Il ne peut cependant y avoir de nouvelle demande de réunion d'un GSN avant un délai de deux ans, sauf si la décision prévoit un délai plus court.
- Contenu de l'accord - La directive privilégiant la voie contractuelle, les parties disposent d'une grande liberté. Toutefois, une ligne directrice est fixée : tout d'abord, le comité d'entreprise européen est présenté comme l'instance privilégiée, la procédure d'information et de consultation étant présentée comme subsidiaire. L'accord doit en outre déterminer les entreprises concernées, la composition du comité, le nombre de ses membres, la répartition des sièges et la durée du mandat, le lieu, la fréquence et la durée des réunions, les ressources financières et matérielles à allouer au CEE, enfin la durée de l'accord et la procédure pour sa renégociation. En cas de choix d'une procédure d'information et de consultation, l'accord précise les conditions de réunion des représentants des travailleurs pour procéder à un échange de vues sur les informations qui leur sont communiquées. Il est ici précisé que ces informations « portent notamment sur les questions transnationales qui affectent considérablement les intérêts des travailleurs ».
Il peut paraître paradoxal de fixer précisément l'objet de la procédure alors que rien n'est dit d'explicite sur les attributions du comité d'entreprise. Cela vient du fait qu'il est difficile de définir une procédure d'information autrement qu'en précisant sur quoi elle porte, alors qu'une instance peut être plus facilement cernée par sa seule structure. Il est cependant évident que l'objet des débats au sein du CEE portera sur les mêmes sujets, d'ailleurs explicités dans l'annexe à la directive.
- Prescriptions subsidiaires - Si, dans un délai de trois ans, aucune décision n'a été prise par le GSN, la directive prévoit la création d'un comité d'entreprise européen dont elle fixe en annexe la composition de trois à trente membres, le rythme des réunions (une au moins par an) et les conditions d'institution d'un comité restreint ; elle détermine également l'objet des réunions et le contenu des informations à lui communiquer ; un rapport doit être préparé par la direction centrale, portant sur l'évolution des activités de l'entreprise, du groupe et de ses perspectives.
La réunion annuelle porte notamment sur la structure de l'entreprise ou du groupe, sa situation économique et financière, l'évolution probable de ses activités, la production et les ventes, la situation et l'évolution probable de l'emploi, les investissements, les changements substantiels concernant l'organisation, l'introduction de nouvelles méthodes de travail ou de nouveaux procédés de production, les transferts de production, les fusions, la réduction de la taille ou la fermeture d'entreprises, d'établissements ou de parties importantes de ceux-ci et les licenciements collectifs.
Lorsque des circonstances exceptionnelles interviennent qui affectent considérablement les intérêts des travailleurs, notamment en cas de délocalisation, de fermeture d'entreprises ou d'établissements, ou de licenciements collectifs, le comité restreint ou, si celui-ci n'existe pas, le comité d'entreprise européen, « a le droit » d'en être informé. Il « a le droit » de se réunir, à sa demande, avec la direction centrale ou tout autre niveau de direction plus approprié au sein de l'entreprise de dimension communautaire ou du groupe d'entreprises de dimension communautaire ayant la compétence de prendre des décisions propres, afin d'être informé et consulté sur les mesures affectant considérablement les intérêts des travailleurs.
Toutefois, cette réunion ne doit pas porter atteinte aux prérogatives de la direction centrale. Il s'agit donc d'une procédure a posteriori ne débouchant pas sur un avis formel.
Le comité peut être assisté d'experts et les dépenses de fonctionnement, de réunion, d'interprétation, de séjour et de déplacement, sous réserve des règles budgétaires fixées le cas échéant par les États, sont supportées par l'entreprise.
Ces prescriptions s'appliquent également lorsque le chef d'entreprise refuse la négociation ou l'institution, soit d'une procédure d'information, soit d'un comité d'entreprise européen.
- Fonctionnement des institutions - Au titre des mesures diverses, la directive fixe quelques règles de fonctionnement. Certaines portent sur la confidentialité des informations communiquées aux représentants des travailleurs et aux experts dans le cadre des instances et des procédures prévues par la directive ; dans certains cas, si la divulgation d'informations risque d'entraver gravement le fonctionnement de l'entreprise, la direction est autorisée, sur la base de critères objectifs, à ne pas communiquer certaines informations. La législation nationale peut cependant subordonner cette dispense à une autorisation administrative ou judiciaire.
D'autres règles visent à assurer une protection des représentants des travailleurs, ainsi que des salariés qui auraient pris l'initiative de formuler une demande de constitution d'un GSN. Les garanties doivent être les mêmes que celles prévues par les législations ou les pratiques nationales pour les représentants des travailleurs. Il est précisé que cela concerne en particulier le paiement des salaires lors des réunions.