B. UNE PROPOSITION PEU CONFORME A L'ESPRIT ET A LA LETTRE DE L'ACCORD INTERINSTITUTIONNEL
La proposition de la Commission implique, à l'évidence, un certain manquement aux règles de loyauté passées à l'occasion de l'accord interinstitutionnel.
Tout d'abord, comme le rappelle fort justement le rapport accompagnant la proposition de résolution ici examinée, elle se traduirait par une rupture dans l'équilibre des relations financières entre les États-membres et le budget communautaire.
Il s'agit, en effet, pour la Commission d'accroître l'effectivité des dépenses communautaires, non certes en considération d'un quelconque objectif d'efficacité, mais bien du point de vue du taux de consommation des crédits.
Ainsi, la règle selon laquelle l'effort demandé aux États membres doit s'adapter à la réalité des dépenses communautaires appréciée en fonction de la réalisation des programmes spécifiés dans le cadre des perspectives financières se trouverait contournée. Le changement des "règles du jeu" imposeront en effet à notre pays un effort financier supplémentaire de l'ordre de 2,1 milliards de francs.
A ce premier manquement aux principes de l'accord interinstitutionnel viennent malheureusement s'en ajouter d'autres.
Il y a d'abord lieu d'indiquer la méconnaissance du principe, certes un peu flou, selon lequel en général, la révision des perspectives financières ne doit concerner que les budgets des exercices qui la suivent. La révision proposée par la commission implique en effet un mouvement de crédits dès l'exercice 1996 au titre des actions extérieures de l'Union européenne.
Mais, surtout, il convient d'insister sur le fait que la mécanique de la révision proposée affranchit celle-ci des principes posés par l'accord interinstitutionnel comme devant guider l'exercice.
Les transferts de crédits entre programmes d'une même rubrique qui, selon le texte de l'accord, doivent être recherché par priorité occupent une place très marginale dans la révision proposée par la Commission.
Les compensations financières entre les différentes rubriques ne sont qu'apparentes, comme le montre le tableau qui reconstruit la logique financière de la révision.
Pour l'essentiel, celle-ci provient d'une reclassification des programmes communautaires entre rubriques, le financement des crédits supplémentaires provenant d'une surcharge des programmes imputés à la politique agricole commune.
Les dangers économiques, financiers et institutionnels de ce mécanisme ont été parfaitement décrits par le rapport accompagnant la proposition de résolution examinée.
Il y a cependant lieu de souligner que le texte de l'accord interinstitutionnel relatif à la révision des perspectives financières ne mentionne à aucun moment le cas de figure que fait naître la proposition de la Commission. En particulier, il n'est jamais fait état de la possibilité de modifier le classement des différents programmes entre les rubriques.
Dans ces conditions, il est pertinent de s'interroger sur un éventuel outrepassement des compétences par la Commission.
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Ainsi, votre commission, tout en proposant des modifications de détail souscrit-elle aux préoccupations exprimées par la proposition de résolution de M. Denis Badré tendant en particulier à demander au Gouvernement de s'opposer fermement à la proposition de révision des perspectives financières présentée par la Commission.
Elle en appelle, par ailleurs, à une gestion des finances publiques dans l'Union européenne tenant davantage compte des réalités économiques et financières des États-membres et plus cohérente avec les principes de la dépense communautaire.
En conséquence, elle demande également au Gouvernement de promouvoir ces principes en étant vigilant devant les évolutions financières proposées par les instances communautaires et en recherchant les moyens permettant de garantir une gestion des finances publiques communautaires plus réaliste.
En résumé, la proposition de révision des perspectives financières qui est examinée paraît condamnable pour plusieurs raisons très fortes :
Les marges qui seraient redéployées par la proposition de révision seront sans doute nécessaires pour faire face aux conséquences financières de l'épizootie d'encéphalite bovine spongiforme. Si donc des provisions doivent être prévues sur une rubrique du budget communautaire, c'est bien d'abord dans ce domaine. Il n'est alors pas opportun de toucher à ces crédits.
Si tout ou partie de ces marges ne sont pas provisionnées pour faire face à ces éventuels besoins, dans le contexte général de rigueur actuel et pour être cohérent avec les efforts que mènent les État membres pour réduire leurs déficits, les crédits ainsi libérés doivent se transformer en économies nettes.
Un examen programme par programme fait apparaître le caractère non pertinent, voire inutile, de chacun des abondements proposés par la proposition de révision.
Au plan des principes, la confusion budgétaire qui résulterait de tels errements desservirait gravement la construction européenne. Au contraire, nous devons réaffirmer la nécessité d'une distinction claire entre dépenses obligatoires et dépenses non obligatoires et demander pour le présent comme pour l'avenir que l'on s'y tienne rigoureusement.
Plus généralement, le moment est venu de s'interroger sur le bien-fondé d'une procédure de programmation qui débouche tout naturellement sur l'idée qu'un accroissement incessant du budget communautaire est non seulement inévitable mais souhaitable.
Compte tenu des observations qui précèdent, et dans le souci de préserver la construction européenne, votre commission vous demande d'adopter la proposition de résolution dont le texte est reproduit ci-après.