2. La généralisation du dispositif de surveillance de la qualité de l'air
a) État des lieux du dispositif existant
Le rapport de M. Philippe Richert, rendu à la fin de 1994, a constitué une contribution décisive pour l'appréhension dans sa globalité de la question de la surveillance de la qualité de l'air.
? Au niveau national
Le ministère de l'environnement est en premier lieu chargé de la mise en oeuvre de la politique nationale de prévention de la pollution de l'air et de surveillance de la qualité de l'air. Il assure une part importante du financement des associations de surveillance de la qualité de l'air à travers le comité de gestion de la taxe parafiscale sur la pollution atmosphérique. Il exerce la tutelle de l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (ADEME).
- L'ADEME, pour répondre à sa mission de prévention et de lutte contre la pollution de l'air, définie par le décret n° 91-732 du 26 juillet 1991 relatif à l'Agence de l'Environnement et de la Maîtrise de l'Énergie, et du fait des anciennes activités de l'ex-Agence de la Qualité de l'air (AQA), participe au dispositif national de surveillance de la qualité de l'air pour les aspects financiers, techniques et scientifiques. Sur le plan financier, l'ADEME assure la gestion technique du produit de la Taxe Parafiscale sur la Pollution Atmosphérique. L'ADEME participe également aux travaux de normalisation à l'échelle française (AFNOR) européenne et au niveau international (ISO).
- Afin d'apporter une assistance aux réseaux de mesure, notamment dans le domaine de la métrologie, le ministère de l'Environnement et l'ADEME ont mis en place, en 1991, le Laboratoire Central de Surveillance de la Qualité de l'Air (LCSQA). Cette structure, qui regroupe les compétences du Laboratoire National d'Essais (LNE), de l'École des Mines de Douai et de l'Institut National de l'Environnement et des Risques (INERIS), a donc pour objectif premier l'amélioration de la qualité des mesures, notamment en France des actions suivantes : définition et maintien d'une chaîne de référence par polluant, évaluation des préleveurs et analyseurs de gaz et de poussières et de différents systèmes d'étalonnage des analyseurs et veille technologique (tests de nouvelles techniques de mesure). Son rôle est également d'améliorer la qualité du dispositif de surveillance dans son ensemble, notamment en étudiant l'implantation actuelle des sites de mesure afin de pouvoir définir des critères d'implantation correspondant à chaque mode de suivi de la pollution (pollution de proximité, exposition moyenne, pollution de fond,...).
? Au niveau local, la délégation de missions de services publics à des associations privées.
- Dans les années 1970, selon le souhait du ministère de l'environnement et pilotées par les Directions régionales d l'industrie, de la Recherche et de l'Environnement, se sont mises en place des associations regroupant l'ensemble des partenaires locaux impliqués dans la gestion de la qualité de l'air : des collectivités locales, des industriels, des administrations, des associations de protection de l'environnement et des personnalités qualifiées.
Aujourd'hui, le dispositif français de surveillance comporte trente associations de surveillance de la qualité de l'air agréées par le ministre chargé de l'environnement dans le cadre du décret n° 74-415 du 13 mai 1974, modifié le 25 octobre 1991, relatif au contrôle des émissions polluantes dans l'atmosphère. Ce décret précise certains critères que doivent remplir ces organismes gérant les stations de mesure, et notamment leur indépendance ainsi que l'utilisation de techniques de mesure appropriées. De plus, ces associations sont agréées dans le cadre du décret n° 90-389 du 11 mai 1990 instituant une taxe parafiscale sur la pollution atmosphérique. Cet agrément leur permet de bénéficier des financements issus de la dite taxe. L'arrêté du 29 avril 1993 fixe la liste des 29 associations agréées.
Ces associations de surveillance de la qualité de l'air sont des structures de type association loi de 1901 dont les missions premières sont : la gestion technique de dispositifs de mesure et de traitement de données de pollution de l'air et la diffusion des informations recueillies.
Lorsque cela est nécessaire, en cas de risque de pointe de pollution au-delà des valeurs mentionnées par le décret n° 74-415 du 13 mai 1974 modifié, ces associations de surveillance sont les supports techniques des dispositifs de réduction temporaire des émissions en cas de pointe de pollution atmosphérique mis en place dans différentes agglomérations sous l'autorité du préfet, dans le cadre de ce décret.
Selon le rapport « Richert », près de 50 % des associations ont entre 15 et 20 ans d'existence. Les plus anciennes ont été créées pour mieux connaître et prévenir la pollution industrielle (Fos/Berre en 1972, Rouen/ Le Havre en 1973/74 par exemple). Par la suite les autres bassins industriels et grandes agglomérations, se sont dotés de telles structures, principalement autour de 1980. Une seconde vague de créations a eu lieu depuis 8 ans (1986) ; elles représentent 30 % de l'ensemble du dispositif français.
En 1994, ces associations surveillaient 28 agglomérations de plus de 100.000 habitants, dont 6 de plus de 500.000 habitants. Toutefois, si le principe de constitution est commun à toutes, leur contexte d'existence, leur taille et leur rayonnement sont souvent bien différents. De plus, plusieurs agglomérations et régions françaises importantes restent à équiper.
- Le financement de ces réseaux de surveillance repose sur des mécanismes originaux.
La structure multipartite des associations de surveillance se retrouve dans leur financement, qui est assuré par trois partenaires essentiels : les collectivités locales, les industriels locaux et l'État. La participation de l'État au soutien de la surveillance est réalisée soit sous la forme de financements divers, à travers les contrats de Plan État-Région, soit, principalement, par la taxe parafiscale sur la pollution atmosphérique. La taxe parafiscale est un produit financier établi pour une durée de 5 ans et basée aux 2/3 sur les émissions de SO 2 . Elle a été créée en 1985 et reconduite une première fois en 1990 avec certaines modifications. Elle est reconduite et élargie une deuxième fois jusqu'au 31 décembre 1999, par le décret n° 95-515 du 3 mai 1995 instituant une taxe parafiscale sur la pollution atmosphérique.
Sur la période 1991-1995, les industriels auront versé 843 millions de francs au titre de la TPPA, sur un total dû de 863 millions de francs.
La taxe a permis de financer : la surveillance de la qualité de l'air à hauteur de 303 millions de francs soit en moyenne 60,6 millions de francs par an, le développement des techniques antipollution à hauteur de 122 millions de francs, l'équipement des industriels et la recherche.
Les cotisations versées par les industriels aux associations de surveillance sont déductibles du montant de la taxe parafiscale qu'ils versent pour les rejets atmosphériques de leurs installations.
Les principales innovations apportées au dispositif pour les années 1996-1999 sont les suivantes : relèvement à 180 francs/t de la taxation des composés soufrés et azotés et de l'acide chlorhydrique, taxation effective des composés organiques volatils au même taux, fixation à 60 % du produit brut de la taxe de la part consacrée aux aides à l'équipement antipollution des industriels assujettis.
b) La généralisation des réseaux de surveillance de la qualité et la concrétisation du droit à l'information pour chaque citoyen
? L'extension des réseaux de surveillance (art. 3)
Le projet de loi affirme le principe de la responsabilité de l'État en matière de surveillance de la qualité de l'air. L'État pourra toutefois déléguer cette responsabilité à des organismes agréés, créés dans chaque région, et chargés également de l'information du public. Les associations existantes de gestion des réseaux de surveillance de la qualité de l'air s'inscrivent dans ce cadre, qui ne fait que formaliser leurs relations avec l'État. Le projet de loi affirme le caractère quadripartite des organismes agréés, en rendant nécessaire la présence d'associations agréées de protection de l'environnement.
Sur la base du rapport de notre collègue, M. Philippe Richert, le projet de loi prévoit l'extension progressive de la surveillance de la qualité de l'air à l'ensemble du territoire, pour le 1 er janvier 2000, selon des dispositions précisées par décret (adaptation de la couverture à la zone surveillée, notamment). Une telle extension de la surveillance de la qualité de l'air sera créatrice d'emplois et permettra d'affiner la connaissance scientifique des phénomènes. Aujourd'hui, en France quatre agglomérations de plus de 250.000 habitants sur 17, et 22 de plus de 100.000 habitants sur 41, ne disposent pas encore de dispositif de surveillance. Elles devront être couvertes en priorité, avant le 1 er janvier 1997 pour celles de plus de 250.000 habitants, et avant le 1 er janvier 1998 pour celles de plus de 100.000 habitants. Si, à l'expiration de ces délais, aucun organisme de surveillance n'a été agréé, l'État, à travers les préfets, devra organiser la surveillance de la qualité de l'air. Ces dispositions sont plus contraignantes que celles de la directive-cadre communautaire, dont le contenu a été présenté plus haut. La liste des substances surveillées sera fixée par décret. Treize substances seront, dans un premier temps, visées, comme le prévoit la directive-cadre européenne.
? L'engagement financier de l'État
Le principe général qui a prévalu jusqu'à présent, veut que les organismes de surveillance soient financés de manière équilibrée, par l'État (taxe parafiscale sur la pollution atmosphérique), par les collectivités locales, et par les grandes industries, qui peuvent déduire cette participation de leur part de taxe.
Des moyens financiers seront nécessaires pour couvrir le fonctionnement, le développement de la surveillance là où elle n'existe pas, ainsi que le renouvellement régulier du matériel.
Sans remettre en cause la nécessité d'un financement multipartite, la contribution de l'État à la surveillance de la qualité de l'air sera renforcée de manière significative. Selon les informations fournies à votre rapporteur, un montant de 200 millions de francs devrait être dégagé en 1996 par un redéploiement budgétaire puis, les années suivantes, par un redéploiement de la taxe intérieure sur les produits pétroliers sur la base de 0,4 centime par litre, en application du principe du pollueur-payeur. Ces dispositions fiscales, qui concernent essentiellement les sources mobiles de pollution, s'ajoutent aux recettes provenant de la taxe parafiscale sur la pollution atmosphérique, à laquelle sont soumises les industries polluantes et les grandes installations de combustion, soit de l'ordre de 270 millions de francs par an, dont 80 millions de francs environ sont consacrés à la surveillance de la qualité de l'air.
? Le projet de loi pose le principe du droit à l'information sur la qualité de l'air, reconnu à toute personne sur l'ensemble du territoire (Art. 4).
La responsabilité de l'information du public est une mission qui incombe donc à l'État, mais celui-ci peut la déléguer aux organismes agréés chargés de la surveillance de la qualité de l'air. En cas de forts épisodes de pollution, l'État sera bien entendu tenu de diffuser les informations nécessaires au public. Actuellement, aucune obligation de cette sorte n'est à sa charge. En complément de cette information régulière, l'État publiera chaque année un inventaire national des émissions de substances dans l'atmosphère et des consommations d'énergie, ainsi qu'un rapport de synthèse de l'état de la qualité de l'air. Ces documents seront rendus publics et transmis au Parlement.