EXAMEN DES ARTICLES
CHAPITRE PREMIER- DISPOSITIONS TENDANT À RENFORCER LA REPRESSION DU TERRORISME
SECTION I - Dispositions modifiant le code pénal
Article premier - Création de nouvelles infractions terroristes
Cet article a pour objet de modifier l'article 421-1 du code pénal afin de compléter la liste des infractions qualifiées d'actes de terrorisme.
L'Assemblée nationale a adopté la liste issue des travaux du Sénat, laquelle était d'ailleurs fort proche de celle élaborée par nos collègues députés en première lecture.
Ainsi, sur cet article, le seul point de divergence concerne le problème essentiel de l'intentionnalité de l'acte de terrorisme.
Sur le fond, il ne fait aucun doute que l'Assemblée nationale comme le Sénat estiment que nul ne saurait être considéré comme terroriste s'il n'a eu l'intention de semer la terreur.
Mais, s'il y a bien communauté d'objectif entre les deux assemblées, un désaccord persiste sur les moyens d'y parvenir :
- pour l'Assemblée nationale, l'article 121-3 du code pénal, aux termes duquel « il n'y a point de crime ou de délit sans intention de le commettre » , est, de par sa généralité, suffisant pour conférer à l'acte de terrorisme, dans toutes ses composantes, un caractère intentionnel. Dans cette perspective, exiger expressément un tel caractère serait non seulement inutile mais, pour reprendre les termes de M. Alain Marsaud, malencontreux « du point de vue de la lisibilité du code pénal en général : on pourrait a contrario s `interroger sur le caractère intentionnel des infractions incriminées par des textes qui ne feraient pas expressément de la volonté coupable de leur auteur un élément constitutif du crime ou du délit » ;
- en revanche, le Sénat avait considéré en première lecture que la spécificité de l'acte de terrorisme, « fusée à deux étages », soulevait une difficulté : l'article 121-3 précité concerne-t-il tous les éléments constitutifs de l'acte de terrorisme (infraction de droit commun et volonté de semer la terreur) ou seulement sa première composante (l'infraction de droit commun) ? Dans le doute, il avait jugé préférable d'exiger expressément l'intentionnalité pour le dol aggravé, c'est-à-dire pour la relation avec une entreprise ayant pour but de semer la terreur.
Votre commission regrette que l'Assemblée nationale ait, de manière quelque peu elliptique, estimé qu'il n'y avait « aucune ambiguïté » sur le caractère intentionnel de l'acte de terrorisme, sans même relever le caractère spécifique d'une telle infraction, sans même évoquer ce qui fut pourtant au coeur de nos débats en première lecture : la distinction entre le dol général et le dol aggravé.
Dans ces conditions, les incertitudes que votre commission avait alors soulevées persistent. Aussi, vous propose-t-elle, comme vous l'aviez décidé en première lecture sur l'avis favorable du Gouvernement, de préciser qu'une infraction (qui, par hypothèse, est intentionnelle) ne peut constituer un acte de terrorisme que si son auteur a eu également l'intention de troubler gravement l'ordre public par l'intimidation ou la terreur.
Ce faisant, il ne s'agit en aucune manière de rechercher un quelconque effet d'annonce. Le problème du caractère intentionnel d'une infraction s'est encore posé à votre commission tout récemment avec la création d'un délit général de blanchiment. Elle s'était alors refusée à rappeler expressément l'intention frauduleuse estimant en effet que, s'agissant d'une infraction ordinaire, constituée indépendamment d'un dol aggravé, le principe général de l'article 121-3 du code pénal s'appliquait avec certitude à toutes ses composantes.
Tel n'est en revanche pas le cas en espèce en raison de l'existence d'un dol aggravé. Dans ces conditions, le silence du législateur pourrait -même si l'on doit reconnaître que la chose n'est pas certaine-, conduire à considérer comme terroristes des personnes qui, quoiqu'ayant commis volontairement une infraction, n'ont poursuivi aucune finalité terroriste.
L'amendement que vous soumet votre commission lèverait toute ambiguïté sans pour autant contenir en germe le risque -qui a conduit nos collègues députés à l'écarter- d'une interprétation a contrario qui créerait une incertitude quant au caractère intentionnel des infractions pour lesquelles une telle précision n'est pas exigée. En effet, cette précision sur l'intention coupable ne concernerait que le dol aggravé, élément constitutif qui :
- soit, n'est pas exigé pour les autres infractions ;
- soit, lorsqu'il est exigé, a de manière certaine un caractère intentionnel ; c'est le cas par exemple des pressions sur la justice (article 434-16 du code pénal), qui doivent être faites « en vue » d'influencer le cours de la justice ; c'est le cas également de la subornation de témoin (article 434-16), qui doit être faite « afin de déterminer autrui » à un témoignage mensonger ; c'est le cas de la profanation de sépulture à caractère raciste (article 225-18) qui doit être commise « à raison » de la race ou de la religion des personnes décédées.
Votre commission vous propose d'adopter le présent article premier ainsi modifié.
Article premier bis - Terrorisme écologique
Cet article, inséré par le Sénat, avait pour objet de modifier l'article 421-2 du code pénal, relatif au terrorisme écologique, afin de préciser expressément le caractère intentionnel de cette infraction.
L'Assemblée nationale l'a supprimé, par coordination avec sa décision sur l'article premier, estimant une telle précision inutile.
Votre commission vous propose de rétablir cet article par coordination avec l'amendement qu'elle vous soumet à l'article précédent.
SECTION II- Dispositions modifiant le code de procédure pénale
Article 6 bis - Application de la loi française en cas d'acte de terrorisme commis à l'étranger
Cet article a pour objet de compléter l'article 706-16 du code de procédure pénale afin de préciser que les règles de poursuite, d'instruction et de jugement propres au terrorisme sont applicables aux actes de terrorisme commis à l'étranger dès lors que la loi française leur est applicable.
Modifié par le Sénat afin de réparer une omission, il a de nouveau été amendé par l'Assemblée nationale en deuxième lecture pour tenir compte de l'insertion au sein du code pénal d'un article 113-12 par la loi du 26 février 1996 relative au transport. Cette dernière disposition prévoit l'application de la loi française aux infractions commises au-delà de la mer territoriale.
Votre commission vous propose d'adopter le présent article 6 bis sans modification.
Article 7- Visites, perquisitions et saisies de nuit en matière de terrorisme
Cet article a pour objet de modifier l'article 706-24 du code de procédure pénale afin d'autoriser les visites domiciliaires, perquisitions et saisies de nuit en matière de terrorisme.
En première lecture, tant l'Assemblée nationale que le Sénat avaient souhaité entourer cette faculté d'un maximum de précautions : autorisation écrite d'un magistrat du siège, indiquant l'adresse des lieux concernés et motivée par référence aux éléments de fait justifiant la nécessité de ces opérations.
En deuxième lecture, l'Assemblée nationale, « afin de bien enserrer les perquisitions ou saisies dans des limites strictes » , a ajouté au contenu de l'autorisation « la qualification de l'infraction dont la preuve est recherchée » .
Votre commission ne peut qu'approuver ce souci de nos collègues députés.
Aussi, vous propose-t-elle d'adopter cet article sans modification.
Article 7 bis- Visites, perquisitions et saisies en matière de trafic de stupéfiants
Cet article a pour objet de modifier l'article 706-28 du code de procédure pénale afin de prévoir, s'agissant des perquisitions de nuit en matière de trafic de stupéfiants, les mêmes garanties que celles prévues par l'article 7 en matière de terrorisme (autorisation écrite et motivée d'un magistrat du siège).
L'Assemblée nationale l'a modifié par coordination avec sa décision sur l'article 7 tendant à exiger que l'autorisation de perquisitionner la nuit précise la qualification de l'infraction dont la preuve est recherchée.
Comme précédemment, votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification.
SECTIONS 3 - Dispositions modifiant le code civil
Article 7 quarter - Déchéance de la nationalité française
Cet article, inséré en deuxième lecture par l'Assemblée nationale à l'initiative de Mme Suzanne Sauvaigo, a pour objet de modifier l'article 25 du code civil, relatif aux hypothèses dans lesquelles une personne ayant acquis la nationalité française peut en être déchue.
En sa rédaction actuelle, cinq cas sont envisagés par cet article 25 :
- quatre de ces hypothèses concernent des cas de condamnation : pour crime ou délit constituant une atteinte aux intérêts fondamentaux de la Nation ; pour atteinte à l'administration publique commise par une personne exerçant une fonction publique (abus d'autorité, corruption, prise illégale d'intérêts...) ; pour soustraction aux obligations résultant du Code du service national ; pour crime ayant entraîné une condamnation à au moins cinq ans d'emprisonnement ;
- la cinquième hypothèse consiste en le fait de se livrer au profit d'un État étranger à des actes incompatibles avec la qualité de Français et préjudiciables aux intérêts de la France.
Le présent article 7 quater ajoute à ces différents cas celui d'une condamnation pour un crime ou un délit constituant un acte de terrorisme.
Il convient de préciser que la déchéance de la nationalité française n'a rien d'automatique. Il s'agit d'une simple faculté, au demeurant soumise à un avis conforme du Conseil d'État.
Par ailleurs, selon l'article 25-1 du code civil, la déchéance n'est encourue que si les faits reprochés à l'intéressé se sont produits dans le délai de dix ans à compter de la date de l'acquisition de la nationalité française.
Enfin, la commission d'un acte de terrorisme est une hypothèse comparable, de par sa gravité, aux cas pouvant d'ores et déjà entraîner la déchéance de la nationalité.
Telles sont les raisons pour lesquelles votre commission vous propose d'adopter le présent article sans modification.