TITRE II - DISPOSITIONS RELATIVES AUX INTERVENTIONS DES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES EN FAVEUR DES
ENTREPRISES
Article 9
Garantie d'emprunt par les collectivités territoriales
Commentaire : cet article a pour objet de valider l'interprétation réglementaire faite des dispositions législatives relatives au plafonnement des garanties octroyées à des tiers par les collectivités locales. Le montant total des annuités d'emprunt déjà garanties ou cautionnées à échoir au cours de l'exercice pris en compte pour le calcul de ce plafonnement engloberait ainsi tant les emprunts contractés par toute personne de droit privé que ceux contractés par des personnes de droit public.
La loi de décentralisation n° 82-213 du 2 mars 1982 a permis aux communes et à leurs groupements, aux départements et aux régions d'accorder leur garantie à des emprunts contractés par des personnes de droit privé.
La seule limite assignée à cette faculté offerte aux collectivités locales résidait alors dans un plafonnement des engagements, en termes d'annuités garanties qui, initialement, ne pouvait excéder un pourcentage des recettes réelles de la section de fonctionnement (40 % pour les régions, 50 % pour les départements et 70 % pour les communes).
Comme l'octroi d'une garantie n'entraîne pas de charge immédiate pour leurs finances, les collectivités locales, soumises aux pressions exercées par les entreprises, ont accordé, assez facilement, cette forme d'aide qui peut pourtant se révéler très lourde de conséquences en cas de défaillance de l'emprunteur.
La loi n° 88-13 du 5 janvier 1988, dite d'amélioration de la décentralisation, a tenté de mieux encadrer la faculté offerte aux collectivités locales et à leurs groupements, d'une part en créant deux règles prudentielles supplémentaires (la règle de division du risque et la règle du partage du risque avec les organismes prêteurs), d'autre part en renforçant la portée du principe de plafonnement des engagements.
Ainsi, lorsqu'une collectivité locale souhaite accorder sa garantie à un emprunt contracté par une personne privée, elle doit veiller à ce que le montant total des annuités d'emprunts déjà garantis, d'une part, majoré du montant net des annuités de la dette de la collectivité locale et de la première annuité de l'emprunt nouveau dont la garantie est envisagée et, minoré, d'autre part, du montant des provisions spécifiques constituées par la collectivité pour couvrir les garanties accordées, n'excède pas un pourcentage des recettes réelles de la section du fonctionnement du budget de la collectivité locale.
Le décret n° 88-366 du 18 avril 1988 a fixé à 50 %, pour les trois catégories de collectivités locales et leurs groupements, le pourcentage limite des recettes réelles de fonctionnement.
Ce ratio de 50 % doit lui-même être analysé sous deux angles :
- son champ d'application,
- son mode de calcul,
Son champ d'application : le ratio ne s'applique pas aux garanties nouvelles accordées aux personnes publiques et aux opérations de construction de logements sociaux (15 ( * )) . Il ne concerne que les emprunts contractés par des personnes de droit privé.
Son mode de calcul : l'article 2 du décret précité du 18 avril 1988 précise que pour le calcul de ce pourcentage "le montant des annuités des emprunts garantis ou cautionnés est égal au montant des annuités des garanties ou cautions déjà accordées à des emprunts contractés par des personnes de droit privé et de droit public".
1° Pour les opérations de construction, d'acquisition ou d'amélioration de logements réalisées par les organismes d'habitations à loyer modéré ou les sociétés d'économie mixte ;
2° Pour les opérations de construction, d'acquisition ou d'amélioration de logements bénéficiant d'une subvention de l'État ou réalisées avec le bénéfice de prêts aidés par l'État ou adossés en tout ou partie à des ressources défiscalisées ;
3° En application du plan départemental prévu à l'article 2 de la loi n° 90-449 du 31 mai 1990 visant à la mise en oeuvre du droit au logement.
Le décret est donc sensiblement plus précis que la loi qui se limite, comme on l'a vu plus haut à mentionner le "montant total des annuités d'emprunt déjà garanties ou cautionnées à échoir au cours de l'exercice".
Toutefois, le Conseil d'État, dans un arrêt récent (commune de Montbrison-20 octobre 1995) a invalidé l'interprétation faite de la loi par l'exécutif en notant que "le législateur a entendu, ainsi qu'il ressort des débats parlementaires, d'une part, ne pas soumettre au plafonnement prévu les garanties accordées aux emprunts contractés par des personnes de droit public, d'autre part, exclure le montant de ces garanties du calcul du plafonnement applicable aux garanties des emprunts souscrits par les personnes de droit privé...". Le Conseil a ajouté que "le montant des garanties ou cautionnements accordés pour les opérations de construction, d'acquisition ou d'amélioration de logements bénéficiant d'une aide de l'État est lui aussi exclu du calcul du même plafonnement".
En d'autres termes, le Conseil d'État n'a pas fait de distinction entre, d'une part, le champ d'application du régime des garanties d'emprunt qui ne s'applique, sans aucune ambiguïté, qu'aux personnes privées et, d'autre part, les modalités de calcul des rations imposés aux collectivités locales dont le gouvernement estime, à tort donc, qu'elles englobent également les garanties précédemment accordées aux personnes publiques ainsi qu'en matière de logements aidés.
Le présent article invalide cette jurisprudence et inscrit donc dans la loi le principe selon lequel la mise en oeuvre d'une nouvelle garantie au profit d'une personne privée par une collectivité locale ou un groupement n'est possible que sous un plafond comprenant notamment les annuités d'emprunts "contractés par toute personne de droit privé ou de droit public". Les aménagements rédactionnels sont apportés :- à l'article L.2252-1 ( 16 ( * ) ) du code général des collectivités territoriales qui fixe le régime des garanties d'emprunt des communes (premier alinéa du I du présent article) ;
- à l'article L.3231-4 du même code qui fixe le régime des garanties d'emprunt des départements (premier alinéa du II du présent article) ;
- à l'article L.4253-1 du même code qui fixe le régime des garanties d'emprunt des régions (premier alinéa du III du présent article).
L'Assemblée nationale a supprimé le présent article notant, à juste titre, que les garanties aux personnes publiques et aux opérations de logement social peuvent "saturer" le plafond de 50 % des recettes de fonctionnement, privant certaines collectivités locales de toute possibilité d'aider les opérateurs privés et considérant que l'abaissement, par voie réglementaire, dudit plafond serait plus efficace.
Votre commission des finances ajoute, à l'appui de cette remarque, qu'à l'heure actuelle plus de 95 % (17 ( * )) du montant des garanties octroyées par les collectivités locales et leurs groupements recouvre des opérations de construction et de réhabilitation de logements sociaux.
Elle s'est toutefois prononcée pour le rétablissement, à quelques améliorations rédactionnelles près, du présent article, adoptant d'ailleurs sur ce point la même position que votre commission des lois.
La loi du 5 janvier 1988, sous l'angle du régime des garanties d'emprunt, telle qu'elle a été appliquée par l'autorité réglementaire, est, en effet, protectrice de la bonne santé des finances locales. Elle leur évite de devoir prendre des risques inconsidérés. A ce titre, le comité des finances locales avait d'ailleurs émis, lors de sa séance du 16 février 1988, un avis favorable au décret du 18 avril précité.
Les 2°) des paragraphes I et III ainsi que le 3°) du II du présent article sont de portée essentiellement rédactionnelle et visent également à écarter de possibles ambiguïtés d'interprétation.
En l'état actuel du droit, en effet, les articles L.2252-2 et L.4253-2 du code général des collectivités territoriales disposent, comme on l'a déjà indiqué plus haut, que les dispositions des articles L.2252-1 et L.4253-2 du code général des collectivités territoriales ne s'appliquent pas aux garanties d'emprunt ou cautionnements accordés par une commune ou une région :
- pour les opérations de construction, d'acquisition ou d'amélioration de logements réalisées par les organismes d'HLM ou les sociétés d'économie mixte :
- pour les opérations de construction, d'acquisition ou d'amélioration de logements bénéficiant d'une subvention de l'État ou réalisées avec le bénéfice de prêts aidés par l'État ou adossés en tout ou partie à des ressources défiscalisées ;
- en application du plan départemental prévu à l'article 2 de la loi n° 90-449 du 31 mai 1990 visant à le mise en oeuvre du droit au logement.
Des dispositions similaires sont prévues, pour les départements, dans les septième à dixième alinéas de l'article L. 3231-4 du code général des collectivités territoriales qui écartent l'application des alinéas précédents, plafonnant les garanties et cautionnements, pour les opérations de construction de logements sociaux.
Le présent article propose de ne mentionner, dans le régime dérogatoire du logement social, que les alinéas concernant explicitement, dans les articles ou parties d'articles fixant la règle générale en matière de garanties d'emprunts, les trois ratios applicables aux engagements des collectivités locales.
Cette solution rédactionnelle présente l'avantage de ne pas écarter, au cas des garanties portant sur des opérations de construction de logements sociaux, la clause de portée générale selon laquelle aucune stipulation ne peut faire obstacle à ce que la mise en jeu des garanties ou cautions accordées par une collectivité porte, au choix de celui-ci, soit sur la totalité du concours, soit sur les annuités déterminées par l'échéancier contractuel.
Le 3°) du paragraphe II du présent article consacré aux garanties d'emprunt des départements a le même objet et crée en outre un nouvel article distinct (L.3231-4-1) pour exposer le régime spécifique des opérations relatives au logement social à l'exemple de la présentation qui prévaut pour les garanties des communes et des régions.
Décision de la commission : votre commission vous propose de rétablir, à quelques améliorations rédactionnelles près, cet article dans le texte du projet de loi déposé par le gouvernement sur le bureau de l'Assemblée nationale.
Article 10
Prise en charge des commissions de garantie
Commentaire : cet article complète le régime des aides indirectes que les collectivités territoriales et leurs groupements peuvent accorder aux entreprises en prévoyant expressément que la prise en charge, totale ou partielle, des commissions de garanties d'emprunts est une faculté offerte à ces collectivités et groupements pour favoriser l'activité économique.
L'article L. 1511-3 du code général des collectivités territoriales, issu de la loi de décentralisation du 2 mars 1982, prévoit la possibilité pour les collectivités territoriales et leurs groupements d'attribuer, seuls ou conjointement, des aides indirectes aux entreprises.
Contrairement aux aides directes, limitativement énumérées, les aides indirectes sont libres.
Cette liberté revêt une double signification.
En premier lieu, les trois catégories de collectivités locales (communes, départements, régions) et les groupements sont placés sur un pied d'égalité pour l'octroi des aides indirectes en faveur du développement économique. L'intervention préalable de la région n'est plus, comme en matière d'aides directes, la condition juridique nécessaire à l'engagement des actions des départements et des communes. Chaque catégorie de collectivité locale peut donc décider de mettre en place des aides indirectes, soit seule, soit conjointement avec une autre collectivité locale.
En second lieu, les formes empruntées par les aides indirectes ne sont pas réglementées, à l'exception, d'une part, des rabais consentis lors de la location ou de la vente d'un bâtiment industriel et, d'autre part, des garanties d'emprunts (18 ( * )) . Pour le reste, les modalités des aides indirectes, les conditions mises à leur octroi et la nature des contreparties que les collectivités locales peuvent exiger sont libres. Les collectivités locales peuvent également choisir le mode d'attribution des aides indirectes et, en particulier, les faire transiter par un organisme-relais.
Depuis quelques années, la pratique semble se répandre d'une prise en charge, par certaines collectivités locales, des commissions que demandent les établissements cautionnant des prêts bancaires accordés à des entreprises.
L'avantage, pour l'entreprise à la recherche de fonds, réside dans le fait que cette commission n'est plus répercutée sur le coût de la ressource empruntée.
Du point de vue de la collectivité désireuse de s'impliquer dans le soutien à l'activité économique, l'instrument ainsi proposé apparaît à la fois moins coûteux et porteur de moins de risques que la garantie directe.
Dans le même ordre d'idée, la loi "d'amélioration de la décentralisation" du 5 janvier 1988 avait ouvert la possibilité aux collectivités locales, alternativement à l'octroi direct de garanties d'emprunt, de participer au capital d'un établissement de crédit ayant pour objet exclusif de garantir les concours financiers accordés à des personnes morales de droit privé ou de subventionner un fonds de garantie auprès de ce type d'établissement.
Des conventions ont ainsi été conclues entre certaines régions (Midi-Pyrénées, Aquitaine, Languedoc-Roussillon, Provence-Alpes-Côte d'Azur et Bourgogne) et la SOFARIS (Société française de garantie de financement des petites et moyennes entreprises) en vue de la prise en charge de la commission que celle-ci applique à ses garanties (de l'ordre de 0,6 % du montant du prêt).
Les masses financières concernées par la prise en charge des commissions de garanties par les collectivités territoriales et leurs groupements n'ont cependant pas encore fait, à ce jour, l'objet d'un recensement national exhaustif.
La nature juridique de cette forme d'aide apparaît à l'heure actuelle ambivalente : si l'aide est directe pour l'établissement qui garantit, elle peut, en revanche, être considérée comme indirecte tant pour le prêteur que pour l'entreprise emprunteuse.
L'objet du présent article est donc d'arrêter définitivement la qualification juridique de la prise en charge des commissions de garanties, tout en encadrant le recours à cet instrument, à l'instar de ce que le législateur a déjà prévu en matière de cautionnements et de garanties d'emprunt.
Insérée après le deuxième alinéa de l'article L. 1511-3 du code général des collectivités territoriales, la prise en charge, totale ou partielle, des commissions de garanties est ainsi clairement assimilée à une aide indirecte pouvant être accordée par toutes les collectivités territoriales ainsi que par leurs groupements.
Deux séries de limites sont toutefois apportées à l'utilisation de cette technique :
- Un décret simple fixera notamment les conditions entourant le montant et le pourcentage de la commission de garantie afin d'éviter toute dérive inflationniste et de réduire les risques pour la collectivité publique.
- Ensuite, la loi interdit expressément, pour un même emprunt, le cumul de la prise en charge d'une commission de garantie avec la garantie octroyée directement par une collectivité ou un groupement.
Cette dernière formule, par son caractère général, prohibe le cumul prise en charge des commissions de garantie-garantie directe, que ces deux formes d'aides soient apportées par une seule collectivité ou un seul groupement (19 ( * )) ou qu'elles soient dispensées séparément par deux ou plusieurs collectivités ou groupements. Elle vise à éviter les stratégies de contournement du principe de partage du risque.
L'objectif poursuivi est également de dissuader des banques prêteuses de prendre des risques inconsidérés sur des opérations trop bien "couvertes" par la garantie directe ou indirecte d'une ou plusieurs collectivités locales.
Sans vouloir modifier au fond cet article dont elle approuve la portée, la commission des finances vous proposera une réécriture de chacune des deux phrases de l'alinéa qu'il est proposé d'insérer dans l'article L. 1511-3 du code général des impôts.
La réécriture de la première phrase :
- Nous sommes déjà ici dans un article (l'article L. 1511-3 du code général des collectivités territoriales) qui affirme dans son premier aliéna l'autorisation accordée aux collectivités territoriales et à leurs groupements de dispenser des aides indirectes.
L'élément important de la première phrase ne doit donc pas être le Pouvoir donné aux collectivités locales et à leurs groupements de prendre à leur charge les commissions de garantie d'emprunt ; il est l'encadrement de ce nouveau régime d'aide indirecte dans des conditions fixées par décret.
- Il est ensuite inexact de mentionner un agrément qui serait accordé aux établissements de crédit spécifiquement pour octroyer leur garantie à un emprunt.
Les cautionnements et garanties constituent, en effet, des "opérations de crédit" au terme de l'article 3 de la loi bancaire du 24 janvier 1984. Selon l'article premier de cette loi, les opérations de crédit sont elles-mêmes des opérations de banque. Or, les établissements de crédit se définissent précisément comme "des personnes morales qui effectuent à titre de profession habituelle des opérations de banque".
Donc tout établissement de crédit agréé peut effectuer des opérations de garantie.
La réécriture de la seconde phrase :
Le gouvernement, afin d'éviter des abus, souhaite, à juste titre, interdire le cumul "prise en charge d'une commission de garantie - garantie directe accordée par une collectivité ou un groupement".
Dans un souci d'exactitude, il vise les articles du code général des collectivités territoriales relatifs à la garantie directement accordée par les collectivités locales et leurs groupements. Outre que cette énumération n'est pas utile, elle est source d'ambiguïtés puisque ne sont pas visés des articles relatifs aux garanties d'emprunt accordées à certaines associations cultuelles (articles L. 2252-4 et L. 3231-5).
La solution la plus pertinente dans ces conditions paraît devoir être la suppression de toute référence aux articles du code général des collectivités territoriales.
Décision de la commission : votre commission vous propose d'adopter cet article ainsi amendé.
* 15 Les dispositions relatives aux trois ratios prudentiels ne sont pas applicables aux garanties d'emprunts ou aux cautionnements accordés par une collectivité :
* 16 C'est par erreur que le projet initial du gouvernement mentionnait l'article L. 2242-1. En effet, le code général des collectivités territoriales n'avait pas encore acquis forme définitive lorsque le projet a été déposé sur le bureau de l'Assemblée nationale .
* 17 Au 31 décembre 1993, l'encours des garanties d'emprunt accordées par les collectivités locales atteignait 287 milliards de francs dont 272,7 milliards de francs au titre du logement social. Voir le tableau annexé à la fin du présent commentaire d'article.
* 18 Lire le commentaire sous l'article 9.
* 19 On rappelle qu'une même collectivité ou un même groupement ne peuvent garantir plus de 50% d'un emprunt (principe de partage du risque). Un établissement privé peut donc être mené à garantir le reliquat et à demander à ce titre une commission.