B- LA GESTION D'ENSEMBLE DU MÉCANISME DES CODEVI
1- La gestion des taux
Au niveau actuel du taux de rémunération des Codevi - 4,5 % -l'efficacité des prêts qui seront consentis aux collectivités locales, mesurée en termes d'écart de taux, est quasiment nulle.
Nous avons vu en effet, que les prêts aux conditions de marché actuellement consentis aux collectivités locales se situent, pour des prêts à taux fixe d'une durée de cinq ans, entre 6,20 et 6,50 %, alors que, selon toute vraisemblance, les prêts qui seront financés sur ressources Codevi, se situeront autour de 6,50 %.
Cette situation est tout à fait analogue à celle qui prévaut en matière de prêts bancaires aux entreprises. Actuellement, le taux moyen de ces prêts peut être estimé à 7,50 % (4,5 % de rémunération + 1,5 % de coût de collecte + 1,5 % de marge bénéficiaire), alors que le taux de base bancaire a été ramené à 7,5 % depuis décembre dernier.
Ce problème résulte de la "non gestion" des taux de l'épargne administrée et plus particulièrement des Codevi, mis en exergue par le rapport d'information de votre commission et qui constitue le point nodal de l'efficacité de l'instrument. Le rapport précité avait en effet dégagé le concept de "taux de rupture" qui correspond au taux d'intérêt du marché monétaire qui rend nul l'intérêt du dispositif. Pour une rémunération de 4,5 % et compte tenu d'un coût de collecte de 1,5 %, ce taux peut être estimé à 6 %. Force est de constater, comme le montre le tableau ci-après, qu'il a été enfoncé depuis novembre dernier et que l'instrument a depuis lors perdu toute efficacité.
Ce phénomène crée une situation d'abondance des ressources Codevi, puisque du côté des déposants le taux de rémunération est très attractif alors que du côté des emprunteurs, le taux d'emprunt est égal ou supérieur à celui du marché. Dans ces conditions, des effets pervers sont à redouter, tels que le non respect des critères d'éligibilité aux prêts bancaires de la part d'établissements de crédit soumis par ailleurs à des contraintes de remploi
Le succès du dispositif proposé est donc tout entier subordonné à la gestion des taux d'intérêt de l'épargne administrée. Si, comme on peut l'espérer, la baisse des taux d'intérêt à court terme se poursuit, ce dispositif n'aura aucune chance de fonctionner. Bien pire, il risque de constituer une entrave à la baisse des taux d'intérêt, car comment expliquer aux emprunteurs que les taux des prêts à condition de marché sont inférieurs à ceux des financements réputés privilégiés ?
2. L'allocation des ressources et leur contrôle
Le rapport de votre commission avait mis en évidence les graves lacunes dans l'emploi des ressources Codevi. A défaut de combler ces lacunes, rien ne permet d'affirmer que l'octroi des crédits aux collectivités locales se déroulera de façon plus efficace que celui des prêts bancaires aux entreprises.
Votre commission avait observé en particulier que les établissements de crédit étaient loin de respecter leur ratios réglementaires d'emplois, avec toutefois d'importantes disparités selon les établissements. Ce problème est aggravé en amont par l'absence totale de redistribution des ressources entre les établissements, malgré le mécanisme complexe des "obligations Codevi" qui avait été mis au point dans ce but.
Votre commission avait proposé deux solutions à ces difficultés, qui ne semblent pas avoir rencontré, pour l'instant, l'assentiment du Gouvernement.
La première solution consistait à confier le contrôle des emplois du Codevi à la commission bancaire, contrôle assorti de sanctions automatiques en cas d'infraction manifeste.
La seconde résidait dans une augmentation de la partie centralisée à la Caisse des dépôts, notamment par la création d'une partie variable destinée à éponger les excédents de ressources ; lesquels pourraient être répartis entre les établissements prêteurs en fonction de besoins manifestés au cours d'adjudications, offrant toutes les garanties nécessaires de transparence.
L'insuccès des tentatives de répartition des ressources entre établissements collecteurs et non collecteurs par la voie d'accords bilatéraux, qui ont fait suite à la publication du rapport d'information sénatorial, montre les limites de ce système. Il est en effet difficile de faire conclure, autrement que par la contrainte, des accords entre des établissements qui sont en compétition, les collecteurs excédentaires n'ayant aucun intérêt à céder leurs ressources à leurs concurrents.
3. La transparence du système
L'opacité régnant sur les emplois des Codevi a permis à certains dysfonctionnements de perdurer. Cette absence de transparence avait motivé la création de la mission d'information sénatoriale.
Constatant que la transparence reste insuffisante, l'Assemblée nationale a décidé de créer une obligation légale d'information des titulaires de Codevi sur les emplois réalisés avec les sommes déposées sur leurs livrets.
Votre commission s'était quant à elle limitée à encourager l'amélioration de l'appareil statistique commencée en janvier 1995 à l'initiative de la direction du Trésor. A cet égard, les nouvelles procédures mises en place par la direction du Trésor semblent donner satisfaction.
Pour autant, la solution proposée par l'Assemblée nationale n'est pas inutile puisqu'elle contraindrait les établissements à rendre publiques, au moins partiellement, les informations ainsi produites vis-à-vis de leurs clients. Cette solution reste toutefois insuffisante, puisque l'information demandée n'est pas exhaustive, et porte seulement sur les emplois effectués en faveur de l'équipement industriel et des collectivités locales. Or il ne serait pas illégitime de porter à la connaissance du public, par grandes masses, la totalité des emplois du Codevi pour chaque établissement : liquidités, titres du développement industriel, prêts bancaires aux entreprises et aux collectivités locales. Sur ce point encore, il appartiendra au pouvoir réglementaire de préciser que les données à fournir aux épargnants doivent être aussi complètes que possible.
Au demeurant, il convient de rappeler que la disposition ainsi insérée dans la loi de 1983 est déjà contenue dans un arrêté d'application, en l'occurrence bien mal nommé puisque inappliqué. Élever cette norme au rang législatif n'est pas une garantie suffisante de son exécution. Deux conditions supplémentaires sont en effet nécessaires.
La première est que les services du ministre de l'économie émettent des instructions précises permettant de donner un contenu à cette obligation La seconde est que le non respect de cette obligation soit effectivement sanctionné. Le contrôle de la commission bancaire, déjà préconisé, serait probablement la méthode la plus efficace. A défaut, le prononcé effectif des sanctions existantes constituerait à lui seul un grand progrès.