II. EXAMEN DES AMENDEMENTS
La commission a ensuite procédé à l'examen des amendements aux conclusions de la commission sur la proposition de résolution n° 91 (1995-1996) de M. René Trégouët sur :
- la proposition de directive du Parlement européen et du Conseil relative à l'interconnexion dans le secteur des télécommunications : garantir le service universel et l'interopérabilité en appliquant les principes de fourniture d'un réseau ouvert (ONP) (n° E-467),
- le projet de directive de la Commission modifiant la directive de la Commission n° 90/388/CEE et concernant l'ouverture complète du marché des télécommunications à la concurrence (n° E-508),
- et le projet de directive de la Commission modifiant la directive de la Commission n° 90/388/CEE en ce qui concerne les communications mobiles et personnelles (n° E-509).
A l'amendement n° 1 présenté par MM. Claude Billard, Félix Leyzour et Louis Minetti et proposant une nouvelle rédaction des quatrième, cinquième et sixième alinéas de la proposition, M. Pierre Hérisson, rapporteur, a fait part de la perplexité que lui inspirait le premier considérant dudit amendement « quant à l'opposition majoritaire des usagers à la libéralisation du secteur des télécommunications ». Il a, à cet égard, rappelé la forte demande formulée par les entreprises en faveur de cette libéralisation et l'immense succès rencontré par les services de téléphonie mobile ouverts à la concurrence depuis plusieurs années. Il s'est également déclaré stupéfait quant à l'éventualité d'une privatisation de France Télécom, envisagée par les sénateurs communistes. L'emploi de ce terme laissait en effet, selon lui, supposer que l'opérateur pourrait être soumis à des intérêts privés, alors qu'a toujours été évoquée la seule perspective de sa « sociétisation », c'est-à-dire sa transformation en société anonyme où l'État resterait majoritaire.
A propos du deuxième considérant de l'amendement, il a jugé que l'idée de faire reconnaître la notion de service public par les traités ne serait pas incongrue s'il s'agissait seulement du traité sur l'Union européenne, mais que faire figurer cette notion dans tous les traités signés par la France serait pour le moins excessif. M. Pierre Hérisson, rapporteur, a constaté que, sur ce même sujet, l'amendement n° 10 présenté plus loin par Mme Danielle Pourtaud, M. Gérard Delfau et les membres du groupe socialiste et apparentés, se révélait beaucoup moins flou que celui de l'amendement n° 1.
Il s'est, en conséquence, déclaré défavorable à l'amendement n° 1, que la commission n'a pas adopté.
Elle a adopté une position identique à l'égard de l'amendement n° 6 visant à supprimer le cinquième alinéa de la proposition de résolution et présenté par Mme Danielle Pourtaud, M. Gérard Delfau et les membres du groupe socialiste et apparentés, après que le rapporteur lui ait fait part des réserves que cet amendement était de nature à susciter et après des interventions de MM. Gérard Delfau et Gérard Larcher.
A l'amendement n° 7 proposant une nouvelle rédaction du sixième alinéa de la proposition de résolution et présenté par Mme Danielle Pourtaud, M. Gérard Delfau et les membres du groupe socialiste et apparentés, M. Pierre Hérisson, rapporteur, a fait observer que la rédaction proposée laissait supposer que les opérateurs communautaires pourraient jouer un rôle sur le marché mondial, même si le marché intérieur des Quinze n'était pas libéralisé. Il a estimé qu'une telle pétition de principe était quelque peu contestable, ce qui ne permettait pas d'être favorable à l'amendement. Après une intervention de M. Gérard Delfau, la commission a rejeté l'amendement n° 7.
A l'amendement n° 2, présenté par MM. Claude Billard, Félix Leyzour et Louis Minetti, visant à remplacer dans le septième alinéa de la proposition de résolution le mot « l'ouverture » par les mots « l'éventuelle ouverture », M. Pierre Hérisson, rapporteur, a soutenu que ce n'était pas en cherchant à nier les réalités à venir qu'on s'y préparait. La commission a alors repoussé cet amendement, suivant en cela l'avis son rapporteur.
Elle a adopté la même position pour l'amendement n° 4 présenté par les mêmes auteurs, après que son rapporteur eut fait valoir que ce texte supprimait la référence aux « personnes disposant des revenus les plus modestes », inscrite dans le dixième alinéa de la proposition de résolution, alors que ce sont justement ces personnes qu'il convient avant tout de protéger contre les risques d'un brutal rééquilibrage tarifaire.
Après une intervention de M. Gérard Delfau, elle a également rejeté l'amendement n° 8, présenté par Mme Danielle Pourtaud, M. Gérard Delfau et les membres du groupe socialiste et apparentés, qui, dans le quatorzième alinéa de la proposition de résolution, proposait de remplacer les mots « de qualité à un prix abordable » par les mots « de haute qualité ». A ce propos, M. Pierre Hérisson, rapporteur, a attiré l'attention de la commission sur le fait qu'en supprimant la mention du « prix abordable », ce dispositif pourrait conduire à considérer qu'un service public de haute qualité pourrait être proposé à un prix inabordable, alors qu'au contraire, dans le débat sur le service public téléphonique, il était indispensable que le Sénat rappelle que les évolutions en cours ne doivent pas jouer au détriment des catégories les plus modestes de la population.
En ce qui concerne l'amendement n° 9, présenté par les mêmes auteurs et tendant à insérer un alinéa additionnel après le quatorzième alinéa de la proposition de résolution, le rapporteur a souligné que ce texte exprimait le souhait que tous les pays de l'Union européenne soient alignés sur le haut niveau d'exigence du service public à la française. Il a souligné que la plupart d'entre eux se satisfaisaient d'un niveau bien moindre et a jugé plus judicieux, comme l'avait fait valoir le ministre lors de son audition, que la définition du service universel relève pour une large part du principe de subsidiarité. Il s'est, en conséquence, déclaré défavorable à cet amendement. Après une intervention de M. Gérard Delfau qui a exprimé les réserves que lui inspirait l'interprétation du rapporteur, la commission n'a pas adopté cet amendement.
L'amendement n° 10, présenté par Mme Danielle Pourtaud, M. Gérard Delfau et les membres du groupe socialiste et apparentés, tendait à insérer un alinéa additionnel après le quinzième alinéa de la proposition de résolution. M. Pierre Hérisson, rapporteur, a considéré que l'idée d'inscrire une disposition relative au régime des services publics dans les traités fondateurs de l'Union européenne pouvait, a priori, paraître séduisante. Il a toutefois jugé qu'une telle orientation ne s'inscrivait guère, contrairement à ce que suggéraient ses défenseurs, dans le cadre de la révision institutionnelle prévue pour l'an Prochain. Celle-ci lui est notamment apparue suffisamment délicate à mener pour que l'on s'interroge sur l'opportunité de la compliquer par des demandes conventionnelles. Estimant aussi qu'au stade des réflexions engagées par le Sénat, une référence à un des articles du traité pouvait apparaître excessive, il s'en est, en définitive, remis à la sagesse de la commission.
M. Gérard Larcher a alors fait observer que la proposition avancée excédait le cadre de la proposition de résolution et qu'il n'y était pas favorable en l'état, non pas sur le fond, mais sur la forme.
A l'issue de cet échange de vues, M. Gérard Delfau a décidé de retirer l'amendement n° 10.
M. Pierre Hérisson, rapporteur, s'est ensuite interrogé sur l'intérêt de l'amendement n° 5 présenté par MM. Claude Billard, Félix Leyzour et Louis Minetti et visant à souligner que le statut actuel de France Télécom était « tout à fait compatible avec la passation de contrats de coopération avec des exploitants étrangers ». Le rapporteur a jugé qu'une telle formule était :
- soit un truisme, puisque France Télécom a passé de nombreux accords de coopération avec des partenaires étrangers ;
- soit une contre-vérité, si l'amendement signifiait que l'opérateur pourrait, afin de conforter certains de ces accords, réaliser des participations croisées en capital avec ses plus grands partenaires, puisqu'il ne disposait pas, en raison de son statut proche de celui d'un établissement public, de capital social.
M. Claude Billard a alors considéré que la mise en place du service Universel allait instaurer un service public à deux vitesses qui serait de nature à menacer le « devenir de France Télécom ».
M. Gérard Larcher a fait valoir qu'il ne convenait pas de confondre le cadre de la libéralisation et le statut de l'opérateur. Après une intervention de M. Jean François-Poncet, président, la commission a suivi son rapporteur et a repoussé l'amendement n° 5.
M. Pierre Hérisson, rapporteur, a ensuite mis en évidence que l'amendement n° 11, présenté par Mme Danielle Pourtaud, M. Gérard Delfau et les membres du groupe socialiste et apparentés, visant à supprimer le mot « transitoire » au vingt-troisième alinéa de la proposition, supprimait une redondance inutile du texte initial. En effet, le passage d'une situation de monopole à une situation de concurrence ne constituera qu'une période, limitée dans le temps, de l'évolution du secteur des télécommunications. Le régime juridique applicable à cette période ne pouvant, par essence, n'être que transitoire, il lui est donc apparu qu'une telle précision était, en définitive, superfétatoire.
La commission a, en conséquence, adopté l'amendement n° 11 et la proposition de résolution dans le texte de la commission modifié par cet amendement.