II. LE PRÉSENT PROJET DE LOI : L'ANALYSE DE VOTRE COMMISSION
Les grandes orientations de ce texte ont fait l'objet d'un avis du Conseil économique et social, présenté par M. Hubert Brin, les 12 et 13 septembre 1995. Votre commission a procédé à l'audition du rapporteur le 19 octobre 1995. La synthèse de celle-ci figure dans les travaux de la commission. Il semble, à cet égard, que le Gouvernement ait tenu compte en partie des remarques du Conseil économique et social dans la mesure où de 70 ans, il a convenu d'abaisser l'âge minimum d'accès à la prestation d'autonomie à 60 ans.
Les principales dispositions de ce texte ont été annoncées le 18 septembre 1995, en Haute-Loire, par M. Alain Juppé, Premier ministre, mais ce n'est que le 4 octobre que le texte est passé en Conseil des ministres.
Votre commission vous propose, dans un premier temps, d'énoncer les principes qui l'ont guidée dans l'analyse de ce texte, long de 43 articles, avant d'examiner les caractéristiques de la prestation créée et les dispositions qui doivent la financer.
A. LES GRANDS PRINCIPES QUI ONT GUIDÉ L'ANALYSE DE VOTRE COMMISSION
Ils sont au nombre de six.
1. Ce texte, qui consacre la création d'un droit nouveau, est nécessaire
C'est, en effet, une nécessité d'examiner et d'adopter un tel texte à un triple point de vue.
Tout d'abord, il faut relever le défi que pose aujourd'hui la dépendance à notre société.
Ce texte a été trop longtemps attendu, remis. Il a suscité trop d'espoirs pour que ceux-ci soient déçus. Nos proches voisins viennent d'adopter un texte (Allemagne) ou vont le faire (Belgique, Luxembourg). Il est donc temps.
Ensuite, il doit veiller à préserver les équilibres de la Nation, compte tenu de la situation des comptes sociaux. La parution du rapport sur les comptes de la sécurité sociale qui évalue, pour 1995, le déficit de celle-ci à environ 65 milliards de francs incline d'autant plus à être vigilant. Le respect des critères de Maastricht induit indéniablement des contraintes.
Enfin, ce texte doit sauvegarder les intérêts financiers ou autres des départements qui se trouvent au coeur du dispositif proposé puisque ce sont eux qui serviront et géreront la prestation. C'est, bien sûr, la logique. Le département est, de toute évidence, le mieux placé pour mettre en oeuvre un service de proximité. Toutefois, ceci ne doit pas se faire au détriment de sa santé financière. Il ne doit pas sacrifier le développement économique local à la gestion d'une prestation qui sera également financée par le FSV, c'est-à-dire des fonds d'État. Le département doit rester une collectivité territoriale qui s'administre librement et ne pas devenir à terme un simple échelon administratif de distribution des crédits d'État.
2. Il doit permettre de basculer d'un système -mauvais- à un autre
C'est un point essentiel de l'analyse de votre commission. Il lui semble que les intérêts des départements seront plus efficacement sauvegardés si la loi proposée n'est qu'une loi de basculement qui permet le passage d'un système mauvais et explosif car il a permis et permet toujours, malgré de récents garde-fous, la dérive de l'allocation compensatrice à un nouveau système.
Cette loi de transition ne doit donc valoir que pour trois ans, soit jusqu'au 31 décembre 1998, afin qu'à la fin de la montée en charge, un bilan clair et objectif soit établi. Ce système avait été utilisé pour le RMI. L'évaluation législative apparaît, à cet égard, une nécessité.
L'évaluation des conséquences de cette loi et de son application sera réalisée par une instance indépendante. Votre commission suggère de créer pour cela un observatoire national de la dépendance. Compte tenu des conclusions de ce rapport qui sera publié avant le 30 juin 1998, et transmis au Parlement par le Gouvernement, ce dernier prendra ses responsabilités et déposera un nouveau projet de loi afin de proposer les ajustements nécessaires.
Mais il s'agira uniquement de revoir les modalités techniques et financières de la mise en oeuvre de ce droit nouveau et non de remettre en cause ce dernier, qui est pérenne.
3. Il doit offrir une définition claire des conditions financières de ce basculement
En effet, selon votre commission, les conditions du basculement doivent être définies très clairement et être assorties de solides garanties pour les départements. Votre commission reviendra sur cet aspect essentiel dans le C de cette partie.
4. La mise en oeuvre de la prestation en établissement doit être accélérée et placée sous condition
Votre commission a souhaité, en effet, avancer la date d'entrée en vigueur des dispositions relatives à la prestation d'autonomie. Elle a estimé que prévoir une période transitoire de dix-huit mois avant d'appliquer les dispositions déjà en vigueur à domicile ne résolvait pas le problème actuel du versement de l'ACTP en établissement et des attitudes contrastées des départements dans ce domaine.
Elle a rappelé l'inadaptation actuelle du système de tarification, des forfaits-soins en particulier, des prises en charge qui sont fonction du statut de l'établissement, et non de l'état de la personne dépendante. Elle a souligné la crainte de nombreux départements que l'assurance maladie n'ait la tentation de transférer des charges vers les finances départementales.
Votre commission a donc considéré que la prestation en établissement ne pouvait entrer en vigueur avant l'intervention d'une réforme de la tarification des établissements d'hébergement en faveur des personnes âgées. Réforme de la tarification et instauration de la prestation d'autonomie en établissement sont étroitement liées. Une telle prestation ne peut être accordée si l'on ne sait pas exactement quels actes elle va solvabiliser. Votre commission a donc souhaité que la mise en oeuvre de la prestation d'autonomie interviennent au moment de l'entrée en vigueur d'une loi réformant la tarification et au plus tard le 1er janvier 1997.
Cette année de décalage avec la prestation d'autonomie à domicile permettra à la mission conjointe Inspection générale des Affaires sociales Inspection des finances de mener à bien sa tâche sur la tarification.
Mais il est apparu à votre commission qu'il n'était pas nécessaire de lancer une nouvelle expérimentation dans ce domaine dans la mesure où le problème de la tarification perdure depuis vingt ans et où la caisse nationale d'assurance maladie des travailleurs salariés entendue par elle en audition a déclaré que la mise en oeuvre d'une telle réforme ne posait pas, a priori, de problèmes techniques.
La future loi sur la réforme de la tarification devra donc définir, en fonction de l'état de la personne âgée, les charges qui sont du ressort, soit des soins et de la surveillance médicale, soit de l'hébergement, soit de l'état de dépendance de celle-ci. Et c'est à partir de cette définition, que pourront être harmonisés les modes de tarification et les statuts des établissements qui hébergent les personnes âgées.
Votre commission a également estimé que le déficit en places de sections de cure médicales était un élément important. Votre rapporteur a souhaité que soit obtenu l'engagement du Gouvernement de créer les places de section de cure médicale qui sont autorisées par les comités régionaux de l'organisation sanitaire et sociale et actuellement non financées.
En effet, alors qu'avec l'accroissement de l'espérance de vie et le désir de rester le plus longtemps possible à domicile, les personnes entrent de plus en plus tardivement en établissement et dans un état de plus en plus dégradé, la demande en place de section de cure médicale est loin d'être satisfaite. Il y a actuellement (cf tableau) 13.475 places de section de cure médicale et 4.406 places en services de soin à domicile autorisées et non financées. Cette situation, qui finit par peser sur les départements, ne semble pas acceptable.
Situation en août 1995, en matière de places en section de cure médicale et en services de soin à domicile.
5. La prestation doit être mise en oeuvre rapidement et efficacement
Le cinquième principe qui a guidé votre commission est, en effet, celui de la rapidité et de l'efficacité de la mise en oeuvre d'une prestation qui a suscité beaucoup d'espoirs.
Il a donc semblé essentiel à votre commission de poser la règle que le président du Conseil général est chargé de coordonner les actions des différents intervenants dans le domaine de la politique en faveur des personnes âgées. C'était déjà en substance une option retenue par la proposition de loi n° 295 dite « Fourcade-Marini ».
Pour mener à bien cette tâche et la mise en oeuvre de cette prestation qui nécessite des moyens importants, il apparaît, en effet, indispensable que les départements passent convention avec les organismes de sécurité sociale. Il ne s'agit, certes, pas de remettre en cause le principe, constitutionnel, de la libre administration des collectivités territoriales.
L'objectif à atteindre est double. Il faut, tout d'abord, tirer parti des actions actuelles des caisses menées par le biais de leur fonds d'action sociale. On peut rappeler, par exemple, que le fonds d'action sociale de la CNAVTS s'élevait à 3 milliards de francs en 1993 et que 85,5 % de ce montant servait à financer l'aide ménagère. Dans l'intérêt des personnes âgées et des départements, les caisses de sécurité sociale ne doivent pas se désengager. Or, c'est bien ce qui risque de se passer comme votre commission l'a souligné dans la première partie de l'exposé, à propos de la prestation de garde à domicile de la CNAVTS et de la prestation spécifique de la Caisse primaire d'assurance maladie de Paris.
Le conventionnement permettra également de réduire les frais de gestion et de personnels. En effet, compte tenu de la situation financière des départements, de la faiblesse des moyens en personnels des départements ruraux dont la population est relativement âgée, le conventionnement apparaît une nécessité.
Il ne faut pas qu'à terme on puisse dire aux départements : « vous souhaitiez la compétence pour cette prestation... eh bien... vous seuls êtes totalement responsables de son application ! »
6. Les maires doivent être associés au dispositif
En effet, la disposition relative au contingent d'aide sociale ne semble acceptable à votre commission que si les maires possèdent des garanties sur le fonctionnement du dispositif. C'est pourquoi, considérant qu'ils étaient, de par leur situation, mieux à même de connaître celle des demandeurs, elle a souhaité que l'avis de ceux-ci soit requis par le président du Conseil général.
Il lui a semblé également nécessaire étant donné que, concrètement, nombre de centres communaux d'action sociale (CCAS) seront chargés de l'instruction des dossiers, que les représentants des maires soient consultés sur l'élaboration de la convention-cadre qui devra régir les rapports entre départements et CCAS.