B. UNE DÉCENNIE DE RECHERCHE POUR METTRE EN OEUVRE UNE PRISE EN CHARGE DE LA DÉPENDANCE PLUS COHÉRENTE
1. De multiples intervenants non coordonnés appliquant des dispositions foisonnantes
a) De multiples intervenants non coordonnés...
En effet, le département assume sa compétence dans un domaine qui ne connaît pas de limites légales. L'article 32 de la loi du 22 juillet 1983 lui a conféré la prise en charge de l'essentiel des prestations légales d'aide sociale. En outre, la loi a transféré au département des pouvoirs en matière d'habilitation et de tarification.
Outre l'allocation compensatrice, les départements financent l'aide sociale au sens strict définie par les articles 157 à 165 du code de la famille et de l'aide sociale qui recouvre trois catégories de dépenses : l'aide ménagère qui peut être versée en nature (services ménagers) ou en espèces (allocation représentative de services ménagers) et qui concerne de moins en moins de personnes dans la mesure où il faut avoir un revenu inférieur ou égal au minimum vieillesse (87.500 bénéficiaires en 1994), les frais de repas à domicile ou en foyer restaurant et, enfin, la couverture des frais d'hébergement en structure collective ou en milieu familial (soit 137.000 personnes en 1994). Le département gère des aides légales sur le contenu desquelles il n'a que peu de prise. Aux termes de l'article 34 de la loi du 22 juillet 1983, sa marge de manoeuvre se limite à décider de conditions et de montants plus favorables. Mais l'action sociale en faveur des personnes âgées n'est pas une compétence réservée aux départements quelles que soient les responsabilités qu'ils assument dans ce domaine et la légitimité sur laquelle repose leur engagement. L'État, la Caisse des dépôts et consignations, les divers organismes de sécurité sociale, les régimes complémentaires, les communes et les associations ont un rôle plus ou moins important selon les cas.
L'État a bien évidemment un rôle d'impulsion dans la politique en faveur des personnes âgées. Il est le législateur. Par l'intermédiaire du préfet, il fixe le montant des forfaits-soins. Il a la tutelle sur les caisses de sécurité sociale et, par là-même, oriente leurs prestations extra-légales. De l'État dépend également l'achèvement de la transformation des hospices où intervient aussi la région par le biais des contrats de plan.
L'assurance maladie a un rôle financier de première importance pour la prise en charge de la dépendance, dans des proportions diverses, selon le statut de l'établissement, ce qui n'apparaît pas cohérent et est depuis longtemps critiqué. Ainsi, la prise en charge est-elle intégrale en hôpitaux psychiatriques, d'où l'existence de placements indûment effectués pour des raisons de coûts. Parallèlement, l'assurance maladie finance trois types de forfaits selon l'hébergement et non selon l'état de la personne : le forfait de section de cure médicale, pour les personnes, en maisons de retraite ou foyers-logements, le forfait dit tout compris, pour les personnes en établissement de long séjour, et le forfait de service de soins infirmiers pour les personnes dépendantes qui bénéficient de soins à domicile (cf. tableau ci-après pour la définition des différents établissements). Ce système des forfaits établis selon la nature de l'établissement et non l'état de la personne est fortement critiqué pour cette raison même et parce qu'il n'instaure pas de neutralité financière dans les choix d'hébergement. Toutefois, compte tenu de la situation de la CNAM, une révision des systèmes de tarification ne doit pas aboutir, selon votre commission, à des transferts de charge au détriment des départements.
LES DIFFÉRENTES STRUCTURES D'HÉBERGEMENT DES PERSONNES ÂGÉES Outre les hospices voués à la disparition en application du 30 juin 1975, les principales structures d'hébergement collectif d'accueil pour personnes âgées sont les suivantes : . Les établissements de « long séjour » : ces établissements sanitaires qui dispensent des soins de longue durée sont destinés à l'hébergement des personnes n'ayant plus leur autonomie de vie, ou dont l'état nécessite une surveillance constante et des traitements d'entretien. Ils sont financés par un forfait soins fixé par le Préfet, pris en charge par l'assurance maladie et par un prix de journée hébergement supporté par le malade, sa famille ou l'aide sociale. . Les maisons de retraite : elles accueillent des personnes âgées valides, semi-valides et dépendantes. Lorsqu'elles comportent une section de cure médicale (SCM), elles reçoivent pour un nombre de places autorisées par le Préfet, un forfait journalier par place. L'assurance maladie couvre avec ce forfait SCM les frais afférents aux dépenses de soins. Les maisons de retraite sont financées par les ressources propres des individus, y compris l'allocation logement, et éventuellement l'aide sociale du département, pour ce qui a trait à l'hébergement, et par l'assurance maladie pour la section de cure médicale, le forfait soins courants, et les soins dispensés à l'acte. Les maisons de retraite ont pour impératif de se « médicaliser » ; celles qui ne peuvent pas accueillir les personnes âgées en état de dépendance, connaissent effet un fléchissement de leur taux d'occupation. . Les logements foyers : cette structure comporte des petits logements autonomes, des locaux communs meublés (salle de réunion, salle à manger), un local sanitaire et, à titre facultatif, des services collectifs tels que blanchissage et restauration. Elle peut être dotée d'une SCM ou d'un service de soins courants. La fonction première de ces établissements était d'accueillir des personnes âgées valides. Mais ils ont désormais à faire face au fait que les personnes âgées entrées en logements foyers alors qu'elles étaient autonomes, deviennent avec le temps, dépendantes. Il existe également de petites structures à caractère plus familial, ainsi que des structures d'accueil de jour permettant une adaptation « en douceur » de la personne âgée à un hébergement collectif. - Les petites unités de vie : structures d'accueil de voisinage à caractère collectif et de petite dimension (moins de 20 personnes) intégrées dans un quartier ou dans une commune rurale. Elles permettent à la personne âgée d'être maintenue dans son cadre de vie habituel et d'être accueillie dans un lieu sécurisant. - « Le cantou » : c'est une petite unité pour l'accueil sur un mode très familial d'une douzaine de personnes dépendantes désorientées. La vie est organisée autour d'une grande pièce à vivre et est gérée par une maîtresse de maison. - Les domiciles collectifs et appartements thérapeutiques. - L'hébergement temporaire, qui permet de soulager momentanément les familles (week-end, vacances) et de préparer la personne âgée à un hébergement permanent en évitant une rupture avec son environnement. Ces unités sont souvent intégrées au sein d'une structure d'hébergement permanent, notamment pour des raisons de coûts. - L'accueil de jour, permettant de soulager momentanément les failles. Ces structures sont souvent intégrées au sein d'un établissement d'hébergement permanent. - L'accueil familial, qui consiste en l'accueil d'une ou de plusieurs personnes âgées (trois au maximum) par une famille (ou un particulier). L'agrément de la personne qui accueille à titre onéreux des personnes âgées n'appartenant pas à sa famille, est accordé par le président du Conseil Général. L'agrément est lié à la continuité de l'accueil, aux garanties de protection de la santé, de la sécurité et du bien-être des personnes accueillies. Le suivi social et médico-social doit être assuré. Le mode de financement est un tarif journalier à la charge de la personne âgée, et éventuellement, de l'aide sociale du département ; les aides au logement sont maintenues pour les accueillants et les accueillis. |
Les caisses d'assurance vieillesse au premier rang desquelles la CNAVTS ont également une action très importante par le biais de leurs fonds d'action sociale. Le fonds d'action sociale de la CNAVTS s'élevait en effet à plus de trois milliards en 1993.
Même la Caisse nationale d'allocations familiales participe de cette action en faveur des personnes âgées dépendantes par le biais des allocations logements versées aux plus de 65 ans.
Les communes et notamment les villes centres, par le biais des CCAS, peuvent également mener des politiques tout à fait innovantes en matière de personnes âgées (multiplicité des services d'aide à domicile, structures d'hébergement temporaire, etc.).
Or, l'ensemble de ces intervenants n'est pas coordonné. Dans le cadre du schéma départemental des établissements et services sociaux et médico-sociaux mentionné à l'article 2 de la loi du 6 janvier 1986, pouvaient, certes, être précisées les modalités de collaboration ou de coordination « susceptibles d'être établies ou recherchées avec d'autres collectivités afin de satisfaire tout ou partie des besoins recensés ». Toutefois, ce schéma établi par le conseil général ne mentionnait pas les caisses de sécurité sociale, ce qui faisait perdre beaucoup d'intérêt à la coordination. De plus, peu contraignant, il n'a été adopté que par soixante départements.
Le manque de coordination se fait donc tout à fait sentir quand les contraintes en matière de financement, quel que soit le financeur, nécessiteraient une plus grande efficacité dans l'action, pour éviter les doublons ou les rivalités stériles, alors même que les dispositions s'ajoutent les unes aux autres au lieu de s'harmoniser.
b) ... mettant en oeuvre des dispositions foisonnantes
Elles s'articulent en fait autour de deux pôles : les exonérations qu'elles soient de cotisations sociales ou en matière fiscale et les prestations spécifiques :
• Les exonérations et le chèque
service
Ainsi, les exonérations de cotisations de sécurité sociale qui sont des dispositions anciennes ont été rendues plus attractives par des textes récents :
En effet, si c'est le décret du 25 janvier 1961 qui institue ce type d'exonération dans des conditions très restrictives, ce sont, respectivement, les lois du 27 janvier 1987, du 5 janvier 1988, du 20 juillet 1989, du 23 janvier 1990 et du 27 janvier 1993 qui ont assoupli ce dispositif afin de le rendre plus accessible à ceux qui ont besoin d'une tierce personne et, notamment, aux personnes âgées.
On peut, d'ailleurs, dire que ces réformes ont rencontré un certain succès puisque, selon le Ministère de la solidarité entre les générations, alors qu'avant 1987, le nombre des bénéficiaires de ces exonérations était peu élevé, de l'ordre de 35000, en 1993, on en recensait 314.464 dont 278.866 âgés de plus de 70 ans.
Actuellement, conformément aux a) et c) de l'article L 241-10 du code de la Sécurité Sociale, est totalement exonérée des cotisations patronales d'assurances sociales, d'accidents du travail et d'allocations familiales la rémunération du salarié employé à domicile par une personne ou un couple âgé de plus de 70 ans ou par une personne obligée de recourir à une tierce personne pour les actes ordinaires de la vie et bénéficiaire d'un avantage de vieillesse.
Le bénéfice de cette exonération est également accordé aux personnes âgées placées à titre onéreux chez des particuliers conformément à la loi du 10 juillet 1989, ainsi qu'aux personnes ou couples qui vivent avec les membres de leur famille et qui possèdent les caractéristiques mentionnées au paragraphe précédent.
Par ailleurs, l'exonération de la taxe sur les salaires a été également récemment étendue, à l'initiative de M. Jean Chérioux, pour les personnes dépendantes :
En effet, l'article 46 de la loi de finances rectificative pour 1994, outre qu'il inscrit dans un texte législatif une tolérance de l'administration fiscale qui permet d'exonérer de la taxe sur les salaires les particuliers, quels qu'ils soient, qui n'emploient qu'un seul salarié à domicile, exonère également de cette même taxe, même si elles ont plusieurs employés de maison, les personnes âgées, ou celles qui les hébergent, dès lors qu'il leur est nécessaire de recourir à une tierce personne pour accomplir les actes ordinaires de la vie.
Conformément à l'instruction du 6 février 1995 publiée au Bulletin Officiel des Impôts du 17 février 1995, la preuve de la nécessité de ce recours est considérée comme apportée par la présentation d'un certificat médical ou la production d'un document qui justifie la perception d'une prestation accordée en fonction de l'état de la personne (allocation compensatrice pour tierce personne ou majoration pour tierce personne).
Quant aux réductions d'impôts, elles ont fait l'objet d'un accroissement significatif dans la loi de finances pour 1995 :
Ce type de mesure, institué par la loi portant diverses mesures d'ordre social du 31 décembre 1991 et la loi de finances rectificative pour 1991, a pour but de favoriser l'emploi par des particuliers, à leur domicile, de salarié. Les personnes âgées font partie de ces employeurs potentiels qui doivent être découragés de faire appel à des « travailleurs au noir ».
A partir de l'imposition des revenus de 1993, la réduction d'impôt pour l'emploi d'un salarié à domicile a été fixée à 50% des dépenses engagées dans la limite d'un plafond de 26.000 francs, par an, pour les sommes versées jusqu'en 1994 inclus et, conformément à la loi de finances pour 1995, dans la limite de 90.000 francs, par an, à partir de cette année.
Votre commission se doit de mentionner également le dispositif du chèque service qui a apporté une réelle simplification pour l'emploi, à temps partiel, d'une personne à domicile :
Le chèque service institué par l'article 5 de la loi du 20 décembre 1993 dite loi quinquennale relative au travail, à l'emploi et à la formation professionnelle n'instaure pas de nouvelles exonérations.
Son but est de simplifier l'emploi d'un travailleur à domicile pour de courtes périodes de temps, 8 heures par semaine ou un mois par an.
Grâce à l'achat d'un chéquier, l'employeur qui peut être une personne âgée mais ce type de population n'en a pas l'exclusivité, acquitte l'ensemble des cotisations sociales sans avoir à se livrer à des calculs complexes. Cependant la limitation de l'emploi de ce chèque service sur la semaine ou l'année en fait, dans sa forme actuelle, un instrument peu adapté pour les personnes véritablement dépendantes qui nécessitent des durées plus longues d'intervention.
L'annonce de son extension au-delà des huit heures, dans le cadre d'un projet de loi spécifique annoncé par M. Jacques Barrot, ministre du travail, de la participation et du dialogue social, est une bonne chose dans la mesure où, sous forme de chèque-autonomie, ce chèque correspondra mieux aux véritables besoins des personnes âgées.
• Les prestations spécifiques : quelques
exemples
Outre les prestations départementales déjà passées sous revue, on peut mentionner celles de la CNAVTS, mais les autres caisses en servent de comparables. Seront également citées à titre d'exemple de ce qu'une commune ou une caisse primaire peuvent faire, les prestations servies par le Centre d'action sociale de Paris et par la Caisse primaire d'assurance maladie également de Paris.
L'action de la Caisse nationale d'assurance vieillesse en matière de dépendance est financée sur les crédits du Fonds National d'Action Sanitaire et Sociale pour les personnes âgées. Elle s'articule principalement autour de quatre types d'aides d'importance inégale : l'aide ménagère, la prestation de garde à domicile, les actions innovantes pour les grands dépendants et l'aide à l'amélioration de l'habitat.
S'élevant globalement à plus de 130 millions de francs en 1993, l'aide à l'amélioration de l'habitat contribue à permettre aux ressortissants de la CNAVTS de continuer à vivre à leur domicile dans des conditions de logement correctes.
La part des travaux de rénovation des logements prise en charge par la CNAVTS est, au 1er janvier 1995, au maximum, de 10.737 francs. Mais elle est fonction des ressources des retraités de la CNAVTS, selon un barème, revalorisé chaque année, de sept tranches. En 1993, cette aide concernait 18.785 personnes.
Dans la catégorie « actions innovantes pour les grands dépendants », entrent les aides indirectes aux familles, les aides directes aux personnes âgées, les réponses à des situations de crise et d'urgences gérontologiques et les innovations techniques d'adaptation aux handicapés.
Créée en 1990, cette formule représentait un montant global de 18,8 millions de francs environ, en 1993, pour la métropole. Les actions financées le sont sous forme de subvention. Les projets qui sont sélectionnés doivent avoir pour but la prise en charge de la grande dépendance et tenir compte de l'environnement de la personne âgée et de la possibilité de mobilisation de son entourage (corps médical, auxiliaires paramédicaux, famille, secteur associatif).
En raison de leur contenu même - elles doivent favoriser l'innovation - ces aides ne peuvent être que temporaires : elles ne sont donc versées que pendant deux ans au maximum.
La ventilation des dépenses selon les aides, en métropole, s'établissait comme suit en 1993 (en milliers de francs) :
En importance et en ancienneté, l'aide ménagère est sans comparaison avec les deux prestations qui viennent d'être évoquées.
En effet, en 1993, l'aide ménagère à domicile constituait, en métropole, 85,51 % des dépenses d'aides individuelles de la CNAVTS pour permettre le maintien à domicile des personnes âgées, soit 1,95 milliard de francs. Cette dépense était en hausse de 5 % par rapport à 1992.
Il faut, à cet égard, rappeler que globalement, (cf. tableau ci-inclus) les caisses de retraite financent 60 % de la totalité des heures d'aide ménagère soit, en 1993, 74 millions d'heures.
La CNAVTS, à elle seule, en finance 40 % soit 33.430.519 heures dans toute la France y compris les DOM. Elle a établi avec l'ARRCO une procédure coordonnée. L'ARRCO finance 1/9 des heures attribuées par la CNAVTS. Le nombre des bénéficiaires est similaire à celui de la CNAVTS soit 321.973 ce qui représente pour cette dernière caisse 4,17 % de ses retraités.
Localement, les Caisses Régionales d'Assurance Maladie signent des conventions avec les organismes prestataires de services (associations, centres communaux d'action sociale) sous forme d'un contrat d'activité annuel. L'organisme est chargé de proposer au bénéficiaire un type d'aide, en tenant compte de l'ensemble de ses besoins et de la dotation qui a été attribuée.
En 1993, il y avait 2700 services conventionnés dans la France entière, y compris les DOM.
Il faut bien évidemment rappeler que l'octroi de l'aide ménagère à domicile est assorti de conditions. Instituée pour pallier les conséquences concrètes de la maladie ou de la déficience physique, cette prestation permet le recours à une aide ménagère qui assure les travaux courants d'entretien du logement, les courses, et aide la personne âgée à se lever et à faire sa toilette.
Le niveau de financement de cette prestation par la CNAVTS est fonction du niveau de ressources du ressortissant de cette caisse de retraite et du nombre d'heures accordées. En effet, l'aide est, en principe, limitée à 30 heures par mois. Mais sur justifications et à titre exceptionnel pour les personnes très dépendantes, cette durée peut être portée pour un temps limité à 90 heures par mois.
De fait, statistiquement, les 3/4 des personnes concernées, en 1993, n'ont bénéficié d'une aide ménagère que pendant une durée inférieure à 16 heures par mois, contre environ 21,5 % à qui l'on a octroyé une durée comprise entre 16 et 30 heures, et moins de 4 % qui avaient recours à plus de 30 heures par mois.
La règle était donc d'accorder une durée d'aide ménagère inférieure ou égale à 30 heures mensuelles, avec des exceptions possibles examinées au cas par cas. Ce principe a été infléchi par le Conseil d'Administration de la CNAVTS, il y a deux ans.
En effet, le Conseil d'Administration de cette caisse a adopté, en 1993, un plan d'évolution de ses dépenses d'action sociale par lequel il a assigné à la CNAVTS deux objectifs : le renforcement de la politique d'intervention en faveur des personnes âgées dépendantes et la poursuite du rééquilibrage des situations régionales.
Dans ce but, il a été décidé d'augmenter l'enveloppe d'heures d'aide ménagère de 2 % par an, soit 1 % pour chacun des objectifs. Plus précisément, le renforcement de la politique d'intervention en faveur des personnes âgées dépendantes devait passer par, selon la CNAVTS, l'amélioration progressive de la prise en charge des cas lourds.
À cet égard, la CNAVTS s'est fixé comme objectif de faire croître la part des bénéficiaires « d'accords effectifs » ( ( * )1) , supérieurs à 30 heures par mois à 10 % sur 3 ans selon la progression suivante : 6 % en 1993, 8 % en 1994 et 10% en 1995.
À côté de cette aide ancienne et bien connue, la prestation de garde à domicile a des difficultés pour stabiliser ses caractéristiques.
Aide récente, puisque c'est en 1992 que la CNAVTS a mis en oeuvre, à la demande des pouvoirs publics, cette prestation extra-légale qui a été conçue afin de compléter le dispositif d'aide au maintien à domicile, elle vient en effet de voir ses caractéristiques changer pour la troisième fois.
Au départ, cette prestation a été conçue pour répondre à des situations de crise et d'urgence comme la sortie de l'hôpital ou la carence des proches. Mais, dès 1993, ces exigences ont été assouplies pour tenir compte de la dépendance chronique. La participation de la CNAVTS, plus faible initialement, a été accrue.
Cette prestation est attribuée aux ressortissants à titre principal du régime général, titulaires d'une pension, rente ou allocation au titre de l'assurance vieillesse. Même si c'est l'état de santé des deux membres du couple qui requiert l'intervention d'une garde à domicile, il ne peut être délivré qu'une seule prise en charge mais avec une participation de la CNAVTS plus élevée.
Le versement de cette prestation est subordonné à un contrôle de l'effectivité de l'aide. Si la prestation est versée directement à la personne âgée, c'est à cette dernière qu'il incombe de faire l'avance des fonds. La vérification de l'effectivité de cette aide se fait par la communication du bulletin de salaire établi par la personne âgée ou l'URSSAF en cas de versement direct au retraité, ou, en cas de versement à un prestataire de services conventionné, par celle de la feuille de travail ou du bordereau nominatif.
Pour 1994, le montant des crédits consacré par la CNAVTS à cette prestation a cru significativement pour atteindre 240 millions de francs. Parallèlement, le Conseil d'Administration a modifié les conditions de gestion et d'attribution de la prestation de garde avec effet au 1er janvier 1994. Ainsi cette prestation est-elle redevenue temporaire, attribuée en cas d'urgence ou d'absence momentanée des familles. Pourtant, le Conseil d'Administration de la CNAVTS n'a pas entendu exclure de son bénéfice les personnes âgées dans une situation de dépendance chronique.
Déjà modifiées en 1994, les modalités d'accès de cette prestation ont été de nouveau revues en 1994 avec application au 1er janvier 1995.
La durée de prise en charge est actuellement d'un maximum de six mois (180 jours), non renouvelable. Mais, si, au terme du semestre suivant la date de la prise en charge initiale, la participation maximale de la CNAVTS n'a pas été épuisée, une, voire plusieurs prises en charge complémentaires peuvent être délivrées selon certaines conditions.
Par ailleurs, si la participation de la CNAVTS reste fixée à 80 % de la dépense engagée comme auparavant, la limite du montant pour lequel elle intervient a été relevée à 7.700 francs pour une personne seule et 11.500 francs pour un couple.
Prestation intéressante par ses objectifs, la prestation de garde à domicile de la CNAVTS est donc en devenir. Elle risque d'ailleurs d'être remise en cause dans la mesure où le rapport d'activité de la CNAVTS de 1993 précisait qu'« après la création éventuelle d'une allocation dépendance, une refonte globale du système devrait s'imposer ».
Votre commission estime donc qu'il y a un réel risque de désengagement de la CNAVTS sur ce point ce qui la conforte dans l'idée d'instaurer une coordination des différents intervenants dans le domaine de l'action en faveur des personnes âgées.
Votre commission souhaite également évoquer deux exemples de prestations servies par le Centre d'action sociale de Paris : la carte Paris-Saphir et l'allocation familiale pour le maintien à domicile d'un parent âgé.
La création de la Carte Paris-Saphir, en janvier 1992 a correspondu à une volonté de favoriser davantage les personnes dépendantes et confinées à leur domicile, en leur réservant l'accès à un certain nombre de prestations. D'où l'incompatibilité de cette carte avec la possession des cartes de transports type émeraude ou améthyste 1 ( * ) .
Les prestations offertes par la Carte Paris-Saphir, l'aide ménagère du Bureau d'aide Sociale, le port de repas à domicile, la téléalarme, la pédicurie et, depuis septembre 1994, la coiffure à domicile, doivent donc permettre ou améliorer le maintien à domicile.
Cette carte est octroyée pour une période de 24 mois renouvelable aux personnes âgées qui ont plus de 65 ans -ou plus de 60 ans lorsqu'elles bénéficient d'un avantage de vieillesse attribué au titre de l'inaptitude au travail- et un montant d'imposition inférieur à 15.000 francs ou à 16.500 francs en cas de renouvellement. La participation financière des usagers varie en fonction des ressources de ces derniers et du type de service.
Conçue comme devant être un véritable « passeport pour le maintien à domicile », elle concernait, au 31 décembre 1993, 11.411 personnes. Ainsi au cours de l'année 1994, plus de 500.000 repas à domicile ont été servis tandis que 3.000 personnes bénéficiaient de la téléassistance et que 4.600 soins en matière de pédicurie ont été effectués. Enfin, l'aide ménagère assurée par 400 agents du Bureau d'aide sociale chez 2.300 bénéficiaires représentait 370.000 heures.
Parallèlement, a été créée, en 1989, une allocation spécifique, l'Allocation Familiale pour le maintien à domicile d'un parent âgé. Celle-ci, d'un montant de 1.000 francs par mois, a été instituée pour permettre de compenser, en partie, les surcoûts de loyer, particulièrement importants à Paris, qu'implique la nécessité d'occuper un logement plus grand. Ce sont environ 800 familles qui ont pu bénéficier d'une telle prestation pour un coût global de 9 millions de francs.
Ce n'est théoriquement pas la mission de l'Assurance Maladie du régime général de la Sécurité Sociale que de s'occuper des personnes âgées, fussent-elles dépendantes. C'est plutôt, en effet, celle de l'Assurance Vieillesse.
Toutefois, dans une perspective de maîtrise médicalisée des dépenses de santé, la Caisse Primaire d'Assurance Maladie de Paris (CPAM), afin de limiter dans la mesure du possible les hospitalisations, a instauré, par une décision de son Conseil d'Administration en date du 19 juin 1987, une prestation originale, celle de garde-malade à domicile pour personnes âgées dépendantes financée par son Fonds d'Action Sanitaire et Sociale.
À la base, elle est partie du constat que, après un accident de santé comme une fracture du col du fémur, fréquente chez les personnes âgées, ces dernières, non encore redevenues totalement autonomes, se voyaient contraintes de rester un ou deux mois à l'hôpital, en l'absence de dispositif adapté pour leur permettre de retourner chez elles. Cet état de fait, insatisfaisant pour les personnes âgées elles-mêmes, était également d'un coût non négligeable pour l'Assurance Maladie.
À côté de cette dimension « maîtrise des dépenses de santé », la CPAM a assigné à cette prestation un autre but, celle de permettre aux plus démunis l'accès à un service dont ils n'auraient pu bénéficier en raison de l'insuffisance de leurs revenus.
La participation financière demandée au bénéficiaire de cette prestation est donc variable en fonction de ses ressources. Pour ne pas compliquer le dispositif et le rendre plus lisible, le barème utilisé est celui de l'aide ménagère de la CNAVTS.
La Caisse Primaire n'emploie pas elle-même de gardes-malades. Elle se contente, par le biais d'assistantes sociales spécialisées, d'examiner la situation de la personne âgée - ses droits et le montant de sa participation financière - et d'évaluer les besoins de celle-ci - durée et nature de l'intervention.
Ce sont les associations de maintien à domicile qui ont passé convention avec la CPAM qui procurent la garde-malade adaptée à la personne âgée.
Il est nécessaire de présenter un certificat médical prescrivant la présence, au domicile, d'une garde-malade. Mais cette dernière ne doit pas se substituer à d'autres intervenants pour, par exemple, assurer des soins.
En principe, la durée d'intervention est limitée, pour une année civile, à 200 heures maximum, en une ou plusieurs interventions. Toutefois, à titre exceptionnel, si l'état de la personne âgée le justifie, 100 heures supplémentaires peuvent être attribuées.
On se doit d'ajouter, toutefois, que, 90% des cas étant des situations d'urgence, il y a alors possibilité d'intervention très rapide même le week-end, pour une durée maximale de 72 heures mais à certaines conditions et avec accord de la Caisse Primaire de Paris.
En 1994, il y avait 415 bénéficiaires de cette prestation pour 782 interventions ventilées entre 49 hospitalisations écourtées et 733 hospitalisations évitées.
Si l'on considère les nombres d'heures, ils se répartissent entre, toujours pour 1994, 34 389 heures pour les gardes de jour (soit 62,47 % du total) et 20.660,5 heures pour les gardes de nuit (soit 37,53 % du total).
La CPAM de Paris a versé, pour le financement de cette prestation, l'an passé, 4,326 millions de francs contre « seulement » 278.000 francs de la part des assurés.
Les personnes âgées de 65 à 75 ans ne composent que 10,12 % du total de ceux qui ont recours à la prestation de garde-malade à domicile, les 76-85 ans et les plus de 86 ans représentant, respectivement, 43,37 % et 46,51 %.
Plusieurs autres caractéristiques sont à noter. Ainsi 18,07 % des 415 bénéficiaires ont eu recours aux « 100 heures exceptionnelles ». De plus, cette population était, pour une très faible part, valide (3,61 %), en forte minorité semi-valide (41,69 %) et, dans une notable majorité, invalide (54,70 %). Enfin, sur le plan de la situation familiale, on constate qu'il y a une majorité des bénéficiaires qui vivent seuls, leur famille étant au loin (57,83 %), alors que 28,92 % sont totalement isolés et que seulement 13,25 % habitent en couples.
Globalement, on peut dire que cette prestation très ciblée - limitation sur une courte période de temps pour résoudre les conséquences d'un problème de santé aigu - fonctionne bien, de ce fait même et grâce à l'étroite collaboration entre les professionnels de terrain prestataires de service et la CPAM de Paris.
Toutefois, Paris n'est pas entièrement couvert et ne le sera vraisemblablement pas par cette prestation dont la pérennité n'est pas assurée.
Cette prestation n'est, en effet, que facultative, alimentée par les Fonds d'Action Sanitaire et Sociale de la CPAM de Paris.
Cette dernière ne poursuivra pas son financement s'il s'avère qu'une prestation légale en matière de dépendance peut couvrir les mêmes besoins.
Votre commission y voit la confirmation de ses interrogations sur le désengagement éventuel des caisses et de la nécessité pour les départements de conventionner avec les caisses de sécurité et de mettre en oeuvre une coordination efficace.
2. De la publication de rapports et de propositions de loi de qualité à la mise en oeuvre des expérimentations
a) De la publication de rapports et de propositions de loi de qualité...
La prise de conscience du vieillissement des populations et de ses conséquences n'a pas commencé ex nihilo à partir des années quatre-vingt. Ainsi, dès 1962 paraît le rapport Laroque. Celui-ci a pour but la prévention des dépendances résultant du vieillissement et s'inscrit dans la perspective d'une rupture avec la logique d'assistance qui domine, encore, à l'époque, les actions en direction de ceux qu'on appelle les vieillards. Il est à l'origine d'une impulsion décisive à l'égard de la politique de maintien à domicile des personnes âgées. Suivant les recommandations de ce rapport, le décret du 14 avril 1962 substitue ainsi à la majoration pour aide constante d'une tierce personne les services d'aide ménagère ou, à défaut, une allocation représentative de ces services. Tout lien avec un état de santé disparaît. Ces services sont mis en place pour éviter un placement en établissement hospitalier ou en hospice.
Le rapport Arreckx de 1978-1979 a marqué une nouvelle étape. Dans l'intervalle est intervenue la création de l'allocation compensatrice pour tierce personne (ACTP), mais la montée en charge de celle-ci est progressive, les COTOREP n'étant généralisées qu'à partir de 1978. Cette allocation, à cette époque, était véritablement tournée vers sa population-cible : les handicapés. La dérive de l'ACTP ne commence à véritablement se faire sentir qu'en 1984, qui semble, à cet égard, un moment-charnière puisque les personnes âgées et les handicapés sont alors à part égale dans les nouveaux entrants. À partir de cette date, la part des personnes âgées ne va que croître dans l'ACTP, y compris pour le « stock », et le problème prendre de plus en plus d'ampleur.
Et c'est à partir de ce moment, 1983-1985, qu'ont commencé à paraître de nombreux rapports de qualité : rapport du Conseil Économique et Social de 1983 sur le vieillissement démographique et ses conséquences économiques et sociales, rapport « Braun » de 1986-1987 issu des travaux de la commission nationale d'étude sur les personnes âgées dépendantes, rapport d'information sur les personnes âgées dépendantes « Vivre ensemble » dit rapport « Boulard », rapport du Commissariat général du Plan de septembre 1991 dit rapport « Schopflin », rapport de l'Assemblée nationale dit « Derosier » 1 ( * ) , rapport de l'IGAS sur la dépendance des personnes âgées de janvier 1993, en même temps que le sujet devenait de plus en plus prégnant du fait des évolutions démographiques.
Les deux rapports les plus significatifs de la période sont les rapports Boulard et Schopflin que votre commission va analyser succinctement (cf tableau synoptique).
Tableau synoptique retraçant quelques unes des propositions en matière de dépendance
Le rapport dit « Boulard » de 1991, qui est donc un rapport d'information de l'Assemblée nationale sur les personnes âgées dépendantes et qui s'intitulait « vivre ensemble », préconisait des améliorations dans six principaux domaines : la prise en charge des personnes âgées dépendantes, la diversification de l'offre dans les différents lieux de vie, les droits des personnes âgées, la prévention, la coordination des actions et la formation des intervenants. Il prévoyait notamment une meilleure prise en charge médicale par l'accroissement du nombre de places médicalisées, le décloisonnement du sanitaire et du social, la rénovation et l'unification du contenu des forfaits. Il élaborait un financement de cette prise en charge par le redéploiement des dépenses de psychiatrie, l'évolution d'un certain nombre de lits et l'ajustement du taux de cotisation d'assurance maladie des retraités. Il souhaitait la réforme de l'allocation compensatrice et la création d'une allocation d'autonomie et dépendance, modulée selon six niveaux possibles d'allocation. Il préconisait, à cet égard, le non-recours à l'obligation alimentaire, l'instauration d'un recours sur succession et la mise en oeuvre d'un fonds de financement de la dépendance sociale alimenté par les contributions actuelles des départements, de la CNAVTS et des régimes complémentaires et dont les ressources seraient complétées par les recettes fondées sur la solidarité nationale.
Le rapport « Schopflin » de 1991 proposait, lui, d'instituer une prestation en espèces, sous conditions de ressources. Il éliminait, comme le rapport Boulard l'obligation alimentaire et souhaitait le recours sur succession. Il pensait que cette prestation devait être accordée aussi bien à domicile qu'en hébergement, avec des modalités de calcul éventuellement distinctes. Il souhaitait également, comme le rapport Boulard, améliorer et réformer l'hébergement des personnes âgées dépendantes en accroissant le nombre de places médicalisées, en harmonisant le régime juridique des structures, en définissant le contenu et la forme de la prise en charge par l'assurance maladie. Il se prononçait, ensuite, en faveur du renforcement de l'efficacité du maintien à domicile par, notamment, la création de services de maintien à domicile polyvalents, l'amélioration de la prévention, de la formation des intervenants et de l'aide aux aidants. Enfin, il soulignait la nécessité de créer un suivi médico-social des personnes âgées dépendantes.
Outre ces rapports, la décennie qui vient de s'écouler a vu l'élaboration de nombreuses propositions de lois, ainsi celles de Mme Roselyne Bachelot et M. Jean-Claude Boulard, députés, déposées l'une, le 19 décembre 1990, l'autre le 20 avril 1993. La dernière en date est celle de M. Gérard Larrat, député UDF, qui date du 20 septembre 1995 1 ( * ) , soit deux jours après l'annonce du Premier Ministre, M. Alain Juppé, des principales caractéristiques du projet de loi que votre commission examine aujourd'hui.
Votre commission souhaite également ne pas oublier de mentionner le texte proposé par le Gouvernement de M. Pierre Bérégovoy à la fin de 1992, portant sur la création du Fonds de solidarité vieillesse et visant également à créer une allocation de dépendance pour les personnes âgées. Le processus législatif n'était pas allé jusqu'à son terme car l'abondement proposé par l'État, pour le financement de cette allocation, soit un milliard, paraissait largement insuffisant.
À cet égard, votre commission souhaite souligner le rôle éminent qu'a joué la Haute Assemblée depuis plusieurs années en faveur de la création d'une allocation destinée à pallier les conséquences de la dépendance. Ainsi, dès avril 1990, M. Lucien Neuwirth, questeur du Sénat, avait-il déposé une proposition de loi n° 210 (1989-1990) visant également à créer une allocation pour les situations de dépendance résultant d'un état de sénescence. Celle-ci, rapportée au sein de votre commission par M. André Jourdain, sénateur, avait, d'ailleurs, été adoptée au Sénat à une très large majorité le 18 novembre de la même année. Toutefois, excipant du fait qu'un texte visant au même but était en préparation, le Gouvernement de l'époque n'avait pas inscrit cette proposition de loi à l'ordre du jour de l'Assemblée nationale.
C'est en mai 1993 que votre commission a adopté la proposition de loi n° 295, dite Fourcade-Marini, visant à créer une allocation dépendance. Celle-ci était le fruit des travaux du groupe d'études sur la dépendance, diligenté par votre commission des Affaires sociales au cours de l'intersession d'hiver 1992-1993. Ce groupe d'études était présidé par M. Jean Chérioux et son rapporteur était M. Philippe Marini.
Intitulée « proposition de loi tendant à instituer une allocation aux personnes âgées dépendantes », cette proposition de loi a d'abord pour objet de remplacer l'allocation compensatrice dont on a précédemment décrit les dérives par une prestation spécifique pour ces personnes. Elle précise, toutefois, que les handicapés reconnus comme tels avant 65 ans continuent, comme par le passé, à percevoir l'allocation compensatrice. Cette prestation ouverte aux personnes de plus de 65 ans -60 ans en cas d'inaptitude au travail-l'est sans conditions de ressources, mais avec mise en jeu de l'obligation alimentaire pour les enfants du demandeur 1 ( * ) et recours sur succession. La définition de la perte d'autonomie est établie à partir d'une grille de dépendance unique et reconnue au plan national. La décision d'attribution de cette allocation revient au président du Conseil général après instruction par une équipe médico-sociale composée de trois personnes au moins, dont un médecin et un travailleur social ou médico-social et proposition de la commission cantonale d'admission à l'aide sociale. Pour éviter les dérives de l'ACTP, cette prestation doit être versée prioritairement en nature sous forme de crédits d'heures d'aide ménagère, de rémunérations pour les aidants ou de matériel adapté pour le maintien à domicile.
Comme cette nouvelle prestation ne doit pas se traduire par un accroissement des charges sur les budgets déjà fort sollicités des départements, la proposition de loi précise que la part assumée par ces budgets ne peut pas croître plus que proportionnellement à l'augmentation moyenne des dépenses d'aide sociale qu'ils assument déjà. Le complément doit donc être apporté par l'État au titre de la solidarité nationale. A cet égard, l'affectation d'une partie du projet de la contribution sociale généralisée est envisagée par la proposition de loi. Cette dotation de l'État est répartie entre les départements conformément à la proportion de population âgée qu'ils possèdent et à leur potentiel fiscal.
Cette proposition de loi ouvre également la voie à d'autres mesures. Elle souhaite ainsi favoriser le développement de contrats d'assurance dépendance destinés à offrir une véritable alternative à la prestation précédemment définie. Afin de rendre plus attractifs ces contrats, il est envisagé diverses formules comme une « déductibilité des cotisations de l'impôt sur le revenu, une possibilité de constitution d'un complément de rente viagère en cas de dépendance dans le cadre de la mise en place des fonds de pension ». Parallèlement, cette proposition de loi insiste sur le rôle de coordonateur que doit jouer le département en matière d'actions en faveur des personnes âgées dépendantes. Enfin, et ce point fut particulièrement soulevé lors du débat du 11 mai 1993 sur la dépendance à la Haute Assemblée ( ( * )2) . elle envisage une révision du système de tarification en hébergement pour mettre en oeuvre un régime uniformisé dans le secteur public comme dans le secteur privé. C'est donc, au-delà de la création d'une prestation dépendance, une réforme globale et ambitieuse.
Cette proposition de loi a été le fil conducteur de votre commission pour l'analyse de ce texte. Votre commission constate d'ailleurs, que dans ses grandes lignes, le projet de loi soumis à l'examen de la Haute Assemblée ne diffère que peu des dispositions prévues par cette proposition de loi.
Après la tentative, infructueuse, d'élaboration d'un texte au printemps 1994, votre commission a estimé, à l'instigation de son président, M. Jean-Pierre Fourcade, nécessaire de prendre une initiative législative. Celle-ci s'est traduite par l'article 38 de la loi du 25 juillet 1994 qui prévoit le principe d'expérimentations en matière d'aide aux personnes âgées dépendantes.
Les lignes directrices de ces expérimentations selon l'article 38 précité étaient les suivantes :
- les expérimentations devaient être définies par des conventions départementales conclues entre les différents intervenants, les Conseils généraux, les autres collectivités territoriales et les organismes de sécurité sociale dans le cadre d'un cahier des charges établi par le ministre des Affaires sociales. Elles devaient entrer en vigueur au 1er janvier 1995.
- elles ne devaient pas préjuger des solutions définitives mais, tout d'abord, servir à valider, ou non. la nouvelle grille d'évaluation de la dépendance, ensuite, à trouver le meilleur schéma d'organisation, puis à apprécier le nombre de personnes concernées par le problème, et. enfin, à établir de manière pertinente le coût global de la prise en charge de la dépendance.
- Un comité national, présidé par le ministre des Affaires sociales et comprenant des parlementaires, des représentants des collectivités territoriales, des organismes de sécurité sociale et du Comité national des retraités et des personnes âgées (CNRPA) était chargé d'assurer le suivi de ces expérimentations et d'en dresser le bilan.
La Haute Assemblée, et particulièrement votre commission ont donc grandement oeuvré pour la mise en oeuvre d'une prestation pour les personnes âgées dépendantes.
b) ... à la mise en oeuvre des expérimentations
- Les caractéristiques des expérimentations
Le cahier des charges prévu à l'article 38 de la loi relative à la sécurité sociale a été rendu public le 6 octobre 1994. C'est lui qui a défini l'ensemble des caractéristiques de ces expérimentations et c'est à partir de celui-ci que les départements ont dû se déterminer pour être candidats à l'expérimentation et déposer un dossier. Sur les 41 postulants, onze départements 1 ont été retenus plus quelques cantons d'un autre, la Savoie. Ce cahier des charges fixait, très clairement, quatre objectifs aux expérimentations, en conformité avec le souhait du législateur : la validation de la grille nationale, la mise en place d'une coordination autour de la personne âgée, la coordination de l'offre de service et la mise en oeuvre d'une Prestation expérimentale dépendance (PHD) composée de prestations complémentaires ou alternatives -l'ACTP et ou la prestation supplémentaire dépendance (PSD) liquidée et servie par le régime général.
Le montant de cette prestation expérimentale dépendance est fixé en fonction des besoins de la personne âgée mais plafonné au montant de l'ACTP.
C'est-à-dire l'Ain la Charente la Haute-Vienne, la Haute-Garonne, l'Ile-et-Vilaine, l'Indre, la Haute-Loire, la Moselle. l'Oise l'Yonne et le Val d'Oise.
C'est une prestation en nature destinée à financer les services fournis par des personnes. Ce n'est qu'exceptionnellement, que cette prestation peut être versée en espèces au bénéficiaire lorsqu'un membre de sa famille ou un proche le prend en charge ou en cas de pluralité d'intervenants, si cette modalité s'avère plus adaptée. Elle ne concerne que l'aide à domicile.
Elle est attribuée sous condition de ressources : soit une fois et demie le montant du minimum vieillesse augmenté de celui de la prestation expérimentale, au lieu d'une fois le minimum vieillesse plus la prestation pour l'allocation compensatrice. Le seuil de ressources en a été retenu pour la prestation d'autonomie.
La prestation supplémentaire dépendance (PSD), qui est une prestation extra-légale est financée par des crédits limitatifs du fonds national d'action sanitaire et sociale de la CNAVTS. Ces crédits étaient évalués à 250 millions de francs pour 1995.
Ne sont concernés que les flux des nouvelles demandes et les renouvellements d'allocation compensatrice. La prestation expérimentale dépendance est versée pendant un an à compter de la date d'attribution.
- Les premiers résultats des expérimentations
Celles-ci étaient prévues pour entrer en vigueur le 1er janvier 1995, mais en fait, les conventions nécessaires à leur mise en oeuvre ont été signées au cours du premier trimestre 1995 (Cf tableau).
Conventions départementales
Le comité d'évaluation des expérimentations a été officiellement installé le 5 mai 1995, soit deux jours avant le deuxième tour de l'élection présidentielle. Trois semaines plus tard, le nouveau Premier ministre, M. Alain Juppé, annonçait le dépôt d'un texte avant l'été sur la création d'une nouvelle prestation à destination des personnes âgées dépendantes. Cette annonce a quelque peu stoppé le développement de ces expérimentations qui venaient à peine de se mettre en place. Votre commission, reprenant les avis unanimes de ces commissaires estime, à cet égard, que l'on aurait pu mener ces expérimentations à leur terme. Elle considère aussi que le comité national d'évaluation aurait pu jouer le rôle qui lui était dévolu par la loi.
En ce qui concerne l'application de ces expérimentations sur le terrain, votre rapporteur souhaite évoquer le cas de l'Oise, département dont il est l'élu. Selon les informations qu'il a obtenues et qui datent du 7 septembre 1995, les premières indications sur l'application de la prestation expérimentale dépendance étaient les suivantes. Sur 164 décisions prises par l'équipe médico-sociale, 108 dossiers étaient acceptés (dont 38 concernaient l'ACTP seule et 54 la prestation supplémentaire seule) et 58 étaient refusés, essentiellement à cause d'une autonomie ou d'une aide jugée suffisante. Le coût cumulé de la prestation était au 7 septembre 1995, de 644.045,11 F. Il était assumé à 53,26 % par le Conseil général, à 33,73 % par la CRAM, à 8,46 % par la MSA et à 4,29 % par l'ORGANIC. Le montant moyen servi était de 1.865 F par mois.
Enfin, en terme d'emplois, on pouvait constater que les 108 décisions positives avaient entraîné la solvabilisation de 3.142 heures de travail par mois, soit la création de 19 emplois équivalent temps plein. Une extrapolation sur les 1.200 dossiers prévus, permettait de conclure à la création d'environ 135 emplois équivalent plein pour le département en année pleine. Mais, compte tenu du peu de recul, il convient bien entendu d'être très prudent dans l'utilisation de ces estimations qu'il s'agisse de la création d'emploi ou du coût final de la mesure.
Sur un plan général, l'évaluation réalisée par le Credoc, qui devait avoir lieu au bout d'un an de fonctionnement de ces expérimentations a eu lieu en juillet 1995, soit trois mois après la mise en oeuvre de la prestation pour certains départements. D'où des conclusions qui peuvent se révéler fragiles. Toutefois, on peut dire globalement que le partenariat entre les départements et les diverses caisses de sécurité sociale a bien fonctionné, ce qui semble très porteur pour l'avenir.
Toutefois, la montée du dispositif s'est avérée assez lente.
Il semble que cette lenteur ne soit pas liée uniquement à la difficulté des négociations conventionnelles préalables mais à la complexité même du dispositif qui, fonctionnant à législation inchangée, multiplie les procédures et allonge fortement les processus de prise de décision.
Il apparaît, par ailleurs, que le principe d'une visite à domicile, l'existence d'une grille, en dépit des quelques limites de cet outil, et surtout la nécessité d'élaborer et de contrôler l'application d'un plan d'aide constituent de réelles avancées saluées comme telles par la majorité des intervenants locaux.
Le présent texte a donc tenu compte de ce constat.
Ces expérimentations ont été également l'occasion d'établir le profil des demandeurs selon l'âge, le sexe, les ressources, le caractère de primo demandeur, de personne seule, et selon la caisse de sécurité sociale de rattachement (cf tableaux pages suivantes).
Répartition par âge des personnes âgées dont les dossiers sont passés en commission
Proportion d'hommes parmi les dossiers passés en commission selon les départements
Ressources des demandeurs
Taux de première demande sur l'ensemble des dossiers passés en commission
Isolement de la personne
Répartition des dossiers passés en commission selon la caisse majoritaire et les départements
* (1) C'est-à-dire les heures réellement effectuées auprès de la personne âgée, qu'elles soient réglées par le régime général ou par l'ARRCO.
* 1 qui sont attribuées par Paris et permettent d'obtenir la gratuité des transports en commun sur le réseau parisien pour la première carte et à Paris et en banlieue pour la seconde sous réserve de remplir certaines conditions (âge, imposition).
* 1 Ce rapport est consacré aux conséquences de la décentralisation, mais, ainsi qu'il est logique, il fait des propositions en matière de dépendance
* 1 Qui propose une solution tout à fait différente de celle du Gouvernement, à savoir l'instauration d'une prestation de sécurité sociale.
* (1) Si ceux-ci, toutefois, disposent de revenus supérieurs à un montant défini par décret.
* (2) Ce débat fut la résultate de la discussion de 11 question orales avec débat pointes à Mme Simone Veil, alors ministre charge de ce dissuer et posées par huit sénateurs de la majorité, deux socialistes et deux socialistes et un communiste.