II. LES DISPOSITIONS TECHNIQUES DE L'ACCORD
La présente convention signée le 31 août 1994 à Paris se substitue à une précédente convention du 28 juillet 1967 complétée par quatre avenants successifs.
L'ancienneté de cette dernière convention nécessitait une mise à jour d'autant que la convention d'origine s'écartait sur de nombreux points du modèle OCDE.
Le dispositif de la nouvelle convention se veut précis et complet. Rançon de cet objectif, le texte examiné se caractérise par une certaine complexité.
Une première série d'articles détermine le champ d'application de l'accord.
L'article 4 indique que la convention ne concerne que les résidents d'un État contractant et fixe les conditions dans lesquelles, en cas de double-résidence dans l'un et l'autre État, la personne est réputée résidente de l'un d'entre eux seulement.
Est considéré comme "résident d'un État contractant" toute personne qui, en vertu de la législation de cet État, est assujettie à l'impôt dans cet État en raison de son domicile, de sa résidence, de son siège de direction, de son siège social, ou de tout autre critère de nature analogue ".
A cette définition classique, la convention ajoute deux précisions. L'une, anecdotique, concerne l'exclusion de la qualité de résident des États-Unis des personnes simplement titulaires de la "carte verte" si elles ne remplissent pas l'une des autres conditions requises pour être considérées comme résident de cet État. L'autre, plus importante, reconnaît à un certain nombre d'entités transparentes fiscalement -les SICAV françaises ou les "trusts" américains à objet social- la qualité de résident de l'un des deux États.
Quant aux règles de rattachement à l'un des deux États des doubles-résidents, elles diffèrent selon qu'il s'agit d'une personne physique ou morale.
Pour les personnes physiques la classique série de critères successifs sert pour apprécier le sort des doubles-résidents.
Pour les personnes morales, la question doit être tranchée d'un commun accord par les deux États signataires compte tenu du siège de direction effective de cette personne ou de tout autre élément pertinent.
Comme c'est la coutume, l'article 5 réserve un sort particulier aux établissements stables qui, quoique dépourvus de personnalité morale, sont reconnus comme résident d'un État dès lors qu'ils se présentent comme une installation fixe d'affaire sise dans cet État par laquelle une entreprise exerce tout ou partie de son activité.
L'article 2 de la convention établit la liste des impôts auxquels s'applique la convention. Du côté français, sont concernés :
- l'impôt sur le revenu,
- l'impôt sur les sociétés,
- la taxe sur les salaires.
- l'impôt de solidarité sur la fortune.
Du côté américain, sont vises :
- les impôts fédéraux sur le revenu prévus par I' "Internai Revenue Code" à l'exclusion des prélèvements de sécurité sociale,
- les droits d'accises sur les primes d'assurance payées à des assureurs étrangers et les droits d'accises concernant les fondations privées.
Une deuxième série d'articles de la convention répartit le droit d'imposer entre les deux États contractants pour chacune des assiettes taxables.
Solution classique, l'article 6 donne à l'État de situation des biens le droit d'imposer les revenus des biens immobiliers.
L'article 7 règle le sort de l'imposition des bénéfices des entreprises.
Les bénéfices d'une entreprise d'un État contractant ne sont imposables que dans cet État, à moins que l'entreprise n'exerce son activité dans l'autre État contractant par l'intermédiaire d'un établissement stable qui y est situé. Si l'entreprise exerce son activité d'une telle façon, les bénéfices de l'entreprise sont imposables dans l'autre État mais uniquement dans la mesure où ils sont imputables à cet établissement stable.
La réserve relative aux règles d'imposition des établissements stable est traditionnelle mais elle est assortie d'une précision particulière. Le bénéfice imposable de l'établissement stable s'entend des seuls bénéfices qu'il aurait réalisé s'il avait constitué une personne indépendante. En conséquence, sont par exemple admises en déduction de l'assiette imposable "les dépenses qui ont un lien raisonnable avec ces sociétés, y compris les dépenses de direction et les frais généraux d'administration, que ces dépenses soient exposées dans l'État où est situé cet établissement stable ou ailleurs".
Ce genre de dispositions apparaît justifié mais il faut observer que imprécision des concepts visés est de nature tant à diminuer la sécurité fiscale qu'à nourrir le contentieux fiscal. Enfin, la mention de dépenses exposées ailleurs" a pour conséquence d'élargir le champ géographique d'application de la convention puisqu'elle conduit, via l'élargissement géographique des conditions de calcul de l'assiette imposable qu'elle comporte, à prendre en compte l'activité d'autres personnes que les résidents des deux États contractants.
L'article 8 contient une disposition classiquement dérogatoire qui précise que "les bénéfices qu'une entreprise d'un État contractant tire de exploitation, en trafic international, de navires ou d'aéronefs ne sont imposables que dans cet État".
En outre, le point 2 de l'échange de lettres annexé à la convention Prévoit qu'une entreprise des États-Unis qui exploite des navires ou des aéronefs en trafic international est dégrevée d'office en France de la taxe Professionnelle à condition que les entreprises de France qui, exploitant des navires ou des aéronefs en trafic international, ne soient pas soumises aux États-Unis, à raison de cette exploitation, aux impôts sur le revenu d'un ou Plusieurs États fédérés.
Ces dispositions appellent quelques observations.
D'abord, compte tenu de l'ouverture inégale des cieux européen et américain, l'opportunité de déroger aux règles répartissant le droit d'imposer les bénéfices des établissements stables peut être sérieusement mise en cause.
En revanche, grâce à la mention d'un dégrèvement de taxe professionnelle, la question de la compensation des pertes de recettes pour les collectivités locales induites par cet avantage fiscal concédé par l'État est résolue.
L'article 9 de la convention est important. Il règle le sort des bénéfices d'entreprises liées entre elles et sanctionne le principe de pleine concurrence. Aux termes de celui-ci, le bénéfice imposable dans un État doit être calculé comme si l'entreprise concernée n'avait entretenu aucun lien capitalistique avec une quelconque autre entreprise. Cette disposition vise à remédier à la distribution géographique de leurs bénéfices que pourraient tenter de pratiquer entreprises associées entre elles par l'intermédiaire de transferts réciproques convenus a des conditions exorbitantes par rapport à celles qui prévaudraient entre des entreprises indépendantes
L'article 10 de la convention concerne le sort fiscal des dividendes.
Les dividendes sont imposables à la fois par l'État de la source et par l'État de destination
Mais le droit à imposition du premier est limite puisque l'impôt qu'il établit ne peut excéder 5 % du montant brut des dividendes si leur bénéficiaire effectif détient une part significative -+ de 10 % des droits de vote d'une société américaine ou + de 10 % du capital d'une société française- dans la société qui verse les dividendes et 15 % du montant brut des dividendes dans les autres cas.
Le principe d'une double imposition des dividendes est donc maintenu mais le taux conventionnel applique par l'État de la source est réduit par rapport aux dispositions antérieures alors qu'est prorogée l'inégalité de taxation entre "petits et gros porteurs". Cette inégalité de traitement est justifiée par la volonté de favoriser la constitution d'entreprises multinationales en facilitant les relations entre "mères" et "filles". Il faut cependant observer que le taux de participation choisi -10 %- est sensiblement inférieur à celui mentionné par le modèle OCDE qui est de 25 %
Le paragraphe 4 de l'article prévoit que l'avoir fiscal prélevé par le Trésor français est transféré aux résidents américains qui sont soumis à l'impôt sur le revenu aux États-Unis à raison des dividendes concernés et du paiement du Trésor français dès lors que les dividendes reçus par eux auraient donne droit à cet avoir fiscal s'ils avaient été perçus par un résident de France.
Cette disposition est ordinaire. L'avoir fiscal a pour objet d'asseoir en France la neutralité de l'impôt et d'éviter qu'un bien ne fasse l'objet d'une double taxation. C'est parce qu'un bénéfice logé dans une entreprise a été taxe en tant que tel qu'on octroie au bénéficiaire du dividende social un avoir fiscal représentant le prélèvement opéré au titre de l'impôt sur les sociétés.
Logiquement, cet avoir fiscal vient en déduction de l'imposition du revenu de la personne qui en bénéficie.
Le dispositif conventionnel poursuit cette logique puisque l'État américain ne reconnaît à ses résidents le droit à bénéficier de l'avoir fiscal français que si celui-ci est imposé par l'administration fiscale américaine.
Il n'empêche que par ce dispositif la France abandonne purement et simplement des recettes fiscales propres au Trésor américain 1 ( * )
L'article 11 prévoit que les intérêts ne sont imposables que dans l'État de destination à moins que ces intérêts soient détermines par référence aux bénéfices de l'émetteur de l'emprunt cas auquel ils sont également imposables dans l'État de l'émetteur à un taux qui ne peut toutefois excéder 15 % de leur montant brut.
L'article 12 traite des redevances et précise que le droit d'imposer appartient à l'État du résident du bénéficiaire du paiement et, sauf pour les redevances relatives aux droits d'auteurs, dans la limite de 5 % de leur montant, à l'État de provenance du paiement.
L'article 1 3 repartit le droit d'imposer les gains en capital.
Les gains en capital provenant de l'aliénation de biens immobiliers sont imposables dans l'État où sont situés ces biens. Il en va de même pour les biens mobiliers qui font partie de l'actif d'un "établissement stable" et pour les navires ou aéronefs exploités en trafic international. En revanche, les gains en capital issus de l'aliénation de tous les autres biens mobiliers ne sont imposables que dans l'État de résidence de celui qui les cède.
L'article 14 traite de l'imposition des revenus des professions libérales. Ceux-ci sont imposables dans l'État de résidence du professionnel, sauf pour les revenus qu'il tire de son activité dans l'autre État dès lors qu'il y dispose d'une base fixe d'activité.
Conformément à l'article 15, les rémunérations d'activités dépendantes sont imposables dans l'État où ces fonctions sont exercées.
L'article 17 concerne l'imposition des cachets des sportifs et des artistes.
L'article 18 concerne les pensions. Une distinction est faite entre les pensions à caractère entièrement privé, qui sont imposables dans l'État du bénéficiaire, et les pensions accordées à raison d'un régime obligatoire sécurité sociale -, qui sont imposables dans l'État de la source.
Il convient de rappeler dans que la plupart des régimes de retraite américains ayant un caractère facultatif, le dispositif retenu a des conséquences asymétriques pour les deux États.
Cette asymétrie ne se retrouve pas dans la détermination des conventions de déduction du revenu imposable des cotisations sociales puisque la convention ne mentionne pas comme condition de déduction le caractère obligatoire du régime.
Quant aux pensions versées par une personne publique, elles sont imposable à la fois dans l'État de la source et dans l'État de résidence du bénéficiaire Mais la double imposition est éliminée par l'imputation sur l'impôt dû en France a ce titre d'un crédit d'impôt égal à cet impôt français.
Les articles 20 et 21 comportent un certain nombre d'exonérations visant à faciliter la mobilité bilatérale des chercheurs et étudiants dans l'un et l'autre État.
L'article 23 précise les conditions de rattachement du patrimoine à la fortune des résidents des deux États La fortune immobilière est imposable dans l'État de situation des biens immobiliers. La fortune mobilière est en règle générale imposable dans l'État de résidence de son propriétaire
L'article 24 détermine les mécanismes d'élimination des doubles impositions.
Sauf pour quelques cas particuliers - chercheurs - ou la méthode choisie pour éliminer les doubles impositions est celle de l'exonération pure et simple dans l'État de résidence, la convention opte pour la méthode de l'imputation.
Dans celle-ci, l'État de résidence impose les revenus ou les biens imposables dans l'autre État, mais admet en déduction de l'impôt qui en résulte un crédit d'impôt égal à l'impôt payé dans l'État contractant lorsqu'il lui revient le droit d'imposer ou à l'impôt français qui aurait été exigé. Dans ce cas, le mécanisme efface entièrement l'imposition exigible du fait des revenus concernés par lui, mais n'affecte pas la progressivité de l'impôt.
Ce crédit d'impôt est assorti le plus souvent de limites. Par exemple, il ne peut fréquemment excéder le montant de l'impôt dû en France.
Telles sont les principales dispositions de cet accord. Votre rapporteur vous
* 1 Faute d'un mécanisme d'avoir fiscal aux États-Unis cet avantage n'est pas réciproque.