II. LES PARTICULARITÉS DU STATUT DES QUESTEURS DU SÉNAT

Les statuts des questeurs des deux Assemblées sont donc très similaires.

On relève néanmoins deux spécificités dans le statut des questeurs du Sénat, l'une de caractère administratif n'appelant pas de commentaire particulier, l'autre nettement plus politique, sur laquelle on peut réellement s'interroger.


• En premier lieu, les questeurs du Sénat sont investis d'un pouvoir réglementaire étendu sur la police du jardin du Luxembourg. Ce jardin étant ouvert au public, il s'agit d'un pouvoir de police fort important qui, par définition, ne peut concerner les questeurs de l'Assemblée nationale.


• D'autre part, l'article 8, alinéa 12 du Règlement du Sénat dispose que "... le Président du Sénat et les questeurs ne font partie d'aucune commission permanente". Sur ce point, les questeurs du Sénat sont donc placés dans une situation réglementaire sans équivalent à l'Assemblée nationale dont le Règlement n'interdit nullement à ses questeurs d'être membres d'une commission permanente.

On peut ainsi rappeler qu'actuellement les trois questeurs de l'Assemblée, MM. Bassinet, Cointat et Bonnemaison, appartiennent respectivement à la Commission de la production et des échanges (MM. Bassinet et Cointat) et à la commission des Lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République (M. Bonnemaison).

L'interdiction qui frappe les questeurs du Sénat n'apparaît guère logique.


• Elle ne s'applique pas, en effet, aux autres membres du Bureau (à l'exception bien sûr du Président), et les vice-présidents comme les secrétaires du Sénat peuvent parfaitement être membres d'une commission permanente. Ce n'est donc pas l'appartenance des questeurs au Bureau du Sénat qui les écarte des commissions permanentes.


• D'autre part, on ne peut non plus soutenir que la qualité de questeur serait en elle-même incompatible avec toute participation aux travaux d'une commission législative, quelle qu'elle soit. En effet, l'article 8, alinéa 12 du Règlement du Sénat ne vise que l'appartenance à une commission permanente proprement dite et ne fait aucunement obstacle à ce qu'un ou plusieurs questeurs du Sénat soient membres d'une commission spéciale.

On peut même soutenir que les questeurs participeraient donc normalement et régulièrement aux travaux législatifs si les textes qui viennent en discussion étaient plus souvent renvoyés à des commissions spéciales, conformément à l'esprit de l'article 43 alinéa premier de la Constitution de la Vème République.


• Dès lors que les questeurs du Sénat sont titulaires du même mandat parlementaire que l'ensemble de leurs autres collègues, et qu'en elles-mêmes leurs attributions purement administratives ne leur interdisent pas de participer aux travaux législatifs de l'assemblée en séance publique, on ne voit donc guère de motif à les tenir plus longtemps écartés des travaux des six commissions permanentes du Sénat.


• Il faut d'ailleurs souligner qu'en leur exclusion a constitué une innovation dans le droit parlementaire en vigueur au sein de notre Sénat.

Le Règlement du Conseil de la République ne comportait sur ce point aucune interdiction. Il en était de même dans le Règlement du Sénat de la IIIe République, lorsque celui-ci adopta (assez progressivement) un système de commissions législatives analogue à celui des actuelles commissions permanentes.

L'article 8, alinéa 12 du Règlement du Sénat a donc constitué une innovation sur laquelle malheureusement la consultation des travaux préparatoires n'apporte aucun éclaircissement.

Cette disposition (qui figurait initialement à l'article 8, alinéa 8 de la proposition de résolution fixant le Règlement provisoire du Sénat) a en effet été adoptée sans débat, ainsi que le montre le compte rendu de la séance du 16 janvier 1959 (Journal officiel des débats du Sénat, p. 43).

Le rapport de la commission spéciale chargée d'élaborer le Règlement provisoire du Sénat n'est pas plus explicite. Compte tenu de l'urgence, le rapporteur, M. Marcilhacy, n'avait en effet commenté que les articles qui lui semblaient susciter des difficultés sérieuses et n'avait donné sur l'article 8, alinéa 8, aucune indication particulière (Rapport Sénat - Session extraordinaire de 1959, n° 3, annexé au procès-verbal de la séance du 15 janvier 1959),


• On recherche en vain une explication plausible au dispositif de l'article 8, alinéa 12. Ce ne peut être en effet l'importante charge de travail qui pèse sur les questeurs qui risquerait éventuellement de leur interdire une participation suivie aux travaux d'une commission permanente, puisque si tel était le cas il en serait de même pour les questeurs de l'Assemblée nationale.

D'une façon plus générale, il convient de constater que l'exclusion des questeurs du Sénat des commissions permanentes altère profondément les conditions d'exercice de leur mandat parlementaire, puisqu'ils sont écartés d'une phase essentielle de l'activité législative du Parlement.

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