EXAMEN EN COMMISSION
Mme Muriel Jourda, présidente. - Nous en venons à présent à l'examen du rapport d'Alain Marc sur la proposition de loi, modifiée par l'Assemblée nationale en première lecture, visant à assouplir la gestion des compétences « eau » et « assainissement ».
M. Alain Marc, rapporteur. - Comme je le rappelais au mois d'octobre 2024 devant notre hémicycle, cela fait désormais dix ans que notre assemblée s'emploie à atténuer les conséquences du transfert obligatoire des compétences « eau » et « assainissement » aux communautés de communes imposé par la loi du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République, dite NOTRe. Richard Ferrand ne s'y était pas trompé, puisqu'il fut à l'initiative de la loi du 3 août 2018 relative à la mise en oeuvre du transfert des compétences « eau » et « assainissement » aux communautés de communes, qui a permis le report de ce transfert à 2026.
Nous examinons aujourd'hui, en deuxième lecture, la proposition de loi déposée par notre collègue Jean Michel Arnaud qui vise à mettre fin à l'obligation de transfert des compétences « eau » et « assainissement » pour les communes qui en ont conservé l'exercice.
L'occasion historique s'offre à nous, en adoptant définitivement ce texte, de clore ce chapitre et de rendre enfin leur liberté aux communes dans la gestion de ces compétences, conformément à la position constamment défendue par le Sénat. Mieux vaut tard que jamais, car le parcours parlementaire du texte qui nous revient en deuxième lecture n'a pas été - loin s'en faut ! - un long fleuve tranquille.
En effet, l'instabilité qui a marqué l'actualité politique des derniers mois n'a eu d'égal que la constance avec laquelle notre assemblée a défendu la liberté des maires en matière de gestion des compétences « eau » et « assainissement ».
D'abord reporté en raison de la dissolution de l'Assemblée nationale prononcée en juin 2024, l'examen de la proposition de loi dans notre hémicycle n'a pu intervenir qu'en octobre 2024. C'est ensuite la censure du Gouvernement de Michel Barnier en décembre 2024 qui a fait obstacle à son inscription à l'ordre du jour de l'Assemblée nationale dans les délais prévus initialement.
Je tiens d'ailleurs à rendre hommage à nos collègues députés du groupe Libertés, Indépendants, Outre-mer et Territoires (Liot) qui, une fois n'est pas coutume, ont rendu possible la poursuite de la navette, en inscrivant le texte à l'ordre du jour transpartisan de l'Assemblée nationale du 12 mars 2025.
Nous y voilà, chers collègues : l'intense travail collectif de conviction que nous avons mené auprès des gouvernements successifs doit désormais trouver sa concrétisation dans la loi et la responsabilité nous en incombe.
En effet, les attentes des élus locaux sur le terrain nous obligent : l'échéance du 1er janvier 2026, date à compter de laquelle doit intervenir le transfert obligatoire des compétences, approche à grands pas. Plus que jamais, nous avons le devoir d'apporter une réponse sans équivoque à leurs inquiétudes légitimes.
En tant que conseiller municipal d'une petite commune de 215 habitants et conseiller d'une communauté de communes de 5 200 habitants, dont j'ai également été le président, je mesure à quel point il est urgent de mettre un terme définitif à l'incertitude qui règne encore sur ce dossier.
Permettez-moi de rappeler les grandes lignes de la solution d'équilibre à laquelle est parvenue notre assemblée lors de l'examen de ce texte en première lecture.
Je rappelle tout d'abord que le dispositif a été conçu et proposé en séance publique par notre commission, avec la précieuse contribution de nos collègues Mathieu Darnaud, Jean-Michel Arnaud, Cécile Cukierman, Jean-Yves Roux, Franck Menonville et Paul-Toussaint Parigi, que je remercie et dont je salue l'engagement sans faille.
Voici donc le principe consacré à l'article 1er de la proposition de loi : les communes qui n'ont pas encore transféré les compétences « eau » et « assainissement » à leur communauté de communes à la date d'entrée en vigueur de la loi ne seront plus obligées de procéder à ce transfert au 1er janvier 2026. Elles retrouveront, leur entière liberté.
Toutefois, il n'y aura pas de retour en arrière possible pour les communes qui ont déjà transféré les compétences : les transferts déjà effectués ne seront donc pas remis en cause.
Parallèlement, nous avions introduit un nouvel article 3 bis organisant un dialogue territorial sur l'exercice des compétences « eau » et « assainissement » à l'échelle du département. Ce dialogue devait avoir lieu au sein de la commission départementale de coopération intercommunale (CDCI), à l'occasion d'une réunion annuelle dédiée aux enjeux de qualité et de quantité d'eau, et pouvant déboucher sur la formulation de propositions non contraignantes.
Avec cet article, nous réaffirmons une conviction forte : si la mutualisation de ces compétences peut être pertinente pour préserver la ressource en eau, les communes et leurs intercommunalités demeurent les mieux placées pour apprécier l'échelle de cette mutualisation, qui ne doit pas être imposée mais choisie par les acteurs locaux eux-mêmes en fonction des réalités de leurs territoires. En effet, lorsqu'elles ont été conçues, les intercommunalités n'ont jamais été pensées pour correspondre aux périmètres des bassins versants et des vallées.
Il va sans dire que l'examen de cette proposition de loi à l'Assemblée nationale était attendu. Et ces attentes ont été satisfaites puisque les députés ont, pour l'essentiel, approuvé le dispositif conçu au Sénat et préservé son équilibre.
Nous ne pouvons que nous réjouir de l'émergence, au Parlement, d'un consensus en faveur d'une solution respectueuse des libertés communales et de nature à conserver une gestion différenciée des compétences « eau » et « assainissement », adaptée aux spécificités de chaque territoire.
Les députés ont apporté au texte plusieurs ajustements, qui me semblent aller dans le bon sens ou, à tout le moins, ne pas soulever de difficultés majeures.
En premier lieu, l'Assemblée nationale a consacré le caractère « sécable » de la compétence « assainissement », en distinguant l'assainissement collectif et l'assainissement non collectif. Cela signifie concrètement qu'une commune qui a transféré à l'intercommunalité une partie seulement de la compétence sera libre de transférer ou non l'autre partie de cette compétence à compter de l'entrée en vigueur de la loi.
En deuxième lieu, sur l'initiative du député Vincent Descoeur, les députés ont facilité la création de nouveaux syndicats compétents en matière d'eau et d'assainissement, en précisant que ces syndicats pouvaient être créés même s'ils ne sont pas compatibles avec le schéma départemental de coopération intercommunale (SDCI). Cette exigence de compatibilité permettait jusqu'alors au préfet de refuser les mutualisations proposées par les élus. Jusqu'à présent, les dérogations à l'obligation de compatibilité au SDCI ne concernaient que les syndicats compétents en matière de construction ou de fonctionnement d'école préélémentaire ou élémentaire, d'accueil de la petite enfance ou d'action sociale.
En troisième lieu, les députés ont rendu plus souple le dispositif de dialogue territorial conçu par le Sénat, en réduisant notamment la fréquence des réunions de la CDCI : elles n'auront lieu qu'une fois tous les six ans, après chaque renouvellement général des conseils municipaux.
Enfin, le texte qui nous est transmis par l'Assemblée nationale contient un nouvel article 5, qui vise à inscrire dans la loi la possibilité pour les communes de se fournir mutuellement de l'eau en cas de pénurie. Lorsqu'une telle pénurie intervient pour la première fois sur une période de cinq ans, l'article prévoit que les volumes d'eau fournis par la commune donatrice pourront être déduits du calcul des redevances liées à l'eau potable.
En l'état actuel du droit, rien n'interdit aux communes de faire preuve d'une telle solidarité : il ne faudrait donc pas que la rédaction retenue ici aboutisse à restreindre la liberté dont bénéficient d'ores et déjà nos communes pour se fournir de l'eau. Ces incertitudes d'interprétation devront être levées à l'occasion d'un texte ultérieur, et nous y veillerons.
Vous l'aurez deviné, mes chers collègues, en dépit de ces quelques réserves, je vous invite à adopter conforme la proposition de loi, afin de permettre son entrée en application immédiate.
Compte tenu de l'imminence de l'échéance du 1er janvier 2026 et comme je vous l'indiquais en préambule, nous avons l'opportunité et le devoir de sécuriser au plus vite la situation des communes ayant conservé les compétences « eau » et « assainissement » par l'adoption définitive d'un dispositif défendu par le Sénat depuis près de dix ans.
M. Mathieu Darnaud. - La morale de ce récit législatif m'incite à m'interroger sur le bien-fondé de la locution latine « Perseverare diabolicum ». En l'espèce, la persévérance aura été salutaire, comme l'a dit notre excellent rapporteur, puisque nous n'avons fléchi à aucun moment. Je salue l'auteur de cette proposition de loi et l'ensemble des collègues que le rapporteur a cités.
En effet, je suis convaincu que c'est l'expression du Sénat qui est aujourd'hui reconnue, à travers laquelle nous souhaitions consacrer une liberté communale qui nous permettra d'apporter des réponses idoines aux difficultés que nous rencontrons dans chacun de nos territoires. Le rapporteur l'a souligné : l'eau, plus encore que l'assainissement, relève d'une compétence dont la logique ne se borne pas au périmètre des intercommunalités, mais s'inscrit dans la problématique plus large des bassins versants et des bassins hydrographiques. Il était donc essentiel que nous puissions persévérer en bravant les dissolutions et les censures, pour faire en sorte que la voix du Sénat, qui est le reflet de l'immense majorité des communes de France, trouve une issue heureuse.
Je vois aussi dans ce texte l'expression d'une volonté sans cesse réaffirmée de laisser aux maires qui souhaitent se regrouper la possibilité de choisir entre un syndicat ou une intercommunalité, en fonction des besoins de leur territoire.
Je crois que nous devrions nous inspirer de cette volonté sénatoriale pour faire en sorte que, demain, une vitalité puisse s'exprimer au sein de la démocratie locale lors des prochaines élections municipales. Il y a une ardente nécessité à redonner le sentiment aux élus des communes de France qu'ils peuvent choisir et être acteurs de leur destin au sein du bloc communal et avec l'intercommunalité. En effet, certaines compétences doivent échoir à l'intercommunalité - nous ne l'avons jamais contesté -, mais il faut parfois introduire de la souplesse pour être au rendez-vous des aspirations qui se manifestent dans les territoires de France. D'autant que, en ce qui concerne l'eau, la question tarifaire doit aussi être prise en compte. En ce sens, nous avons, à de multiples reprises, pointé du doigt au Sénat le fait que des regroupements forcés pouvaient avoir une incidence sur le coût de l'eau pour l'usager.
Ce texte constitue l'issue heureuse d'un long combat où se sont engagés l'ensemble des membres de notre commission. Je remercie aussi nos collègues de l'Assemblée nationale et le Premier ministre Michel Barnier, qui a permis, alors que nous arrivions à quelques encâblures des élections municipales, de faire entendre la voix de la raison.
M. Jean-Michel Arnaud, auteur de la proposition de loi. - Bien que l'essentiel ait été dit, je tiens à exprimer ma satisfaction de voir ce long processus aboutir. Je le dis dans un esprit transpartisan, mais aussi dans un souci d'adaptation à la réalité du terrain. Nous n'enlevons rien à celles et ceux qui ont fait le choix de s'organiser dans le cadre de leur établissement public de coopération intercommunale (EPCI) à fiscalité propre. Nous n'empêchons pas non plus ceux qui se sont organisés depuis de nombreuses années dans le cadre de syndicats intercommunaux à vocation unique de maintenir cette possibilité enracinée dans les territoires, où elle garantit un équilibre entre la bonne solution technique et le prix juste payé par les usagers. Nous n'affaiblissons en rien la force de l'intercommunalité quand elle est choisie.
Si nous sommes aujourd'hui conduits à examiner ce texte, c'est parce que la loi NOTRe, dans le cadre d'arbitrages ultimes sur des sujets périphériques aux compétences « eau » et « assainissement », a imposé le transfert obligatoire de ces compétences au 1er janvier 2020 avant qu'il soit reporté à 2026. Avec l'ensemble des groupes politiques du Sénat, nous avons su cultiver un esprit transpartisan pour aboutir à un texte nécessaire et attendu dans les territoires.
D'aucuns semblent se faire les avocats d'une cause perdue, estimant que le « XXL » est la solution à tous les maux de la société. Mais il était indispensable dans certaines zones, notamment les zones de montagne, de mettre en place les assouplissements nécessaires. Nous avons trop tardé à le faire, assourdis par la litanie de ceux qui voulaient transférer à tout prix. Nombre de communes qui ont été contraintes de procéder à ce transfert le regrettent aujourd'hui. Nous avons toutefois trouvé une voie de passage équilibrée qui évitera de bouleverser tout le pays en détruisant ce qui a été construit parfois sous la contrainte, parfois de manière volontaire. Il reste un nombre significatif de communes, notamment dans le sud de la France, qui seront très heureuses de pouvoir déployer leur stratégie « eau » et « assainissement » dans de bonnes conditions, en échappant au délai du 1er janvier 2026.
Je remercie ceux de mes collègues qui se sont mobilisés sur le sujet. Même si le texte de l'Assemblée nationale aurait pu être meilleur encore, nous nous en contenterons, car il préserve l'essentiel, c'est-à-dire la liberté de choix des communes qui n'ont pas encore opéré le transfert des compétences « eau » et « assainissement ». Comme l'a dit le rapporteur, nous devrons probablement encore toiletter quelques détails du texte à l'occasion de travaux législatifs ultérieurs.
Je vous invite, mes chers collègues, à voter conforme le texte voté à l'Assemblée nationale, car il reprend les principaux dispositifs que nous avions adoptés, ici, au Sénat, le 24 octobre 2024.
Mme Laurence Harribey. - Beaucoup d'eau a coulé sous les ponts - et dans les tuyaux... - depuis que nous débattons de ce sujet. Nous sommes au bout d'un processus et il nous faut être raisonnables.
Si certains ont mis en avant la nécessité d'avoir une vision intercommunale, ce n'est évidemment pas par idéologie, mais tout simplement parce que de très importants enjeux se jouent en termes de grand cycle et de qualité de l'eau. J'espère vraiment que, dans dix ans, nous ne connaîtrons pas de catastrophes de ce point de vue.
La majorité du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain est plutôt favorable à une gestion par l'intercommunalité, mais nous sommes pragmatiques. Nous nous devons de résoudre les problèmes spécifiques qui peuvent se poser, par exemple pour les communes de montagne. Il est vrai que les limites de l'intercommunalité ne sont pas toujours celles de l'eau.
Ce qui est important pour nous, c'est que ce texte est pragmatique, qu'il est respectueux des libertés communales et qu'il ne revient pas en arrière pour détricoter la loi NOTRe. Il permet des adaptations, ce qui est primordial.
Les membres de notre groupe se prononceront chacun en fonction des réalités de leur territoire.
M. François Bonhomme. - Même si nous pouvons nous féliciter du résultat, j'éprouve quand même une certaine amertume !
Nous arrivons enfin, après tant de débats, à corriger l'irritant que constitue, depuis la loi NOTRe, le transfert programmé du service public de l'eau et de l'assainissement, mais nous ne sommes qu'à quelques mois de la date limite. Une foule de difficultés était pourtant apparue et nombre d'élus étaient dans l'expectative. Des collectivités ont engagé des études et des dépenses, parfois importantes, parce qu'on leur a dit pendant longtemps qu'il n'était pas question de revenir sur ce transfert, et elles se retrouvent maintenant bloquées. Pour d'autres collectivités, c'est bien sûr un soulagement.
Cela doit nous inciter à réfléchir à la manière dont nous conduisons les politiques publiques. D'ailleurs, je reprends à mon compte le terme « détricoter » : oui, il s'agit de détricoter la loi NOTRe, tout simplement car elle est funeste sur ce sujet !
Je rappelle que, lors de l'examen de la proposition de loi déposée par Richard Ferrand relative à la mise en oeuvre du transfert des compétences « eau » et « assainissement » aux communautés de communes, dont j'étais rapporteur, nous avions les plus grandes difficultés à faire comprendre qu'un délai supplémentaire de six ans ne ferait pas disparaître le problème comme dans un tour de magie !
Entre-temps, de nombreux contentieux sont apparus et les difficultés se sont accumulées. Le Parlement a lui-même créé des difficultés qui étaient pourtant annoncées. Il n'y a donc aucune surprise.
De son côté, l'administration centrale a influencé les ministres successifs, si bien qu'ils nous ont servi comme argument suprême qu'il y avait des problèmes sur les réseaux et que les petites entités ne pouvaient pas lutter efficacement contre eux. Ils ont ainsi entretenu une certaine confusion, parce qu'il existe évidemment, dans un habitat diffus, des problèmes structurels de réseau plus importants que dans une agglomération ou une métropole. Ces décideurs se sont arcboutés sur le principe big is beautiful...
Nous devons tirer des enseignements de ce dogmatisme, qui ignorait totalement la logique territoriale et les critères géophysiques. Or, certains ont délibérément ignoré l'importance de ces critères, pourtant déterminants pour la gestion de l'eau.
Il semble que nous revenions au bon sens, mais il y a déjà eu des dégâts sur certains territoires et l'unanimisme d'aujourd'hui ne doit pas nous faire oublier la doxa de l'époque. Grâce à sa persévérance, le Sénat finit par faire entendre raison à tous ses dévots, dont je ne faisais pas partie. On peut d'ailleurs rendre hommage à Michel Barnier qui a entendu la voix de notre assemblée. J'espère que les collectivités locales engagées dans le processus pourront corriger de la meilleure manière possible, et sans revenir en arrière, les effets négatifs de la loi NOTRe.
Mme Cécile Cukierman. - Nous avons été plusieurs à porter ce combat depuis de nombreuses années. Ce texte s'inscrit dans une logique de retour de la commune au centre de l'organisation territoriale de la République, ce que je salue. C'est d'autant plus important que l'engagement municipal s'essouffle - nous le constatons tous. Cet essoufflement provient notamment du fait qu'il est difficile de mobiliser des équipes, alors que les compétences restant à la commune sont faibles.
Tout texte est naturellement perfectible. Nous pouvons saluer les améliorations apportées par l'Assemblée nationale ; nous aurions également pu saluer le fait que l'Assemblée nationale vote conforme le texte du Sénat - cela nous aurait permis d'aller plus vite... Mais la raison nous invite à ne pas poursuivre davantage après dix ans de débats.
Je veux répondre à certaines critiques que nous entendons, en particulier de la part d'industriels du secteur. Ce texte ne signifie pas que les communes seront isolées, coupées du monde, et qu'elles devront se débrouiller toutes seules. Nous disons simplement que l'eau se gère au regard de contraintes géographiques davantage que selon des contraintes administratives. Ce texte permet de prendre le temps de mieux faire les choses et de mener une réflexion globale sur les problématiques liées à l'eau.
La gestion de l'eau est consubstantielle à celle de faire société et les questions du grand cycle et du petit cycle sont évidemment liées.
Pour conclure, je veux dire que la loi NOTRe, qui a trouvé une majorité pour être votée - faut-il le rappeler ? -, n'est pas arrivée par hasard. Je me félicite que, plus de dix ans après, nous revenions sur les erreurs alors commises. Pourtant, les élus locaux nous alertaient déjà sur les difficultés qu'ils allaient rencontrer et, depuis, nous n'avons de cesse de revenir en arrière et d'atténuer les effets négatifs de cette réforme... Imposer la gestion d'un territoire d'en haut ne peut pas marcher !
M. Hussein Bourgi. - Je voudrais remercier les auteurs de la proposition de loi de l'avoir déposée. Je l'ai votée en première lecture, je ferai de même pour la seconde, mais ce n'est pas une ode au small is beautiful : je veux simplement traduire en actes mon engagement en faveur du bon sens des élus locaux et de la souveraineté des communes.
Cela étant dit, je voudrais rappeler que certains transferts ont été réalisés sous « l'amicale » pression - elle était souvent insistante - des services de l'État dans les départements. L'appareil de l'État a mené une action résolue en ce sens.
Quand je rencontre des élus qui ont opéré ce transfert, ils sont souvent fort marris... Ils me disent que, la prochaine fois que ce genre de texte sera voté, ils feront comme d'autres : ils procrastineront le plus longtemps possible, en espérant qu'un nouveau texte remette le premier en cause ! Voilà pourquoi nous devons absolument, pour ce type de sujet, réunir le consensus le plus large possible.
Le texte dont nous débattons est évidemment accueilli avec beaucoup de satisfaction par les élus de mon département qui ont toujours été résolument opposés à ce transfert obligatoire de compétences, mais d'autres, qui l'ont réalisé, le vivent très mal.
C'est pourquoi j'attends beaucoup de la mission d'information destinée à faire le bilan des lois NOTRe et Maptam. Je veux remercier nos collègues du groupe du Rassemblement démocratique et social européen (RDSE) d'avoir pris cette initiative.
M. Christophe Chaillou. - Nous sommes tous d'accord pour faire confiance aux élus et à leur capacité de coopérer. J'avais également voté ce texte en première lecture, mais je veux adresser deux messages.
Tout d'abord, je ne suis pas persuadé que ce texte concerne beaucoup de cas. Il me semble même que le nombre est marginal. Surtout, au-delà des cas, réels, où il existe des spécificités, la remise en cause du transfert provient d'élus qui de toute façon sont opposés à l'intercommunalité. Il sera intéressant de regarder dans quelques mois le nombre de communes qui se sont saisies de ce texte.
Ensuite, nous devons faire attention aux signaux que nous envoyons. Lorsque le Parlement fixe des objectifs, a-t-on intérêt à attendre ? Un tel texte constitue un message préoccupant pour les élus qui ont fait leur boulot pour convaincre et rassembler. Nous devons aussi veiller à ce qu'une loi que nous avons votée soit appliquée.
M. Mathieu Darnaud. - Il ne faudrait pas que ce texte apparaisse comme une victoire de la cigale sur la fourmi. De ce point de vue, nous devons méditer sur deux textes en cours d'examen au Parlement : celui sur la modification du mode de scrutin dans les communes de moins de 1 000 habitants et celui visant à réformer la loi Paris-Lyon-Marseille. Le Parlement a pris la fâcheuse tendance de légiférer à quelques encablures des élections ou des échéances. Or il y a plutôt une attente de constance et de stabilité parmi les élus locaux.
Hier, Laurence Harribey nous disait, en parlant de la justice des mineurs, qu'il fallait légiférer en nous fondant sur des considérants scientifiques. Elle a naturellement raison. Et c'est ce que nous faisons ici, notamment pour les communes de montagne : tout le monde dit depuis longtemps qu'il faut modifier la loi, car elle est inapplicable pour elles. Nous aurions donc pu gagner du temps !
L'essentiel, c'est que ce texte soit adopté, mais méditons cette expérience pour la fabrique de la loi à l'avenir.
Mme Muriel Jourda, présidente. - Tout cela conforte ma conviction que le droit n'est qu'un outil et que c'est une erreur de créer un outil unique pour répondre à des besoins qui sont diversifiés. C'est précisément le rôle du législateur d'offrir des outils variés et adaptés.
Je ne tire pas la même conclusion que Christophe Chaillou selon qui il suffirait d'être rétif à appliquer la loi, en attendant qu'elle soit modifiée. Je rappelle tout de même que ce n'est pas le cas en l'espèce, puisque les élus disposaient d'un délai que nous avions fixé.
Pour autant, lorsque la loi fixe un objectif, il n'est pas illégitime de vérifier quelques années après s'il engendre des effets pervers. Soyons donc plus soucieux du contrôle de l'application des lois.
M. Alain Marc, rapporteur. - Aujourd'hui, environ 3 600 communes exercent seules la compétence « eau » et « assainissement », mais beaucoup d'autres appartiennent encore à des syndicats. Si nous laissions le droit en l'état, le basculement de la compétence devrait donc être réalisé au plus tard au 1er janvier 2026dans de très nombreux territoires. Ce serait aberrant !
J'espère que ce texte sera adopté conforme ce matin en commission et la semaine prochaine en séance publique. Des ajustements seront toujours possibles par la suite.
Je partage pleinement l'avis de la présidente Muriel Jourda : légiférer est un outil ou un moyen, et non une finalité. Qui mieux que nous connaît les besoins des communes ? Nous n'avons pas inventé tous ces problèmes !
Je veux aussi noter que l'audition des représentants de la direction générale des collectivités locales (DGCL) s'est très bien passée. Il n'en demeure pas moins que partir du postulat selon lequel le transfert des compétences « eau » et « assainissement » vers les communautés de communes permettrait de réduire le nombre de fuites sur les réseaux est faux. D'ailleurs, ceux qui avançaient ce postulat n'avaient guère d'arguments concrets au soutien de leurs affirmations
Ce n'est pas une victoire du Sénat, c'est le résultat d'une réflexion collective et de notre opiniâtreté. N'oublions pas que, dans quelques mois, se tiendront des élections municipales et que les maires, se sentant dépossédés de leurs compétences, sont souvent réticents à se présenter pour un nouveau mandat - on le dit depuis plusieurs élections, mais le mouvement s'amplifie.
Accordons la liberté à ceux qui n'ont pas encore transféré la compétence de le faire ou pas et de poursuivre les discussions avec les communautés de communes.
EXAMEN DES ARTICLES
Article 1er A (nouveau)
L'article 1er A est adopté sans modification.
Article 1er
L'article 1er est adopté sans modification.
Article 3 bis
L'article 3 bis est adopté sans modification.
Article 4 (supprimé)
L'article 4 demeure supprimé.
Article 5 (nouveau)
L'article 5 est adopté sans modification.
Article 6 (nouveau) (supprimé)
L'article 6 demeure supprimé.
La proposition de loi est adoptée sans modification.