- L'ESSENTIEL
- I. UNE PRÉOCCUPATION RÉCENTE DES
AUTORITÉS SANITAIRES
- II. UNE LUTTE COMPLEXE ET ENTRAVÉE CONTRE
LES USAGES DÉTOURNÉS
- III. CONSOLIDER LA LOI POUR DISSUADER LES USAGES
DÉTOURNÉS TOUT EN RENFORÇANT LA PRÉVENTION
- 1. Pénaliser l'usage détourné
de protoxyde d'azote et sa détention par les mineurs
- 2. Aligner les sanctions sur celles applicables en
matière d'encadrement des débits de boissons et de lutte contre
l'alcoolisme
- 3. Mieux contrôler les circuits de
distribution
- 4. Responsabiliser les utilisateurs en
matière environnementale
- 5. Éduquer aux risques des usages
détournés des produits de consommation courante dans les
collèges et les lycées
- 1. Pénaliser l'usage détourné
de protoxyde d'azote et sa détention par les mineurs
- I. UNE PRÉOCCUPATION RÉCENTE DES
AUTORITÉS SANITAIRES
- EXAMEN DES ARTICLES
- EXAMEN EN COMMISSION
- RÈGLES RELATIVES À L'APPLICATION DE
L'ARTICLE 45
DE LA CONSTITUTION ET DE L'ARTICLE 44 BIS, ALINÉA 3,
DU RÈGLEMENT DU SÉNAT (« CAVALIERS »)
- LISTE DES PERSONNES ENTENDUES
ET DES CONTRIBUTIONS ÉCRITES
- LA LOI EN CONSTRUCTION
N° 359
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 2024-2025
Enregistré à la Présidence du Sénat le 19 février 2025
RAPPORT
FAIT
au nom de la commission des affaires sociales (1) sur la proposition de loi visant à renforcer la lutte contre les usages détournés du protoxyde d'azote,
Par Mme Maryse CARRÈRE,
Sénatrice
(1) Cette commission est composée de : M. Philippe Mouiller, président ; Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale ; Mme Pascale Gruny, M. Jean Sol, Mme Annie Le Houerou, MM. Bernard Jomier, Olivier Henno, Xavier Iacovelli, Mmes Cathy Apourceau-Poly, Véronique Guillotin, M. Daniel Chasseing, Mme Raymonde Poncet Monge, vice-présidents ; Mmes Viviane Malet, Annick Petrus, Corinne Imbert, Corinne Féret, Jocelyne Guidez, secrétaires ; Mmes Marie-Do Aeschlimann, Christine Bonfanti-Dossat, Corinne Bourcier, Céline Brulin, M. Laurent Burgoa, Mmes Marion Canalès, Maryse Carrère, Catherine Conconne, Patricia Demas, Chantal Deseyne, Brigitte Devésa, M. Jean-Luc Fichet, Mme Frédérique Gerbaud, M. Khalifé Khalifé, Mmes Florence Lassarade, Marie-Claude Lermytte, Monique Lubin, Brigitte Micouleau, M. Alain Milon, Mmes Laurence Muller-Bronn, Solanges Nadille, Anne-Marie Nédélec, Guylène Pantel, M. François Patriat, Mmes Émilienne Poumirol, Frédérique Puissat, Marie-Pierre Richer, Anne-Sophie Romagny, Laurence Rossignol, Silvana Silvani, Nadia Sollogoub, Anne Souyris, MM. Dominique Théophile, Jean-Marie Vanlerenberghe.
Voir les numéros :
Sénat : |
222 et 360 (2024-2025) |
L'ESSENTIEL
Dans un contexte d'augmentation des signalements d'abus et de détournements d'usage par les autorités sanitaires, la commission a examiné la proposition de loi visant à renforcer la lutte contre les usages détournés du protoxyde d'azote. Ce texte, qui prévoit notamment de punir l'usage détourné de protoxyde d'azote, vise à compléter la loi n° 2021-695 du 1er juin 2021.
La commission a adopté la proposition de loi, modifiée par plusieurs amendements de la rapporteure.
I. UNE PRÉOCCUPATION RÉCENTE DES AUTORITÉS SANITAIRES
A. LE DOUBLE STATUT DU PROTOXYDE D'AZOTE TEND À ÉCLIPSER SA DANGEROSITÉ AVÉRÉE
Le protoxyde d'azote est à la fois un médicament et un produit de consommation courante.
Comme médicament, ses conditions d'accès et d'utilisation sont particulièrement encadrées. En raison des risques d'abus, de dépendance et de détournements qu'il présente, il est inscrit sur la liste 1 des substances vénéneuses, soumis à prescription médicale et réservé à l'usage professionnel1(*). Il fait l'objet d'une surveillance spécifique de l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) au titre de l'addictovigilance.
En tant que produit de consommation courante, il est notamment utilisé comme additif alimentaire et gaz de compression dans les aérosols pour préparer les crèmes de type chantilly.
Le protoxyde d'azote n'est pas classé comme stupéfiant. Son usage et sa détention sont licites. Si son usage récréatif est ancien, une recrudescence de ces consommations détournées s'observe à compter des années 1990, et plus particulièrement des années 2010.
B. DES DÉTOURNEMENTS D'USAGE EN HAUSSE APPARENTE
1. Une augmentation spectaculaire des signalements par les autorités sanitaires
Le réseau d'addictovigilance2(*) rapporte une hausse significative du nombre de cas notifiés par les professionnels de santé : 458 en 2023 contre 120 en 2020, soit près de 4 fois plus en 3 ans. L'augmentation du nombre de cas graves suit la même évolution, passant de 84 en 2020 à 314 en 2023. Selon les experts, le potentiel addictif du protoxyde d'azote est « pharmacologiquement plausible »3(*).
Toutefois, ces données ne témoignent pas de la prévalence de la consommation récréative de protoxyde d'azote en population générale. Elles ne reflètent que les cas ayant donné lieu à une prise en charge médicale au sein d'un établissement.
2. Une consommation qui reste circonscrite et peu documentée
L'évolution de la consommation du protoxyde d'azote à des fins récréatives n'est pas précisément documentée. Les enquêtes en population générale conduites par Santé publique France et l'OFDT en 2022 constituant des T0 en termes de mesure de la prévalence, il en résulte une difficulté à objectiver les dynamiques de consommation.
Elles proposent néanmoins une photographie du phénomène, qui reste circonscrit si on le compare aux données de consommation du tabac, de l'alcool4(*) ou du cannabis.
Données de consommation de protoxyde
d'azote
dans l'année en population adulte en France, 2022
Source : Santé publique France
En 2022, 4,3 % des adultes déclaraient avoir déjà expérimenté le protoxyde d'azote. 61 % d'entre eux avaient entre 18 et 24 ans. Moins de 1 % en avaient consommé dans l'année. La majorité des expérimentations et des consommateurs se situe dans la tranche des 18-34 ans, et l'âge moyen du consommateur est de 25 ans5(*). Parmi les 15-18 ans, 5,4 % déclaraient une expérimentation6(*). La part des mineurs dans les signalements au réseau d'addicto-vigilance est inférieure à 10 %.
C. UNE VISIBILITÉ NOUVELLE LIÉE À L'ÉCHO MÉDIATIQUE DU PHÉNOMÈNE
1. Des conséquences sanitaires potentiellement graves
Les usages détournés du protoxyde d'azote peuvent provoquer des symptômes cliniques graves, à rebours de l'image d'innocuité du produit que favorise son caractère licite.
En population générale, les risques immédiats d'une consommation ponctuelle non massive sont bien documentés : vertiges, désorientation, troubles de la conscience, chutes, hypoxie et convulsions, brûlures cutanées et oropharyngées... Ces situations tendent à engendrer des accidents de la voie publique.
En outre, les données d'addictovigilance témoignent de consommations de doses de plus en plus élevées, augmentant les risques associés : les complications neurologiques sont les plus fréquemment rapportées, après les troubles de l'usage, tandis que les complications cardiovasculaires de type thrombotique et les troubles psychiatriques sont en hausse.
Enfin, le 16 mars 2023, le comité d'experts de l'agence européenne des produits chimiques (ECHA) a classé le protoxyde d'azote comme produit neurotoxique et reprotoxique (1B)7(*). Ce classement, qui doit être confirmé par la Commission européenne, pourrait donner lieu à de nouvelles interdictions ou restrictions de vente du protoxyde d'azote ; des dérogations ciblées pourraient toutefois être maintenues, par exemple pour la vente de petites cartouches.
Qualification d'un produit en tant que « stupéfiant »
Environ 200 substances sont actuellement classées comme stupéfiants par l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM), inscrites à ce titre dans l'arrêté du 22 février 1990 fixant la liste des substances classées comme stupéfiants.
Ce classement est établi à partir d'une évaluation de la toxicité d'une substance, de son intérêt thérapeutique et de son potentiel d'abus ou de dépendance par l'ANSM, en fonction des critères établis par l'OMS.
Un classement en tant que stupéfiant a pour conséquence l'interdiction de fabriquer, de vendre ou de distribuer, de détenir et de faire usage de la substance, sous peine de sanctions pénales.
2. Des manifestations dans l'espace public qui engendrent des troubles à la tranquillité, à la salubrité et à la sécurité publiques
Les collectivités territoriales sont directement confrontées aux conséquences de la consommation récréative de protoxyde d'azote, qui s'accompagne d'attroupements sur la voie publique, de comportements agressifs et de prises de risque sur la voirie. La mise en cause du protoxyde d'azote dans la survenue d'accidents de la route semble également régulière, bien qu'aucun dispositif technique ne permette de détecter une consommation immédiate.
De nombreuses municipalités et préfectures ont ainsi pris des arrêtés visant à interdire l'usage et la détention de protoxyde d'azote dans l'espace public. Toutefois, ces arrêtés sont nécessairement limités dans le temps et dans l'espace.
Plusieurs pays européens font face à une augmentation des usages détournés de protoxyde d'azote. L'Observatoire européen des drogues et des toxicomanies analyse les causes de ce phénomène et documente les situations nationales, dans un rapport publié en 20228(*).
L'abandon de bonbonnes et de bouteilles de protoxyde d'azote sur la voie publique est devenu une problématique aiguë de gestion des déchets. La mairie de Saint-Ouen indique par exemple avoir ramassé plus de 2 000 bouteilles en 2024, hors ramassage de voirie, contre moins de 300 en 2021. En 2023, la ville de Lyon indiquait avoir collecté 7 tonnes de bonbonnes de gaz de protoxyde d'azote.
II. UNE LUTTE COMPLEXE ET ENTRAVÉE CONTRE LES USAGES DÉTOURNÉS
A. UN PRODUIT DE CONSOMMATION COURANTE AISÉMENT ACCESSIBLE
1. Une diversification de l'offre hors des circuits traditionnels difficile à contrôler
Le protoxyde d'azote est un produit aisément accessible, tant en raison de la diversité de ses circuits de distribution que de son prix modéré. La grande majorité des ventes se réaliserait par internet et via les réseaux sociaux, qui contribuent à la promotion du produit. Des sites spécialisés dans la vente de protoxyde d'azote sont identifiés dès 2019.
Outre la multiplicité des points de vente, une évolution notable du marché tient à l'apparition de conditionnements de grand format, non réglementaires, qui constituent désormais la grande majorité des produits d'approvisionnement à visée récréative. Des bonbonnes permettant de confectionner jusqu'à 80 ballons sont vendues 30 euros en moyenne, tandis que le prix des bouteilles contenant l'équivalent de 1 000 à 2 000 ballons dépasse 200 euros9(*).
L'OFDT décrit également le développement de produits dérivés, notamment « des « petites billes » s'insérant sur la partie supérieure des bonbonnes [...] afin de donner un goût fruité au gaz inhalé »10(*).
2. L'apparition de réseaux illicites structurés
La direction nationale de la police judiciaire (DNPJ) confirme la vente de protoxyde d'azote sur les points de deal de produits stupéfiants et les applications telles que Snapchat. Des collectivités alertent sur les ventes à la sauvette alimentées par l'importation massive de contenants non réglementaires depuis les Pays-Bas, la Belgique ou la Pologne, révélatrice de trafics émergents.
La multiplication d'importantes saisies par les services de police ces dernières années a rendu ces réseaux visibles : 14 tonnes saisies en Seine-et-Marne en 2022, 21 tonnes à Vénissieux en 2023, 30 tonnes en Île--de-France en 2024.
B. UN PREMIER BILAN EN DEMI-TEINTE DE LA LOI DU 1ER JUIN 2021
1. Un faible recul sur sa mise en oeuvre
La loi du 1er juin 2021 est d'application récente, ce qui ne permet pas de mesurer avec suffisamment de recul les conditions de sa mise en oeuvre. Deux textes réglementaires publiés en 2023 ne sont par ailleurs entrés en vigueur qu'en 2024 : l'arrêté du 19 juillet 2023 fixant la quantité maximale autorisée pour la vente aux particuliers de produits contenant du protoxyde d'azote, et le décret n° 2023-1224 du 20 décembre 2023 relatif à l'apposition d'une mention sur chaque unité de conditionnement des produits contenant uniquement du protoxyde d'azote11(*).
En outre, la DNPJ admet qu'en raison de leur caractère récent, les infractions spécifiques au protoxyde d'azote ne sont pas bien connues des officiers de police judiciaire.
2. Des carences juridiques qui ne facilitent pas l'action des services de police et de justice
Depuis l'entrée en vigueur de la loi du 1er juin 2021, 156 personnes ont été interpellées pour une infraction liée au protoxyde d'azote, dont 74 en 2023, 65 en 2022 et 17 en 2021. Environ 80 % des affaires orientées ont fait l'objet d'une réponse pénale en 2023.
Toutefois, certaines infractions apparaissent complexes à démontrer, comme l'incitation à l'usage détourné de protoxyde d'azote par un mineur. Les autorités de police et les collectivités relatent une relative difficulté à matérialiser les infractions prévues par la loi, qui exigent des constatations en flagrant délit. Les municipalités et les préfectures tentent de suppléer ces difficultés en usant de leurs pouvoirs de police par arrêté.
Par ailleurs, certaines infractions ne sont toujours sanctionnées d'aucune peine12(*).
Source : Mission interministérielle de lutte contre les drogues et les conduites addictives
III. CONSOLIDER LA LOI POUR DISSUADER LES USAGES DÉTOURNÉS TOUT EN RENFORÇANT LA PRÉVENTION
Compte tenu de la dangerosité du protoxyde d'azote et de la multiplication des troubles que ses usages récréatifs occasionnent dans l'espace public, la présente proposition de loi vise à compléter la loi du 1er juin 2021 pour renforcer l'arsenal des mesures à la disposition des autorités.
1. Pénaliser l'usage détourné de protoxyde d'azote et sa détention par les mineurs
La proposition de loi prévoit la création de deux nouvelles infractions pénalisant directement le consommateur : d'une part, l'usage détourné de protoxyde d'azote serait prohibé et sanctionné d'une peine d'un an de prison et de 3 750 euros d'amende13(*) ; d'autre part, la détention de protoxyde d'azote par les mineurs serait sanctionnée d'une amende de 7 500 euros.
2. Aligner les sanctions sur celles applicables en matière d'encadrement des débits de boissons et de lutte contre l'alcoolisme
La sanction prévue en cas d'incitation d'un mineur à faire un usage détourné de protoxyde d'azote serait alignée sur celle prévue en cas de provocation directe d'un mineur à une consommation excessive d'alcool14(*). La proposition de loi complète ainsi l'amende de 15 000 euros d'une peine d'un an d'emprisonnement.
Elle propose par ailleurs de relever le niveau de sanction prévu en cas d'infraction aux interdictions de vendre du protoxyde d'azote aux mineurs ou, dans les débits de boissons et les débits de tabac, aux majeurs. Le montant de l'amende prévu par l'article L. 3611-3 du code de la santé publique serait doublé, pour atteindre 7 500 euros.
3. Mieux contrôler les circuits de distribution
La proposition de loi prévoit de réserver la vente aux particuliers du protoxyde d'azote à des professionnels disposant d'un agrément, d'interdire cette vente entre 22 heures et 5 heures du matin et de garantir la traçabilité des ventes grâce à un système de consignes.
De telles dispositions exigeraient une saisine de la Commission européenne sur le fondement de la directive (UE) 2015/1535 du Parlement européen et du Conseil du 9 septembre 201515(*), en ce qu'elles peuvent être regardées comme créant une entrave à la libre circulation des marchandises.
4. Responsabiliser les utilisateurs en matière environnementale
Afin de limiter les nuisances environnementales, il est proposé de créer une amende spécifique de 1 500 euros en cas d'abandon ou de dépôt sur la voie publique de tout contenant de protoxyde d'azote, en particulier de cartouches, de bonbonnes ou de bouteilles.
5. Éduquer aux risques des usages détournés des produits de consommation courante dans les collèges et les lycées
La proposition de loi vise enfin à compléter le code de l'éducation en prévoyant que l'information délivrée aux collégiens et aux lycéens sur les conduites addictives et leurs risques inclue les dangers liés aux usages détournés de protoxyde d'azote. Elle inscrit également parmi les missions de la promotion de la santé à l'école la détection précoce des conduites addictives.
Source : ARS des Hauts-de-France et ARS Île-de-France
Réunie le mercredi 19 février 2025 sous la présidence de Philippe Mouiller, la commission des affaires sociales a adopté la proposition de loi modifiée par huit amendements de la rapporteure ayant notamment pour objet :
- d'adapter le niveau de sanction prévu en cas d'usage détourné de protoxyde d'azote ;
- de sanctionner le non-respect des dispositions fixant les quantités maximales de vente de protoxyde d'azote aux particuliers ;
- de transformer le dispositif d'agrément des vendeurs de protoxyde d'azote en système déclaratif ;
- de supprimer l'interdiction de détention par les mineurs ;
- de renforcer le volet prévention de la proposition de loi et le rôle des centres d'addictovigilance.
EXAMEN DES ARTICLES
Article 1er
Renforcer la lutte contre les usages
récréatifs du protoxyde d'azote
Cet article vise à renforcer la lutte contre les usages récréatifs du protoxyde d'azote. À cette fin, il prévoit notamment :
- de pénaliser l'usage détourné de protoxyde d'azote pour en obtenir des effets psychoactifs ;
- de pénaliser la détention de protoxyde d'azote par les mineurs ;
- de relever les sanctions prévues en cas d'incitation d'un mineur à faire un usage détourné du protoxyde d'azote et en cas de violation des interdictions de vente de protoxyde d'azote.
La commission a adopté cet article modifié par plusieurs amendements.
I - Le dispositif proposé
A. Le développement de la consommation récréative de protoxyde d'azote ces dernières d'années requiert d'interroger l'adéquation du cadre législatif en vigueur
1. Une hausse préoccupante et manifeste des usages détournés de protoxyde d'azote
a) Un usage récréatif ancien en recrudescence depuis les années 2010
L'usage récréatif du protoxyde d'azote est ancien. Historiquement, il a d'ailleurs précédé son utilisation à des fins médicales après qu'un chimiste anglais, Humphrey Davis, en a découvert les propriétés euphorisantes en 1799. La consommation récréative de protoxyde d'azote se développe ainsi en Europe dès le début du XIXe siècle, en particulier dans la bourgeoisie britannique.
En déclin au cours de la seconde moitié de ce siècle, elle connaît un nouvel essor à compter des années 1980, à la faveur du mouvement techno aux États-Unis et en Angleterre16(*). À compter des années 2000, les soirées étudiantes des filières médicales semblent avoir joué un rôle dans la popularisation de l'usage récréatif du protoxyde d'azote. Une recrudescence plus marquée des consommations détournées de protoxyde d'azote s'observe enfin à compter des années 201017(*).
Dans la période récente, la facilité d'accès au protoxyde d'azote a indéniablement contribué au développement de cette consommation récréative, de même que la disponibilité de contenants de grand format, qui ciblent délibérément le marché récréatif. La diversité des circuits de distribution du protoxyde d'azote, vendu aussi bien en grande surface sous forme de cartouche qu'en bombonne ou bouteille sur internet, participe inévitablement à la diffusion des usages récréatifs.
L'observatoire européen des drogues et des toxicomanies constate que ces évolutions ont permis de réduire le coût d'achat du protoxyde d'azote, favorisant une utilisation plus large, plus régulière et plus intensive18(*). Des bombonnes permettant de confectionner jusqu'à 80 ballons sont ainsi vendues moins de 30 euros, tandis que le prix des bouteilles contenant l'équivalent de 1 000 à 2 000 ballons dépasse 200 euros19(*).
Consommation récréative de protoxyde d'azote : comment ça marche ?
L'usage récréatif de protoxyde d'azote est principalement motivé par la recherche d'une sensation d'euphorie et d'une altération de l'état de conscience.
Pour pouvoir être inhalé sans risque de brûlure, le protoxyde d'azote contenu dans une cartouche, une bombonne ou une bouteille, doit être transféré dans un ballon à l'aide d'un siphon à chantilly ou d'un cracker.
Le cracker est un dispositif cylindrique qui permet de percer la cartouche pour la vider dans un ballon de baudruche (cf. image ci-dessous).
Pour réduire les risques associés à cette consommation récréative, plusieurs associations de prévention des addictions formulent les conseils suivants :
- ne pas inhaler le gaz directement en sortie de cartouche, bombonne ou bouteille, pour éviter les risques de brûlures cutanées ou oropharyngées par le froid ;
- privilégier une position assise lors de la consommation, pour limiter les risques de chute ;
- avant l'inhalation du gaz, aspirer de l'air pour éviter les risques d'hypoxie ;
- respirer de l'air entre chaque inhalation et éviter les inspirations-expirations en continu dans le ballon, en raison du risque d'asphyxie.
Source : European Monitoring Centre for Drugs and Drug Addiction (EMCDDA), Recreational use of nitrous oxide : a growing concern for Europe, 2022
En France, le protoxyde d'azote (N2O) est à la fois un médicament, utilisé comme adjuvant en anesthésie générale et en analgésie, et un produit de consommation courante. Il est librement vendu dans les rayons alimentaires de la grande distribution, sous réserve des restrictions prévues par la loi du 1er juin 2021 tendant à prévenir les usages dangereux du protoxyde d'azote, alors qu'en parallèle, son usage médical fait l'objet d'un encadrement particulièrement strict (cf. encadré infra).
Ce double statut ne facilite pas la perception des risques liés à la consommation de protoxyde d'azote. Au contraire, son caractère licite véhicule une image d'innocuité, en dépit de sa dangerosité avérée. Ces dernières années, l'augmentation des intoxications au protoxyde d'azote dans le cadre de consommations récréatives a conduit les autorités sanitaires à alerter sur les risques que comportent ces usages. Dans ce contexte, en janvier 2023, l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) a publié un guide à l'attention des professionnels de santé pour les aider à repérer et à prendre en charge les symptômes cliniques associés à une intoxication au protoxyde d'azote.
Médicament strictement encadré et produit de consommation courante : le double jeu du protoxyde d'azote
Comme médicament, le protoxyde d'azote est administré par inhalation en mélange avec l'oxygène, comme adjuvant de l'anesthésie générale et de l'analgésie. Il est notamment utilisé au bloc opératoire, en pédiatrie, en odontologie, ainsi que dans les services d'urgences hospitaliers. Le Meopa, mélange d'oxygène et de protoxyde d'azote employé en anesthésie, bénéficie en France d'une autorisation de mise sur le marché depuis 2001.
Le protoxyde d'azote est soumis à prescription médicale et réservé à l'usage professionnel. En raison des risques d'abus, de dépendance et de détournements qu'il présente, il est inscrit sur la liste 1 des substances vénéneuses20(*) depuis 2021. Selon l'article L. 5132-6 du code de la santé publique, cette liste comprend « les substances ou préparations, et les médicaments à usage humain et produits présentant les risques les plus élevés pour la santé ».
Une partie de la réglementation applicable aux stupéfiants est également appliquée au protoxyde d'azote, s'agissant des conditions de sécurisation de son stockage et de ses accès par les professionnels de santé21(*).
Au titre de l'addictovigilance, il fait l'objet d'une surveillance spécifique de l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM), qui s'appuie sur le réseau des centres d'évaluation et d'information de la pharmacodépendance-addictovigilance (CEIP-A).
Contrastant avec cet encadrement très strict, le protoxyde d'azote est également un produit de consommation courante, utilisé comme additif alimentaire (E942), vendu en grande surface dans des petites cartouches destinées à la préparation de crèmes de type chantilly. Il est aussi employé dans l'industrie automobile, l'horlogerie ou la photographie comme gaz de compression pour le nettoyage de pièces mécaniques.
L'usage du protoxyde d'azote dans le domaine médical tend aujourd'hui à reculer, tant en raison des effets indésirables qu'il comporte22(*) que de son impact environnemental majeur. Doté d'un pouvoir de réchauffement près de 300 fois supérieur à celui du dioxyde de carbone (CO2), le protoxyde d'azote est un gaz à effet de serre particulièrement puissant.
La feuille de route pour la planification écologique du système de santé (PESS) publiée en décembre 2023 propose de réduire l'usage des gaz anesthésiants à fort effet de serre et d'interdire la construction de réseaux de protoxyde d'azote dans les nouveaux projets immobiliers. Souscrivant à cette proposition, la Société française d'anesthésie-réanimation préconise de privilégier le recours à des bouteilles de protoxyde d'azote, pour éviter la construction de nouveaux réseaux. La Fédération hospitalière de France indique que la pollution que génèrent ces réseaux « est d'autant plus préoccupante que les fuites (80 %) dépassent largement les quantités de gaz réellement utilisées pour les soins anesthésiques (20 %) »23(*).
b) Une augmentation spectaculaire des signalements aux autorités sanitaires
L'ANSM assure sa mission d'addictovigilance24(*) en s'appuyant sur le réseau des CEIP-A, au nombre de treize. Ces dernières années, ceux-ci rapportent une hausse significative du nombre de cas notifiés par les professionnels de santé : 458 ont ainsi été recensés en 2023 contre 120 en 2020, soit près de 4 fois plus en 3 ans. L'augmentation du nombre de cas graves suit la même évolution, passant de 84 en 2020 à 314 en 2023. Les données collectées auprès des huit centres antipoison et de toxicovigilance sont également en hausse25(*).
Il est pourtant difficile de relier l'augmentation du nombre de signalements relevés par le réseau d'addictovigilance à une hausse équivalente ou proportionnelle de la consommation de protoxyde d'azote. En effet, ces données ne reflètent que les cas ayant donné lieu à une prise en charge médicale au sein d'un établissement. Elles ne témoignent pas de la prévalence de la consommation récréative de protoxyde d'azote en population générale ni de son évolution. Au-delà d'une explication tenant à l'augmentation de la consommation récréative de protoxyde d'azote, ces données peuvent notamment résulter d'une meilleure sensibilisation des professionnels de santé au repérage et au signalement des cas de détournements d'usage.
L'observatoire français des drogues et des conduites addictives (OFDT)26(*) comme l'Observatoire européen des drogues et des toxicomanies (EMCDDA)27(*) soulignent la connaissance encore très lacunaire de la prévalence de cette consommation et de son évolution. Les premières enquêtes en population générale ont en effet été conduites en 2022, par Santé publique France et l'OFDT ; les prochaines le seront en 2027. Les données recueillies en 2022 constituent donc des mesures en T0, qui ne permettent pas d'objectiver les dynamiques de consommation.
Elles proposent néanmoins une photographie du phénomène qui, si on le compare aux données de consommation du tabac, de l'alcool ou même du cannabis, reste circonscrit sans pour autant être négligeable.
Expérimentation et consommation de
protoxyde d'azote
en population adulte en France, 2022
Source : Santé publique France
En 2022, en France métropolitaine, 4,3 % des adultes déclarent avoir déjà expérimenté le protoxyde d'azote à des fins récréatives, mais seulement moins de 1 % indique en avoir consommé dans l'année28(*).
La majorité des expérimentations et des consommateurs concerne les jeunes adultes, dans la tranche des 18-34 ans. Parmi les expérimentations déclarées, 61 % s'étaient produites entre 18 et 24 ans et 19,4 % avant l'âge de la majorité29(*). Concernant l'âge moyen du consommateur, il se situe entre 22 ans et 25 ans selon les données disponibles30(*). Selon l'étude Enclass de l'OFDT, en 2022, 5,4 % des lycéens de 15 à 18 ans disaient avoir déjà consommé du protoxyde d'azote.
Enfin, la proportion de mineurs parmi les cas notifiés aux centres d'addictovigilance est inférieure à 10 %.
Présentation des symptômes évocateurs d'une intoxication au protoxyde d'azote et consignes de prise en charge
Source : ANSM, Usage détourné du protoxyde d'azote - Aide au diagnostic et à la prise en charge d'une intoxication31(*)
Les risques immédiats d'une consommation ponctuelle non massive de protoxyde d'azote sont bien documentés : céphalées, nausées, vertiges, désorientation, troubles de la conscience et pertes de connaissance, chutes, hypoxie et convulsions, brûlures cutanées et oropharyngées... Lorsque la consommation survient dans l'espace public, ces situations peuvent engendrer des accidents de la voie publique.
En outre, les données d'addictovigilance témoignent de consommations de doses de plus en plus élevées, augmentant les risques et la gravité des symptômes cliniques recensés : en 2023, les troubles de l'usage sont les plus fréquemment rapportés (92 % des cas), suivis des complications neurologiques (82 % des cas)32(*), tandis que les troubles psychiatriques (13 % des cas) et les complications cardiovasculaires de type thrombotique (10 % des cas) sont en hausse.
c) Une multiplication des troubles à l'ordre public et le développement d'un marché illégal structuré
La recrudescence des usages récréatifs du protoxyde d'azote est également perceptible au travers des perturbations qu'elle engendre en matière de tranquillité, de sécurité et de salubrité publiques.
Les collectivités territoriales sont directement confrontées aux conséquences de cette consommation récréative, qui s'accompagne d'attroupements, de comportements agressifs et de prises de risque sur la voie publique. La responsabilité du protoxyde d'azote dans la survenue d'accidents de la route est régulièrement pointée du doigt, mais elle ne peut reposer que sur des observations subjectives des officiers de police judiciaire, aucun dispositif technique ne permettant d'attester d'une consommation de protoxyde d'azote, à l'instar des tests d'alcoolémie.
Concernant la gestion des déchets, l'abandon de bombonnes et de bouteilles de protoxyde d'azote sur les bords de route ou dans les parkings est devenu une problématique aiguë pour les municipalités. La mairie de Saint-Ouen indique par exemple avoir ramassé plus de 2 000 bouteilles en 2024, hors ramassage de voirie, contre moins de 300 en 2021. En 2023, la ville de Lyon indiquait avoir collecté 7 tonnes de bombonnes de gaz de protoxyde d'azote. Or, ces déchets qui s'amoncellent sans solution systématique de recyclage exposent les travailleurs des usines de traitement et d'incinération des déchets à des risques d'explosion, du fait de l'absence de dégazage préalable des contenants.
Par ailleurs, la diversification de l'offre en dehors des circuits traditionnels a conduit à la structuration de réseaux d'importation et de revente illicite de protoxyde d'azote, calqués sur le modèle des trafics de stupéfiants. L'Observatoire européen des drogues et des conduites addictives note ainsi qu'« une chaîne d'approvisionnement rentable et en expansion s'est développée, avec des magasins spécialisés sur internet qui font directement la promotion du gaz pour son usage récréatif ou qui le proposent sous couvert de son utilisation pour faire de la crème fouettée »33(*). Dès 2019, des sites spécialisés dans la vente de protoxyde d'azote sont identifiés. La grande majorité des ventes semble désormais se réaliser sur internet et via des applications telles que Snapchat34(*). De ce point de vue, les réseaux sociaux, qui jouent un rôle important dans la promotion des usages récréatifs, favorisent le développement des ventes illégales.
La mission interministérielle de lutte contre les drogues et les conduites addictives (Mildeca) abonde dans le même sens, en indiquant que « la livraison des produits se fait au domicile des acheteurs, acheminés depuis des pays étrangers où siègent les entreprises de production (Belgique, Autriche, Pays-Bas, Pologne...). Ces sites commercialisent également les accessoires (cracker) et les produits dérivés (billes d'arômes). Depuis 2019, le trafic de bombonnes s'organise, les réseaux d'approvisionnement se structurent, avec des achats en gros puis des reventes au détail. »35(*)
Les collectivités territoriales et les élus locaux, premiers spectateurs de ces évolutions, alertent sur les ventes à la sauvette qu'alimentent ces trafics émergents et l'importation massive de contenants non réglementaires. La direction nationale de la police judiciaire (DNPJ) confirme par ailleurs la vente de protoxyde d'azote sur les points de deal de produits stupéfiants.
Ces dernières années, la multiplication des saisies d'envergure par les services de police illustre incontestablement ce phénomène nouveau : 11 tonnes ont ainsi été saisies en 2021 à Noisiel (77) et à Villeurbanne (69), 14 tonnes en Seine-et-Marne (77) en 2022, 21 tonnes à Vénissieux (69) en 2023, 30 tonnes en Île-de-France en 202436(*). Des vols de produits dans des camions ont également été recensés par la direction nationale de la police judiciaire (DNPJ).
Le classement d'une substance comme
stupéfiant :
une évaluation sanitaire complexe
menée par l'ANSM
Le protoxyde d'azote n'est pas un stupéfiant ; son usage et sa détention sont légaux.
La décision de classement d'un produit comme stupéfiant est fondée sur une évaluation de l'ANSM, réalisée sur la base de critères établis par l'organisation mondiale de la santé (OMS). Ces critères sont notamment les suivants37(*) :
- la pharmacologie générale de la substance ;
- sa toxicologie ;
- ses effets indésirables sur l'homme ;
- le potentiel de dépendance qu'elle présente ;
- son potentiel d'abus ;
- ses applications thérapeutiques ;
- l'existence d'autorisations de mise sur le marché en tant que médicament ;
- l'existence d'utilisations industrielles ;
- la nature et l'ampleur des problèmes de santé publique liés à l'abus et à la dépendance de la substance évaluée ;
- l'existence d'une production, d'une consommation et d'un commerce international licites.
Environ 200 substances sont actuellement classées comme stupéfiants38(*) par l'ANSM, inscrites à ce titre dans l'arrêté du 22 février 1990 fixant la liste des substances classées comme stupéfiants. Un classement en tant que stupéfiant a pour conséquence l'interdiction de fabriquer, de vendre ou de distribuer, de détenir et de faire usage de la substance, sous peine de sanctions pénales.
2. Un encadrement législatif récent et perfectible des usages dangereux du protoxyde d'azote
a) Un objectif prioritaire : protéger les mineurs
La loi n° 2021-695 du 1er juin 2021 tendant à prévenir les usages dangereux du protoxyde d'azote a fixé un premier cadre législatif visant prioritairement à protéger les mineurs de ces mésusages. Elle est marquée par la recherche d'un équilibre entre la régulation des conditions de vente du protoxyde d'azote et la sensibilisation aux dangers associés à sa consommation à des fins récréatives.
L'objectif de protection des mineurs est plus particulièrement matérialisé par deux dispositions :
- d'une part, la création un délit d'incitation d'un mineur à faire un usage détourné d'un produit de consommation courante pour en obtenir des effets psychoactifs39(*). Ce délit est puni de 15 000 euros d'amende ;
- d'autre part, l'interdiction de la vente de protoxyde d'azote à des mineurs, quel qu'en soit le conditionnement40(*). La violation de cette interdiction est punie de 3 750 euros d'amende.
La sensibilisation des collégiens et des lycéens à l'ensemble des conduites addictives, également inscrite dans la loi, poursuit le même objectif de protection des mineurs41(*).
Plus largement, la loi du 1er juin 2021 a prévu diverses dispositions visant à réguler les conditions de vente du protoxyde d'azote aux particuliers, notamment :
- l'interdiction de vendre ou d'offrir du protoxyde d'azote à des majeurs dans les débits de boissons et les débits de tabac42(*) ;
- l'interdiction de vendre ou de distribuer des produits destinés à faciliter l'extraction de protoxyde d'azote pour en obtenir des effets psychoactifs43(*) ;
- le renvoi à un arrêté ministériel de la fixation d'une quantité maximale autorisée pour la vente aux particuliers de protoxyde d'azote44(*). Celle-ci a été limitée par un arrêté du 19 juillet 2023 à des conditionnements ne dépassant pas un total de 10 cartouches dont le poids individuel ne doit pas excéder 8,6 grammes45(*) ;
- l'obligation de mentionner la dangerosité de l'usage détourné du protoxyde d'azote sur chaque unité de conditionnement46(*). Le décret n° 2023-1224 du 20 décembre 2023 relatif à l'apposition d'une mention sur chaque unité de conditionnement des produits contenant uniquement du protoxyde d'azote en a défini les modalités.
La loi du 1er juin 2021 n'a pas prévu de disposition spécifique visant à lutter contre l'abandon sur la voie publique de déchets issus de la consommation de protoxyde d'azote. À cet égard, il convient de rappeler que le code pénal sanctionne d'une contravention de la quatrième classe47(*) le dépôt ou l'abandon, en dehors des emplacements désignés à cet effet, de tout déchet, matériau ou objet de quelque nature qu'il soit48(*). Une contravention de cinquième classe49(*) est par ailleurs prévue en cas d'abandon ou de dépôt sur la voie publique de déchets transportés à l'aide d'un véhicule50(*).
Règlementation du protoxyde d'azote à l'échelle européenne
En janvier 2022, la France a saisi le comité d'experts de l'Agence européenne des produits chimiques (ECHA) d'une proposition de classification harmonisée du protoxyde d'azote, sur la base du règlement relatif à la classification, à l'étiquetage et à l'emballage, dit règlement CLP51(*). Ce règlement a pour objet d'assurer un niveau élevé de protection de la santé humaine et de l'environnement, tout en garantissant la libre circulation des substances, des mélanges et des articles. Il vise notamment à déterminer si une substance ou un mélange présente des propriétés justifiant de procéder à sa classification comme substance ou mélange dangereux, et à définir des modalités d'étiquetage appropriées des produits pour alerter sur les risques que comporte la substance ou le mélange.
À la suite de la saisine de la France, l'ECHA a décidé, en mars 2023, de classer le protoxyde d'azote comme produit neurotoxique et reprotoxique de catégorie 1B, confirmant à nouveau sa nocivité.
À ce stade de la procédure, il revient à la Commission européenne de confirmer cet avis en inscrivant le protoxyde d'azote dans l'annexe XVII du règlement Reach52(*) et de décider, le cas échéant, de nouvelles restrictions de vente du protoxyde d'azote. L'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (Anses) indique qu'à sa connaissance, « les services de la Commission européenne proposent l'inclusion du protoxyde d'azote dans [l'annexe du règlement Reach] tout en prévoyant une exemption pour les petits volumes de protoxyde d'azote mis sur le marché en tant qu'additif alimentaire et utilisé comme tel par les consommateurs. »53(*)
Actuellement, les cartouches de protoxyde d'azote à usage alimentaire vendues aux particuliers sont régies par le chapitre IV du règlement (CE) n° 1333/2008 du 16 décembre 2008 sur les additifs alimentaires, et par le règlement (UE) n° 1169/2011 du 25 octobre 2011 concernant l'information des consommateurs sur les denrées alimentaires [...], dit règlement Inco.
b) Un premier bilan en demi-teinte, qui plaide en faveur d'une consolidation de la loi
Entrée en vigueur le lendemain de sa publication au Journal officiel, la loi n° 2021-1695 du 1er juin 2021 est d'application récente. Elle ne pouvait par ailleurs produire ses pleins effets que sous réserve de la publication de ses textes réglementaires d'application. Or l'arrêté précité du 19 juillet 2023 et le décret n° 2023-1244 du 20 décembre 2023 ne sont respectivement entrés en vigueur que les 1er janvier 2024 et 20 juillet 2024.
Il en résulte une difficulté évidente pour évaluer les conditions de sa mise en oeuvre. Malgré tout, un premier bilan, partiel, semble pouvoir être dressé.
La connaissance par les officiers de police judiciaire des infractions spécifiquement liées au protoxyde d'azote demeure lacunaire, eu égard à leur caractère récent. Néanmoins, les statistiques des ministères de l'intérieur et de la justice témoignent d'une appropriation progressive de ces dispositions par les forces de l'ordre.
Depuis l'entrée en vigueur de la loi, soit le 3 juin 2021, 156 personnes ont été mises en cause et orientées pour une infraction liée au protoxyde d'azote, dont 74 en 2023, 65 en 2022 et 17 en 2021. Près de 80 % des affaires orientées font l'objet d'une poursuite pénale. Parmi elles, 84,8 % donnent lieu à des poursuites correctionnelles et 13 % à l'ouverture d'une information judiciaire.
Nombre d'affaires recensées pour une infraction liée au protoxyde d'azote et traitement des affaires orientées depuis le 3 juin 2021
2021 |
2022 |
2023 |
|
Affaires orientées |
17 |
65 |
74 |
Affaires poursuivables |
16 |
54 |
61 |
Réponse pénale |
16 |
53 |
59 |
Taux de réponse pénale |
100,0% |
98,1% |
96,7% |
Procédures alternatives |
<5 |
5 |
13 |
Taux de procédures alternatives |
25,0% |
9,4% |
22,0% |
Source : Service statistique ministériel de la sécurité intérieure (SSMSI), réponse de la direction nationale de la police judiciaire au questionnaire de la rapporteure
Le nombre d'affaires orientées apparaît toutefois très limité. Les autorités de police relatent leur difficulté à matérialiser certaines infractions, qui exigent des constatations en flagrant délit, alors que des actes d'investigation seraient bien souvent nécessaires pour prouver certaines d'entre elles.
Le caractère peu dissuasif des peines est également pointé du doigt : à l'exception du délit d'incitation d'un mineur à faire un usage détourné d'un produit de consommation courante, sanctionné de 15 000 euros d'amende, mais complexe à démontrer, seule une amende de 3 750 euros est actuellement prévue pour l'ensemble des autres infractions à la loi.
Enfin, aucune sanction n'a été prévue par la loi ni par aucun texte réglementaire en cas d'infraction aux dispositions relatives aux quantités maximales pouvant être vendues aux particuliers.
Au cours des auditions, l'impossibilité de réprimer la conduite sous l'empire de protoxyde d'azote a également été regrettée, tant par les élus locaux que par la direction nationale de la police judiciaire, en dépit de situations jugées manifestes de consommation au volant. La rapporteure a entendu ces alertes, qui se heurtent à l'inexistence de dispositif technique permettant de détecter une inhalation de protoxyde d'azote, empêchant tout constat objectif.
Confrontées aux perturbations engendrées par la consommation de protoxyde d'azote sur la voie publique, nombre de municipalités et de préfectures ont usé de leurs pouvoirs de police pour fixer par arrêté des mesures d'interdiction complémentaires à la loi54(*). Elles consistent notamment à interdire la détention et la consommation à des fins récréatives de protoxyde d'azote sur la voie publique, ainsi qu'à interdire sa vente la nuit. Ainsi, à Lyon, un arrêté municipal daté du 25 novembre 2024 interdit « la détention ou l'utilisation détournée à des fins récréatives du protoxyde d'azote [...] sur l'espace public ou dans les parkings privés ouverts à la circulation ».
Toutefois, en vertu du principe de proportionnalité des mesures de police et du respect des libertés publiques, ces mesures sont nécessairement limitées dans le temps et dans l'espace.
B. Une maîtrise plus rigoureuse des usages du protoxyde d'azote nécessite de consolider le cadre législatif fixé par la loi du 1er juin 2021
Dans un souci de clarté, les diverses mesures proposées par le présent article sont présentées en fonction de leur objet, et non suivant l'ordre des alinéas de l'article.
1. Dissuader la consommation récréative de protoxyde d'azote par la pénalisation de son usage détourné et de sa détention par les mineurs
a) Pénaliser l'usage détourné de protoxyde d'azote pour en obtenir des effets psychoactifs
Il est proposé de pénaliser l'usage détourné de protoxyde d'azote pour en obtenir des effets psychoactifs, en insérant un nouvel alinéa au début de l'article L. 3611-1 du code de la santé publique55(*).
Cette nouvelle infraction se verrait érigée au rang de délit eu égard au niveau de sanctions prévu56(*). En effet, l'usage détourné de protoxyde d'azote pour en obtenir des effets psychoactifs serait sanctionné d'une peine d'un an d'emprisonnement et de 3 750 euros d'amende, sous réserve de l'application des articles 495-17 à 495-25 du code de procédure pénale. Ces articles permettent de simplifier le mode de jugement et d'aménager le régime de peine prévu pour certains délits, en lui substituant le paiement d'une amende forfaitaire. La procédure de l'amende forfaitaire délictuelle représente la réponse pénale la plus fréquente à l'infraction d'usage de produits stupéfiants57(*).
Toutefois, ainsi que le précise l'article 495-17 précité, « la procédure de l'amende forfaitaire n'est pas applicable si le délit a été commis par un mineur ou si plusieurs infractions, dont l'une au moins ne peut donner lieu à une amende forfaitaire, ont été constatées simultanément. Elle n'est pas non plus applicable en état de récidive légale, sauf lorsque la loi en dispose autrement. »
Surtout, la rapporteure relève que le quantum de peine proposé est identique à celui prévu en cas d'usage de stupéfiants58(*). Or, comme cela a été indiqué, le protoxyde d'azote est un produit licite et n'est pas classé comme stupéfiant par les autorités sanitaires. La rapporteure s'interroge donc particulièrement sur ce point, au regard du principe de proportionnalité des peines59(*).
b) Pénaliser la détention par un mineur de protoxyde d'azote
Il est également proposé de pénaliser la détention de protoxyde d'azote par un mineur, quel qu'en soit le conditionnement, en complétant le premier alinéa de l'article L. 3611-3 du code de la santé publique60(*).
Cette interdiction de détention, qui peut s'analyser comme un prolongement de l'interdiction prévue par l'article L. 3611-3 précité de vendre ou de distribuer du protoxyde d'azote à un mineur, serait sanctionné d'une amende de 7 500 euros61(*). Ce faisant, cette infraction serait également érigée en délit.
Là encore, la rapporteure s'interroge sur l'opportunité de ce délit, tant au regard du principe de nécessité des délits et des peines que des garanties prévues par la justice pénale des mineurs.
2. Renforcer les sanctions en les alignant sur celles applicables en matière de lutte contre l'alcoolisme et d'encadrement des débits de boissons
a) En cas d'incitation d'un mineur à faire un usage détourné de protoxyde d'azote
Depuis la loi du 1er juin 2021, le fait de provoquer un mineur à faire un usage détourné d'un produit de consommation courante pour en obtenir des effets psychoactifs est puni de 15 000 euros d'amende62(*).
Il est proposé d'aggraver la sanction en la complétant d'une peine d'un an d'emprisonnement63(*), afin d'aligner le niveau de sanction prévu pour ce délit sur celui applicable en cas de provocation directe d'un mineur à une consommation excessive d'alcool64(*).
b) En cas d'infraction aux interdictions de vente de protoxyde d'azote à des mineurs ou à des majeurs dans les débits de boissons et les débits de tabac
La loi du 1er juin 2021 a également fixé des interdictions de vente et de distribution du protoxyde d'azote, à des mineurs d'une part, à des majeurs dans les débits de boissons et les débits de tabac d'autre part. La violation de ces interdictions est punie d'une amende de 3 750 euros.
Il est proposé de doubler le montant de cette amende, qui atteindrait 7 500 euros, soit un montant équivalent à celui prévu en cas de vente de boissons alcooliques à des mineurs65(*).
3. Encadrer les conditions de vente et les circuits de distribution du protoxyde d'azote
a) Inscrire un avertissement, sur chaque unité de conditionnement, relatif aux dangers liés à l'usage détourné de protoxyde d'azote
Afin d'informer les consommateurs sur les risques associés à l'usage détourné de protoxyde d'azote, il est proposé que les unités de conditionnement destinées à la commercialisation aux particuliers affichent un avertissement spécifique relatif à ces risques, dont les modalités seraient définies par un arrêté du ministre chargé de la santé66(*).
Cette disposition apparaît néanmoins redondante avec l'article L. 3621-1 du code de la santé publique (cf. supra).
b) Réserver la vente aux particuliers de protoxyde d'azote à des professionnels disposant d'un agrément
Actuellement, la loi du 1er juin 2021 restreint la vente de protoxyde d'azote aux particuliers au travers de deux interdictions : une interdiction générale de vente aux mineurs, et une interdiction de vente aux majeurs circonscrite aux débits de boissons et aux débits de tabac.
Le présent article propose d'encadrer plus strictement la vente de protoxyde d'azote aux particuliers en la réservant à des professionnels disposant d'un agrément, octroyé à la condition d'avoir suivi avec succès une formation portant sur les dangers liés à ses usages détournés. Ce dispositif s'inspire du système des licences des débits de boissons67(*). L'obtention de la licence est précédée de la délivrance d'un permis d'exploitation, après suivi d'une formation spécifique68(*).
Poursuivant l'objectif d'une régulation et d'un contrôle renforcés de ses conditions de vente, il est également proposé d'interdire la vente de protoxyde d'azote aux particuliers entre 22 heures et 5 heures, et de garantir la traçabilité des ventes grâce à un système de consignes.
De telles dispositions, qui doivent être regardées comme créant une entrave à la libre circulation des marchandises dans l'Union européenne, exigeraient une saisine de la Commission européenne sur le fondement de la directive (UE) 2015/1535 du Parlement européen et du Conseil du 9 septembre 2015. Cette directive prévoit une procédure d'information de la Commission européenne dans le domaine des réglementations techniques et des règles relatives aux services de la société de l'information, les États membres ayant obligation de lui notifier tout projet de réglementation afin de garantir leur conformité avec le droit européen.
4. Punir spécifiquement le dépôt ou l'abandon sur la voie publique de tout contenant de protoxyde d'azote pour responsabiliser les utilisateurs
Afin de limiter les nuisances environnementales, il est proposé de créer une amende spécifique de 1 500 euros en cas d'abandon ou de dépôt sur la voie publique de tout contenant de protoxyde d'azote. Tel serait l'objet du nouvel article L. 3611-4, inséré dans le chapitre unique du titre Ier du livre VI de la troisième partie du code de la santé publique.
II - La position de la commission
En préambule, la commission a relevé que l'Assemblée nationale avait adopté, le 29 janvier dernier, une proposition de loi portant sur le même objet mais porteuse d'une ambition très différente69(*). Le texte dont il est question prévoit en effet une interdiction générale de la vente de protoxyde d'azote aux particuliers, seules certaines catégories de professionnels énumérés par décret pouvant bénéficier de dérogations.
La commission a pris acte de l'augmentation significative des signalements d'intoxications au protoxyde d'azote, ainsi que de l'aggravation des symptômes cliniques liés à la consommation de quantités de plus en plus importantes. Elle a également été sensible à l'inquiétude des élus locaux et aux difficultés relayées par les municipalités et les préfectures pour réguler les perturbations engendrées par les usages récréatifs du protoxyde d'azote dans l'espace public.
Dans ce contexte qu'elle juge préoccupant, la commission souscrit à la nécessité de renforcer la législation en vigueur pour mieux maîtriser les usages du protoxyde d'azote et circonscrire sa consommation récréative. Elle relève que la proposition de loi s'inscrit dans le prolongement de la loi du 1er juin 2021, d'initiative sénatoriale, qui poursuivait le double objectif de dissuader fermement les usages détournés de protoxyde d'azote tout en agissant dans le champ de la prévention.
À l'invitation de sa rapporteure, la commission s'est néanmoins interrogée sur plusieurs dispositions du texte, au regard des principes de nécessité des délits et des peines et de proportionnalité des peines. En effet, le protoxyde d'azote étant un produit licite, son usage ne peut être assimilé à celui des stupéfiants. En revanche, elle a considéré que les dispositions prévues par le code de la santé publique en matière de lutte contre le tabagisme et contre l'alcoolisme pouvaient utilement éclairer sa réflexion, sans pour autant constituer des références indépassables. Elle a notamment relevé que si la vente et l'offre à titre gratuit de tabac ou d'alcool à des mineurs sont prohibées, tel n'est pas le cas de leur consommation ni de leur détention par les mineurs70(*).
Enfin, il a paru utile à la rapporteure de rappeler que la justice pénale des mineurs, qui traduit dans le droit pénal l'objectif de protection des mineurs, a été consacrée par le Conseil constitutionnel comme principe fondamental reconnu par les lois de la République dans une décision du 29 août 200271(*). Or, le respect de ce principe exige une appréciation prudente des dispositions susceptibles d'être appliquées aux seuls mineurs dans le cadre de l'examen du présent article.
En conséquence de ces observations, la commission a adopté sept amendements de sa rapporteure visant à :
- adapter le niveau de sanction prévu en cas d'usage détourné de protoxyde d'azote pour en obtenir des effets psychoactifs (COM-1) ; dans un souci de proportionnalité des peines, la sanction a été transformée en contravention de la troisième classe ;
- créer une sanction en cas de non-respect des quantités maximales de vente de protoxyde d'azote aux particuliers (COM-2) ;
- transformer le système d'agrément des vendeurs de protoxyde d'azote en un système déclaratif, afin de ne pas pénaliser les circuits de vente légaux de protoxyde d'azote, notamment les acteurs de la grande distribution (COM-3) ;
- supprimer l'interdiction de détention de protoxyde d'azote par les mineurs, c'est-à-dire la création d'une infraction pénale spécifique aux mineurs, alors même que la majorité des expérimentations et des consommations de protoxyde d'azote concerne la tranche des 18-34 ans (COM-4) ;
- compléter d'une mesure de fermeture administrative la peine d'amende prévue en cas de violation de l'interdiction de vendre du protoxyde d'azote aux majeurs dans les débits de boissons et les débits de tabac (COM-5) ;
- reconnaître et conforter le rôle des centres d'addictovigilance en matière d'information et de formation des professionnels de santé (COM-6) ;
- procéder à diverses coordinations juridiques (COM-7).
La commission a adopté cet article ainsi modifié.
Article 2
Sensibiliser aux dangers liés à l'usage
détourné de protoxyde d'azote dans les collèges et
les lycées
Cet article propose de sensibiliser les collégiens et les lycéens aux dangers liés à l'usage détourné de protoxyde d'azote au cours de séances d'information sur les conduites addictives et leurs risques.
La commission a adopté cet article modifié par un amendement de réécriture globale, afin de renforcer plus généralement la prévention des conduites addictives en milieu scolaire.
I - Le dispositif proposé
A. Des campagnes de prévention des usages détournés de protoxyde d'azote qui manquent de visibilité
1. Un axe préventif inscrit dans la loi du 1er juin 2021 tendant à prévenir les usages dangereux du protoxyde d'azote
La loi n° 2021-695 du 1er juin 2021 tendant à prévenir les usages dangereux du protoxyde d'azote poursuit l'objectif de circonscrire les usages détournés de protoxyde d'azote, d'une part en encadrant ses conditions de vente et de distribution, d'autre part en prévoyant des actions de prévention en direction des adolescents dans le milieu scolaire.
En premier lieu, en fixant une obligation d'apposer une mention relative à la dangerosité de l'usage détourné du protoxyde d'azote sur chaque unité de conditionnement72(*), cette loi a entendu améliorer l'information des consommateurs et, ainsi, contribuer à la prévention des usages détournés.
En second lieu, la loi du 1er juin 2021 a directement mobilisé le levier de la prévention en élargissant le champ des séances d'information réalisées au moins annuellement dans les collèges et les lycées au titre des enseignements sur les toxicomanies73(*) à l'ensemble des conduites addictives74(*). Auparavant, ces séances ne portaient que sur les conséquences de la consommation de drogues sur la santé, excluant les usages détournés de produits de consommation courante tels que le protoxyde d'azote.
2. En pratique, une prévention qui se structure très progressivement
Diverses actions de communication et de sensibilisation sont menées depuis quelques années par les services de l'État et les acteurs associatifs, témoignant d'une prise de conscience consécutive aux alertes des autorités sanitaires.
Depuis 2021, la mission interministérielle de lutte contre les drogues et les conduites addictives (Mildeca) diffuse des supports visuels destinés à informer sur les risques associés à la consommation récréative de protoxyde d'azote, ainsi que sur le cadre législatif en vigueur. Elle a également produit un podcast « Le protoxyde d'azote, en vrai, c'est quoi ? » et noué un partenariat avec Snapchat pour diffuser de courtes vidéos d'information. Néanmoins, ces actions demeurent peu visibles et, surtout, apparaissent globalement éloignées des usagers.
À l'échelle déconcentrée, certaines agences régionales de santé (ARS) se démarquent par les initiatives qu'elles mènent, en fonction de la prévalence des usages récréatifs dans leurs territoires respectifs. Ainsi, l'ARS des Hauts-de-France et l'ARS d'Île-de-France ont lancé à l'automne 2023 une campagne de sensibilisation remarquée, ciblant les jeunes de 15 à 25 ans, « Le proto, c'est trop risqué d'en rire ». Cette campagne, dont l'objectif est d'améliorer l'information des publics ciblés pour dissuader les usages détournés du protoxyde d'azote, s'appuie notamment sur des spots audiovisuels diffusés sur les réseaux sociaux et sur la plateforme YouTube. Un kit de prévention contenant divers supports digitaux est mis gratuitement à la disposition des partenaires institutionnels des ARS - collectivités territoriales, services de l'Éducation nationale, professionnels de santé, acteurs de prévention.
Affiches diffusées par les ARS des Hauts-de-France et d'Ile-de-France dans le cadre des campagnes de prévention des usages détournés du protoxyde d'azote
Source : Site internet de l'ARS d'Île-de-France
Certains établissements de santé adaptent également leur offre pour proposer des services à l'interface de la prévention et de la prise en charge, à l'instar des Hospices civils de Lyon (HCL) qui ont créé en 2024 le premier dispositif de téléconsultation en France pour dépister le plus tôt possible les consommateurs abusifs de protoxyde d'azote. Le Dr Christophe Riou, addictologue aux HCL et membre du service universitaire d'addictologie de Lyon, indique ainsi : « Avec la téléconsultation, notre but, c'est de cibler les consommateurs au stade infraclinique. »75(*)
Enfin, des associations portent également des actions de prévention plus larges, embrassant l'ensemble des conduites addictives et visant le développement de compétences psychosociales auprès des publics jeunes76(*).
B. Une volonté réaffirmée d'agir en faveur de la prévention auprès des publics les plus vulnérables
L'article propose de modifier l'article L. 312-18 du code de l'éducation pour inscrire explicitement la sensibilisation aux dangers liés à l'usage détourné du protoxyde d'azote dans le champ des séances d'information sur les conduites addictives et leurs risques, réalisées chaque année dans les collèges et les lycées.
II - La position de la commission
En 2019, lors de l'examen en première lecture du texte désormais connu comme la loi du 1er juin 2021 tendant à prévenir les usages dangereux du protoxyde d'azote, la commission soulignait déjà qu'« une politique de lutte contre la consommation de protoxyde d'azote par les plus jeunes ne saurait être très efficace sans une forte politique d'information et de prévention »77(*). Depuis, l'usage récréatif du protoxyde d'azote semble être en hausse, même s'il demeure relativement circonscrit en comparaison des données de consommation du tabac, de l'alcool ou du même du cannabis78(*).
Le caractère contenu de la prévalence des usages détournés du protoxyde d'azote explique que la prévention de cette consommation récréative ne figure pas parmi les axes d'intervention prioritaires des acteurs agissant dans le champ de la prévention, qu'il s'agisse de la Mildeca ou d'associations telles qu'Addictions France ou l'Observatoire français des drogues et des conduites addictives (OFDT).
Toutefois, face à l'augmentation des signalements d'intoxications recensés par les autorités sanitaires, la commission a jugé utile et pertinent de consolider la base législative de ces actions de prévention. Elle a pourtant rappelé que ces actions relevaient essentiellement d'une impulsion politique et se situaient largement hors du domaine de la loi. À cet égard, la commission a regretté la faiblesse persistante des dépenses nationales de prévention institutionnelle, qui ne témoigne pas du « virage préventif » pourtant annoncé et attendu.
En conséquence, à l'initiative de sa rapporteure, la commission a adopté un amendement de réécriture globale de l'article (COM-8) portant deux séries de modifications :
- d'une part, l'amendement complète l'article L. 121-4-1 du code de l'éducation afin d'inscrire le repérage des conduites addictives dans le champ de la mission de promotion de la santé à l'école ;
- d'autre part, il inscrit explicitement la sensibilisation aux dangers liés aux usages détournés de produits de consommation courante, dont le protoxyde d'azote, dans le périmètre des séances d'information dédiées à la prévention des conduites addictives dans les collèges et les lycées ; il prévoit également que les services de l'État compétents en matière de lutte contre les drogues et les conduites addictives peuvent être associés à ces séances de prévention.
La commission a adopté cet article ainsi modifié.
EXAMEN EN COMMISSION
Réunie le mercredi 19 février 2025, sous la présidence de M. Philippe Mouiller, président, la commission examine le rapport de Mme Maryse Carrère, rapporteure, sur la proposition de loi (n° 222, 2024-2025) visant à renforcer la lutte contre les usages détournés du protoxyde d'azote.
M. Philippe Mouiller, président. - Notre ordre du jour appelle l'examen du rapport de la présidente Maryse Carrère et du texte de la commission sur la proposition de loi de notre collègue Ahmed Laouedj visant à renforcer la lutte contre les usages détournés du protoxyde d'azote.
Ce texte est inscrit à l'ordre du jour au sein de l'espace réservé du groupe RDSE le jeudi 6 mars dans l'après-midi.
Mme Maryse Carrère, rapporteure. - Au mois de décembre, notre collègue Ahmed Laouedj a déposé une proposition de loi visant à renforcer la lutte contre les usages détournés du protoxyde d'azote. Ce texte s'inscrit dans la continuité d'une loi qu'avait portée Valérie Létard au sein de notre assemblée : la loi du 1er juin 2021 tendant à prévenir les usages dangereux du protoxyde d'azote.
Signe de la préoccupation du législateur et des inquiétudes relayées par les élus locaux, l'Assemblée nationale a adopté, le 29 janvier dernier, une proposition de loi portant sur le même sujet. Toutefois, le texte que nous examinons ce matin s'en distingue nettement puisqu'il ne vise pas une interdiction totale de la vente du protoxyde d'azote aux particuliers, interdiction à laquelle le ministre de la santé s'est d'ailleurs dit opposé.
Au moment où nous constatons une recrudescence de la consommation récréative de protoxyde d'azote, ce texte vise à renforcer notre arsenal législatif pour circonscrire ces mésusages, tout en veillant à la proportionnalité des mesures, poursuivant ainsi la philosophie de la loi de 2021.
Avant d'entrer dans le vif du texte, je voudrais rappeler quelques éléments de contexte. Le protoxyde d'azote, autrement dénommé « proto » ou gaz hilarant, est régi par un double statut qui ne facilite pas la perception des risques dont son utilisation peut s'accompagner.
En tant que médicament analgésique ou anesthésique, il est inscrit sur la liste 1 des substances vénéneuses, soumis à prescription médicale, réservé à un usage professionnel et surveillé par l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) au titre de sa mission d'addictovigilance. Contrastant avec cet encadrement particulièrement rigoureux, le protoxyde d'azote est également un produit de consommation courante : additif alimentaire, vendu en grande surface dans de petites cartouches destinées à la préparation de crème fouettée, il est aussi employé dans l'industrie automobile, l'horlogerie ou la photographie comme gaz de compression.
Le caractère licite de ce produit véhicule une image d'innocuité qu'il faut pourtant démentir. Sa dangerosité est attestée par la communauté scientifique et par les autorités sanitaires, qui alertent depuis plusieurs années sur l'émergence d'une nouvelle problématique de santé publique.
Si la consommation récréative de protoxyde d'azote demeure relativement circonscrite, elle est en recrudescence depuis les années 2010. En 2022, 4,3 % des adultes de 18 à 75 ans déclaraient avoir expérimenté le protoxyde d'azote, et 5,4 % parmi les 15-18 ans. Les jeunes adultes de 18 à 34 ans sont les plus concernés par ces usages, l'âge moyen du consommateur se situant autour de 25 ans. Pourtant, l'évolution de la consommation récréative de protoxyde d'azote est encore mal documentée : en effet, les premières enquêtes en population générale n'ont été conduites qu'en 2022 ; les prochaines le seront en 2027.
Il existe néanmoins un large faisceau d'indices que nous ne pouvons ignorer, qui tendent à démontrer que les usages détournés et dangereux de ce produit sont en augmentation.
Tout d'abord, la hausse des signalements enregistrés par le réseau des centres d'addictovigilance est spectaculaire : le nombre de cas notifiés a quasiment été multiplié par quatre entre 2020 et 2023. Ces cas correspondent aux situations ayant donné lieu à une prise en charge par un professionnel de santé, mais ne décrivent pas la consommation de protoxyde d'azote en population générale.
Ensuite, le nombre de cas graves augmente dans les mêmes proportions, en lien avec l'évolution des doses consommées. En raison de la disponibilité de contenants de grand volume de type bombonnes ou bouteilles, les quantités inhalées sont en effet de plus en plus importantes, jusqu'à plusieurs centaines de cartouches par jour. Ces consommations s'accompagnent de complications neurologiques et neuromusculaires fréquentes, ainsi que de troubles de l'usage et, dans une moindre mesure, de complications cardiovasculaires et de troubles psychiatriques.
La fugacité des effets provoqués, de même que l'accessibilité du produit sur internet et son prix modéré, favorisent cette évolution des consommations. L'essentiel des ventes étant réalisées en ligne, parfois sur des sites hébergés hors de France, le contrôle des contenants est, il faut bien l'admettre, à peu près inexistant. Malgré l'interdiction de leurs formats depuis le 1er janvier 2024, les bombonnes et bouteilles semblent désormais constituer une part non négligeable, pour ne pas dire majoritaire, des achats.
Enfin, les troubles à l'ordre public, c'est-à-dire à la tranquillité, à la salubrité et à la sécurité publiques, se multiplient partout en France, principalement dans les zones urbaines. Les municipalités sont en première ligne et tentent d'agir, à leur niveau et avec les moyens dont elles disposent : à Marseille, à Lyon, à Montpellier, à Paris, à Argenteuil, à Saint-Ouen, dans tant d'autres villes et dans de nombreux départements, des arrêtés municipaux et préfectoraux sont pris par les autorités locales pour tenter d'endiguer le phénomène, interdisant par exemple la vente de protoxyde d'azote la nuit ou sa consommation sur l'espace public.
Outre les manifestations cliniques de cette consommation qui engendrent régulièrement des comportements agressifs, des situations de prise de risques et des accidents de la voie publique, les élus locaux sont confrontés à des décharges de bombonnes sur les bords de route ou les parkings, qui s'amoncellent sans solution systématique de recyclage. Ces déchets dangereux exposent ensuite les travailleurs des usines de traitement et d'incinération des déchets à des risques d'explosion, du fait de l'absence de dégazage des contenants.
Non moins inquiétant, les autorités de police alertent sur la structuration de réseaux d'importation et de revente illicite de protoxyde d'azote, calqués sur le modèle des trafics de stupéfiants. Ces dernières années, la multiplication des saisies témoigne incontestablement de ce phénomène nouveau. L'an dernier, 30 tonnes de protoxyde d'azote sous forme de 13 000 bombonnes ont ainsi été saisies en Île-de-France.
Il me semble par ailleurs important d'indiquer que plusieurs pays européens, notamment les Pays-Bas, le Danemark, l'Irlande ou le Royaume-Uni, sont confrontés aux mêmes difficultés que la France. Ces pays tentent, par des moyens similaires à ceux que nous employons, de réguler les usages détournés de protoxyde d'azote.
Dans ce contexte, en mars 2023, le comité d'experts de l'agence européenne des produits chimiques a décidé, après avoir été saisi par la France, de classer le protoxyde d'azote comme produit neurotoxique et reprotoxique, confirmant à nouveau sa dangerosité. Il revient désormais à la Commission européenne de confirmer cet avis et de définir, le cas échéant, de nouvelles restrictions de vente qui pourront s'accompagner de dérogations ciblées, par exemple pour les cartouches de petit format vendues aux particuliers.
Face à ces constats, le texte déposé par notre collègue Ahmed Laouedj vise à dissuader plus fermement les usages détournés de protoxyde d'azote et à renforcer les actions de prévention en direction des publics les plus vulnérables, c'est-à-dire les jeunes. La loi de 2021 poursuivait déjà cette double ambition, en posant les jalons d'un premier cadre législatif.
Si les dispositions de cette loi, somme toute récente, restent encore insuffisamment connues, les statistiques des ministères de l'intérieur et de la justice témoignent de leur appropriation progressive par les forces de l'ordre. Néanmoins et malgré le faible recul dont nous disposons sur sa mise en oeuvre, le cadre juridique actuel souffre de plusieurs carences, qu'il s'agirait donc de combler.
En premier lieu, la proposition de loi vise à créer une infraction sanctionnant directement l'usage détourné de protoxyde d'azote et à interdire sa détention par les mineurs. Elle propose également d'aligner diverses dispositions sur celles prévues en matière d'encadrement des débits de boissons et de lutte contre l'alcoolisme. En deuxième lieu, elle vise à mieux contrôler les circuits de la vente aux particuliers en créant un dispositif d'agrément et donc, de recensement des vendeurs, et en interdisant la vente de nuit. En troisième lieu, elle poursuit un objectif de responsabilisation des consommateurs en matière environnementale, en identifiant une infraction spécifique d'abandon ou de dépôt sur la voie publique de tout contenant de protoxyde d'azote. Enfin, en quatrième lieu, elle vise à sensibiliser les collégiens et les lycéens aux risques spécifiquement associés aux détournements d'usage du protoxyde d'azote.
Ce texte ayant dû être instruit dans un délai particulièrement court, malgré la sensibilité des enjeux qu'il recouvre, je ne doute pas qu'il pourra être enrichi au cours de la navette parlementaire.
Il devra par ailleurs donner lieu à une saisine de la Commission européenne sur le fondement de la directive (UE) 2015/1535 du 9 septembre 2015, qui impose une notification des projets de textes comprenant des spécifications techniques, affectant notamment les conditions de commercialisation de certains produits.
Dès le stade de la commission, je vous proposerai plusieurs amendements destinés à renforcer et à équilibrer ce texte et je vous inviterai, en conséquence, à l'adopter dans cette version amendée.
Il me revient, enfin, de vous proposer un périmètre pour l'application des irrecevabilités au titre de l'article 45 de la Constitution. Je considère que ce périmètre comprend les dispositions relatives aux conditions d'accès au protoxyde d'azote et, notamment, à l'encadrement de ses conditions de vente, de distribution et de promotion, en vue de restreindre ou de limiter ses usages détournés et dangereux. Je considère qu'il comprend également les sanctions afférentes à ces dispositions, celles relatives à leurs modalités de contrôle, ainsi qu'à la prévention et à la collecte et au recyclage des dispositifs contenant du protoxyde d'azote.
En revanche, je vous proposerai d'exclure de ce périmètre les dispositions relatives aux produits stupéfiants, à tout autre produit susceptible de provoquer des effets psychoactifs ou présentant un risque de dépendance, ainsi qu'au protoxyde d'azote à usage médical.
Mme Florence Lassarade. - On constate malheureusement une aggravation de la situation. La consommation de protoxyde d'azote se développe rapidement. Dans le train, on voit des gamins hilares, et on imagine aisément ce qu'ils ont consommé. Jusqu'à présent, ils utilisaient des cartouches ménagères ; désormais ils achètent des bouteilles ou des bonbonnes. Ces dernières explosent d'ailleurs parfois dans les déchetteries. Ne faudrait-il pas simplement interdire la vente de ces produits ? Il est possible de faire monter la chantilly avec un fouet. Il ne suffit pas de limiter la vente aux contenants de petit format, car les enfants ont accès à ces cartouches chez eux.
Mme Jocelyne Guidez. - Cette proposition de loi va plus loin que la loi de Valérie Létard de 2021, dont j'étais rapporteure : celle-ci n'interdisait que la vente aux mineurs. Le texte proposé vise à interdire la détention par les mineurs.
À l'époque, le phénomène d'addiction au protoxyde d'azote concernait surtout le Nord. Je me souviens qu'à Loos, par exemple, on ramassait dans les rues plus de 35 kilogrammes de petites cartouches de gaz chaque semaine. Le phénomène s'est aujourd'hui répandu dans les grandes communes comme dans les communes rurales. L'usage de grandes cartouches d'un litre s'est développé. Je ne suis pas favorable à une interdiction du protoxyde d'azote. En revanche, il faut éviter les usages détournés.
M. Daniel Chasseing. - En 2021, nous avions interdit la vente aux mineurs, mais la consommation a malheureusement fortement augmenté depuis. Celle-ci suscite des troubles à l'ordre public : les consommateurs peuvent avoir des comportements agressifs ; des bonbonnes explosent dans les déchetteries, etc. Ce texte va dans le bon sens, en durcissant les conditions d'agrément des vendeurs, en interdisant d'abandonner les bonbonnes sur la voie publique, en mettant l'accent sur la sensibilisation des collégiens et des lycéens, etc. Mais on peut sans doute aller plus loin, car la consommation s'est encore accrue depuis le dépôt de ce texte, que je voterai.
Mme Marion Canalès. - Ce texte sera examiné en séance au Sénat le 6 mars, après l'examen d'une proposition de loi visant à renforcer la prévention et la lutte contre le risque incendie lié aux batteries au lithium et aux cartouches de protoxyde d'azote dans les installations de collecte, de tri et de recyclage. Ce n'est pas anodin. Le traitement des bonbonnes de protoxyde d'azote dans les déchetteries est un enjeu. Il coûte entre 9 et 15 euros par bonbonne. Ces déchets, en effet, sont très dangereux.
La consommation de protoxyde d'azote a explosé lors de la crise du covid. Il figure parmi les cinq substances addictives qui sont les plus consommées en France : on a recensé ainsi 472 signalements en 2021, contre 254 seulement en 2020. Le développement de la consommation est exponentiel.
Il est frappant de noter que 5 % des élèves de troisième déclarent en avoir déjà consommé. Les réseaux sociaux font la promotion de la consommation. Ils constituent une formidable caisse de résonance pour ces pratiques parmi les jeunes, ce qui a contribué au développement de véritables addictions.
L'usage de ce produit a été dévoyé. Ce dernier devrait être réservé aux professionnels. On peut faire de la chantilly à la main. Il convient donc d'encadrer la vente et l'achat, en les réservant à des professionnels agréés, de développer une filière de recyclage certifiée, et de réguler ou d'interdire les incitations à consommer, notamment sur les réseaux sociaux.
Mme Silvana Silvani. - Il me paraît important de ne pas employer le qualificatif de « stupéfiant », sinon beaucoup de vendeurs seront assimilés à des dealers. Mais je crois que notre rapporteure proposera un amendement en ce sens.
Il manque, dans ce texte, un volet consacré à la santé publique. Restreindre ou interdire est une chose, mais il serait aussi nécessaire de mener une grande campagne de sensibilisation et d'information des jeunes sur les risques, même si je sais que nous n'avons pas beaucoup la main sur ce qui se passe sur les réseaux sociaux. Les jeunes sont friands d'expérimentations. Il faut les accompagner et les sensibiliser. L'agence régionale de santé (ARS) des Hauts-de-France a ainsi mené une campagne de sensibilisation en 2023, mais les initiatives régionales ne suffisent pas. L'État doit s'engager fortement sur le sujet. Il conviendrait de mener une grande action de santé publique au plan national, en complément des restrictions apportées à la vente de protoxyde d'azote.
Mme Anne Souyris. - La consommation du protoxyde d'azote est un problème, car elle concerne les jeunes, voire les très jeunes. Ces derniers sont souvent issus de milieux défavorisés. Certains consomment des dizaines de cartouches par jour. Il ne s'agit plus dès lors d'une pratique récréative, mais d'une véritable addiction. La consommation de ce produit, comme celle des drogues dures, permet à ces jeunes d'oublier leur réalité.
Les interdictions ne donnent rien. On le voit à Paris. Il faut développer la prévention, notamment dans les écoles. Tel est bien l'enjeu : le public concerné est très jeune, et certains prennent l'habitude de consommer ce produit dès l'école primaire. Or ce texte est muet sur ce point et s'inscrit toujours dans une logique d'interdiction, mais cette politique est très peu efficace à l'égard des enfants et des jeunes. Nous devons trouver la manière de les accompagner.
Lorsque l'on consomme dans la rue des dizaines de cartouches de gaz, il ne s'agit pas d'une pratique festive dans un appartement ! Nous devons comprendre ce qui se passe. Ce phénomène a des causes sociales et psychologiques. La consommation s'est développée pendant la crise du covid, à un moment où certains jeunes ont sombré dans des problèmes psychologiques assez lourds, dont ils ne sont pas sortis. Cette proposition de loi ne s'intéresse pas à cette dimension. Elle prolonge une logique d'interdiction. Or les préfets reconnaissent qu'ils ne voient pas les effets de cette politique.
Nous ne devons pas oublier non plus la dimension environnementale. Le recyclage a un coût très important.
Dans ces conditions, je me demande s'il ne serait pas opportun d'interdire ce produit complètement hors des circuits professionnels.
Avec ce texte on se donne bonne conscience, on augmente davantage les interdits, mais cela ne servira à rien, sinon à donner encore un peu plus de travail à notre police et à notre justice. Il faut s'attaquer aux dimensions sanitaires, sociales et environnementales du problème.
Mme Christine Bonfanti-Dossat. - Ne serait-il pas raisonnable que ces bonbonnes et cartouches relèvent d'une filière à responsabilité élargie des producteurs (REP), afin de faciliter le recyclage ?
Mme Maryse Carrère, rapporteure. - Je pense que mes amendements apporteront certaines réponses à vos observations.
Madame Lassarade, une proposition de loi visant à interdire la vente de protoxyde d'azote aux particuliers dans les commerces physiques et en ligne a été déposée à l'Assemblée nationale, mais le Gouvernement et l'ANSM ne sont pas favorables à cette interdiction, car le protoxyde d'azote a de nombreux usages et qu'il ne peut être assimilé à un produit stupéfiant.
Madame Guidez, la proposition de loi va plus loin que la loi de 2021, car elle vise à interdire l'usage détourné de ce produit pour les mineurs, mais aussi pour les majeurs. Le texte encadre les circuits de distribution. Il renforce les moyens de contrôle des forces de l'ordre : actuellement, pour pouvoir agir, elles doivent réussir à prendre en flagrant délit un majeur en train de donner une capsule à un mineur pour l'inciter à consommer. Ce n'est pas simple...
Madame Canalès, les bonbonnes et les bouteilles de protoxyde d'azote sont interdites. Seules les petites cartouches, qui ne posent pas les mêmes difficultés pour le recyclage, sont autorisées. Je reviendrai sur la question de l'agrément des professionnels dans mes amendements. Là encore, la question est délicate.
Madame Silvani, les autorités sanitaires ne prévoient pas de placer le protoxyde d'azote sur la liste des produits stupéfiants. En conséquence, je déposerai des amendements pour modifier l'échelle des sanctions prévue concernant la pénalisation de l'usage détourné.
Madame Souyris, la proposition de loi comporte un volet consacré à la prévention. Je proposerai de le renforcer par mes amendements. Nous devons donner aux autorités les bons outils pour traiter le sujet, interdire les usages détournés du produit, faciliter la réalisation des constats de flagrant délit et responsabiliser les consommateurs.
Madame Bonfanti-Dossat, les petites cartouches doivent faire partie des filières de la REP. Le problème est qu'elles sont souvent achetées sur internet et que l'on ne connaît pas les producteurs, car ils sont à l'étranger. Il est difficile de tracer l'origine des bonbonnes. Il y a un indéniable problème d'ordre environnemental. Le maire de Saint-Ouen nous a ainsi dit que plus de 2 000 bonbonnes sur la voie publique ont été ramassées l'an dernier dans sa commune.
EXAMEN DES ARTICLES
Mme Maryse Carrère, rapporteure. - Afin de responsabiliser les consommateurs et de donner un moyen d'action supplémentaire aux autorités, la proposition de loi crée une nouvelle infraction d'usage détourné de protoxyde d'azote.
Mon amendement COM-1 vise à adapter le niveau de la sanction pour cette nouvelle infraction, fixée à un an d'emprisonnement et à 3 750 euros d'amende, ce qui correspond à une peine équivalente à celle prévue pour l'usage de stupéfiants.
Le protoxyde d'azote n'étant pas classé comme stupéfiant, dans un souci de proportionnalité des peines, je propose de transformer la sanction en contravention de la 3e classe, soit une amende d'un montant de 450 euros au maximum. À titre de comparaison, le code de la santé publique sanctionne l'état d'ivresse manifeste sur la voie publique d'une contravention de la 2e classe.
L'amendement COM-1 est adopté.
Mme Maryse Carrère, rapporteure. - L'amendement COM-2 vise à supprimer l'alinéa 8, qui comporte une disposition redondante avec la loi en vigueur depuis juin 2021, concernant la mention de la dangerosité de l'usage détourné de protoxyde d'azote sur les unités de conditionnement.
En outre, la loi du 1er juin 2021 a prévu que soit définie par arrêté une quantité maximale de vente de protoxyde d'azote aux particuliers. Cette quantité a été fixée à dix cartouches par un arrêté du 19 juillet 2023. Toutefois, aucune amende ni sanction n'ont été prévues en cas d'infraction.
Je propose donc de créer une amende de 100 000 euros en cas de non-respect des quantités maximales de vente de protoxyde d'azote aux particuliers.
Le montant de l'amende s'inspire de l'article L. 3515-3 du code de la santé publique, qui sanctionne de 100 000 euros d'amende, notamment, la vente d'un dispositif électronique de vapotage jetable dont le réservoir dépasse le volume maximal autorisé, ainsi que la vente de produits de vapotage contenant de la nicotine dont le conditionnement ou l'emballage extérieur ne mentionne pas certains éléments obligatoires.
L'amendement COM-2 est adopté.
Mme Maryse Carrère, rapporteure. - L'amendement COM-3 tend à transformer le système d'agrément des vendeurs de protoxyde d'azote envisagé par la proposition de loi en un système déclaratif. Cette modification vise à ne pas pénaliser les circuits de vente légaux de protoxyde d'azote, notamment les acteurs de la grande distribution, mais permet néanmoins de disposer d'une liste des commerces vendeurs de protoxyde d'azote, à des fins de contrôle.
En effet, la difficulté à réguler les circuits de distribution du protoxyde d'azote tient au fait que les ventes de bonbonnes ou bouteilles de format non réglementaire et, plus largement, les ventes à des fins récréatives, transitent majoritairement par internet, notamment via les réseaux sociaux, plutôt que par les commerces traditionnels.
Le protoxyde d'azote représente une part très marginale des ventes des acteurs de la grande distribution, qui ne s'engageront pas dans un système d'agrément et préféreront délaisser la vente de protoxyde d'azote en cartouches. La mise en oeuvre d'un système d'agrément pourrait ainsi être contreproductive et alimenter des trafics illégaux.
Il est donc proposé de prévoir un simple système de déclaration administrative auprès de la mairie, applicable aux commerces et aux sites de vente en ligne, dont le récépissé vaudrait autorisation de vente. Ce dispositif permettrait de connaître la liste des vendeurs de protoxyde d'azote. La définition des modalités de mise en oeuvre de ce système déclaratif est renvoyée à un décret en Conseil d'État.
Il est également proposé d'étendre les horaires d'interdiction de vente la nuit de 22 heures à 8 heures, pour s'aligner sur les dispositions législatives relatives aux licences des débits de boissons. L'auteur de la proposition de loi avait prévu une interdiction de vente la nuit de 22 heures à 5 heures du matin.
En cas de vente sans avoir réalisé la déclaration, le vendeur s'exposerait à une amende de 3 750 euros.
L'amendement COM-3 est adopté.
Mme Maryse Carrère, rapporteure. - L'amendement COM-4 vise à supprimer l'interdiction de détention de protoxyde d'azote par les mineurs.
La justice pénale des mineurs, érigée en principe fondamental reconnu par les lois de la République (PFRLR) par le Conseil constitutionnel, prévoit des règles spécifiques qui atténuent la responsabilité des mineurs et privilégient la dimension éducative. Le juge procède systématiquement à des adaptations de peines pour tenir compte de la minorité du sujet, et certaines peines ne peuvent pas être prononcées à l'égard de mineurs de moins de 16 ans. La création d'une infraction spécifiquement applicable aux mineurs pourrait être regardée comme non conforme à ce principe.
Par ailleurs, les données disponibles indiquent que la moyenne d'âge des consommateurs de protoxyde d'azote se situe entre 22 ans et 25 ans, tandis que les mineurs sont des consommateurs très marginaux.
Enfin, le protoxyde d'azote est une substance licite, comme le sont l'alcool et le tabac. Ceux-ci ne peuvent pas être vendus à des mineurs, mais leur détention par un mineur n'est pas pour autant pénalisée.
L'amendement COM-4 est adopté.
Mme Maryse Carrère, rapporteure. - La loi du 1er juin 2021 a prévu l'interdiction de vendre du protoxyde d'azote aux majeurs dans les débits de boissons et les débits de tabac, sous peine d'amende.
Nous proposons, par l'amendement COM-5, dans une visée dissuasive, de compléter cette sanction par la possibilité, laissée à la discrétion du préfet, de prononcer une mesure de fermeture administrative, pour une durée maximale de six mois. Ce régime est calqué sur celui applicable aux débits de boissons en cas de non-respect de la loi, tel que prévu par l'article L. 3332-15 du code de la santé publique.
L'amendement prévoit également une sanction en cas de non-respect de la mesure de fermeture administrative.
L'amendement COM-5 est adopté.
Mme Maryse Carrère, rapporteure. - L'amendement COM-6 vise à créer un nouvel article dans le code de la santé publique, dans un chapitre dédié à la prévention des usages détournés et dangereux du protoxyde d'azote, pour reconnaître et conforter le rôle des centres d'addictovigilance en matière d'information et de formation des professionnels de santé.
Ces centres, qui forment le réseau de vigilance de l'ANSM, jouent un rôle essentiel au contact des professionnels de santé pour les sensibiliser aux risques associés à la consommation de protoxyde d'azote et aux bonnes pratiques de prise en charge. Ils sensibilisent également les professionnels de santé à l'importance des signalements, pour procéder à une veille sanitaire efficace.
L'amendement COM-6 est adopté.
L'amendement de coordination COM-7 est adopté.
L'article 1er est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.
Mme Maryse Carrère, rapporteure. - L'amendement COM-8 vise à renforcer la prévention relative aux usages détournés et dangereux du protoxyde d'azote. Pour cela, nous souhaitons inscrire, dans le code de l'éducation, la détection des conduites addictives parmi les missions de promotion de la santé à l'école, ainsi que la sensibilisation aux dangers liés aux usages détournés de produits de consommation courante, dont le protoxyde d'azote, lors de séances dédiées dans les collèges et les lycées.
Nous proposons enfin d'associer à ces séances d'information dans les établissements scolaires les services de l'État compétents en matière de lutte contre les drogues et les conduites addictives. La mission interministérielle de lutte contre les drogues et les conduites addictives pourrait en effet jouer un rôle d'impulsion en matière de prévention plus important à l'égard des établissements d'enseignement du secondaire.
L'amendement COM-8 est adopté.
L'article 2 est ainsi rédigé.
La proposition de loi est adoptée dans la rédaction issue des travaux de la commission.
TABLEAU DES SORTS
Auteur |
N° |
Objet |
Sort de l'amendement |
Article 1er |
|||
Mme Maryse Carrère, rapporteure |
1 |
Modification de la sanction prévue en cas d'usage détourné de protoxyde d'azote |
Adopté |
Mme Maryse Carrère, rapporteure |
2 |
Création d'une sanction en cas de non-respect des dispositions relatives aux quantités maximales de vente de protoxyde d'azote aux particuliers |
Adopté |
Mme Maryse Carrère, rapporteure |
3 |
Transformation du système d'agrément des professionnels vendant du protoxyde d'azote en système déclaratif |
Adopté |
Mme Maryse Carrère, rapporteure |
4 |
Suppression de l'interdiction de détention de protoxyde d'azote par les mineurs |
Adopté |
Mme Maryse Carrère, rapporteure |
5 |
Création d'une possibilité de fermeture administrative d'un débit de boissons ou d'un débit de tabac ne respectant pas l'interdiction de vente aux majeurs |
Adopté |
Mme Maryse Carrère, rapporteure |
6 |
Précision des missions des centres d'évaluation et d'information sur la pharmacodépendance-addictovigilance |
Adopté |
Mme Maryse Carrère, rapporteure |
7 |
Coordinations juridiques |
Adopté |
Article 2 |
|||
Mme Maryse CARRÈRE, rapporteure |
8 |
Renforcement de la prévention relative aux conduites addictives et à l'usage détourné de protoxyde d'azote à l'école |
Adopté |
RÈGLES RELATIVES À L'APPLICATION DE L'ARTICLE
45
DE LA CONSTITUTION ET DE L'ARTICLE 44 BIS, ALINÉA 3,
DU
RÈGLEMENT DU SÉNAT (« CAVALIERS »)
Si le premier alinéa de l'article 45 de la Constitution, depuis la révision du 23 juillet 2008, dispose que « tout amendement est recevable en première lecture dès lors qu'il présente un lien, même indirect, avec le texte déposé ou transmis », le Conseil constitutionnel estime que cette mention a eu pour effet de consolider, dans la Constitution, sa jurisprudence antérieure, reposant en particulier sur « la nécessité pour un amendement de ne pas être dépourvu de tout lien avec l'objet du texte déposé sur le bureau de la première assemblée saisie » 79(*).
De jurisprudence constante et en dépit de la mention du texte « transmis » dans la Constitution, le Conseil constitutionnel apprécie ainsi l'existence du lien par rapport au contenu précis des dispositions du texte initial, déposé sur le bureau de la première assemblée saisie80(*).
Pour les lois ordinaires, le seul critère d'analyse est le lien matériel entre le texte initial et l'amendement, la modification de l'intitulé au cours de la navette restant sans effet sur la présence de « cavaliers » dans le texte81(*). Pour les lois organiques, le Conseil constitutionnel ajoute un second critère : il considère comme un « cavalier » toute disposition organique prise sur un fondement constitutionnel différent de celui sur lequel a été pris le texte initial82(*).
En application des articles 17 bis et 44 bis du Règlement du Sénat, il revient à la commission saisie au fond de se prononcer sur les irrecevabilités résultant de l'article 45 de la Constitution, étant précisé que le Conseil constitutionnel les soulève d'office lorsqu'il est saisi d'un texte de loi avant sa promulgation.
En application du vademecum sur l'application des irrecevabilités au titre de l'article 45 de la Constitution, adopté par la Conférence des Présidents, la commission des affaires sociales a arrêté, lors de sa réunion du mercredi 19 février 2025, le périmètre indicatif de la proposition de loi n° 222 (2024-2025) visant à renforcer la lutte contre les usages détournés du protoxyde d'azote.
Elle a considéré que ce périmètre incluait des dispositions relatives :
- aux conditions d'accès au protoxyde d'azote et, notamment, à l'encadrement de ses conditions de vente, de distribution et de promotion, en vue de restreindre ou de limiter ses usages détournés et dangereux,
- aux sanctions prévues en cas d'infractions aux dispositions visant à encadrer les conditions d'accès au protoxyde d'azote, notamment, ses conditions de vente, de distribution et de promotion, en vue de restreindre ou de limiter ses usages détournés et dangereux,
- aux modalités de contrôle des dispositions précitées,
- à la prévention des usages détournés et dangereux du protoxyde d'azote,
- à la collecte et au recyclage des dispositifs contenant du protoxyde d'azote.
En revanche, la commission a estimé que ne présentaient pas de lien, même indirect, avec le texte déposé, des amendements relatifs :
- à tout autre produit susceptible de provoquer des effets psychoactifs ou présentant un risque de dépendance,
- aux produits stupéfiants,
- au protoxyde d'azote à usage médical.
LISTE DES PERSONNES ENTENDUES
ET DES CONTRIBUTIONS
ÉCRITES
Auditions
· Ahmed Laouedj, sénateur de la Seine-Saint-Denis, auteur de la proposition de loi
· Centre d'évaluation et d'information sur la pharmaco-dépendance-addictovigilance (CEIP-A)
Pr Caroline Victorri-Vigneau, responsable du suivi national d'addictovigilance du protoxyde d'azote pour l'ANSM, présidente de l'association des centres d'addictovigilance, PU-PH, service de pharmacologie clinique, faculté de médecine, CHU de Nantes
· Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM)
Alexandre De La Volpilière, directeur général adjoint chargé des opérations
Carole Le Saulnier, directrice réglementation et déontologie
Mehdi Benkebil, directeur de la surveillance
· Direction générale de la santé (DGS)
Patrick Ambroise, sous-directeur adjoint Santé des populations et prévention des maladies chroniques
Simone Alexe, cheffe du bureau de prévention des addictions
· Mission interministérielle de lutte contre les drogues et les conduites addictives (Mildeca)
Nicolas Prisse, président
Corinne Drougard, chargée de mission santé
Gwenaël Le-Dû, chargé de mission affaires réglementaires
· Fédération du commerce et de la distribution (FCD)
Émilie Tafournel, directrice qualité
Julie Fraisse, responsable des affaires publiques
· Mairie de Saint-Ouen
Freddy Delawer-Hosny, directeur général adjoint de la prévention et de la sécurité
Jean-François Clerc, maire-adjoint à la sécurité
· Observatoire français des drogues et des tendances addictives (OFDT)
Valérie Ulrich, responsable de l'unité scientifique Focus
Clément Gérôme, coordinateur national du dispositif Trend
· Addictions France
Myriam Savy, directrice du plaidoyer
Morgane Merat, chargée de mission politiques publiques
· Ministère de l'intérieur - Direction générale de la police nationale - Direction nationale de la police judiciaire (DNPJ)
Aymeric Saudubray, directeur national adjoint en charge de la stratégie et du pilotage territorial
Séraphia Scherrer, sous-directrice adjointe de la stratégie et du pilotage territorial
· Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (Anses)
Matthieu Schuler, directeur général délégué en charge du pôle sciences pour l'expertise de l'Anses
Sarah Aubertie, chargée des relations institutionnelles
Contributions écrites
· Ministère de la justice - Direction des affaires criminelles et des grâces
· Direction générale de la consommation, de la concurrence et de la répression des fraudes (DGCCRF)
LA LOI EN CONSTRUCTION
Pour naviguer dans les rédactions successives du texte, visualiser les apports de chaque assemblée, comprendre les impacts sur le droit en vigueur, le tableau synoptique de la loi en construction est disponible sur le site du Sénat à l'adresse suivante :
https://www.senat.fr/dossier-legislatif/ppl24-222.html
* 1 Arrêté du 17 août 2021 portant classement sur les listes des substances vénéneuses.
* 2 Données recueillies par les centres d'évaluation et d'information de pharmacodépendance-addictovigilance.
* 3 Caroline Victorri-Vigneau, présidente de l'association française des centres d'addictovigilance.
* 4 Le tabac et l'alcool sont respectivement responsables d'environ 75 000 et 49 000 décès chaque année en France.
* 5 Santé publique France, Niveaux de consommation du CBD et du protoxyde d'azote en population adulte en France métropolitaine en 2022, 26 octobre 2023.
* 6 Données de l'OFDT, enquête ENCLASS menée chez les lycéens de 15 à 18 ans, 2022.
* 7 Classification établie sur la base du règlement CLP N° 1272/2008 du Parlement européen relatif à la classification, à l'étiquetage et à l'emballage des substances chimiques et des mélanges.
* 8 EMCDDA, Recreational use of nitrous oxide : a growing concern for Europe, novembre 2022.
* 9 OFDT, Les usages psychoactifs du protoxyde d'azote, Tendances n° 151, août 2022.
* 10 Ibid.
* 11 Ces textes sont entrés en application respectivement le 1er janvier 2024 et le 21 juillet 2024.
* 12 Aucune peine n'est prévue en cas d'infraction aux dispositions prises en application de l'article L. 3621-1 du code de la santé publique, relatif aux quantités maximales de vente aux particuliers.
* 13 Cette peine est équivalente à celle prévue pour l'usage de stupéfiants, à l'article L. 3421-1 du code de la santé publique.
* 14 Article 227-19 du code pénal.
* 15 Cette directive prévoit une procédure d'information de la Commission européenne dans le domaine des réglementations techniques et des règles relatives aux services de la société de l'information, les États membres ayant obligation de lui notifier tout projet de réglementation afin de garantir leur conformité avec le droit européen.
* 16 OFDT, Les usages psychoactifs du protoxyde d'azote, Tendances, août 2022, et Gérome C., Développement des usages de protoxyde d'azote : retour sur une panique morale, Swaps, 2021, n° 96-97, pp. 7-11.
* 17 European Monitoring Centre for Drugs and Drug Addiction (EMCDDA), Recreational use of nitrous oxide : a growing concern for Europe, november 2022.
* 18 EMCDDA, Recreational use of nitrous oxide : a growing concern in Europe, november 2022.
* 19 OFDT, Les usages psychoactifs du protoxyde d'azote, Tendances n° 151, août 2022.
* 20 Arrêté du 17 août 2021 portant classement sur les listes des substances vénéneuses.
* 21 Article R. 5132-80 du code de la santé publique, et arrêté du 21 décembre 2001 portant application de la réglementation des stupéfiants aux médicaments à base de protoxyde d'azote.
* 22 Nausées et vomissements, augmentation temporaire de pression et/ou de volume des cavités aériques de l'organisme, troubles hématologiques, effets euphorisants et troubles psychodysleptiques, addictions et complications neurologiques.
* 23 FHF, « Appel à l'arrêt immédiat de l'approvisionnement des réseaux de protoxyde d'azote (N2O) dans les établissements de santé : une mesure urgente pour réduire les émissions de gaz à effet de serre », communiqué du 11 octobre 2024.
* 24 Selon l'article L. 5133-1 du code de la santé publique, « l'addictovigilance a pour objet la surveillance, l'évaluation, la prévention et la gestion du risque des cas d'abus, de dépendance et d'usage détourné liés à la consommation, qu'elle soit médicamenteuse ou non, de tout produit, substance ou plante ayant un effet psychoactif, à l'exclusion de l'alcool éthylique et du tabac. »
* 25 Selon l'ANSM, 305 cas ont été rapportés en 2023 contre 256 en 2022.
* 26 OFDT, Les usages psychoactifs du protoxyde d'azote, Tendances, août 2022.
* 27 EMCDDA, Recreational use of nitrous oxide : a growing concern for Europe, november 2022.
* 28 Santé publique France, Niveaux de consommation du CBD et du protoxyde d'azote en population adulte en France métropolitaine en 2022, 26 octobre 2023.
* 29 Ibid.
* 30 Les données collectées par les CEIP-A indiquent un âge moyen de 22 ans tandis que celles issues de l'enquête conduite en 2022 par Santé publique France indiquent 25 ans.
* 31 Document à l'attention des professionnels de santé, janvier 2023.
* 32 Dans sa réponse au questionnaire de la rapporteure, l'ANSM indique que parmi les signalements de complications neurologiques, notamment des neuropathies ou des atteintes médullaires, l'évolution des symptômes est majoritairement non établie ou non connue.
* 33 EMCDDA, Recreational use of nitrous oxide : a growing concern for Europe, p. 5, november 2022.
* 34 Aucune donnée chiffrée ne permet aujourd'hui d'attester de cette supposition très largement partagée.
* 35 Réponse de la Mildeca au questionnaire de la rapporteure.
* 36 Réponse de la DNPJ au questionnaire de la rapporteure.
* 37 Réponses de l'ANSM au questionnaire transmis par la rapporteure.
* 38 Selon la Mildeca.
* 39 Article L. 3611-1 du code de la santé publique.
* 40 Article L. 3611-3 du code de la santé publique, premier alinéa.
* 41 Article 2 de la loi n° 2021-695 du 1er juin 2021 tendant à prévenir les usages dangereux du protoxyde d'azote.
* 42 Article L. 3611-3 du code de la santé publique, deuxième alinéa.
* 43 Article L. 3611-3 du code de la santé publique, troisième alinéa.
* 44 Article L. 3611-2 du code de la santé publique.
* 45 Arrêté du 19 juillet 2023 fixant la quantité maximale autorisée pour la vente aux particuliers de produits mentionnés à l'article L. 3611-1 du code de la santé publique contenant du protoxyde d'azote.
* 46 Article L. 3621-1 du code de la santé publique.
* 47 Amende de 750 euros maximum, conformément à l'article 131-13 du code pénal.
* 48 Article R. 634-2 du code pénal.
* 49 Amende de 1 500 euros maximum, pouvant être relevée à 3 000 euros en cas de récidive, conformément à l'article 131-13 du code pénal.
* 50 Article R. 635-8 du code pénal.
* 51 Règlement (CE) n° 1272/2008 du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 relatif à la classification, à l'étiquetage et à l'emballage des substances et des mélanges [...].
* 52 Règlement (CE) n° 1907/2006 du Parlement européen et du Conseil du 18 décembre 2006 concernant l'enregistrement, l'évaluation et l'autorisation des substances chimiques, ainsi que les restrictions applicables à ces substances (Reach), instituant une agence européenne des produits chimiques [...].
* 53 Réponses de l'Anses au questionnaire de la rapporteure.
* 54 Parmi les villes ayant agi en ce sens, peuvent être citées notamment Paris, Lyon, Marseille, Montpellier, et parmi les départements, l'Essonne, la Seine-et-Marne, le Val d'Oise, la Drôme, l'Hérault.
* 55 Alinéas 2 à 4 du présent article premier.
* 56 Selon la gradation des sanctions pénales, la contravention est punie au maximum d'une amende de 1500 euros (3000 euros en cas de récidive) et n'est assortie d'aucune peine de prison. Le délit est puni d'une amende minimale de 3750 euros, qui peut être réduite par l'application d'un régime de forfaitisation ; il peut également être assorti d'une peine d'emprisonnement.
* 57 77,8 % de la réponse pénale en 2023 selon la direction des affaires criminelles et des grâces du ministère de la justice.
* 58 Article L. 3421-1 du code de la santé publique.
* 59 Décision DC n° 86-215 DC du 3 septembre 1986, loi relative à la lutte contre la criminalité et la délinquance.
* 60 Alinéa 14 du présent article.
* 61 Alinéa 17 du présent article.
* 62 Article L. 3611-1 du code de la santé publique.
* 63 Alinéa 5 du présent article.
* 64 Article 227-19 du code pénal et article L. 3353-4 du code de la santé publique.
* 65 Article L. 3353-3 du code de la santé publique.
* 66 Alinéa 8 du présent article.
* 67 Articles L. 3332-1 à L. 3332-17 du code de la santé publique.
* 68 Articles L. 3331-4 et L. 3332-1-1 du code de la santé publique.
* 69 Proposition de loi visant à restreindre la vente de protoxyde d'azote aux professionnels et à renforcer les actions de prévention des consommations détournées, déposée le 19 novembre 2024 par M. Idir Boumertit, député LFI-NFP.
* 70 Articles L. 3512-12 et article L. 3342-1 du code de la santé publique.
* 71 Décision n° 2002-461 DC du 29 août 2002. Le Conseil constitutionnel a notamment considéré qu'avaient continûment été reconnus « l'atténuation de la responsabilité pénale des mineurs en fonction de leur âge » et « la nécessité de rechercher le relèvement éducatif et moral des enfants délinquants par des mesures adaptées à leur âge et à leur personnalité, prononcées par une juridiction spécialisée ou selon des procédures appropriées ».
* 72 Article L. 3621-1 du code de la santé publique.
* 73 Section 10 du chapitre II du titre Ier du livre III de la deuxième partie du code de l'éducation.
* 74 Article L. 318-12 du code de l'éducation.
* 75 Site internet des Hospices civils de Lyon, « Une téléconsultation dédiée aux consommateurs de protoxyde d'azote », https://www.chu-lyon.fr/teleconsultation-consommateurs-protoxyde-dazote.
* 76 Exemple du programme « Good Behavior Game » au déploiement duquel contribue Addictions France.
* 77 Rapport fait au nom de la commission des affaires sociales sur la proposition de loi tendant à protéger les mineurs des usages dangereux du protoxyde d'azote, par Mme Jocelyne Guidez, décembre 2019.
* 78 Selon une enquête de Santé publique France, seuls 4,3 % des adultes déclaraient avoir expérimenté le protoxyde d'azote à des fins récréatives en 2022 en France métropolitaine.
* 79 Cf. commentaire de la décision n° 2010-617 DC du 9 novembre 2010 - Loi portant réforme des retraites.
* 80 Cf. par exemple les décisions n° 2015-719 DC du 13 août 2015 - Loi portant adaptation de la procédure pénale au droit de l'Union européenne et n° 2016-738 DC du 10 novembre 2016 - Loi visant à renforcer la liberté, l'indépendance et le pluralisme des médias.
* 81 Décision n° 2007-546 DC du 25 janvier 2007 - Loi ratifiant l'ordonnance n° 2005-1040 du 26 août 2005 relative à l'organisation de certaines professions de santé et à la répression de l'usurpation de titres et de l'exercice illégal de ces professions et modifiant le code de la santé publique.
* 82 Décision n° 2020-802 DC du 30 juillet 2020 - Loi organique portant report de l'élection de six sénateurs représentant les Français établis hors de France et des élections partielles pour les députés et les sénateurs représentant les Français établis hors de France.