III. LA POSITION DE LA COMMISSION DES LOIS : LA RECEVABILITÉ DE LA PROPOSITION DE RÉSOLUTION

Dans le cadre d'un « droit de tirage », la compétence de la commission des lois se limite strictement à l'examen de la recevabilité de la proposition de résolution, reposant sur l'évaluation du respect des critères précités.

A. UN EFFECTIF NE DÉPASSANT PAS VINGT-TROIS MEMBRES

L'article unique de la proposition de résolution n° 245 (2024-2025), présentée par Mathieu Darnaud et les membres du groupe Les Républicains, apparentés et rattachés, tend à la création d'une commission d'enquête de vingt-trois membres « sur les missions des agences, opérateurs et organismes consultatifs de l'État ».

L'effectif de la commission d'enquête n'excéderait donc pas la limite de vingt-trois membres fixée à l'article 8 ter du Règlement du Sénat.

B. UN OBJET NON TRAITÉ PAR UNE COMMISSION D'ENQUÊTE AU COURS DES DOUZE DERNIERS MOIS

Les « démembrements de l'État »15(*), compris comme l'ensemble des formes d'organisation administrative distinctes de l'administration centrale « classique » font, depuis une quinzaine d'années, l'objet d'analyses et de questionnements s'agissant de leur fonctionnement, de leurs moyens et de leur utilité.

Les agences de l'État ont ainsi constitué le thème de l'étude annuelle du Conseil d'État en 201216(*), et celui d'un rapport de l'Inspection générale des finances paru la même année17(*). Si les enjeux liés aux moyens, au fonctionnement et à la modernisation des agences de l'État font régulièrement l'objet de questions de la part de parlementaires18(*), ces structures n'ont toutefois, jusqu'à présent, fait l'objet d'aucune commission d'enquête parlementaire qui serait comparable, dans son envergure et ses objectifs, au travail mené par le Sénat au sujet des autorités administratives indépendantes dans le cadre de la commission d'enquête créée en 201519(*). La délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation du Sénat a certes abordé en 2022, dans le cadre de sa mission d'information relative aux services préfectoraux et déconcentrés de l'État, la question des agences, mais principalement sous l'angle de leur gouvernance et des relations avec les élus locaux, ainsi que de l'articulation de leurs compétences avec les services déconcentrés de l'État, d'une part, et les collectivités territoriales, d'autre part20(*).

S'agissant des opérateurs de l'État, la dernière mission de contrôle parlementaire remonte à 2021, avec le rapport d'information présenté par le comité d'évaluation et de contrôle (CEC) des politiques publiques de l'Assemblée nationale sur l'évaluation des relations entre l'État et ses opérateurs21(*), qui s'est appuyé sur le rapport rédigé par la Cour des comptes à la demande du même CEC22(*). En outre, les relations financières entre l'État et ses opérateurs ont fait l'objet d'un rapport de l'Inspection générale des finances en date de juillet 202323(*).

Pour leur part, les commissions et instances consultatives ou délibératives ont tout récemment été au coeur des discussions législatives au Sénat dans le cadre de l'examen de la proposition de loi n° 29 (2024-2025) de Nathalie Goulet, déposée le 11 octobre 202424(*) et adoptée avec modifications le 15 janvier 2025 par la commission des lois25(*). Ces structures n'ont en revanche pas fait l'objet de travaux de contrôle parlementaire ces dernières années.

En parallèle, on peut noter que le Parlement bénéficie depuis près de cinq ans d'une information budgétaire améliorée s'agissant des opérateurs de l'État et des organismes consultatifs : depuis 202026(*), le Gouvernement doit en effet annexer au projet de loi de finances un rapport sur les opérateurs de l'État27(*), d'une part, ainsi que la liste des commissions et instances consultatives ou délibératives placées directement auprès du Premier Ministre ou des ministres ou de la Banque de France prévues par les textes législatifs et réglementaires28(*), d'autre part. En revanche, aucun « jaune » budgétaire n'existe s'agissant des agences de l'État.

En conséquence, la proposition de résolution n° 245 (2024-2025) ne saurait être considérée comme ayant pour objet de reconstituer une commission d'enquête ayant déjà achevé ses travaux au cours des douze derniers mois. Elle respecte, à cet égard, l'exigence posée par l'article 6 de l'ordonnance du 17 novembre 1958.


* 15 Si l'expression a été utilisée pour la première fois dans un rapport de la Cour des comptes de 1960-1961 pour désigner la tendance de l'État à confier certaines de ses tâches à des institutions privées afin de bénéficier d'un régime juridique plus souple, elle s'applique désormais à toute structure administrative exerçant pour le compte de l'État des missions d'intérêt général, qu'elle relève du droit public ou du droit privé.

* 16 Les agences : une nouvelle gestion publique ? Étude annuelle du Conseil d'État, 2012.

* 17 L'État et ses agences, rapport n° 2011-M-044-01 de l'Inspection générale des finances, mars 2012.

* 18 Sur les dix dernières années, les questions orales et écrites relatives aux agences ont porté soit sur des enjeux généraux (coût de fonctionnement, gestion, modernisation, simplification, réduction), soit sur des agences en particulier (agences de l'eau, ADEME, ANCT, notamment).

* 19 Présidée par Marie-Hélène Des Esgaulx et rapportée par Jacques Mézard, la commission d'enquête sur le bilan et le contrôle de la création, de l'organisation, de l'activité et de la gestion des autorités administratives indépendantes a rendu son rapport n° 126 (2015-2016) le 28 octobre 2015.

* 20 Voir le rapport d'information n° 909 (2021-2022) du 29 septembre 2022 fait par Agnès Canayer et Éric Kerrouche, en particulier pp. 89-97.

* 21 Rapport d'information n° 4236 du 9 juin 2021 présenté par Lise Magnier et Jean-Paul Mattéi.

* 22 Cour des comptes, Les relations entre l'État et ses opérateurs, janvier 2021.

* 23 Inspection générale des finances, Analyse du niveau de trésorerie des opérateurs de l'État et du modèle de relations financières entre l'État et ses opérateurs, juillet 2023.

* 24 Proposition de loi tendant à supprimer certaines structures, comités, conseils et commissions « Théodule » dont l'utilité ne semble pas avérée.

* 25 Sur le rapport n° 239 (2024-2025) d'Hervé Reynaud.

* 26 Article 179 de la loi n° 2019-1479 du 28 décembre 2019 de finances pour 2020.

* 27 Voir le 25° de l'article précité. Ce rapport « récapitule, par mission et programme, l'ensemble des opérateurs de l'État ou catégories d'opérateurs et les crédits ou les impositions qui leur sont destinés [...] ; présente le montant des dettes des opérateurs de l'État [...] ; donne la liste des opérateurs supprimés ou créés au cours de l'année précédant le dépôt du projet de loi de finances de l'année ».

* 28 Voir le 9° de l'article précité. Cette liste « évalue le coût de fonctionnement de ces organismes [...] lors des trois années précédentes ; b) indique le nombre de leurs membres et le nombre de leurs réunions tenues lors des trois années précédentes ; c) mentionne les commissions et instances créées ou supprimées dans l'année [...] ».

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