PROPOSITION DE RÉSOLUTION EUROPÉENNE
SUR L'AVENIR DE LA POLITIQUE AGRICOLE COMMUNE ADOPTÉE PAR LA COMMISSION DES AFFAIRES EUROPÉENNES

Vu l'article 88-4 de la Constitution,

Vu le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE), en particulier ses articles 38, 39, 42 et 43,

Vu le règlement (UE) 2021/1119 du Parlement européen et du Conseil du 30 juin 2021 établissant le cadre requis pour parvenir à la neutralité climatique et modifiant les règlements (CE) n° 401/2009 et (UE) 2018/1999, désigné sous les termes de « loi européenne sur le climat » ou « Pacte vert »,

Vu la stratégie « De la ferme à la fourchette » présentée par la Commission européenne le 20 mai 2020, les conclusions adoptées sur ladite stratégie par le Conseil « Agriculture et pêche » le 19 octobre 2020, et la résolution du Parlement européen du 20 octobre 2021 sur une stratégie « De la ferme à la table » pour un système alimentaire équitable, sain et respectueux de l'environnement, 2020/2260(INI),

Vu les règlements (UE) 2021/2115, 2021/2116 et 2021/2117 du Parlement européen et du Conseil du 2 décembre 2021, portant réforme de la politique agricole commune (PAC) pour la période 2023/2027,

Vu le règlement 2024/1468 du 14 mai 2024 du Parlement et du Conseil modifiant les règlements (UE) 2021/2115 et (UE) 2021/2116 en ce qui concerne les normes relatives aux bonnes conditions agricoles et environnementales, les programmes pour le climat, l'environnement et le bien-être animal, la modification des plans stratégiques relevant de la PAC, le réexamen des plans stratégiques relevant de la PAC et les exemptions des contrôles et des sanctions,

Vu la résolution européenne du Sénat n° 130 (2016-2017) du 8 septembre 2017 sur l'avenir de la politique agricole commune à l'horizon 2020,

Vu la résolution européenne du Sénat n° 116 (2017-2018) du 6 juin 2018 en faveur de la préservation d'une politique agricole commune forte, conjuguée au maintien de ses moyens budgétaires,

Vu la résolution européenne du Sénat n° 96 (2018-2019) du 7 mai 2019 sur la réforme de la politique agricole commune,

Vu la résolution européenne du Sénat n° 104 (2019-2020) du 19 juin 2020 demandant le renforcement des mesures exceptionnelles de la politique agricole commune pour faire face aux conséquences de la pandémie de covid-19, et l'affirmation de la primauté effective des objectifs de la PAC sur les règles européennes de concurrence,

Vu la résolution européenne du Sénat n° 126 (2021-2022) du 6 mai 2022 demandant, au regard de la guerre en Ukraine, de réorienter la stratégie agricole européenne découlant du Pacte Vert pour assurer l'autonomie alimentaire de l'Union européenne,

Vu la résolution européenne du Sénat n° 129 (2023-2024) du 17 mai 2024 sur la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil modifiant les règlements (UE) 2021/2115 et (UE) 2021/2116 en ce qui concerne les normes relatives aux bonnes conditions agricoles et environnementales, les programmes pour le climat, l'environnement et le bien-être animal, la modification des plans stratégiques relevant de la PAC, le réexamen des plans stratégiques relevant de la PAC et les exemptions des contrôles et des sanctions,

Vu le rapport d'Enrico Letta sur le marché unique, « Bien plus qu'un marché », publié en avril 2024,

Vu le rapport final du Dialogue stratégique sur l'avenir de l'agriculture de l'Union européenne, « Une perspective commune pour l'agriculture et l'alimentation en Europe », publié en septembre 2024,

Vu le rapport de Mario Draghi, « Le futur de la compétitivité européenne », publié en septembre 2024,

Considérant le statut de puissance agricole de l'Union européenne, sa contribution essentielle à la sécurité alimentaire européenne et mondiale ainsi que son potentiel exportateur en matière agricole et agroalimentaire ;

Considérant qu'au cours des dernières années, l'accumulation de crises de nature géopolitique, économique, climatique et sanitaire a considérablement éprouvé la résilience de l'agriculture européenne, accéléré l'érosion de sa compétitivité et mis en lumière la nécessité urgente, pour l'Union européenne de garantir sa souveraineté alimentaire, réduire ses dépendances, et de mieux protéger les agriculteurs face aux risques ;

Considérant que la dernière réforme de la politique agricole commune, en renforçant simultanément la conditionnalité environnementale et les marges de manoeuvre concédées aux États membres, a affecté la cohérence d'ensemble de cette politique, engendré une complexité et une charge administrative accrues pour les agriculteurs comme les administrations nationales, et aggravé les distorsions de concurrence intracommunautaires ;

Considérant que l'augmentation du niveau d'ambition environnementale a coïncidé avec un abaissement de la protection du marché intérieur par la signature d'accords de libre-échange et avec une diminution du budget européen consacré à la PAC, ce dernier ayant été amputé de 85 milliards d'euros en valeur pour la période 2021-2027 par rapport aux années 2014-2020 ;

Considérant que dès lors, le budget de la PAC ne suffit pas à répondre aux multiples objectifs qui lui ont été assignés sur les plans économique, environnemental et socio-territorial, avec pour corolaire une recrudescence des mesures d'urgence financées et allouées de façon non concertée par les États membres, et pour conséquence une moindre efficience de la dépense ;

Considérant que l'attrition du budget de la PAC alimente ainsi le risque d'une renationalisation insidieuse de cette politique et d'un délitement de son architecture commune ;

Considérant que les aides directes de la PAC représentent en moyenne 53 % du revenu des exploitations agricoles européennes, et que par conséquent, toute modification de la répartition de ces aides aurait des conséquences majeures sur le revenu des agriculteurs et la compétitivité des exploitations ;

Considérant que le rapport Draghi, mettant en lumière le décrochage de la compétitivité européenne, relève l'urgence de relancer la croissance et la productivité et préconise, à cet effet, un surplus d'investissement annuel de 750 milliards d'euros dans l'économie de l'Union européenne ;

Souligne le rôle essentiel joué par la PAC pour renforcer la résilience et la durabilité de notre agriculture, et ainsi préserver la souveraineté agricole et alimentaire de l'Union européenne ainsi que son autonomie stratégique et sa vocation exportatrice ;

Appelle à repositionner l'agriculture au centre des priorités stratégiques européennes et à défendre la vocation communautaire de cette politique ;

Demande, à ces fins, que la PAC post-2027 bénéficie d'un budget distinct, sanctuarisé et à la hauteur des défis que doit relever l'agriculture européenne ;

Appelle, dans cette perspective, à mettre un terme définitif à l'étiolement des crédits alloués à la PAC, en dotant cette politique, à périmètre constant, d'un budget au moins stable en euros constants sur la programmation 2028-2034, par rapport à la période 2021-2027, ce qui suppose une augmentation de l'ordre de 32 milliards d'euros en valeur ;

Juge que la crise traversée dans toute l'Union européenne par le monde agricole, témoignant notamment des injonctions contradictoires et de la concurrence déloyale auxquelles sont confrontés les agriculteurs, rend plus que jamais nécessaire un retour aux fondements de la PAC et invite par conséquent à recentrer cette politique sur les objectifs que lui assignent les traités européens, à savoir accroître la productivité agricole, assurer un niveau de vie satisfaisant pour la population agricole, stabiliser les marchés, garantir la sécurité des approvisionnements et assurer des prix raisonnables aux consommateurs ;

Demande ainsi que la PAC s'attache prioritairement à redynamiser la production agricole européenne, souligne à cet égard la nécessité de conjuguer les objectifs de durabilité économique et environnementale et appelle, dans cette perspective, à mobiliser tous les leviers disponibles, particulièrement la recherche, l'innovation et le développement de nouvelles technologies, y compris numériques ;

Rappelle que le renforcement de la compétitivité et de la résilience des exploitations agricoles, prérequis indispensable pour que ces dernières puissent mener à bien la nécessaire transition environnementale et énergétique, exige des investissements substantiels ;

Souligne, à cet égard, la nécessité de valoriser davantage les externalités positives de l'agriculture et de faire le choix d'incitations vertueuses et profitables pour soutenir la mise en oeuvre des pratiques agroécologiques ;

Estime que les normes environnementales ne doivent pas contribuer à dégrader la compétitivité du secteur agricole européen, au risque d'entraîner mécaniquement un surcroît d'importations agricoles et alimentaires dont la conformité à ces mêmes normes n'est pas garantie ;

Rappelle son attachement au principe de réciprocité dans les échanges internationaux, invite l'Organisation mondiale du commerce à garantir le respect de ce principe et demande à la Commission européenne de mieux veiller à ce que les règles sanitaires, environnementales et de production applicables aux importations des produits agricoles des pays tiers soient identiques à celles appliquées aux produits de l'Union européenne ;

Déplore l'annonce par la Commission européenne de la conclusion des négociations commerciales avec les pays du Mercosur, alors même que les garanties mises en avant par la Commission n'incluent pas la création de « clauses miroirs » et que plusieurs audits récents ont mis en exergue des défaillances dans le contrôle qualité et la traçabilité des exportations brésiliennes de viande vers l'Union ;

Appelle, pour remettre les besoins et les attentes des agriculteurs au coeur de la PAC, à rompre avec une approche tatillonne et technocratique conduisant à faire du producteur un simple exécutant, en poursuivant les efforts de simplification et de réduction de la charge administrative et en concevant des règles moins complexes, plus lisibles et plus cohérentes ;

Affirme que la PAC doit assurer un revenu suffisant, stable et pérenne aux producteurs, ce qui implique notamment de renforcer la place des agriculteurs dans la chaîne d'approvisionnement et de lutter contre les pratiques commerciales déloyales pour garantir une rémunération satisfaisante de la production agricole, tout en fournissant des produits accessibles et de qualité aux consommateurs ;

Appelle à anticiper dès à présent les répercussions considérables qu'auraient, sur le plan agricole, la poursuite du processus de libéralisation tarifaire avec l'Ukraine, de même qu'un élargissement de l'Union européenne à ce pays candidat, qui pourrait prétendre, au regard de sa surface agricole, à des aides représentant près de 20 % du budget de la PAC et bénéficie par ailleurs d'avantages comparatifs majeurs en termes d'intrants et de main-d'oeuvre ;

Invite à développer davantage d'outils européens communs de gestion des risques climatiques et sanitaires, incluant notamment des fonds de mutualisation et des instruments assurantiels, pour renforcer la résilience des modèles agricoles de l'Union dans leur diversité ;

Invite le Gouvernement à faire valoir cette position dans les négociations au Conseil.

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