B. CONTRAIREMENT À 1979, IL N'EST PAS IMMÉDIATEMENT POSSIBLE CETTE ANNÉE DE CONNAÎTRE, DÈS LE VOTE DE LA LOI SPÉCIALE, LE MONTANT DES SERVICES VOTÉS QUI SERONT OUVERTS PAR DÉCRET

Le montant des crédits ouverts par les décrets consécutifs à la loi spéciale de 1980 était, au niveau de chaque ministère, contraint par celui figurant dans les annexes au projet de loi de finances pour 1979.

Les décrets nos 79-1166 à 79-1200 du 30 décembre 1979 portant répartition des crédits relatifs aux services votés pour 1980 ouvrent, par ministère et par chapitre, les crédits relatifs aux services votés20(*). Le montant est égal, pour chaque ministère, à celui qui figure dans les tableaux de l'exposé des motifs du projet de loi de finances pour 1980.

À titre d'exemple, le décret n° 79-1166 ouvre, en les répartissant sur une quarantaine de chapitres, 4 680 millions de francs pour les dépenses ordinaires et 52 millions de francs pour les dépenses en capital du ministère des affaires étrangères, correspondant aux montants inscrits dans l'exposé des motifs du projet de loi de finances pour 1980, déposé à l'Assemblée nationale le 2 octobre 197921(*).

Les services votés représentaient ainsi, « bon an mal an, entre 92 % et 97 % du budget général »22(*).

Depuis l'entrée en vigueur de la LOLF en 2005, le montant des services votés n'est plus indiqué dans les documents budgétaires.

La mise en oeuvre du budget « au premier euro » par la loi organique relative aux lois de finances a supprimé la distinction entre les services votés et les mesures nouvelles dans le projet de loi de finances, qui est absente des documents budgétaires.

En conséquence, contrairement à ce qui prévalait au moment du vote de la loi spéciale de décembre 1979, il n'est pas possible, aujourd'hui, de savoir quel sera le montant des services votés retenu par le Gouvernement dans les décrets qui, le cas échéant, seront pris d'ici la fin 2024.

C. LES SERVICES VOTÉS DOIVENT ÊTRE INFÉRIEURS OU ÉGAUX AUX CRÉDITS OUVERTS PAR LA LOI DE FINANCES POUR 2024

Les services votés sont plafonnés de manière différente par la LOLF et par l'ordonnance précitée de 1959.

Comme il a été indiqué précédemment, sous le régime de l'ordonnance de 1959, les crédits applicables aux services votés étaient au plus égaux :

- pour les dépenses ordinaires, aux crédits de la précédente année avec une certaine modulation : soit pour les diminuer des « inscriptions non renouvelables », soit pour tenir compte de l'incidence en année pleine de mesures approuvées par le Parlement ou décidées par le Gouvernement, ainsi que de l'évolution effective des charges couvertes par les crédits provisionnels ou évaluatifs ;

- pour les opérations en capital, aux autorisations de programme prévues par une loi de programme, aux prévisions inscrites dans le plus récent échéancier ou, à défaut d'échéancier, aux autorisations de l'année précédente éventuellement modifiées dans les conditions prévues pour les dépenses ordinaires.

L'article 45 de la LOLF prévoit de manière plus sommaire que les services votés ne peuvent excéder le montant des crédits ouverts par la dernière loi de finances de l'année, sans prendre en compte les éventuelles lois de finances rectificatives ou de fin de gestion23(*).

Les décrets pris, le cas échéant, à la fin 2024 ne pourraient donc excéder les crédits ouverts par la loi de finances initiale pour 2024, ce qui suscite plusieurs observations.

En premier lieu, il semble que la limite doive être appréciée au niveau de chaque programme, qui est le niveau auquel s'applique l'autorisation parlementaire24(*), sur le périmètre aussi bien du budget général que des budgets annexes et des comptes spéciaux25(*). Sauf mesure de régulation budgétaire, il ne serait donc pas possible d'augmenter le plafond d'un seul programme, même pour une dépense de guichet dont on prévoit l'augmentation, ce qui renforce la nécessité de remplacer dès que possible ces décrets par une loi de finances de l'année.

En deuxième lieu, il semble que ce plafond s'entende en euros courants : les crédits seraient donc en diminution en euros constants, compte tenu de l'inflation, prévue à 1,8 % en 2025.

En revanche, un important décret d'annulation a été pris le 21 février 2024, suivi de gels de crédits partiellement confirmés par une annulation supplémentaire de crédits dans la loi de finances de fin de gestion26(*). Les services votés pourraient donc, pour certains programmes, dépasser le montant des crédits consommés en 2024, ces mesures de régulation budgétaire infra-annuelles n'étant pas prises en compte pour la détermination de leur montant.

Enfin, se pose la question des crédits reportés. Depuis 2021, le Gouvernement a pris l'habitude de reporter un montant important de crédits non consommés, au lieu de les annuler pour l'année en cours et de les rouvrir dans le projet de loi de finances de l'année suivante. Or la légalité de ces reports dépend, pour certains de ces programmes, d'une autorisation donnée par la loi de finances et il n'apparaît pas possible d'autoriser ces reports dans le cadre des décrets relatifs aux services votés. Les reports devant être réalisés avant le 15 mars selon l'article 15 de la LOLF, l'exécution de certains programmes budgétaires sera rapidement mise en difficulté en l'absence de loi de finances promulguée dans ce délai.


* 20 Des décrets similaires avaient déjà été pris auparavant dans des circonstances où seule la première partie de la loi de finances avait pu être adoptée : décrets nos 57-1373 à 57-1403 du 31 décembre 1957 portant répartition des crédits applicables aux services votés pour 1958 (Journal officiel du 1er janvier 1958), décrets nos 62-1534 à 62-1568 du 26 décembre 1962 portant répartition des crédits applicables aux services votés pour 1963 (Journal officiel du 27 décembre 1962).

* 21 Source : documents budgétaires du premier projet de loi de finances initiale pour 1980 (archives du Sénat).

* 22  Rapport de M. Didier Migaud au nom de la commission spéciale chargée d'examiner la proposition de loi organique (n° 2540) relative aux lois de finances, 5 février 2001.

* 23 Le ministre Laurent Saint-Martin, lors de son audition à l'Assemblée nationale le 11 décembre 2024, a confirmé que la base de référence était la loi de finances initiale pour 2024 et non la loi de finances de fin de gestion.

* 24 Si l'unité de vote est la mission, le vote porte sur l'ensemble du contenu des états B à E, dont chaque ligne, correspondant à un programme à un titre, peut être modifiée.

* 25 Secrétariat général du Gouvernement, Note relative au PLF et au PLFSS pour 2025, août 2024.

* 26  Loi n° 2024-1167 du 6 décembre 2024 de finances de fin de gestion pour 2024.

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