- L'ESSENTIEL
- EXAMEN DES ARTICLES
- TITRE IER
METTRE FIN AUX SURTRANSPOSITIONS
ET SURRÈGLEMENTATIONS FRANÇAISES
EN MATIÈRE DE PRODUITS PHYTOSANITAIRES
- Article 1er
Abrogation de la séparation de la vente et du conseil à l'utilisation des produits phytopharmaceutiques, ainsi que de l'interdiction des remises, rabais et ristournes sur ces mêmes produits et transformation du conseil stratégique phytosanitaire (CSP) en un dispositif facultatif
- Article 2
Rôle du ministre en charge de l'agriculture dans le processus
de délivrance des autorisations de mise sur le marché
de produits phytopharmaceutiques, usage des drones pour la pulvérisation de produits phytopharmaceutiques et suppression
des dispositions relatives à l'interdiction d'utilisation
de produits phytopharmaceutiques contenant des substances actives
de la famille des néonicotinoïdes ou assimilés
- TITRE II
SIMPLIFIER L'ACTIVITÉ DES ÉLEVEURS
- Article 3
Modifications des procédures environnementales
concernant les plus grands élevages, notamment par un assouplissement du régime français des installations classées pour la protection
de l'environnement (ICPE) qui leur sont applicables
- Article 4
Procédure de réévaluation du calcul des pertes de production
fondées sur des indices
- TITRE III
FACILITER LA CONCILIATION
ENTRE LES BESOINS EN EAU DES ACTIVITÉS AGRICOLES
ET LA NÉCESSAIRE PROTECTION DE LA RESSOURCE
- Article 5
Respect d'un principe de non-régression du potentiel agricole par la politique de l'eau, reconnaissance de l'intérêt général majeur s'attachant aux prélèvements et ouvrages de stockage d'eau, prise en compte des intérêts agricoles par les documents de planification de la politique de l'eau et définition des zones humides
- TITRE IV
APAISER LES RELATIONS
ENTRE L'OFFICE FRANÇAIS DE LA BIODIVERSITÉ
ET LES AGRICULTEURS
- Article 6
Invitation à suivre une procédure administrative plutôt que judiciaire en cas de primo-infraction environnementale ou d'infraction causant un faible préjudice environnemental
- TITRE IER
- EXAMEN EN COMMISSION
- RÈGLES RELATIVES À
L'APPLICATION
DE L'ARTICLE 45 DE LA CONSTITUTION
ET DE L'ARTICLE 44 BIS DU RÈGLEMENT DU SÉNAT
- LISTE DES PERSONNES ENTENDUES
- LA LOI EN CONSTRUCTION
N° 185
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 2024-2025
Enregistré à la Présidence du Sénat le 4 décembre 2024
RAPPORT
FAIT
au nom de la commission des affaires économiques (1) sur la proposition de loi visant à lever les contraintes à l'exercice du métier d'agriculteur,
Par M. Pierre CUYPERS,
Sénateur
(1) Cette commission est composée de : Mme Dominique Estrosi Sassone, présidente ; MM. Alain Chatillon, Daniel Gremillet, Mme Viviane Artigalas, MM. Franck Montaugé, Franck Menonville, Bernard Buis, Fabien Gay, Pierre Médevielle, Mme Antoinette Guhl, M. Philippe Grosvalet, vice-présidents ; MM. Laurent Duplomb, Daniel Laurent, Mme Sylviane Noël, M. Rémi Cardon, Mme Anne-Catherine Loisier, secrétaires ; Mme Martine Berthet, MM. Yves Bleunven, Michel Bonnus, Denis Bouad, Jean-Marc Boyer, Jean-Luc Brault, Frédéric Buval, Henri Cabanel, Alain Cadec, Guislain Cambier, Mme Anne Chain-Larché, MM. Patrick Chaize, Patrick Chauvet, Pierre Cuypers, Éric Dumoulin, Daniel Fargeot, Gilbert Favreau, Mmes Amel Gacquerre, Marie-Lise Housseau, Brigitte Hybert, Annick Jacquemet, Micheline Jacques, MM. Yannick Jadot, Gérard Lahellec, Vincent Louault, Mme Marianne Margaté, MM. Serge Mérillou, Jean-Jacques Michau, Sebastien Pla, Christian Redon-Sarrazy, Mme Évelyne Renaud-Garabedian, MM. Olivier Rietmann, Daniel Salmon, Lucien Stanzione, Jean-Claude Tissot.
Voir les numéros :
Sénat : |
108 rect. et 186 (2024-2025) |
L'ESSENTIEL
Réunie le mercredi 6 décembre, la commission des affaires économiques a adopté la proposition de loi visant à lever les contraintes à l'exercice du métier d'agriculteur, modifiée par 14 amendements, sur le rapport du sénateur Pierre Cuypers (Les Républicains - Seine-et-Marne), et en lien avec les auteurs de la proposition de loi, Laurent Duplomb et Franck Menonville.
La commission, à l'initiative de son rapporteur, a pris le parti de consolider juridiquement le texte, sans le diluer politiquement. Elle a considéré que la situation d'urgence économique dans laquelle se trouvent certaines filières agricoles justifie de s'attaquer à certains totems symbolisant la perte de compétitivité de la ferme France, à l'instar de l'interdiction de l'usage, unique en Europe, de l'acétamipride.
La commission a donc pris soin de ne pas diluer les propositions fortes contenues dans ce texte, mais plutôt d'en sécuriser juridiquement certains aspects. En parallèle, le travail entamé avec les ministères chargés de l'agriculture et de l'environnement doit nécessairement se poursuivre, pour trouver des points d'équilibre ne dénaturant pas l'ambition, d'ici la séance publique
Aussi, la commission s'est attachée à :
- dessiner « l'après »-conseil stratégique en agriculture, actant l'échec et donc la fin de la séparation entre les activités de vente et de conseil en matière de produits phytopharmaceutiques (art. 1er) ;
- sécuriser juridiquement l'intervention du ministre chargé de l'agriculture dans le processus de délivrance des autorisations de mise sur le marché (AMM) de produits phytopharmaceutiques (art. 2) ;
- trouver une issue à l'effet de bord émanant de la loi « Industrie verte » en permettant de transformer les deux réunions publiques obligatoires en une permanence en mairie et sécuriser juridiquement, par une entrée en vigueur différée, la « désurtransposition » de la directive « IED » en matière de bâtiments d'élevage (art. 3) ;
- consolider le cadre dans lequel s'inscrit la notion d'intérêt général majeur s'attachant aux prélèvements et au stockage de l'eau aux fins agricoles, au regard de la directive-cadre sur l'eau (art. 5) ;
- inscrire dans le marbre de la loi le principe du contrôle administratif annuel unique, mis en oeuvre dans le cadre de missions interservices agricoles à l'échelle des départements, de même que le principe voulant que la remise en état soit privilégiée, quand cela est possible, aux autres sanctions (art. 6).
I. UNE PROPOSITION DE LOI S'ATTAQUANT DE FRONT À DES TOTEMS MINANT NOTRE POTENTIEL DE PRODUCTION AGRICOLE
En 2019 déjà, le Sénat, à l'occasion de la publication du rapport La France, un champion agricole mondial : pour combien de temps encore ?, alertait sur le risque de déclassement de l'agriculture française. En 2022 ensuite, le rapport transpartisan de Laurent Duplomb, Pierre Louault et Serge Mérillou sur la compétitivité de la ferme France confirmait ce constat et l'accélération de la perte de compétitivité de l'agriculture française. Ce rapport avait fait l'objet d'un texte alors largement voté au Sénat, et non repris par le Gouvernement d'alors. Près de trois ans plus tard, les manifestations agricoles partout en France confirment l'extrême urgence de la situation.
Les chiffres déclinants de la balance commerciale agro--alimentaire française, particulièrement concernant la filière sinistrée des fruits et légumes, illustrent une vérité que les agriculteurs constatent dans leurs territoires année après année : l'excès de normes et les surtranspositions minent la ferme France. Ce constat commande d'agir avant qu'il ne soit trop tard.
La proposition de loi visant à lever les contraintes à l'exercice du métier d'agriculteur, déposée sur le bureau du Sénat le 1er novembre et cosignée par 186 sénatrices et sénateurs, se compose de six articles répartis en trois titres. Les mesures qu'elle contient sont diverses et ne prétendent pas - comme l'ont rappelé les co-auteurs du texte Laurent Duplomb et Franck Menonville dans l'exposé des motifs - régler l'ensemble des problématiques agricoles, mais plutôt s'inscrire comme un complément indispensable du projet de loi d'orientation pour la souveraineté agricole et le renouvellement des générations en agriculture.
C'est dans cet état d'esprit que dans un laps de temps très resserré, le rapporteur, Pierre Cuypers, a conduit plus de 13 heures d'auditions visant à entendre de nombreuses parties prenantes agricoles : les représentants des filières, les syndicats, les associations de protection de l'environnement, ou encore les administrations concernées par le texte.
Le texte voté par la commission des affaires économiques du Sénat entend :
- s'attaquer de front à un certain nombre de totems, dont les effets néfastes pour l'agriculture sont documentés ;
- revenir sur certaines surtranspositions pesant lourdement sur la compétitivité des filières agricoles ;
- oeuvrer à faire de l'activité agricole une priorité nationale en tant qu'elle nourrit la Nation et participe au maintien de sa souveraineté.
L'article 1er vise à revenir sur trois mesures adoptées dans la loi Egalim d'octobre 2018, dans le but de réduire l'usage des produits phytopharmaceutiques en France, à savoir l'interdiction des rabais, remises et ristournes sur la vente de ces produits, l'interdiction du cumul des activités de conseil et de vente de ces produits, et enfin l'obligation de suivre deux sessions de « conseil stratégique phytosanitaire » en cinq ans pour bénéficier du « certiphyto ».
Une proposition forte : revenir sur la séparation de la vente et du conseil en matière de produits phytosanitaires. De nombreux travaux tendent à montrer que cette mesure a en réalité asséché l'offre de conseil, au détriment de l'effet recherché.
L'article 2 entend lever une surtransposition fortement décriée au sein du monde agricole, à savoir l'interdiction unilatérale de tous les produits contenant des substances actives appartenant à la famille des néonicotinoïdes, alors même que l'Union européenne propose déjà un cadre harmonisé et contraignant en la matière. Par ailleurs, il vise à permettre au ministre chargé de l'agriculture de suspendre une décision de l'Anses dans certaines conditions. Enfin, il fait le pari de la technologie au service de la sécurité des agriculteurs en autorisant de manière encadrée l'usage de drones pour la pulvérisation de produits phytopharmaceutiques.
Une proposition forte : appliquer le droit européen concernant les néonicotinoïdes, pour sauver de nombreuses filières de l'effondrement économique.
L'exemple de la filière noisette : la France importe environ 90% des noisettes qu'elle consomme, et alors que la filière porte l'ambition d'augmenter la production nationale pour gagner en autonomie, la situation d'impasse technique dans laquelle l'interdiction des néonicotinoïdes a placé les producteurs a conduit depuis 2019 à une baisse drastique de la production de noisettes conformes aux standards du marché, au point d'atteindre en 2023 un taux de conformité d'environ 50%, et, pour 2024, de moins de 20%. La question de la survie de la filière à très court terme est donc posée, si l'interdiction de l'acétamipride demeure.
L'article 3 revient sur un effet de bord issu de la loi « Industrie verte » ainsi que sur une surtransposition supposée de la directive « IED », qui assujettissent l'élevage, dans le cadre du régime français des installations classées pour la protection de l'environnement (ICPE), à des procédures environnementales présentées par les filières comme un frein à leur développement, et donc au maintien d'une souveraineté alimentaire chancelante.
L'article 4 vise à mettre en place des modalités effectives de recours en cas de contestation des évaluations des pertes de récolte ou de culture lorsque celles-ci sont fondées sur des indices établis par analyse satellite, et non une enquête de terrain. Cette problématique concerne les prairies, pour lesquelles l'évaluation par satellite a pu s'avérer peu fiable, au détriment des agriculteurs touchés par des aléas climatiques.
L'article 5 aborde la problématique de l'eau en déclarant d'intérêt général majeur les projets de prélèvement et de stockage d'eau, en rehaussant la place de l'agriculture dans la hiérarchie des usages de l'eau ainsi que dans les documents de planification et de gestion de la ressource en eau. En outre, il ajuste la définition de la zone humide, pour tenir compte d'une jurisprudence du Conseil d'État du 22 février 2017.
L'article 6 vise, à la suite du rapport sur l'Office français de la biodiversité (OFB) de Jean Bacci, à encourager la mise en oeuvre, en cas de primo-infraction ou d'infraction ayant causé un faible préjudice environnemental, d'une procédure administrative plutôt que judiciaire.
La complémentarité du présent texte avec le projet de loi d'orientation agricole : l'article 6 illustre bien la complémentarité recherchée entre les deux véhicules législatifs, puisque l'article 13 du PLOA, que les rapporteurs Laurent Duplomb et Franck Menonville entendent largement remanier, vise à dépénaliser certaines infractions environnementales.
II. CONSOLIDER JURIDIQUEMENT LA PROPOSITION DE LOI SANS EN DÉNATURER L'AMBITION INITIALE
La commission des affaires économiques a pris le parti, à l'initiative de son rapporteur Pierre Cuypers, de consolider juridiquement la proposition de loi sans en dénaturer ni en affaiblir l'ambition politique.
Une orientation forte : la commission n'a pas souhaité affaiblir la portée politique de certaines dispositions dont elle mesure la charge symbolique voire le caractère clivant, considérant d'une part que le dialogue avec les ministères concernés venait tout juste de s'instaurer et qu'il devait se poursuivre, et que d'autre part, la séance publique permettrait la tenue d'un débat bienvenu sur certaines orientations structurantes que le législateur souhaite donner à l'agriculture.
Premièrement, le rapporteur a souhaité dessiner « l'après »-conseil stratégique, en esquissant ce que pourrait être un conseil stratégique global, facultatif, replaçant la question de la réduction de l'usage des produits phytopharmaceutiques dans un diagnostic d'ensemble de l'exploitation ( amdt). Il va de soi que les agriculteurs ont de réels besoins en accompagnement de qualité.
Deuxièmement, constatant une fragilité juridique dans la rédaction initiale de l'article 2, les amendements identiques du rapporteur et de Vincent Louault ( amdt et amdt) ont ajusté la rédaction pour conférer au ministre chargé de l'agriculture un pouvoir d'évocation des dossiers relatifs aux AMM de produits phytopharmaceutiques sur lesquels se prononce le directeur général de l'Anses. Le ministre pourra ainsi statuer sur les dossiers évoqués, en se fondant sur des critères sanitaires et environnementaux.
Une mesure de bon sens : les mêmes amendements prévoient la possibilité, pour le ministre chargé de l'agriculture, de demander à l'Anses l'examen par priorité de certains dossiers, pour éviter les situations trop fréquentes dans lesquelles des filières se trouvant en situation d'impasse technique sont obligées de patienter plusieurs années pour espérer l'autorisation d'un nouveau produit permettant de protéger leurs cultures.
Troisièmement, en lien étroit avec les ministères chargés de l'agriculture et de l'environnement, le rapporteur a effectué un important travail de consolidation juridique et d'harmonisation du dispositif de l'article 3, en ajustant les modalités de réalisation des consultations publiques résultant de la loi « Industrie verte » ( amdt), et en prévoyant une entrée en vigueur différée de l'ajustement des seuils pour tirer parti de la révision de la directive sur les émissions industrielles « IED » ( amdt), et encadrant le pouvoir du préfet de faire basculer certains projets de l'enregistrement à l'autorisation ( amdt).
Quatrièmement, le rapporteur a souhaité accroître l'encadrement juridique, notamment au regard de la directive-cadre sur l'eau, de la caractéristique d'intérêt général majeur que le texte entend confier aux prélèvements et ouvrages de stockage d'eau aux fins agricoles, de même que rationaliser la rédaction proposée. La commission a en revanche considéré, à l'invitation de son rapporteur, que les autres dispositions de l'article 5 devaient demeurer en l'état au stade de la commission, afin de poursuivre, comme pour d'autres articles, le dialogue engagé avec les ministères.
Enfin, cinquièmement, la commission a adopté un amendement du rapporteur ( amdt) visant à réécrire le dispositif de l'article 6, en en gardant l'ambition intacte, à savoir de passer d'une logique parfois trop répressive, à une logique d'accompagnement et de réparation de la part des autorités administratives. À ce titre, le rapporteur a souhaité donner une existence légale à la mission interservices agricole (Misa), instituée par une circulaire du 4 novembre et qui vise à mettre en oeuvre un engagement du Gouvernement en faveur d'un contrôle administratif annuel unique destiné à apaiser le ressenti sur le terrain par les agriculteurs. La rédaction adoptée dispose également que la remise en état est privilégiée aux autres sanctions, s'inscrivant en cela dans la logique de l'article 13 du projet de loi agricole, prochainement débattu au Sénat.
Enfin, un amendement de Laurent Duplomb ( amdt) est venu opportunément préciser que dans le cadre de l'accomplissement de leurs fonctions, les inspecteurs de l'environnement communiquent leurs procès-verbaux d'infraction à leur supérieur hiérarchique, qui les transmet au procureur de la République, permettant ainsi un suivi plus fin des problématiques rencontrées sur le terrain par les agents.
EXAMEN DES ARTICLES
TITRE IER
METTRE FIN AUX SURTRANSPOSITIONS
ET
SURRÈGLEMENTATIONS FRANÇAISES
EN MATIÈRE DE PRODUITS
PHYTOSANITAIRES
Article 1er
Abrogation de la séparation de la vente et du
conseil à l'utilisation des produits phytopharmaceutiques, ainsi que de
l'interdiction des remises, rabais et ristournes sur ces mêmes produits
et transformation du conseil stratégique phytosanitaire (CSP) en un
dispositif facultatif
L'article 1er de la proposition de loi vise à revenir sur trois mesures qui avaient été adoptées, dans la suite de la loi Egalim d'octobre 2018, dans le but de réduire l'usage des produits phytopharmaceutiques en France.
La première mesure interdisait les remises, rabais et ristournes (dits « 3R ») sur les produits phytosanitaires afin de ne pas inciter, par des opérations commerciales, à leur usage excessif.
La deuxième prescrivait la séparation capitalistique et organisationnelle des activités de conseil et de vente de ces produits, et imposait des incompatibilités, pour éviter tout conflit d'intérêts.
La troisième mesure oblige les utilisateurs de produits phytosanitaires à suivre deux conseils stratégiques phytosanitaires dans une période de cinq ans pour pouvoir prétendre au « certiphyto », agrément nécessaire à l'utilisation de ces produits.
Sur la proposition du rapporteur Pierre Cuypers, la commission a maintenu l'ambition initiale de libéralisation des conditions de vente et d'usage des produits phytosanitaires portée par cet article, en rappelant que ces produits constituaient une charge pour les agriculteurs et que, de ce fait, ces derniers les utilisaient le moins possible.
Elle a cependant adopté deux amendements rédactionnels ainsi qu'un amendement posant le principe et esquissant les contours d'un conseil stratégique global entièrement facultatif, incluant le conseil stratégique phytosanitaire, afin de répondre à un besoin bien identifié d'accompagnement et de replacer la question de l'usage desdits produits dans une réflexion plus globale sur la conduite de l'exploitation.
La commission a adopté l'article 1er ainsi modifié.
I. La situation actuelle - Le commerce des produits phytopharmaceutiques est régulé par la loi Egalim
A. Une régulation dont le principe est posé par la loi Egalim...
Les articles 74 à 88 de la loi « Egalim1(*) » (chapitre III, « Renforcement des exigences pour une alimentation durable et accessible à tous ») ont introduit diverses réglementations et restrictions relatives à la commercialisation et à l'usage des produits phytopharmaceutiques, afin d'encourager la réduction du recours à ces produits.
La loi Egalim a ainsi fixé le cadre et habilité le Gouvernement à légiférer par ordonnance pour :
- une interdiction des remises, rabais et ristournes (dits « 3R ») sur les produits phytosanitaires afin de ne pas inciter, par des opérations commerciales, à leur usage excessif ;
- une séparation capitalistique et organisationnelle des activités de conseil et de vente de ces produits, ainsi que des incompatibilités, pour prévenir tout risque de conflit d'intérêts ;
- une obligation, pour les utilisateurs de produits phytosanitaires, de suivre deux conseils stratégiques phytosanitaires dans une période de cinq ans pour pouvoir prétendre au « certiphyto », un agrément nécessaire à l'utilisation de ces produits.
Il s'agissait ainsi de tendre à des pratiques agricoles plus respectueuses de l'environnement, ainsi qu'à un modèle économique plus avantageux pour les exploitants, compte tenu de la part de ces intrants dans les charges d'une exploitation (5,5 % des consommations intermédiaires des exploitants, selon la commission des comptes de l'agriculture de la Nation2(*)).
Les plans dits « Ecophyto » successifs dont le premier, lancé lors du Grenelle de l'environnement (2009), ont établi l'objectif de division par deux de l'usage des produits phytopharmaceutiques en dix ans, et de diminution encore plus sensible des produits les plus dangereux dits cancérigènes, mutagènes, et reprotoxiques (CMR1 et CMR2) devaient diminuer de façon encore plus drastique.
S'agissant de ces substances les plus dangereuses (CMR1 et CMR2), de réels progrès ont pu être enregistrés (- 57 % entre 2009 et 2022), en lien avec le retrait de substances actives et l'augmentation plus forte de la redevance pour pollutions diffuses sur ces substances.
Néanmoins, l'usage des produits phytopharmaceutiques exprimés en nombre de doses-unités (NODU) n'a pas diminué sur la période, et avait même augmenté jusqu'à 2017 - et de même en quantité de substances actives (QSA).
B. ... concrétisée par des ordonnances...
Ces diverses mesures de régulation du commerce et de l'usage des produits phytosanitaires ont été introduites par plusieurs ordonnances de 2019, codifiées dans un chapitre régulant « la mise en vente, la vente, la distribution à titre gratuit, l'application et le conseil à l'utilisation des produits phytopharmaceutiques » au sein du code rural et de la pêche maritime. Elles ne sont entrées en vigueur que le 1er janvier 2021.
1) L'interdiction des remises, rabais et ristournes (« 3R »)
La section 4 bis du chapitre III du titre V du livre II du code rural comprend deux articles.
Introduit directement par l'article 74 de la loi Egalim et modifié par ordonnance3(*), l'article L. 253-5-1 interdit « les remises, les rabais, les ristournes, la différenciation des conditions générales et particulières de vente au sens de l'article L. 441-1 du code de commerce ou la remise d'unités gratuites et toutes pratiques équivalentes », s'agissant des produits phytopharmaceutiques. Elle interdit également « les pratiques commerciales visant à contourner, directement ou indirectement, cette interdiction par l'attribution de remises, de rabais ou de ristournes sur une autre gamme de produits qui serait liée à l'achat de ces produits ».
Il est toutefois prévu par ce même article que les produits de biocontrôle et les produits à faible risque au sens du règlement n° 1107/2009 ne sont pas concernés par cette interdiction. Les ventes des produits de biocontrôle ont augmenté de 187 % entre 2009 et 2022 (cf. en vert ci-dessous).
Source : contribution écrite de l'Inrae4(*)
L'article L. 253-5-2 prévoit des sanctions administratives pouvant aller jusqu'à 15 000 € pour une personne physique et 75 000 € pour une personne morale, et doublées en cas de réitération du manquement dans un délai de deux ans à compter d'une première sanction, voire assorties d'une astreinte journalière tant que le manquement n'a pas cessé. Ce même article organise la procédure de sanction, insistant sur la pédagogie et sur les voies de recours offertes aux agriculteurs.
2) La séparation de la vente et du conseil
Le II de l'article L. 254-1 du code rural et de la pêche maritime5(*) prévoit que l'exercice de certaines de ces activités - mise en vente, vente ou distribution à titre gratuit de produits phytopharmaceutiques, application de ces mêmes produits ou conseil professionnel - est subordonné à la détention d'un agrément, et son V prévoit que les personnes effectuant ces activités doivent concourir à la réalisation des objectifs du plan « Ecophyto ». À cette même fin, son VI dispose que « l'exercice de l'activité de conseil mentionnée au 3° du II est incompatible avec celui des activités mentionnées aux 1° ou 2° du II ou au IV. Toutefois, cette incompatibilité ne fait pas obstacle à ce que les personnes exerçant les activités mentionnées au 1° du II délivrent les informations énumérées au premier alinéa de l'article L. 254-7, ni à ce qu'elles promeuvent, mettent en place ou facilitent la mise en oeuvre des actions tendant à la réduction de l'utilisation de produits phytopharmaceutiques prévues à l'article L. 254-10-1 ».
L'article L. 254-1-1 prévoit une séparation capitalistique des activités (parts cumulées de capital et de droits de vote à ne pas excéder).
L'article L. 254-1-2 prévoit des incompatibilités entre les fonctions de « membres d'un organe de surveillance, d'administration et de direction d'une personne morale » exerçant une activité de conseil et celles de membre des mêmes entités pour une personne morale exerçant une activité de vente.
L'article L. 254-1-3 prévoit même l'impossibilité pour une personne exerçant le conseil d'être employée ou rémunérée par une personne pratiquant la vente des produits phytosanitaires (et vice versa).
3) Le conseil stratégique à l'utilisation de produits phytopharmaceutiques
Introduit respectivement par l'article 1er et l'article 4 des deux ordonnances précitées, l'article L. 254-6-2 du CRPM ouvre une sous-section « relative aux activités de conseil » au sein du même chapitre régulant le commerce et l'utilisation des produits phytosanitaires.
Il prévoit la mise en place d'un « conseil stratégique à l'utilisation de produits phytopharmaceutiques » (souvent abrégé en CSP, pour conseil stratégique phytosanitaire), fondé sur un diagnostic, « périodiquement actualisé », « comportant une analyse des spécificités pédoclimatiques, sanitaires et environnementales des espaces concernés », prenant « également en compte l'organisation et la situation économique de l'exploitation et comport[ant] une analyse des moyens humains et matériels disponibles, ainsi que des cultures et des précédents culturaux et de l'évolution des pratiques phytosanitaires ».
Ce conseil stratégique « a pour objet de fournir aux décideurs des entreprises utilisatrices de produits phytopharmaceutiques non soumises à agrément les éléments leur permettant de définir une stratégie pour la protection des végétaux ».
Il doit être réalisé dans une périodicité définie par voie réglementaire, dans la limite maximale de trois ans entre deux conseils. Il est prévu par la voie réglementaire que « deux conseils stratégiques au moins sont délivrés par période de cinq ans, à un intervalle de deux à trois ans » et qu'« un conseil stratégique est dispensé trois mois au plus tard après l'établissement ou l'actualisation d'un diagnostic » (art. R. 254-26-3 du CRPM).
Le deuxième CSP par période de cinq ans dresse « un bilan du déploiement du plan d'actions, identifie les difficultés et les facteurs de réussite et propose les évolutions nécessaires de ce plan, compte tenu du retour d'expérience de sa mise en oeuvre ou des évolutions techniques ou réglementaires. Il évalue les réductions de l'utilisation et de l'impact des produits phytosanitaires intervenues et attendues, sur les mêmes bases que celles qui ont servi à l'élaboration du diagnostic et du premier conseil stratégique ».
Des conditions plus souples sont prévues pour les exploitations recourant au biocontrôle ou inscrits dans une démarche ou pratique ayant des incidences favorables sur la réduction de l'usage et des impacts des produits phytopharmaceutiques.
Par ailleurs, pour des exploitations de petite taille, l'obligation par période de cinq ans passe à un seul CSP (art. R. 254-26-4) :
- à des fins de diversification des exploitations agricoles, pour les exploitations agricoles comptant moins de deux hectares en maraîchage, arboriculture, viticulture ou horticulture, sur un total de dix hectares au maximum ;
- pour les utilisateurs professionnels, dans le cas d'une emprise d'infrastructure linéaire à traiter de moins de 10 km ;
- pour les utilisateurs professionnels pour les superficies à traiter de moins de 10 ha.
Formalisé par écrit, il doit être conservé par l'utilisateur et la personne qui l'a délivré pendant une durée fixée par décret à six ans6(*).
Légalement, les agriculteurs doivent justifier du respect de leurs obligations relatives au conseil stratégique phytosanitaire « pour le renouvellement du certificat mentionné au II de l'article L. 254-3 » (certiphyto Densa, décideur en entreprise non soumise à agrément).
En complément du « conseil stratégique » prévu à l'article L. 254-6-2, est prévu un « conseil spécifique relatif à l'utilisation des produits phytopharmaceutiques » à l'article L. 254-6-3. Plus précis, il comporte une recommandation d'utilisation de produits phytopharmaceutiques et précisant par écrit « la substance active ou la spécialité recommandée, la cible, la ou les parcelles concernées, la superficie à traiter, la dose recommandée et les conditions d'utilisation ».
C. ... et qui ne semble pas avoir porté tous ses fruits
Les auditions menées par le rapporteur ont confirmé que, pour la plupart des acteurs et observateurs du monde agricole, ces mesures n'ont pas produit les effets escomptés.
S'agissant de l'interdiction des remises, rabais et ristournes (« 3R ») sur les produits phytopharmaceutiques, il est en pratique très difficile d'isoler sa contribution ou non à l'évolution des prix et de l'usage des produits phytopharmaceutiques.
La séparation des activités de vente et de conseil a privé de nombreux exploitants agricoles de conseils stratégiques nécessaires pour un usage raisonné de ces produits. Elle est désormais quasi unanimement jugée contreproductive dans la mesure où elle prive les agriculteurs du conseil des techniciens des coopératives metteuses sur le marché sur l'usage de ces produits. Elle rétrécit par ailleurs le vivier de professionnels éligibles au bureau des chambres régionales et départementales d'agriculture, qui, de fait, ont des activités de conseil alors que, par exemple, les membres du conseil d'administration de coopératives ont des activités de vente.
De façon générale, l'échec des plans Ecophyto successifs à atteindre les cibles fixées témoigne d'une difficulté à diminuer les volumes de produits phytosanitaires utilisés en France.
II. Le dispositif envisagé - L'abrogation de plusieurs dispositions au coeur de la loi Egalim en matière de régulation de la vente de produits phytopharmaceutiques
L'article 1er reprend deux amendements qui avaient été déposés par les rapporteurs Laurent Duplomb et Franck Menonville sur le projet de loi pour la souveraineté agricole et alimentaire et le renouvellement des générations en agriculture (PLOA) : un amendement COM-383 qui abrogeait la « séparation vente-conseil » et rendait facultatif le conseil stratégique phytosanitaire (CSP), ainsi qu'un amendement COM-416 qui abrogeait l'interdiction des remises, rabais et ristournes.
Dans le détail, son 1° abroge purement et simplement l'interdiction des remises, rabais et ristournes sur les produits phytosanitaires, rétablissant plus de souplesse pour le commerce de ces produits, dont la commercialisation et l'usage restent très encadrés.
Les 2° à 4° abrogent purement et simplement le principe de la séparation entre les activités de vente et les activités de conseil sur les produits phytopharmaceutiques.
Le 5° et le 6° suppriment les mentions d'une actualisation périodique du conseil stratégique à l'utilisation de produits phytopharmaceutiques. Cela revient, de fait, à transformer le conseil stratégique en dispositif facultatif.
III. La position de la commission - Accepter de remettre sur le métier les réformes passées et imaginer les contours d'un conseil stratégique global, facultatif, aux agriculteurs
A. Des propositions initiales à la clarté gardée intacte
La commission partage l'avis désormais relativement consensuel selon lequel les mesures en cause, en particulier la séparation de la vente et du conseil en matière de produits phytopharmaceutiques et l'obligation de procéder à deux conseils stratégiques phytosanitaires en cinq ans pour bénéficier de l'agrément nécessaire à l'usage desdits produits (« certiphyto »), n'ont pas été efficaces.
1) Les « 3R »
S'agissant des remises, rabais et ristournes, il convient de rappeler que cette mesure avait été supprimée par le Sénat en première lecture et réintroduite par l'Assemblée nationale en lecture définitive lors de l'examen de la loi Egalim.
Cette mesure tend à véhiculer l'idée qu'un agriculteur aurait une consommation immodérée de produits phytopharmaceutiques, alors que les agriculteurs n'utilisent pas ces produits, qui ne sont pas anodins, par plaisir. Or, ces produits constituent une charge pour une exploitation, et les agriculteurs sont ipso facto incités à en user avec discernement.
C'est pourquoi sa suppression avait été proposée au cours de l'examen de la proposition de loi pour un choc de compétitivité en faveur de la ferme France, votée au Sénat en mai 2023.
Abroger cette interdiction permettrait de revenir aux mêmes règles qu'ailleurs en Europe pesant sur la compétitivité de leurs exploitations.
2) La séparation vente-conseil
S'agissant de la séparation vente-conseil, l'article 18 de la proposition de loi pour un choc de compétitivité en faveur de la ferme France, adoptée au Sénat au printemps 2023, et l'article 23 de la proposition de loi tendant à répondre à la crise agricole déposée à la fin de l'hiver 2024, en ont déjà proposé l'abrogation, compte tenu des effets contreproductifs qu'il a pu comporter.
Le rapport d'une commission d'enquête7(*), corroboré par un rapport du CGAAER et un autre rapport parlementaire, va jusqu'à parler d'« échec unanimement reconnu », en l'absence d'un développement suffisant d'une offre de conseil. L'Inrae explique que les chambres d'agriculture ne se sont tournées vers l'institut de recherche qu'en 2024 pour affronter la problématique de la formation de son personnel pour pallier l'assèchement du conseil causé par le choix de la vente par de nombreuses coopératives.
Le rapporteur a relevé que l'article 1er de la proposition de loi n° 584 de Mme Nicole Le Peih, relative à l'exercice de la démocratie agricole8(*), dont la discussion était prévue en décembre, comportait un article aménageant à la marge l'article L. 254-1-2 sur les incompatibilités. Il entend permettre à des personnes exerçant une activité de vente d'exercer « un mandat de président ou de membre du bureau ou de membre du conseil d'administration de Chambres d'agriculture France », prévoyant toutefois que « cette personne ne participe pas aux travaux et délibérations concernant l'activité de conseil à l'utilisation de produits phytopharmaceutiques ». La Coopération agricole a critiqué cette proposition jugée trop pointilliste, par opposition à la ligne claire présentée par le présent article.
3) Le conseil stratégique phytosanitaire
La mesure étant entrée en vigueur en 2021, les difficultés ont été rencontrées pour le renouvellement du certiphyto trois ans plus tard, c'est-à-dire en 2024.
Pour mémoire, l'article 18 de la PPL pour un choc de compétitivité en faveur de la ferme France, telle que modifiée par la commission des affaires économiques du Sénat, allégeait l'obligation à deux conseils stratégiques phytosanitaires (CSP) tous les cinq ans au lieu de tous les trois ans sur une période de cinq ans, afin de tenir compte de l'impasse dans laquelle la règle en vigueur aurait placé la grande majorité des agriculteurs, qui n'avaient pu se conformer à cette obligation.
Finalement, un décret n° 2024-326 du 9 avril 20249(*) est venu proroger d'un an la validité du certiphyto « décideur en entreprise non soumise à agrément » (Densa), celui dont ont besoin les agriculteurs, en cas d'arrivée à expiration entre le 10 avril 2024 et le 1er mai 2025. Cela rend nécessaire, en tout état de cause, une évolution législative avant cette échéance.
Devenue ministre de la transition écologique, la ministre déléguée à l'Agriculture chargée de ce dossier Agnès Pannier-Runacher avait, au printemps dernier (audition du 29 mai 2024 à l'Assemblée nationale), recommandé d'en faire un dispositif facultatif.
L'obligation d'un conseil stratégique est à ce stade une obligation purement française, le règlement « SUR » sur un usage durable des pesticides, qui en prévoyait la généralisation, n'ayant finalement pas été adopté, à l'automne 2023.
La démarche de rendre ce diagnostic facultatif plutôt que d'en proposer la suppression pure et simple se veut une invitation à trouver, au cours de la discussion parlementaire, des outils efficaces dans l'accompagnement des agriculteurs pour des pratiques économes en intrants.
B. Prévoir « l'après-CSP », en esquissant ce que pourrait être un conseil stratégique global, facultatif
Conscient en effet de ce qu'il serait difficilement envisageable de se contenter d'une abrogation sèche de l'obligation de suivre deux conseils stratégiques phytosanitaires en trois ans sur une période de cinq ans, le rapporteur Pierre Cuypers a proposé par un amendement COM-27, adopté par la commission, d'inscrire dans la loi le principe d'un conseil stratégique global, replaçant la question de la réduction de l'usage des produits phytosanitaires dans un diagnostic d'ensemble de l'exploitation. Ainsi, le conseil stratégique phytosanitaire en serait une déclinaison, facultative elle aussi.
Proche dans l'esprit du « diagnostic de viabilité économique et de vivabilité des exploitations » que les rapporteurs Laurent Duplomb et Franck Menonville avaient proposé par amendement au PLOA, cette proposition évoquée dans plusieurs rapports parlementaires (rapports Potier-Travert et Potier-Descrozaille) ainsi par plusieurs acteurs du monde agricole (La Coopération agricole). Elle contribue à répondre à un besoin des agriculteurs en accompagnement de qualité.
Ce conseil étant facultatif, il se doit nécessairement d'être attractif pour les agriculteurs, et donc de leur apporter des informations utiles dans la conduite de leur exploitation. C'est la condition pour que les agriculteurs, qui n'y seraient plus contraints, s'y engagent.
L'Inrae, dans sa contribution écrite, a souligné le fait que la condition du succès de ce conseil n'était pas tant sa gratuité que sa qualité de ce conseil, via des obligations poussées de formation des conseillers qui en sont chargés, sur le modèle, par exemple, de l'ordre des agronomes qui existe au Canada.
Il est également précisé par cet amendement que, parmi les obligations de formation annuelles de ces conseillers certifiés figure une sensibilisation aux enjeux de conflits d'intérêts, ce qui permet de réduire les risques déontologiques craints par certains acteurs, et notamment le ministère de la transition écologique, en lien avec l'abrogation du principe de séparation de la vente et du conseil de produits phytopharmaceutiques (2° et 3° de l'article 3).
Non sans avoir adopté par ailleurs deux amendements rédactionnels COM-28 et COM-29 du rapporteur Pierre Cuypers, la commission a adopté l'article 1er ainsi modifié.
Article 2
Rôle du ministre en charge de l'agriculture dans le
processus
de délivrance des autorisations de mise sur le
marché
de produits phytopharmaceutiques, usage des drones pour la
pulvérisation de produits phytopharmaceutiques et suppression
des
dispositions relatives à l'interdiction d'utilisation
de produits
phytopharmaceutiques contenant des substances actives
de la famille des
néonicotinoïdes ou assimilés
Cet article, dans une première partie, vise à permettre au ministre chargé de l'agriculture de suspendre, sous certaines conditions, une décision de l'Anses, et à préciser qu'une interdiction ou une restriction d'usage d'un produit phytopharmaceutique emporte pour l'État l'obligation de financer un accompagnement technique et de recherche.
Dans une deuxième partie, l'article vise à autoriser, par dérogation et sous conditions, l'usage de drones pour la pulvérisation de produits phytopharmaceutiques.
Dans une troisième partie, l'article 2 revient sur l'interdiction d'usage de produits phytopharmaceutique contenant une ou plusieurs substances actives de la famille des néonicotinoïdes, ou assimilés.
À l'initiative de son rapporteur, la commission des affaires économiques a souhaité redonner aux agriculteurs français les mêmes possibilités que celles offertes aux agriculteurs européens. Aussi, la commission a choisi d'appliquer un principe simple, à savoir le principe de « non-surtransposition ».
Elle a donc adopté l'article 2, modifié par un amendement COM-33 du rapporteur visant à sécuriser juridiquement le rôle du ministre chargé de l'agriculture.
I. La situation actuelle - Des choix législatifs suscitant l'incompréhension d'un monde agricole évoluant dans un marché ouvert et concurrentiel
A. Une interdiction unilatérale de l'usage de produits contenant des substances actives de la famille des néonicotinoïdes
Au sein de l'espace européen, l'usage de produits phytopharmaceutiques fait l'objet d'une harmonisation, notamment par l'intermédiaire de la directive 2009/128/CE du Parlement européen et du Conseil du 21 octobre 2009 instaurant un cadre d'action communautaire pour parvenir à une utilisation des pesticides compatible avec le développement durable, du règlement 1107/2009 du Parlement européen et du Conseil du 21 octobre 2009 concernant la mise sur le marché des produits phytopharmaceutiques et abrogeant les directives 79/117/CEE et 91/414/CEE du Conseil et du règlement 546/2011 de la Commission du 10 juin 2022 portant application du règlement (CE) no 1107/2009 du Parlement européen et du Conseil en ce qui concerne les principes uniformes d'évaluation et d'autorisation des produits phytopharmaceutiques.
Pour qu'un produit phytopharmaceutique soit à disposition d'un agriculteur, celui-ci doit passer deux grandes étapes, à savoir l'autorisation de mise sur le marché européen de la ou des substances actives qu'il contient, puis l'autorisation du produit en lui-même.
À l'échelle de l'Union européenne, les substances actives sont approuvées ou interdites selon plusieurs étapes :
1) une entreprise pétitionnaire formule une demande d'approbation d'une substance active ;
2) un État membre est nommé rapporteur, et est chargé de conduire l'évaluation du dossier selon des critères définis au niveau européen, qui tiennent notamment compte des risques pour la santé humaine, pour l'environnement ainsi que des résidus engendrés par la substance active dans la nourriture ;
3) l'État membre rapporteur produit un rapport servant de base à l'élaboration de la recommandation de l'Autorité européenne de sécurité des aliments (Efsa) ;
4) la Commission européenne prépare une proposition de règlement d'approbation ou d'interdiction de la substance, qu'elle soumet au vote des États membres selon la procédure dite de comitologie. En l'espèce, les États membres sont réunis au sein du comité permanent des végétaux, des animaux, des denrées alimentaires et de l'alimentation animale (CPVADAAA ou Scopaff en anglais) ;
5) un règlement d'approbation, s'il réunit une majorité qualifiée, est adopté, le cas échéant accompagné de restrictions, à l'instar des limites maximales de résidus.
Le processus est décrit dans l'infographie ci-dessous (en anglais), transmise au rapporteur par l'Efsa.
Les néonicotinoïdes (NNIs) sont une famille de substances insecticides utilisées notamment en agriculture10(*). S'il existe une diversité de substances néonicotinoïdes, cinq ont fait l'objet d'une approbation au niveau européen, à savoir la clothianidine, l'imidaclopride, le thiaméthoxame, l'acétamipride et le thiaclopride. Depuis 2013, date de l'instauration d'un moratoire de la Commission européenne imposant des restrictions d'usage de trois substances de la famille des néonicotinoïdes, les usages de ces produits se sont restreints, au regard des risques identifiés notamment concernant les abeilles. En 2019, la Commission européenne interdit la substance thiaclopride, les substances clothianidine, thiaméthoxame et imidaclopride n'ayant quant à elles pas fait l'objet d'une demande de renouvellement. Aussi, seule la substance acétamipride demeure autorisée jusqu'au 28 février 2033, à la suite du renouvellement de l'approbation intervenu le 24 janvier 2018.
En France, l'article 125 de la loi n° 2016-1087 du 8 août 2016 pour la reconquête de la biodiversité, codifié à l'article L. 253-8 du code rural, a interdit, à partir du 1er septembre 2018, l'emploi de produits phytopharmaceutiques contenant une ou des substances de la famille des NNIs. La loi n° 2018-938 du 30 octobre 2018 pour l'équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous, dite « Egalim » complète le dispositif en interdisant les substances présentant des modes d'action identiques à ceux de la famille des NNIs, à savoir le flupyradifurone11(*) et le sulfoxaflor12(*).
Il est à noter que, dans un avis de mai 2024 concernant les effets de l'acétamipride, l'Efsa note que « les résultats des éléments de preuve indiquent qu'il existe des incertitudes majeures dans le corpus de preuves concernant les propriétés de neurotoxicité développementale de l'acétamipride et que des données supplémentaires sont donc nécessaires pour parvenir à une compréhension mécaniste plus solide afin de permettre une évaluation appropriée des dangers et des risques »13(*). En conséquence, l'agence propose de diviser par cinq les doses journalières admissibles et invite à baisser les limites maximales de résidus (LMR) pour 38 produits contenant la substance active. Dans un communiqué de presse commun, de nombreuses organisations professionnelles estiment, à la suite de la publication des recommandations de l'Efsa, que « pour de nombreuses productions (betteraves sucrières et potagères, noisettes, pommes de terre, carottes, radis, navets, oignons, échalotes, maïs doux, endives, lentilles, poireaux, rhubarbes, riz), les LMR existantes sont au niveau minimal depuis des années et respectent donc déjà ces recommandations de l'Efsa. D'autres productions, comme les pommes et les poires, pourront se conformer aux nouveaux seuils proposés par l'Efsa, dans la mesure où l'acétamipride est employée à un stade précoce de la culture, bien en amont de la récolte. »
Certaines filières sont effectivement en situation d'impasse technique, ou sont proches de l'être. À ce titre, l'exemple le plus emblématique et le plus dramatique est sans aucun doute celui de la noisette, filière française d'excellence, qui était engagée dans une dynamique de hausse de ses surfaces au regard des volumes consommés en France, essentiellement importés d'Italie, de Turquie et des États-Unis. L'association nationale des producteurs de noisettes, reçue en audition par le rapporteur, a fait état d'un effondrement progressif de la production viable de noisettes à la suite de l'interdiction en France de l'acétamipride, dont l'efficacité sur les deux ravageurs, la punaise diabolique et le balanin de la noisette serait de l'ordre de 95 %. Pour 2024, la coopérative Unicoque, qui assure environ 90 % de la récolte française grâce à ses 300 producteurs associés, évalue la récolte à 6 500 tonnes sur un potentiel de 13 000 tonnes, soit un taux de perte de 50 % en raison du balanin. Sur cette récolte, 30 % des noisettes s'avèrent impropres à la consommation en raison des ravages causés par la punaise diabolique. Enfin, sur les 4 500 tonnes restantes, les producteurs estiment que l'essentiel des lots de noisettes ne respecte pas les standards internationaux. En conséquence, après une année 2023 difficile, l'année 2024 signe l'ébranlement de toute une filière, alors même que la France peut poursuivre des importations de noisettes traitées non seulement avec l'acétamipride, mais également avec des produits dont les substances sont interdites en Europe depuis fort longtemps en raison de leur grande dangerosité.
Évolution du pourcentage de
fruits
conformes aux exigences du marché standard
Source : ANPN
Une situation d'impasse technique similaire avait conduit le législateur à aménager, pour la filière betterave, une dérogation à l'interdiction d'usage de produits à base de NNIs. Après une année 2019 clémente, c'est en 2020 que l'étendue de l'impasse technique est réellement constatée, à la suite d'un épisode de jaunisses14(*) d'une intensité jamais connue de mémoire d'agriculteur, conduisant à un effondrement des rendements et à des pertes que la Confédération générale des planteurs de betteraves (CGB) estime à 700 millions d'euros, compensées à hauteur de 60 M€ en raison du plafond de minimis.
À la suite de cet épisode, le Parlement a voté une loi en décembre 202015(*) ouvrant la voie à des dérogations, sur le fondement de l'article 53 du règlement 1107/2009, uniquement pour la filière betterave, jusqu'au 1er juillet 2023. Cette loi met par ailleurs en place un programme national de recherche et d'innovation (PNRI) en vue de la sortie définitive des NNIs. Deux dérogations ont ainsi été accordées en 202116(*) et 202217(*) pour l'utilisation de deux semences enrobées de NNIs expressément interdites au niveau européen, et une troisième était envisagée pour 2023. Par une décision du 19 janvier 202318(*), la CJUE décide qu'il n'est pas permis « à un État membre d'autoriser la mise sur le marché de produits phytopharmaceutiques en vue du traitement de semences, ainsi que la mise sur le marché et l'utilisation de semences traitées à l'aide de ces produits, dès lors que la mise sur le marché et l'utilisation de semences traitées à l'aide de ces mêmes produits ont été expressément interdites par un règlement d'exécution ». Le système de dérogation mis en place en France ne concernant pas l'acétamipride, seule substance autorisée par le droit de l'Union européenne, la dernière dérogation n'a donc pu être accordée.
Depuis lors, l'interdiction posée en 2016 par le législateur ne souffre plus d'aucune exception.
B. Une expérimentation de l'usage de drones pour la pulvérisation de produits phytopharmaceutiques non reconduite malgré des résultats encourageants et des possibilités ouvertes par le droit européen
La pulvérisation aérienne de produits phytopharmaceutiques est susceptible d'avoir des effets néfastes sur la santé humaine et l'environnement, notamment en raison de la dérive des produits pulvérisés. L'article 9 de la directive 2009/128/CE pose le principe d'une interdiction des traitements aériens par produits phytopharmaceutiques dans les États membres de l'Union européenne.
Par dérogation, ce même article 9 dispose que la pulvérisation aérienne peut toutefois être autorisée dans certains cas particuliers, sous réserve de respecter de strictes conditions19(*).
L'article L. 253-8 du code rural et de la pêche maritime, en son I, transpose dans le droit français ces prescriptions. La pulvérisation aérienne des produits phytopharmaceutiques est ainsi interdite, bien que des autorisations d'épandage aérien puissent être accordées par l'autorité administrative « en cas de danger sanitaire grave qui ne peut être maîtrisé par d'autres moyens ».
De plus, l'article 82 de la loi Egalim avait autorisé, par dérogation à l'article L. 258-8 du code rural et de la pêche maritime, la conduite d'une expérimentation « de l'utilisation des aéronefs télépilotés pour la pulvérisation aérienne de produits autorisés en agriculture biologique ou dans le cadre d'une exploitation faisant l'objet d'une certification du plus haut niveau d'exigence environnementale », pour une durée de trois ans et « sur des surfaces agricoles présentant une pente supérieure ou égale à 30 % ». Cette expérimentation devait faire l'objet d'une évaluation de l'Anses visant à déterminer les bénéfices liés à l'utilisation de drones pour limiter les risques d'accident du travail et évaluer l'éventuelle réduction des risques pour la santé et l'environnement.
Un arrêté devait enfin préciser les modalités de cette expérimentation de manière à garantir « l'absence de risque inacceptable pour la santé et l'environnement ». Cet arrêté a été publié le 26 août 201920(*), après la publication d'une note d'appui scientifique de l'Anses relative à « la mise en oeuvre d'une expérimentation de l'utilisation d'aéronefs télépilotés pour la pulvérisation de produits phytopharmaceutiques »21(*). Des expérimentations ont ainsi été menées sur la vigne, la banane et les vergers de pommiers.
Dans une note du 1er juillet 2022 relative à « l'expérimentation de l'utilisation de drones pour la pulvérisation de produits phytopharmaceutiques »22(*), l'Anses détaille ses conclusions après la conduite de plusieurs dizaines d'essais en France. L'analyse de l'Anses traite de plusieurs points :
- la mesure de la qualité de la pulvérisation, qui porte sur l'analyse de deux variables : la mesure de la qualité des dépôts de pulvérisation et la mesure de l'efficacité biologique ;
- les données concernant l'exposition de l'environnement ;
- les données concernant l'exposition des personnes.
Les conclusions de l'Anses tendent à montrer l'intérêt de la pulvérisation par drone, « solution intéressante pour protéger les cultures des bio-agresseurs problématiques dans certaines conditions biologiques (faible pression en maladies), végétatives (volume foliaire limité et/ou port ouvert), climatiques (sols instables) et/ou topographiques (très fortes pentes) ». L'Anses précise en revanche qu'« en conditions plus limitantes, les performances des drones de pulvérisation apparaissent inférieures à celles de pulvérisateurs terrestres classiques ». Plus précisément :
- concernant la dérive de pulvérisation, tout en indiquant que, compte tenu du jeu de données restreint dont elle disposait, il n'est pas possible de « dégager des conclusions générales robustes », l'agence souligne « des résultats préliminaires intéressants » ;
- concernant l'opérateur, pour la vigne, principale filière intéressée par la pulvérisation par drone, elle note que malgré des données disponibles limitées, « l'exposition des opérateurs est très inférieure lors de l'utilisation avec un drone en comparaison à une utilisation avec un chenillard, en particulier lors de la phase d'application » ;
- concernant le travailleur, l'Anses souligne toutefois que « plusieurs études montrent que les dépôts sur les cultures présentent une variabilité supérieure après utilisation de drones en comparaison avec des matériels d'application classiques. Ainsi, la question de l'impact de la quantité des dépôts sur les cultures sur l'exposition des travailleurs se pose » ;
- concernant les personnes présentes et les résidents (riverains) pendant la phase de pulvérisation, l'agence souligne la difficulté de quantification et note que « les conditions d'utilisation ont un impact très important sur le niveau de la dérive ».
Le délai de l'expérimentation étant passé, il n'est légalement plus possible de réaliser des pulvérisations de produits phytopharmaceutiques par drone.
L'article 8 de la proposition de loi pour un choc de compétitivité en faveur de la ferme France, dite « Ferme France », entendait ainsi procéder au prolongement de l'expérimentation menée à bien grâce à la dérogation permise par la loi Egalim. Il est à noter qu'un amendement COM-173 de Sophie Primas, dans le cadre de l'examen en commission du projet de loi d'orientation agricole, entendait également, dans une rédaction plus ouverte, tirer parti des possibilités offertes par le droit européen en matière d'épandage par drone.
C. Depuis 2014, la place centrale de l'Anses dans la délivrance des autorisations de mise sur le marché de produits phytopharmaceutiques
La procédure d'autorisation de mise sur le marché (AMM) d'un produit phytopharmaceutique est strictement encadrée par le droit européen dont l'élément central est le règlement 1107/2009 précité. L'article 29 du règlement dispose qu'un produit peut se voir délivrer une autorisation de mise sur le marché s'il respecte une série de critères faisant l'objet d'une évaluation par l'agence nationale de l'État membre, respectant des principes uniformes dévaluation et d'autorisation définis par le règlement d'exécution n° 546/2011. Le même règlement détermine avec précision l'ensemble des étapes et modalités d'examen que l'agence nationale est tenue de suivre, et notamment le contenu des autorisations délivrées, la durée, les modalités et les délais d'examens, les règles relatives à l'étiquetage des produits, les règles relatives au renouvellement, au retrait et aux modifications des AMM, les délais de grâce, les cas particuliers de mise sur le marché de produits à faible risque, etc.
L'article 75 du règlement 1107/2009 précité dispose que « chaque État membre désigne une ou des autorités compétentes chargée de s'acquitter des obligations découlant du présent règlement », laissant ainsi une marge de manoeuvre aux États membres dans leur organisation interne.
En France, avant la loi n° 2014-1170 du 13 octobre 2014 d'avenir pour l'agriculture, l'alimentation et la forêt, les AMM étaient délivrées, sur le fondement de l'article R. 253-1 du code rural et de la pêche maritime, par le ministre chargé de l'agriculture. La direction générale de l'alimentation (DGAL) avait en charge la préparation de la décision et, dans la quasi-totalité des cas, la signature, par délégation, de l'autorisation. La décision s'appuyait sur l'avis scientifique de l'Anses, délivré par sa direction de l'évaluation des produits règlementés (DEPR).
Depuis la loi de 2014 d'avenir pour l'agriculture, l'alimentation et la forêt et son article 51, l'article L. 1313-1 du code de la santé publique dispose que l'Anses détient « des missions relatives à la délivrance, à la modification et au retrait des différentes autorisations préalables à la mise sur le marché et à l'expérimentation ». Ce transfert de compétence s'est également effectué en 2015 concernant les produits biocides.
Les raisons ayant motivé ce transfert de compétence du ministre vers le directeur général de l'agence tiennent essentiellement à l'amélioration de l'efficience des procédures et notamment de réduction des délais engendrés par la double instruction de l'Anses puis du ministère. Par ailleurs, l'administration suivait systématiquement les avis de l'Anses.
Le code de la santé publique prévoit néanmoins, en son article L. 1313-5, que le ministre chargé de l'agriculture peut s'opposer à une décision du directeur général de l'Anses, en lui demandant, par arrêté motivé, de réexaminer le dossier ayant servi de fondement à la décision rendue. Il s'agit bien d'une demande de réexamen, et non d'un pouvoir de réformation de la décision rendue.
La procédure d'autorisation de mise sur le marché de l'Anses
En 2015, la Direction des autorisations de mise sur marché (DAMM) a été créée à l'Anses. Lorsqu'un notifiant soumet un dossier produit phytopharmaceutique en vue d'avoir une autorisation de mise sur le marché, ce dossier est évalué par la DEPR de l'Anses. Les conclusions de l'évaluation des risques sont transmises à la DAMM qui a pour rôle d'analyser ces conclusions et de proposer une décision ou un refus d'autorisation de mise sur le marché du produit. La décision, basée sur les critères uniformes précités, est sous la responsabilité du directeur général de l'Anses. L'Anses publie ensuite, conformément au code de la santé publique, l'ensemble des éléments, décision et évaluation associés, sur son site internet.
En 2023, 2 005 demandes relatives à des autorisations de mise sur le marché ou permis ont été déposées en matière de produits phytopharmaceutiques, matières fertilisantes et supports de culture, et plus de 1 400 décisions ont été signées.
Source : contribution écrite de l'Anses et rapport d'activité thématique 2023
Depuis quelques années, des critiques ont été formulées à l'encontre de l'Anses, notamment sur ses délais de traitement des dossiers jugés par certains comme excessifs, sur une procédure de reconnaissance mutuelle jugée par d'autres comme peu opérante23(*), ou encore concernant certaines de ses décisions24(*). Ces critères ont fait émerger un débat autour de l'opportunité politique mais aussi juridique de redonner une forme de droit de regard du ministre chargé de l'agriculture sur les décisions de l'agence.
L'article 13 de la proposition de loi ferme France adoptée par le Sénat en mai 2023 vise à permettre au ministre chargé de l'agriculture, par arrêté motivé, de suspendre une décision du directeur général après avoir réalisé une balance détaillée des risques sanitaires, environnementaux et de distorsion de concurrence avec un autre État membre de l'Union européenne, et évalué l'efficience de solutions alternatives.
II. Le dispositif envisagé - Permettre au ministre chargé de l'agriculture de suspendre une décision de l'Anses, autoriser dans certaines conditions l'usage de drones pour la pulvérisation de produits phytopharmaceutiques et revenir sur l'interdiction législative d'usage de produits contenant des substances appartenant à la famille des néonicotinoïdes
A. Les dispositions relatives à l'Anses
Les alinéas 1 à 6 de l'article 2 reprennent la rédaction de l'article 13 de la proposition de loi Ferme France, adoptée au Sénat le 23 mai 2023.
L'article dispose que le ministre chargé de l'agriculture « peut, par arrêté motivé, suspendre une décision du directeur général prise en application du onzième alinéa de l'article L. 1313-1, après avoir réalisé une balance détaillée entre les risques sanitaires et environnementaux et les risques de distorsion de concurrence avec un autre État membre de l'Union européenne, et évalué l'efficience de solutions alternatives ».
Il pose également le principe d'un accompagnement obligatoire de l'État en matière technique et de recherche en cas de retrait ou de modification d'autorisation visant à restreindre l'usage d'un produit.
Enfin, la rédaction proposée dispose que les délais de grâce prévus par le droit européen sont systématiquement, sous les réserves prévues par ce même droit25(*), portés à leur extension maximale, à savoir six mois pour la vente et la distribution, et un an supplémentaire pour l'élimination, le stockage et l'utilisation des stocks existants.
B. Les dispositions relatives à l'usage de drones pour la pulvérisation de produits phytopharmaceutiques
Les alinéas 7 à 10 portent sur l'usage de drones pour la pulvérisation de produits phytopharmaceutiques. Le texte modifie l'article L. 253-8 du CRPM pour insérer un I bis permettant, par dérogation au I, de recourir à la pulvérisation de produits phytopharmaceutiques par aéronef circulant sans personne à bord (drone), dans les conditions prévues à l'article 9 de la directive 2009/128/CE, à savoir « s'il n'y a pas d'autre solution viable, lorsqu'elle présente des avantages manifestes pour la santé humaine et l'environnement par rapport aux applications par voie terrestre ou en cas de danger sanitaire grave qui ne peut être maîtrisé par d'autres moyens ».
Le texte prévoit qu'un arrêté conjoint des ministres chargés de l'agriculture, l'environnement et la santé définit les conditions d'application de la dérogation.
C. Les dispositions relatives à l'usage de produits contenant des substances appartenant à la famille des néonicotinoïdes
Enfin, les alinéas 11 et 12 abrogent les II et II bis du même article L. 253-8, ainsi que l'article L. 253-8-3 du CRPM, relatifs à l'interdiction d'utilisation de produits phytopharmaceutiques contenant une ou des substances actives de la famille des néonicotinoïdes ou présentant des modes d'action identiques, ainsi que des semences traitées avec ces mêmes produits. De ce fait, il est procédé à un retour à l'application, par défaut, des règlements européens en la matière, soit une autorisation de commercialiser des produits à base d'acétamipride, les quatre autres substances actives composant la famille des néonicotinoïdes étant interdites.
Ces dispositions ne conduisent pas à réautoriser de fait les produits contenant de l'acétamipride, puisque de tels produits devront faire par la suite l'objet d'une évaluation et, le cas échéant, d'une autorisation de mise sur le marché délivrée par l'Anses. C'est donc uniquement la barrière législative à l'emploi de ces produits qui est levée.
III. La position de la commission - Appliquer le droit européen
La commission des affaires économiques et son rapporteur se sont attachés, en la matière, à faire preuve de pragmatisme.
Constatant que l'interdiction de l'acétamipride engendrait non seulement des distorsions de concurrence, mais aussi des situations d'impasses techniques pour certaines filières agricoles, mettant toujours davantage en péril la souveraineté alimentaire nationale et la compétitivité de nombreuses exploitations, elle s'est prononcée pour le retour à l'application du droit européen.
Dans le même état d'esprit, la commission approuve les dispositions relatives à l'usage de drones pour la pulvérisation de produits phytopharmaceutiques, dans la mesure où cet usage demeure dérogatoire et strictement encadré par le droit européen et, le cas échéant, par des dispositions réglementaires complémentaires.
Enfin, concernant le rôle du ministre chargé de l'agriculture dans le processus de délivrance des AMM, la commission, à l'initiative de son rapporteur et de Vincent Louault, a adopté deux amendements identiques COM- 33 et COM-24, visant à lever une insécurité juridique figurant dans la rédaction initiale, à savoir la possibilité pour le ministre de fonder sa décision sur une balance prenant en compte la dimension économique, dimension non prévue par le droit européen. Le texte issu de la commission prévoit que le ministre chargé de l'agriculture dispose d'un pouvoir d'évocation d'un dossier traité par l'Anses et relatif à un produit phytopharmaceutique. Le ministre a alors la possibilité de statuer sur ce dossier. Le droit européen laisse en effet à l'appréciation de chaque État le choix de l'autorité décisionnaire en matière d'AMM. En tout état de cause, le ministre devra fonder sa décision sur les mêmes critères que le directeur général de l'Anses, ces critères étant européens et non nationaux.
De plus, malgré l'avis défavorable du rapporteur qui estimait que ce n'était pas le rôle de l'Anses, mais des instituts comme l'Institut national de recherche pour l'agriculture, l'alimentation et l'environnement (Inrae), ou encore les instituts techniques agricoles, la commission a adopté un amendement COM-20 de Vincent Louault et plusieurs de ses collègues visant à compléter la liste des missions de l'Anses figurant à l'article L. 1313-1 du code de la santé publique, pour y ajouter la contribution à encourager l'innovation.
La commission a adopté l'article ainsi modifié.
TITRE
II
SIMPLIFIER L'ACTIVITÉ DES ÉLEVEURS
Article 3
Modifications des procédures
environnementales
concernant les plus grands élevages, notamment par
un assouplissement du régime français des installations
classées pour la protection
de l'environnement (ICPE) qui leur sont
applicables
Cet article vise à revenir sur un « effet de bord » récent (issu de la loi « Industrie verte ») et sur une potentielle « surtransposition » ancienne (de la directive « IED ») assujettissant l'élevage à des procédures environnementales présentées par les filières animales comme des freins importants à leur développement. Dans sa version initiale, l'article comportait ainsi plusieurs assouplissements des procédures environnementales concernant les projets des exploitations agricoles et notamment pour les plus grands élevages : obligations renforcées de motivation des avis de l'autorité environnementale, suppression du caractère systématique des réunions publiques d'ouverture et de clôture pour les projets de création, d'extension ou de regroupement d'élevages soumis à autorisation environnementale, reconnaissance des principes de spécificité et d'adaptation des procédures ICPE pour les exploitations agricoles, modification des seuils en dessous desquels s'applique par principe la procédure d'enregistrement (ou d'autorisation simplifiée), en les relevant, notamment, de 30 000 à 40 000 volailles, de 450 à 750 truies, de 400 à 800 bovins à l'engraissement et de 150 à 400 vaches laitières.
Sur la proposition du rapporteur Pierre Cuypers, la commission a adopté trois amendements visant à :
- revenir sur l'obligation de réaliser systématiquement des réunions publiques d'ouverture et de clôture au sujet des projets d'élevage soumis à autorisation environnementale, en donnant la possibilité au commissaire enquêteur de les remplacer par une simple permanence en mairie ;
- sécuriser juridiquement le relèvement des seuils d'application du régime de l'enregistrement, en attendant l'entrée en vigueur de la directive sur les émissions industrielles (dite « IED ») révisée ;
- mieux encadrer la procédure de basculement au cas par cas, par le préfet, de l'enregistrement vers l'autorisation.
L'assouplissement et l'encadrement des procédures environnementales sont une revendication centrale pour certaines filières d'élevage, qui craignent que la ferme France ne se donne plus les moyens de produire la viande que les Français consomment.
La commission a adopté ces trois amendements ainsi que l'article 3 ainsi modifié.
I. La situation actuelle - Un effet de bord récent et une potentielle « surtransposition » ancienne assujettissent l'élevage à des procédures environnementales présentées par les filières animales comme des freins importants à leur développement
A. Un effet de bord récent
L'article 4 de la loi dite « Industrie verte26(*) » vise à accélérer les procédures relatives aux installations classées pour la protection de l'environnement (ICPE) - et installations, ouvrages, travaux et activités (IOTA) au titre de la loi sur l'eau.
Les projets entrant dans l'une ou l'autre de ces catégories, ou les deux, sont soumis à autorisation environnementale, une procédure unique née en 2017 d'un souci de simplification des procédures environnementales. Les projets d'ampleur, pouvant avoir une incidence sur l'environnement, dans le domaine industriel, logistique, mais aussi par exemple, dans le domaine de l'élevage, sont soumis à cette même procédure.
Alors que, pendant six ans, les dossiers d'autorisation environnementale se déroulaient en trois phases (phase d'examen, phase de consultation et enfin phase de décision), la réforme de la loi « Industrie verte », entrée en vigueur le 22 octobre 202427(*) a entendu fusionner les phases d'examen et de consultation, à compter du dépôt d'un dossier complet et régulier par le porteur de projet (art. L. 181-9 du code de l'environnement).
Ce faisant, cette réforme a étendu la durée de la consultation du public - commune à la phase d'examen - au-delà de trois mois et prévu deux réunions publiques, au début et à la fin de l'enquête publique, ces dernières étant aux frais des porteurs de projet (art. L. 181-10-1 du même code).
Source : Direction générale de la prévention des risques
Cette réforme, appelée « parallélisation des procédures », est intervenue à la suite du rapport « Guillot28(*) » de 2022, dans lequel ont été émises plusieurs propositions visant à faciliter l'installation de projets industriels et logistiques sur le territoire national. Elle a néanmoins emporté des conséquences pour l'élevage, les plus importants d'entre eux étant soumis à autorisation environnementale, quand bien même ce secteur n'était pas au coeur des réflexions de la loi « Industrie verte » - raison pour laquelle les parties prenantes de ces filières ont pris l'habitude de parler d'« effet de bord » de cette loi.
Or, l'élevage, notamment les filières porcine et avicole, plus souvent intensives, est confronté à des difficultés croissantes d'acceptabilité dans de nombreux territoires ruraux, ce qui renvoie plus largement à la problématique des « troubles anormaux de voisinage » reprochés aux activités agricoles, qui ont conduit à deux ajustements législatifs en seulement trois ans29(*).
À rebours de l'intention affichée de facilitation des implantations industrielles et logistiques, pour l'élevage, l'extension de la durée de la consultation du public et la systématisation de réunions publiques - contre de simples permanences du commissaire enquêteur précédemment - seraient sources d'irritants locaux supplémentaires, ces derniers étant déjà fréquents, si ce n'est systématique.
Les difficultés connues par le président de l'interprofession porcine (Inaporc) pour augmenter la capacité de sa porcherie Avel Vor de 9 000 à 12 000 porcs de production, à Landunvez (Finistère), alors que le commissaire enquêteur avait rendu un avis favorable au projet, sont devenues un emblème de cette problématique30(*).
De façon générale, selon l'Union des groupements de producteurs de viande de Bretagne (UGPVB), le risque, auquel font face les éleveurs, d'un contentieux ou d'une mobilisation de riverains ou d'associations environnementales ou de protection animale, découragerait les créations ou extensions d'élevage. Dans une région d'élevage comme la Bretagne, cela constituerait notamment un frein au phénomène de regroupement d'élevages qui résulte du non-renouvellement de la population active agricole.
Si le recul est insuffisant pour juger des effets de l'article 4 de la loi « Industrie verte », entré en vigueur une semaine avant le dépôt de la présente proposition de loi, La Coopération agricole estime que la réforme se traduit par une forme d'« autocensure » des éleveurs, qui préfèreraient renoncer à leurs projets - a fortiori dans un contexte où il est envisagé de revenir à brève échéance sur cette disposition. La DGPR a confirmé mi-novembre que seuls cinquante dossiers avaient été déposés, tous secteurs confondus, et que le stade de la phase unique d'examen et de consultation n'était pas atteinte.
B. Une potentielle « surtransposition » ancienne, s'agissant des seuils d'emplacements à partir desquels les élevages sont soumis à autorisation
Le régime français des installations classées pour la protection de l'environnement (ICPE31(*)) concerne « les usines, ateliers, dépôts, chantiers et, d'une manière générale, les installations exploitées ou détenues par toute personne physique ou morale, publique ou privée, qui peuvent présenter des dangers ou des inconvénients soit pour la commodité du voisinage, soit pour la santé, la sécurité, la salubrité publiques, soit pour l'agriculture, soit pour la protection de la nature, de l'environnement et des paysages, soit pour l'utilisation économe des sols naturels, agricoles ou forestiers, soit pour l'utilisation rationnelle de l'énergie, soit pour la conservation des sites et des monuments ainsi que des éléments du patrimoine archéologique », ainsi que les carrières (art. L. 511-1).
Sur le fondement de ce régime, qui tire ses origines de premières réglementations sur les activités industrielles datant de 1810, les porteurs de projet concernés peuvent être soumis à déclaration, à enregistrement ou à autorisation (décret n° 77-1133 du 21 septembre 1977).
L'article L. 512-7 du code de l'environnement, relatif à l'enregistrement (ou autorisation simplifiée) des ICPE, exclut par principe de son champ d'application les installations qui sont soumises « à une obligation d'évaluation environnementale systématique au titre de l'annexe I de la directive 85/337/ CEE du 27 juin 1985 concernant l'évaluation des incidences de certains projets publics et privés sur l'environnement » (directive dite « EIE »), ainsi que celles qui sont soumises « à la directive 2010/75/UE du Parlement européen et du Conseil du 24 novembre 2010 relative aux émissions industrielles au titre de son annexe I » (directive dite « IED »).
Cette double exclusion, censée transposer ces deux directives, est cohérente avec l'article L. 512-7 précité, selon lequel l'enregistrement concerne « les installations qui présentent des dangers ou inconvénients graves pour les intérêts mentionnés à l'article L. 511-1, lorsque ces dangers et inconvénients peuvent, en principe, eu égard aux caractéristiques des installations et de leur impact potentiel, être prévenus par le respect de prescriptions générales édictées par le ministre chargé des installations classées » et « les secteurs ou technologies dont les enjeux environnementaux et les risques sont bien connus ».
L'autorisation se traduit, elle, par un arrêté préfectoral contenant des prescriptions spécifiques. En pratique, la soumission d'un projet à autorisation emporte ouverture d'une enquête publique.
Compte tenu de cette différence d'exigence, selon La Coopération agricole, le coût des formalités nécessaires à la constitution de dossiers pour les procédures d'enregistrement et d'autorisation des installations classées pour la protection de l'environnement (ICPE) serait respectivement d'environ « 5 à 15 000 € » et de « 15 à 20 000 € », en se limitant stricto sensu aux documents, et sans compter, donc, le coût associé aux autres formalités (plan d'épandage, formalités légales, permis de construire, architecte, etc.) voire à un éventuel contentieux devant le tribunal administratif.
Selon les données de la direction générale de la prévention des risques (DGPR), les effectifs dans chacune de ces catégories sont aujourd'hui les suivants :
Filière |
Déclaration |
Enregistrement |
Autorisation |
Volailles |
Environ 17 000 |
737 (30 à 40 000 places) |
2 259 (> 40 000 places) |
Porc |
Environ 6 000 |
6 967 (> 450 animaux équivalents) |
702 (> 750 truies ou 2 000 places de porcs de production) |
Boeuf |
Environ 62 000 |
1 344 (> 400 bovins à l'engraissement ou > 150 vaches laitières) |
65 (> 800 bovins à l'engraissement ou > 400 vaches laitières) |
Si ces chiffres ne laissent pas apparaître d'effet de seuil pour les volailles entre enregistrement et autorisation (737 contre 2 259), il est possible qu'un tel effet existe pour les porcs entre enregistrement et autorisation (environ 7 000 contre 700) et surtout pour les bovins entre déclaration et enregistrement (environ 62 000 contre plus de 1 300). Les effectifs soumis à autorisation sont en effet bien plus réduits que les effectifs soumis à enregistrement, ce qui permet de faire l'hypothèse que des stratégies visant à rester juste en dessous du seuil d'autorisation ont pu être mises en oeuvre.
C. De façon générale, un manque de reconnaissance de la spécificité de l'élevage s'agissant des procédures environnementales
Les règles applicables aux installations classées pour la protection de l'environnement (ICPE) concernent des activités de nature diverse, le critère décidant de l'assujettissement d'un projet à ce régime résidant dans les incidences sur l'environnement et non dans sa nature même.
Au-delà des seuils décidant de manière fine, dans une nomenclature relevant du règlement, de la forme que prend cette procédure environnementale - déclaration, enregistrement ou autorisation - il n'existe donc pas de traitement particulier des installations agricoles dans le cadre du régime des ICPE, quand bien même, comme le souligne La Coopération agricole, l'activité agricole est souvent le fait d'entreprises unipersonnelles.
De ce fait, la FNSEA souligne des difficultés à faire valoir la spécificité de l'agriculture dans l'édiction de normes générales, qui seraient plus adaptées à des installations de type industriel, bien éloignées de ce que serait la réalité de l'élevage en France, qui resterait de dimension réduite en comparaison internationale.
Pour toutes les raisons évoquées, les représentants du monde agricole ont insisté sur le fait que l'assujettissement des activités agricoles à un régime au départ pensé pour les activités industrielles n'était pas qu'un irritant symbolique. La Coopération agricole rappelle à ce titre, dans sa contribution écrite, « qu'elle soutient la sortie de l'élevage de la directive IED en 2026 pour avoir une réglementation spécifique adaptée à l'élevage ».
D. Et une acceptabilité des avis de l'autorité environnementale qui pourrait être améliorée
Dans le cadre de l'autorisation environnementale, l'autorité environnementale - en pratique, des agents de la direction régionale de l'environnement et de l'alimentation (Dreal), sous l'autorité du préfet - rend des avis dont le contenu est souvent utilisé par les tiers à l'occasion de recours contre des projets de construction ou d'extension d'élevage. Les filières animales demandent de renforcer la fiabilité de ces avis, pour limiter le risque de contentieux juridique.
II. Le dispositif envisagé - Plusieurs modifications et assouplissements des procédures environnementales concernant les plus grands élevages au bénéfice des porteurs de projet de création ou d'extension de bâtiments d'élevage
Le 1° de l'article 3 (deux premiers alinéas) renforce les obligations de motivation des avis de l'autorité environnementale, en prescrivant que « l'avis de l'autorité environnementale se fonde sur les enseignements de la science et cite les études académiques mobilisées pour son élaboration ».
Le 2° (alinéas 3 à 9) revient sur l'« effet de bord » mentionné supra de la loi dite « Industrie verte », en prévoyant un retour aux trois phases de l'instruction de l'autorisation environnementale (examen et consultation du public seraient à nouveau dissociés), pour les seuls bâtiments d'élevage de bovins, de porcs ou de volailles. Le périmètre de ce retour au droit antérieur diffère de celui qui avait été retenu dans l'amendement déposé par les rapporteurs Laurent Duplomb et Franck Menonville au projet de loi d'orientation pour la souveraineté alimentaire et agricole et le renouvellement des générations en agriculture (PLOA). Cela annule l'obligation d'organiser deux réunions publiques.
Le 4° (alinéas 11 et 12) reconnaît la spécificité des projets des exploitations agricoles dans le code de l'environnement en matière d'installations classées pour la protection de l'environnement (ICPE). Ce principe d'adaptation ne s'appliquerait donc pas aux activités agricoles (critère matériel), mais aux activités relevant d'exploitations agricoles (critère formel).
Le 5° (alinéa 13) entend procéder à la « dé-surtransposition » mentionnée supra pour permettre de relever les seuils dont le franchissement fait basculer un projet de l'enregistrement à l'autorisation, et donc à partir desquels s'applique l'obligation d'enquête publique, en s'alignant, pour les projets d'élevage - et non pas des activités agricoles dans leur ensemble -, sur les seuils de la directive EIE (évaluation des incidences sur l'environnement) et non plus sur ceux, plus bas, de la directive IED (directive sur les émissions industrielles).
III. La position de la commission - L'assouplissement et l'encadrement des procédures environnementales : une revendication des filières d'élevage intensif, qui craignent que la ferme France ne se donne plus les moyens de produire la viande que les Français consomment
La commission a suivi les auteurs et le rapporteur de la proposition de loi dans leur entreprise consistant à lever des contraintes s'appliquant aux projets agricoles, et en particulier d'élevage, dans l'optique de reconquérir de la souveraineté agricole et alimentaire et d'enrayer le phénomène de décapitalisation.
Elle a maintenu le principe, symbolique, d'un traitement particulier des exploitations agricoles en matière d'ICPE, sans lui donner pour autant de concrétisation à ce stade.
A. La « dé-surtransposition » de l'actuelle directive IED : un risque juridique que le rapporteur ne souhaite pas faire porter aux filières d'élevage
Si la « dé-surtransposition » initialement proposée dans le texte était adoptée, le seuil à partir duquel une autorisation serait nécessaire pourrait passer de la troisième à la quatrième colonne du graphique suivant.
Filière |
Production |
IED (seuil d'autorisation) |
EIE (seuil d'évaluation des incidences sur l'environnement) |
Volailles |
Poulets de chair |
> 40 000 emplacements |
> 85 000 places |
Poules pondeuses |
> 60 000 places |
||
Porc |
Porcs de production de plus de 30 kg) |
> 2 000 emplacements |
> 3 000 places |
Truies |
> 750 emplacements |
> 900 places |
Source : commission des affaires économiques
Ainsi, la hausse de ce seuil pourrait aller jusqu'à :
- + 50 % pour les poules pondeuses ;
- + 112,5 % pour les poulets de chair ;
- + 50 % pour les porcs de production de plus de 30 kg ;
- et + 20 % pour les truies.
Encore faudrait-il que le Gouvernement procède par décret en Conseil d'État (révisant le décret n° 53-578 du mai 1953, régulièrement modifié32(*)) à la modification des rubriques de la nomenclature ICPE - rubriques 2102 (porcs), 2111 (volailles, gibier à plumes) et 3660 (élevage intensif) - à l'annexe de l'article R. 511-9 du code de l'environnement, et au relèvement à proprement parler de ces seuils, qui figurent dans un tableau annexé à l'article R. 122-2 du même code.
Le Gouvernement a déjà prévu un relèvement des seuils à partir desquels s'applique une obligation d'évaluation environnementale, par un décret n° 2024-529 du 10 juin 2024 portant diverses dispositions relatives à l'évaluation environnementale des projets. Ce décret ne traite toutefois pas de la question de la soumission à l'autorisation environnementale.
À ce titre, il est relevé dans les conclusions de la consultation du public organisée sur ce décret, que, pour La Coopération agricole, « le décret n'entrainera pas de réelle simplification sur le terrain car les projets resteront soumis à une procédure d'autorisation environnementale avec enquête publique et étude d'incidence dans le cadre de la réglementation ICPE française ».
Pour autant, après échanges approfondis avec les ministères chargés de l'environnement et de l'agriculture, le rapporteur Pierre Cuypers a jugé bon de ne faire prendre aucun risque juridique aux filières d'élevage et, plus largement, au régime de l'enregistrement ICPE. Celui-ci apporte une souplesse bienvenue aux entreprises de nombreux secteurs, et sa conformité au droit de l'Union européenne a déjà quelquefois été questionnée.
La direction générale de la prévention des risques (DGPR), qui pilote cette politique, considère que la directive IED, dans sa forme actuelle, ne permet pas d'appliquer le régime de l'enregistrement (ou autorisation simplifiée) à des projets relevant du champ d'application de cette directive. Cette dernière prescrit en effet des mesures « adaptées » aux projets, tandis que le régime de l'enregistrement ne prévoit que des mesures « générales ».
La Fédération nationale des syndicats d'exploitants agricoles (FNSEA) ne partage toutefois pas cette analyse.
Analyse par la FNSEA de la conventionnalité
de l'alignement des seuils
de l'enregistrement ICPE sur les seuils IED pour
les élevages
Selon notre analyse, le régime de l'enregistrement est compatible avec la directive IED en prévoyant trois gages :
- L'intégration des MTD à l'arrêté de prescriptions générales pour les exploitations soumises à IED en enregistrement ;
- Que ces exploitations procèdent à la déclaration annuelle des émissions polluantes (Gerep) ;
- Que ces exploitations fassent l'objet d'un contrôle tous les 3 ans.
Cette analyse s'appuie sur les éléments suivants :
- Obligation de détention d'une autorisation d'exploiter : la directive IED, dans son article 4, exige que « Les États membres prennent les mesures nécessaires afin qu'aucune installation ou installation de combustion, installation d'incinération des déchets ou installation de coïncinération des déchets ne soit exploitée sans autorisation ». Par « autorisation », selon l'article 3 de la directive, on entend « une autorisation écrite d'exploiter tout ou partie d'une installation ». En ce sens, le régime d'enregistrement tel que défini à l'article L512-7 du code de l'environnement : « autorisation simplifiée, sous la dénomination d'enregistrement » constitue une autorisation d'exploiter. Un arrêté d'enregistrement est pris par le préfet (article L512-7-3 du code de l'environnement).
- Consultation du public : la délivrance de l'arrêté préfectoral fait l'objet d'une consultation du public (article L512-7-1 du code de l'environnement) : « Le dossier de demande d'enregistrement est mis à disposition du public... qui est informé des modalités selon lesquelles sont possibles la consultation du dossier et l'émission, en temps utile, d'observations ».
- Prescriptions générales applicables aux exploitations : concernant les prescriptions applicables aux exploitations, la directive IED indique, en son article 6, que les États membres peuvent prévoir, dans des prescriptions générales contraignantes, des exigences applicables à certaines catégories d'installations. En cas d'adoption de prescriptions générales contraignantes, l'autorisation peut simplement faire référence à ces prescriptions. C'est ici précisément le cas de l'enregistrement français dans le cadre de l'arrêté de prescriptions générales.
- Prescriptions spécifiques le cas échéant : dans son article 11, la directive IED prévoit que les États membres prennent les dispositions nécessaires pour que l'installation soit exploitée en prenant en compte toutes les mesures de prévention appropriées prises contre la pollution ainsi que les MTD. Cela est possible dans le cadre de l'arrêté de prescriptions générales pour les MTD et dans le cadre de l'arrêté préfectoral d'enregistrement pour toute autre mesure. En effet, l'article L512-7-3 du code de l'environnement prévoit que « le préfet peut assortir l'enregistrement de prescriptions particulières complétant ou renforçant les prescriptions générales applicables à l'installation ». Par ailleurs, « ces prescriptions particulières peuvent aussi inclure des aménagements aux prescriptions générales justifiés par les circonstances locales ».
- Intégration des MTD et des valeurs limites d'émissions : nous proposons de modifier l'arrêté de prescriptions générales en enregistrement en repartant de la rédaction existante du chapitre VIII « Installations classées au titre de la rubrique 3660 » de l'arrêté du 27/12/2013 relatif aux prescriptions générales applicables aux installations relevant du régime de l'autorisation au titre des rubriques nos 2101, 2102, 2111 et 3660 de la nomenclature des installations classées pour la protection de l'environnement. L'article 41 de cet arrêté prévoit notamment que l'exploitant d'une installation autorisée après la parution des conclusions MTD mette en oeuvre les meilleures techniques disponibles en choisissant, précisant et justifiant celles qu'il met en oeuvre et que l'installation respecte les niveaux d'émission.
Ainsi, en incluant les trois gages évoqués précédemment, le régime enregistrement modifié satisfait à la directive IED, notamment son article 14 sur les conditions d'autorisation.
Source : contribution écrite de la FNSEA
Si la directive IED ne prescrit pas nécessairement d'assujettir tous lesdits projets au régime de l'autorisation, elle ne semble pas permettre, en l'état, de les soumettre à enregistrement.
Il se trouve cependant que la directive IED a été révisée en avril 2024, consacrant l'existence en droit européen dudit régime d'enregistrement et son application à l'élevage - hormis pour l'élevage dit « intensif » au sens de la directive EIE.
Afin de tirer parti de cette nouvelle possibilité sans faire courir aucun risque au régime de l'enregistrement par excès d'impatience, le rapporteur a proposé par un amendement COM-32 de prévoir une transposition de la nouvelle directive prenant effet dès lors que le règlement d'exécution relatif à cette question aura été adopté, au plus tard le 1er septembre 2026. Il s'agit d'une forme d'« antéposition » de la nouvelle directive qui donne gain de cause aux acteurs plaidant en ce sens.
B. Revenir sur l'obligation, résultant de la loi « Industrie verte », de tenir deux réunions publiques, en assouplissant la consultation du public pour tout projet soumis à autorisation environnementale
La Direction générale de la prévention des risques (DGPR), administration compétente en matière d'installations classées pour la protection de l'environnement (ICPE), a manifesté de façon constante son opposition à la définition de régimes sectoriels spécifiques :
- d'abord, parce que, s'agissant de la raison même de la politique publique de prévention des risques et du régime des ICPE, aucun élément ne viendrait justifier d'exceptions pour un secteur plutôt que pour un autre, le seul critère devant demeurer à son sens étant celui des incidences potentielles sur l'environnement - or, le secteur agricole représente depuis plusieurs années près de 10 % de l'accidentologie française des ICPE recensée, avec deux phénomènes récurrents : l'incendie et les rejets de matières dangereuses et/ou polluantes (effluents azotés, ammoniac, méthane...) ;
- ensuite parce que la DGPR exprime la crainte que le paysage juridique ne se complexifie davantage, du fait de la multiplication de procédures spécifiques à chaque secteur, se retournant paradoxalement contre les porteurs de projet des secteurs qui prétendent à l'établissement d'un régime dérogatoire : complexité accrue liée à la multiplication de régimes sectoriels ad hoc, manque de moyens financiers et humains pour que les inspecteurs de l'environnement réalisent correctement leurs missions, et donc risque d'effacement progressif de la logique d'accompagnement, au profit d'une approche plus répressive.
Afin de répondre à ces inquiétudes, le rapporteur Pierre Cuypers a présenté un amendement COM-30 visant à appliquer la souplesse demandée à tout projet soumis à autorisation environnementale - et non plus aux seuls élevages. Conçu en lien étroit avec le Gouvernement, cet amendement prévoit la possibilité de transformer les deux réunions publiques obligatoires en une simple permanence en mairie, sur simple demande du commissaire enquêteur, en lien avec le préfet compétent. Cette possibilité nouvelle est de nature à apaiser les débats pour les projets de moindre enjeu pour l'environnement, tout en permettant une consultation du public dans de bonnes conditions.
Faisant droit à une autre demande des professionnels de l'élevage, le rapporteur a fait adopter par la commission son amendement COM-31 afin d'encadrer la possibilité pour le préfet de basculer des projets de l'enregistrement à l'autorisation dans le cadre des ICPE.
La possibilité de « basculer au cas par cas » des projets d'une procédure d'enregistrement à une procédure d'autorisation est une exigence de la directive dite EIE (directive européenne concernant l'évaluation des incidences de certains projets publics et privés sur l'environnement). Cet amendement vise toutefois à encadrer les motifs sur lesquels le préfet peut procéder à ce basculement, sans revenir sur le principe même de cette possibilité. Afin de s'en tenir au strict minimum de ce qui est prescrit par la directive et d'éviter tout risque de « surtransposition », cet amendement prévoit de tenir davantage compte des informations fournies par le porteur de projet et de définir par la voie réglementaire, plutôt que dans la loi, les motifs sur lesquels le préfet peut décider d'opérer ledit basculement.
C. Veiller un encadrement équilibré de l'autorité environnementale afin de maintenir la fiabilité de ses avis
Le rapporteur n'a pas jugé utile de retenir un amendement, inspiré d'une proposition de La Coopération agricole, qui aurait rendu publiques les délibérations de l'autorité environnementale, l'équilibre de l'article 3 lui paraissant le bon. Il a notamment craint que l'effet d'autocensure qu'aurait pu induire une telle mesure sur la parole des membres de l'autorité environnementale ne comporte des effets contreproductifs sur la qualité des avis rendus, fragilisant in fine des projets ayant reçu un avis favorable, mais potentiellement fragiles juridiquement.
Cependant, les avis de l'autorité environnementale étant souvent mobilisés par les tiers à l'occasion de recours contre des projets de création ou d'extension d'élevage, le rapporteur juge que cela plaide pour renforcer les obligations de motivation qui leurs sont applicables, comme le fait le 1° de la présente proposition de loi. Il y voit, avec les auteurs de la proposition de loi, le moyen d'améliorer la transparence de ces décisions, afin d'en renforcer l'autorité, la fiabilité et, de ce fait, l'acceptabilité.
La DGPR a pointé, d'une part, le risque d'émergence d'un contentieux supplémentaire qui serait fondé sur le non-respect de cette formalité, et d'autre part le manque potentiel d'études académiques propres à la localité dans laquelle un projet d'élevage est envisagé. Le rapporteur précise que des études académiques générales peuvent être mobilisées pour des cas particuliers, le propre de conclusions scientifiques étant leur réplicabilité.
Le rapporteur appelle néanmoins à la vigilance quant au risque que les obligations nouvelles pesant sur l'autorité environnementale entraînent un allongement de ses délais d'instruction, en raison de l'insuffisante disponibilité d'études correspondant aux critères ici fixés, ce qui aurait un effet contraire à celui recherché. C'est pourquoi il a alerté notamment l'Institut national de recherche pour l'agriculture, l'alimentation et l'environnement (Inrae) sur la nécessité de mettre à disposition en nombre suffisant des études scientifiques pertinentes, actualisées, et tenant compte, autant que possible, des spécificités locales, au besoin sur une plateforme dédiée.
La commission a adopté l'article ainsi modifié.
Article 4
Procédure de réévaluation du calcul des
pertes de production
fondées sur des indices
Cet article vise, dans le cadre des contrats d'assurance récolte, à mettre en place une procédure permettant, le cas échéant, de réévaluer la perte moyenne d'une production sur une zone donnée, lorsque le calcul de cette perte est fondé sur des indices et dès lors qu'un nombre suffisant de réclamations est atteint au sein d'un département.
La rédaction proposée par les auteurs reprend celle issue des travaux du Sénat dans le cadre du projet de loi d'orientation relative à une meilleure diffusion de l'assurance récolte en agriculture et portant réforme des outils de gestion des risques climatiques en agriculture. Cette rédaction n'avait alors pas été retenue à l'issue des travaux de la CMP.
La commission, suivant l'avis de son rapporteur, a souhaité adopter sans modification cet article dans la mesure où, d'une part, sa rédaction correspond à la position portée par le Sénat dans le cadre des discussions autour du projet de loi d'orientation susmentionné et où, d'autre part, le ministère de l'agriculture a fait état au rapporteur de certaines difficultés dans la pleine mise en oeuvre de la loi.
Pragmatique, la commission a préféré poursuivre les échanges avec le ministère de l'agriculture en vue d'identifier les mesures les plus appropriées, le cas échéant de nature législative ou règlementaire, pour traiter efficacement la problématique bien réelle de la récurrence des dysfonctionnements dans l'évaluation par indice des pertes de production en prairie en cas d'aléa climatique.
La commission a adopté cet article sans modification.
I. La situation actuelle - Une vaste réforme de l'assurance récolte se mettant progressivement et difficilement en place
A. La réforme de l'assurance récolte
Dans un contexte d'augmentation des aléas climatiques ainsi que de leur intensité, la loi n° 2022-298 du 2 mars 2022 d'orientation relative à une meilleure diffusion de l'assurance récolte en agriculture et portant réforme des outils de gestion des risques climatiques en agriculture a mis en place un nouveau dispositif destiné à mieux protéger les agriculteurs et à encourager la souscription de contrats d'assurances multirisques (MRC).
Depuis 2023, le dispositif de couverture des risques se compose de trois étages :
1) une prise en charge des aléas courants par les agriculteurs ;
2) des aléas significatifs couverts, le cas échéant, par une assurance MRC subventionnée à hauteur de 70 % ;
3) des aléas exceptionnels pris en charge par la solidarité nationale à niveau différent selon que l'exploitant soit ou non assuré.
Source : Ministère de l'agriculture, de la souveraineté alimentaire et de la forêt
La loi fixe des objectifs ambitieux de surfaces agricoles couvertes par un contrat MRC, faisant le pari d'une meilleure adhésion des agriculteurs au dispositif en raison de la subvention de l'État portée au maximum permis par le droit européen, ce qui constitue par ailleurs une avancée majeure permise par le Sénat et son rapporteur Laurent Duplomb, en séance publique.
Pour 2023, l'augmentation des surfaces agricoles couvertes a été très encourageante, avec une moyenne de + 33,2 %. Il est à noter le passage d'un taux de couverture des prairies de 0,5 % à 9 %33(*).
Pour 2024, la presse spécialisée s'est fait l'écho de résultats plus mitigés34(*). Or, dans un contexte d'augmentation des aléas climatiques et de leur intensité, il semble nécessaire qu'un nombre suffisant d'agriculteurs souscrivent un contrat pour préserver le ratio sinistres / primes des assurances commercialisant ces produits, au risque d'un affaiblissement durable du système mis en place par la réforme.
Enfin, les discussions entre les entreprises distribuant des assurances MRC, dans le but de créer un pool de co-réassurance sous forme de groupement d'intérêt économique (GIE), semblent prendre un retard non négligeable avec un dispositif effectif, selon Allianz, en 2026 voire 202735(*). La création de ce groupement, prévu par les articles L. 442-1-1 et suivants du code des assurances, vise à permettre une mise en commun des données agricoles et une mutualisation des risques, de manière à maintenir les primes à un niveau acceptable pour les souscripteurs.
B. La problématique de l'évaluation des pertes en prairie
Les contrats MRC peuvent être par groupe de cultures ou à l'exploitation. Les groupes de cultures sont, en application de l'article D 361-43-1 du CRPM, les suivants :
1° Grandes cultures, dont cultures industrielles et semences de ces cultures ;
2° Légumes pour l'industrie et le marché frais et semences de ces cultures ;
3° Viticulture ;
4° Arboriculture et petits fruits ;
5° Prairies ;
6° Autres productions, dont plantes à parfum, aromatiques et médicinales, horticulture, pépinières, apiculture, aquaculture, héliciculture.
Le cas des prairies est particulier en raison des coûts importants qu'entraînerait une expertise systématique de terrain à la suite d'aléas climatiques. De plus, la production est essentiellement autoconsommée au fil de la saison, et les comparaisons historiques sont difficiles. C'est pourquoi il a été décidé de développer un indice de production des prairies (IPP), s'appuyant sur des images satellite chargées de déterminer le niveau du couvert.
Si la chambre haute n'a pas contesté l'évaluation des pertes par satellite, dès les débats parlementaires, le Sénat avait souligné, par la voix de son rapporteur, que « confier exclusivement l'évaluation des pertes à des satellites comme cela sera le cas dans certaines filières sans contestation possible n'est pas normal : je vous proposerai de prévoir le droit de solliciter, en cas de contestation de groupe dans un département, une contre-enquête de terrain pour vérifier le niveau estimé des pertes »36(*).
Le rapport Lecamp précité cite les paroles du ministre de l'agriculture, reçu en audition à l'Assemblée nationale : « sans système satellitaire, il ne peut y avoir de système assurantiel [...] ; pour crédibiliser les choses, nous allons déployer en 2024 un réseau de 350 fermes de référence qui permettront de confronter la perception sur le terrain avec les informations fournies par les satellites ; nous travaillons avec les assureurs pour que leurs indices individuels soient mesurés plusieurs fois dans l'année afin d'éviter les distorsions ».
En avril 2024, un observatoire national de la pousse de l'herbe (ONPH) a effectivement été déployé conjointement par Chambres d'agriculture France (CDAF) et l'Institut de l'élevage (Idele). Composé pour 2024 de 350 fermes de référence, le réseau est d'ores et déjà appelé à se densifier en 2025, pour permettre de corroborer les données produites par satellite et, le cas échéant, de les ajuster.
La confiance semble effectivement décroître chez certains éleveurs, le président de la fédération nationale bovine, cité par la presse spécialisée37(*) indiquant que « Chez les éleveurs, presque plus personne ne veut souscrire à l'assurance récolte, car le dispositif n'est pas adapté à notre secteur. Les satellites ne reconnaissent même pas la grêle ou les inondations dans les prairies ».
Si la version sénatoriale de la procédure de contre-expertise permettant de contester une évaluation de pertes fondée sur des indices n'avait pas été retenue en CMP, les deux assemblées étaient néanmoins tombées d'accord pour une procédure « a minima », qui semble montrer ses limites, même si le recul en la matière demeure faible et invite à une certaine prudence.
En effet, l'article L. 361-4-6 du CRPM dispose, en son III, qu'« un décret fixe les conditions d'application du présent article et les conditions dans lesquelles les évaluations des pertes de récoltes ou de cultures peuvent faire l'objet d'une demande de réévaluation par les exploitants, notamment en cas d'erreur manifeste relative à l'évaluation des pertes par un système indiciel. »
Le décret n° 2023-229 du 30 mars 2023 fixe ainsi la procédure de recours, codifiée au V de l'article D. 361-43-2 du CRPM. La procédure, très longue et fastidieuse, peut éventuellement aboutir - mais, en l'état de la rédaction, sans obligation - à une réévaluation des pertes en cas d'erreur manifeste dans le fonctionnement ou la mise en oeuvre opérationnelle de l'indice, et à condition qu'elle soit corrigible ou quantifiable.
Dans sa réponse au questionnaire du rapporteur, le ministère de l'agriculture indique que « pour la campagne 2023, le nombre de contestations émises s'agissant de l'évaluation des pertes de récolte sur les prairies s'est élevé à 275 pour les exploitants non assurés, et 80 pour des exploitants assurés. Ces contestations se sont concentrées pour l'essentiel dans les quatre zones géographiques suivantes : département des Pyrénées-Orientales, départements de la Haute-Corse et de la Corse-du-Sud, département de la Côte-d'Or et département de l'Hérault. Le processus de traitement de ces contestations dans le cadre de la procédure prévue par le décret n° 2022-229 du 30 mars 2023 est désormais dans sa dernière phase. Le comité d'analyse des indices a procédé à une première audition d'Airbus le 23 octobre 2024 et a sollicité des éléments complémentaires en vue de rendre en début d'année 2025 son analyse de l'absence d'erreur manifeste dans le fonctionnement ou la mise en oeuvre opérationnelle de l'indice.
« Un bilan et retour d'expérience sera réalisé à l'issue de la mise en oeuvre complète de la procédure afin d'en apprécier les résultats et identifier les meilleures voies d'amélioration. À court terme, la préoccupation reste toutefois de la faire parvenir à son terme et voir quelles sont les conclusions techniques des analyses engagées ».
Enfin, le ministère a indiqué au rapporteur que la campagne 2027 verrait le déploiement d'indices à haute résolution, permettant de mieux prendre en compte les aléas climatiques liés à l'eau.
En tout état de cause, au regard des retours d'expérience des éleveurs, des marges de progrès à ce système indiciel encore jeune existent.
II. Le dispositif envisagé - L'introduction de modalités de recours effectives en cas de contestations de l'évaluation des pertes en prairie
Le dispositif proposé à l'article reprend la rédaction issue des travaux du Sénat relatif à la loi « assurance récolte », non conservée à l'issue de la CMP.
Le I de l'article complète le II du L. 361-4-6 du CRPM par trois phrases disposant que « Dès lors qu'un nombre suffisant de réclamations, précisé par arrêté préfectoral, est atteint au sein du département, le comité départemental d'expertise peut lancer une enquête de terrain en vue d'évaluer une perte moyenne de production sur une zone donnée. Au terme de cette dernière, le même comité, s'appuyant sur l'expertise de la chambre départementale d'agriculture, propose une rectification, le cas échéant, des évaluations des pertes de récolte ou de culture. L'organisme chargé de verser l'indemnisation fournit une réponse écrite dans un délai d'un mois à compter de la réception des préconisations du comité départemental d'expertise. ».
Ce même I réécrit largement le III de l'article L. 361-4-6 susmentionné en modifiant la finalité du décret prévu par ce même III : d'une vocation à prévoir des modalités de réévaluation des évaluations de pertes fondées sur un système indiciel, il prévoit désormais les modalités permettant l'effectivité des voies de recours inscrites directement dans la loi.
Enfin, le II de l'article 4 permet une entrée en vigueur différée de l'article, fixée au 1er juin 2025, pour permettre la détermination des modalités de la nouvelle procédure ainsi créée. La modification du décret n° 2023-229 du 30 mars 2023, précédemment mentionné, est en effet indispensable.
III. La position de la commission - Maintenir la disposition en l'état et poursuivre les échanges avec le ministère de l'agriculture
Dans sa réponse au questionnaire, le ministère de l'agriculture indique que « le recours à un indice correspond à la seule façon de mesurer la production annuelle des prairies de façon à la fois simple et stable dans le temps ». Selon le ministère, sans système indiciel, les entreprises d'assurance ne pourraient pas tarifer et proposer des contrats d'assurance en prairie. Le rapporteur a ainsi invité la commission à poursuivre les discussions avec le ministère, mais aussi avec les éleveurs, considérant qu'une suppression pure et simple de l'article n'était pas envisageable au regard des problématiques de terrain qui lui ont été remontées en matière de détermination des pertes de récolte par indice ; mais considérant également que la sensibilité et la complexité du sujet plaidaient, au stade de la commission, pour la prudence.
Suivant la recommandation de son rapporteur, la commission a adopté l'article non modifié et poursuit ses échanges avec les acteurs concernés par la question.
La commission a adopté l'article sans modification.
TITRE
III
FACILITER LA CONCILIATION
ENTRE LES BESOINS EN EAU DES
ACTIVITÉS AGRICOLES
ET LA NÉCESSAIRE PROTECTION DE LA
RESSOURCE
Article 5
Respect d'un principe de non-régression du potentiel
agricole par la politique de l'eau, reconnaissance de l'intérêt
général majeur s'attachant aux prélèvements et
ouvrages de stockage d'eau, prise en compte des intérêts agricoles
par les documents de planification de la politique de l'eau et
définition des zones humides
Cet article vise premièrement à inclure le respect d'un principe de non-régression du potentiel agricole par la politique de gestion équilibrée et durable de l'eau prévue dans le code de l'environnement.
Il vise, deuxièmement, à reconnaître d'intérêt général majeur les projets destinés au stockage de l'eau et aux prélèvements nécessaires au remplissage des plans d'eau, permanents ou non, si ceux-ci répondent à un usage partagé.
Troisièmement, il rehausse la place de l'usage agricole de l'eau dans la hiérarchie des usages figurant dans le code de l'environnement.
Quatrièmement, il veille à une meilleure prise en compte, au sein des schémas directeurs d'aménagement et de gestion des eaux (Sdage) et des schémas d'aménagement des eaux (Sage), des intérêts agricoles.
Cinquièmement, il propose de revenir à la définition de la zone humide qui prévalait jusqu'en 2019, éclairée par le Conseil d'État dans une décision du 22 février 2017, à savoir la présence cumulée d'un terrain hydromorphe et d'une végétation hydrophile.
Sixièmement, il modifie le poids des collèges des représentants des usagers économiques et des usagers non économiques, au bénéfice des premiers.
La commission a adopté un amendement COM-34 de son rapporteur visant à rationaliser la rédaction de l'article, dans ses parties relatives à l'intérêt général majeur s'attachant aux prélèvements et au stockage de l'eau, de même qu'en inscrivant cet intérêt général majeur dans le respect de la directive-cadre sur l'eau du 23 octobre 2020. Elle a également adopté un amendement COM-12 de Vincent Louault et plusieurs de ses collègues, de portée rédactionnelle.
I. La situation actuelle - Un corpus juridique complet destiné à la gestion et à la protection des masses d'eau et prenant peu en compte les réalités agricoles
A. Le cadre de la protection de la ressource en eau
La protection des masses d'eau trouve une de ses sources principales dans la directive 2000/60/CE du Parlement européen et du Conseil du 23 octobre 2000 établissant un cadre pour une politique communautaire dans le domaine de l'eau (DCE).
Cette directive est inspirée de l'organisation et de la gestion décentralisée de l'eau mise en place en France de longue date. Elle a réciproquement conduit à des évolutions importantes du droit français, notamment avec la loi n° 2004-338 du 21 avril 2004 portant transposition de la directive 2000/60/CE du Parlement européen et du Conseil du 23 octobre 2000 établissant un cadre pour une politique communautaire dans le domaine de l'eau, et qui a fait du Sdage l'élément central de la gestion de l'eau.
Les Sdage et les Sage, abordés plus bas, visent à la mise en oeuvre des objectifs de cette directive et notamment, pour le Sdage, conformément au V de l'article L. 212-2 :
« 1° Pour les eaux de surface, à l'exception des masses d'eau artificielles ou fortement modifiées par les activités humaines, à un bon état écologique et chimique ;
2° Pour les masses d'eau de surface artificielles ou fortement modifiées par les activités humaines, à un bon potentiel écologique et à un bon état chimique ;
3° Pour les masses d'eau souterraines, à un bon état chimique et à un équilibre entre les prélèvements et la capacité de renouvellement de chacune d'entre elles ;
4° À la prévention de la détérioration de la qualité des eaux ».
Ces objectifs correspondent aux objectifs fixés notamment à l'article 4 de la DCE. Ce même article 4 détermine également le contour relatif à un intérêt général majeur pouvant justifier la non-atteinte des objectifs de la directive.
B. Le rôle des Sdage et des Sage
Dans chaque bassin ou groupement de bassins, un comité de bassin est constitué, en application de l'article L. 213-8 du code de l'environnement :
« 1° Pour 40 %, d'un premier collège composé d'un député et d'un sénateur ainsi que, pour chacun d'eux, un suppléant ayant la même qualité de député ou de sénateur, de représentants des conseils départementaux et régionaux et, majoritairement, de représentants des communes ou de groupements de collectivités territoriales compétents dans le domaine de l'eau ;
2° Pour 20 %, d'un deuxième collège composé de représentants des usagers non économiques de l'eau, des milieux aquatiques, des milieux marins et de la biodiversité, des associations agréées de protection de l'environnement et de défense des consommateurs et des instances représentatives de la pêche ainsi que de personnalités qualifiées ;
2bis° Pour 20 %, d'un troisième collège composé de représentants des usagers économiques de l'eau, des milieux aquatiques, des milieux marins et de la biodiversité ainsi que des organisations professionnelles ;
3° Pour 20 %, d'un quatrième collège composé de représentants de l'État ou de ses établissements publics concernés. »
Le comité de bassin assure la gouvernance et définit les orientations des agences de l'eau, qui sont les établissements publics administratifs mettant en oeuvre les Sdage mentionnés à l'article L. 212-1. En Hexagone, on compte six bassins versants, donc six agences de l'eau et six comités de bassin.
En application de l'article L. 212-2, le comité de bassin élabore et met à jour le Sdage, ce qui constitue une mission centrale au regard de la complexité et de l'importance de ce document, qui peut mettre près de 10 ans à être élaboré.
Le schéma directeur d'aménagement et de gestion des eaux (Sdage)
Prévu aux articles L. 212-1 et suivants du code de l'environnement, le Sdage est un document de planification, établi pour une période de 6 ans, qui définit :
- les grandes orientations pour garantir une gestion visant à assurer la préservation des milieux aquatiques et la satisfaction des différents usagers de l'eau ;
- les objectifs de qualité à atteindre pour chaque cours d'eau, chaque plan d'eau, chaque estuaire et chaque secteur du littoral, ainsi que les objectifs de qualité et de quantité pour chaque nappe souterraine ;
- les dispositions nécessaires pour prévenir toute détérioration et assurer l'amélioration de l'état des eaux et des milieux aquatiques.
Un programme de mesures (PDM) accompagne le Sdage. Il regroupe des actions techniques, réglementaires et organisationnelles à mettre en oeuvre pour atteindre les objectifs du Sdage. Il évalue par ailleurs le coût de ces actions.
Le Sdage est élaboré par le comité de bassin, après un état des lieux de la ressource en eau du bassin, l'identification des principaux enjeux propres au bassin et une évaluation des actions déjà menées.
Le PDM est établi par le préfet coordonnateur de bassin qui s'appuie sur les services déconcentrés de l'État et les établissements publics.
Ces documents sont préparés en concertation avec les acteurs de l'eau, mis à disposition du public pour recueillir ses observations (pendant une durée minimale de six mois) et soumis à l'avis des partenaires institutionnels dans le cadre d'une consultation. Ils sont ensuite formellement approuvés par le Préfet coordonnateur de bassin.
Source : rapport d'information du
11 juillet 2023 fait au nom de la mission d'information
sur la
« Gestion durable de l'eau : l'urgence d'agir pour nos usages,
nos territoires et notre environnement »
Le Sdage a une portée juridique réelle dans la mesure où le XI de l'article L. 212-1 dispose que « Les programmes et les décisions administratives dans le domaine de l'eau doivent être compatibles ou rendus compatibles avec les dispositions des schémas directeurs d'aménagement et de gestion des eaux ». Aussi, des décisions administratives n'étant pas jugées compatibles avec les dispositions d'un Sdage, ou d'un Sage sont susceptibles d'être annulées par le juge administratif. Ainsi, de nombreuses annulations d'autorisation de prélèvements d'eau ont pour fondement une non-compatibilité avec les dispositions d'un Sage38(*).
Aussi, il paraît dès lors important que les dispositions législatives relatives à ces documents structurants veillent à prendre en compte les nécessités agricoles, et singulièrement les besoins en eaux de la profession. Or, la dimension économique paraît peu prise en compte, et a fortiori la dimension agricole. On notera cependant une référence, au 1° du II de l'article L. 212-1, à une analyse économique, par le comité de bassin, des utilisations de l'eau.
À noter que les Sage, prévus à l'article L. 212-3 et généralement élaborés par des commissions locales de l'eau (CLE), doivent également être compatibles avec les Sdage, dont ils sont censés être la déclinaison locale. Aucune référence aux enjeux agricoles n'est à relever dans les dispositions législatives relatives aux Sage, alors même que ces documents orientent fortement les politiques locales en matière de ressource en eau. L'enjeu économique est mentionné au 2° du I de l'article L. 212-5-1, relatif au plan d'aménagement et de gestion durable de la ressource en eau et des milieux aquatiques (PADG), pour simplement indiquer que le plan peut « établir un inventaire des ouvrages hydrauliques susceptibles de perturber de façon notable les milieux aquatiques et prévoir des actions permettant d'améliorer le transport des sédiments et de réduire l'envasement des cours d'eau et des canaux, en tenant compte des usages économiques de ces ouvrages ». Et cela alors même que le PADG est régulièrement invoqué pour annuler des décisions administratives en matière agricole.
C. La décision du Conseil d'État relative à la définition de la zone humide
La définition de la zone humide remonte à la loi n° 92-3 du 3 janvier 1992 sur l'eau et son article 2, codifié à l'article L. 211-1 du code de l'environnement par l'ordonnance n° 2000-914 du 18 septembre 2000 relative à la partie législative du code de l'environnement.
Jusqu'en 2019, la définition de la zone humide était la suivante : « on entend par zone humide les terrains, exploités ou non, habituellement inondés ou gorgés d'eau douce, salée ou saumâtre de façon permanente ou temporaire ; la végétation, quand elle existe, y est dominée par des plantes hygrophiles pendant au moins une partie de l'année ».
La pratique administrative avait toujours considéré les deux critères figurant dans la définition comme des critères alternatifs. Or, par un arrêt du 22 février 2017, le Conseil d'État a considéré qu'« Il ressort de ces dispositions [de l'article L. 211-1], éclairées par les travaux préparatoires de la loi sur l'eau du 3 janvier 1992 dont elles sont issues, qu'une zone humide ne peut être caractérisée, lorsque de la végétation y existe, que par la présence simultanée de sols habituellement inondés ou gorgés d'eau et, pendant au moins une partie de l'année, de plantes hygrophiles ». Le Conseil d'État tranche donc en faveur d'un caractère cumulatif du sol et des plantes, au regard des travaux préparatoires de la loi sur l'eau de 1992.
Pour revenir à une appréciation de la zone humide à l'aune de deux critères alternatifs, l'article 23 de la loi n° 2019-773 du 24 juillet 2019 portant création de l'Office français de la biodiversité, modifiant les missions des fédérations des chasseurs et renforçant la police de l'environnement remplace le signe « ; » par les mots « ou dont ». La définition redevient donc conforme à la pratique administrative.
Il est à noter que la mise en oeuvre de critères cumulatifs n'est pas de nature à entraîner l'effondrement des protections entourant certaines zones sensibles. Ainsi, comme le souligne une note technique du 26 juin 2017 du ministère de la transition écologique : « Il convient de souligner que la notion de « marais » est distincte de la notion de « zones humides », pour ce qui est de l'application de la rubrique 3.3.1.0 de la nomenclature IOTA. En effet, la jurisprudence administrative comme judiciaire a précisé que, dans l'hypothèse où les critères sols et végétation constitutifs d'une « zone humide » n'étaient pas remplis, un projet devait néanmoins être assujetti à la police de l'eau lorsque le terrain pouvait être qualifié de « marais » (à démontrer au regard de la localisation en zone de marais, de l'intégration de la parcelle dans un espace protégé portant le mot « marais », etc.) ».
De même, la classification en zone humide au titre du code de l'urbanisme ne repose pas sur la définition figurant à l'article L. 211-1 du code de l'environnement.
Enfin, la note susmentionnée rappelle que le caractère cumulatif des critères botanique et pédologique s'entend en présence d'une végétation spontanée. En l'absence de végétation, une zone humide demeure caractérisée par le seul critère pédologique.
II. Le dispositif envisagé - Un rehaussement global des intérêts agricoles dans les dispositions législatives relatives à la gestion de l'eau
Premièrement, le dispositif proposé modifie l'article L. 211-1 du code de l'environnement pour disposer que l'objectif de gestion équilibrée et durable de la ressource en eau doit respecter le principe de non-régression du potentiel agricole. Cette notion est inspirée de l'amendement COM-343 des rapporteurs du projet de loi d'orientation pour la souveraineté alimentaire et agricole et le renouvellement des générations en agriculture. Ce principe est également inséré à l'article L. 212-1 du même code relatif aux Sdage, pour disposer que les mesures prises pour contribuer à assurer l'équilibre quantitatif de la ressource sont compatibles avec celui-ci.
Deuxièmement, l'article 5 complète le 5° bis du I de l'article L. 211-1 du code de l'environnement pour disposer que la promotion d'une politique active de stockage de l'eau « présente un intérêt général majeur ».
Après le VII de l'article L. 212-2, portant sur les dérogations possibles au respect des objectifs de bon état des masses d'eau, l'article 5 dispose que pour son application, « les projets destinés au stockage de l'eau et aux prélèvements nécessaires au remplissage des plans d'eau, permanents ou non, qui répondent à un usage partagé mentionné au 5° bis du I de l'article L. 211-1, sont réputés d'intérêt général majeur. »
Troisièmement, l'article 5 modifie le II de l'article L. 121-1 relatif à la hiérarchie des usages de l'eau, pour disposer que la gestion équilibrée de l'eau doit « permettre de satisfaire les exigences du maintien et du développement des activités agricoles et piscicoles, pour lesquelles les ouvrages ayant vocation à stocker l'eau présentent un caractère d'intérêt général majeur ». Ainsi, l'usage agricole de l'eau se trouve rehaussé, puisque figurant en deuxième position, fort logiquement après les usages destinés à satisfaire les exigences de la santé, de la salubrité publique, de la sécurité civile et de l'alimentation en eau potable de la population, qui demeurent en première position.
Quatrièmement, la rédaction proposée vise à ce que les Sdage et les Sage prennent davantage en compte les intérêts agricoles notamment en faisant référence au principe de non-régression du potentiel agricole, comme évoqué plus haut, mais surtout en complétant le XI de l'article L. 212-1, qui dispose d'ores et déjà que « les programmes et les décisions administratives dans le domaine de l'eau doivent être compatibles ou rendus compatibles avec les dispositions des schémas directeurs d'aménagement et de gestion des eaux ». L'article complète cette obligation de comptabilité par une phrase disposant qu'« Ils prennent particulièrement en compte et évaluent, dans leur phase d'élaboration ou d'instruction, les impacts attendus sur l'économie agricole, et s'assurent du respect des dispositions figurant notamment au premier alinéa et au 5 bis du I de l'article L. 211 1, au 3° du II et au VII du présent article », ces dispositions renvoyant au respect du principe de non-régression du potentiel agricole ainsi que de l'intérêt général majeur s'attachant aux prélèvements et au stockage de l'eau.
Une même obligation, accompagnée des mêmes renvois, est insérée concernant les Sage et leurs procédures d'élaboration, aux articles L. 212-5-1 et L. 212-6. Plus précisément, au 1° du II de l'article L. 212-5-1, la possibilité pour le règlement du Sage de définir des priorités d'usage de la ressource en eau ainsi que la répartition de volumes globaux de prélèvement par usage, doit s'effectuer « dans le respect des dispositions relatives à la protection du potentiel agricole, figurant notamment au premier alinéa et au 5 bis du I de l'article L. 211 1, au 3° du II et au VII de l'article L. 212 1 ». Au L. 212-6, la modification dispose que le projet de Sage est approuvé par le représentant de l'État dans le département, « qui s'assure notamment du respect du principe de non-régression du potentiel agricole, tel que découlant notamment du premier alinéa et du 5 bis du I de l'article L. 211 1, du 3° du II et du VII de l'article L. 212 1 ».
Cinquièmement, l'article 5 modifie la définition de la zone humide figurant au 1° du I de l'article L. 211-1, pour revenir à la définition qui prévalait jusqu'en 2019. Pour cela, il remplace les mots « ou dont » par le signe « ; », pour permettre le retour à des critères cumulatifs plutôt qu'à des critères alternatifs.
Enfin, sixièmement, il modifie les 2° et 2°bis de l'article L. 213-8 relatif aux comités de bassin. Le collège des représentants des usagers non économiques de l'eau passe ainsi de 20 à 10 %, quand celui des usagers économiques de l'eau passe de 20 à 30 %.
III. La position de la commission - Sécuriser juridiquement l'article tout en laissant le débat avoir lieu en séance publique
À l'initiative de son rapporteur, la commission des affaires économiques a adopté un amendement COM-34 visant à rationaliser la rédaction de l'article, dans ses parties relatives à l'intérêt général majeur s'attachant aux prélèvements et au stockage de l'eau. Cet amendement supprime les occurrences de l'intérêt général majeur qui avaient été insérées à divers endroits du code, pour créer un article L. 211-2-1 disposant, que « pour l'application du présent titre, et notamment du VII de l'article L. 212-1, et dans le respect des dispositions de l'article 4 de la directive 2000/60/CE du Parlement européen et du Conseil du 23 octobre 2000 établissant un cadre pour une politique communautaire dans le domaine de l'eau, les projets destinés au stockage de l'eau et aux prélèvements nécessaires au remplissage des plans d'eau, permanents ou non, qui répondent à un usage partagé au sens du 5° bis du I de l'article L. 211-1 sont réputés d'intérêt général majeur ». Ainsi, l'amendement consolide la rédaction en l'insérant dans un article dédié, mais il tend également à la sécuriser juridiquement en disposant que cet intérêt général majeur s'entend dans le respect de l'article 4 de la directive-cadre sur l'eau, ainsi qu'en reprenant de la rédaction initiale l'exigence d'un usage partagé figurant à l'article L. 211-1.
La commission a également adopté un amendement COM-12 de Vincent Louault et plusieurs de ses collègues, de portée rédactionnelle dans la mesure où il remplace le signe « ; », renvoyant, selon la jurisprudence du Conseil d'État au caractère cumulatif des deux conditions de sol et de végétation permettant de définir une zone humide, par les mots « et dont », confirmant de façon plus explicite ce même caractère cumulatif.
À l'invitation de son rapporteur, la commission n'a pas souhaité, à ce stade modifier davantage l'article 5, pour laisser place au débat dans l'hémicycle, mais aussi pour laisser au rapporteur le temps de poursuivre ses échanges avec les ministères de l'agriculture et de l'environnement sur la délicate question des usages agricoles de l'eau.
La commission a adopté l'article ainsi modifié.
TITRE IV
APAISER LES RELATIONS
ENTRE L'OFFICE FRANÇAIS DE
LA BIODIVERSITÉ
ET LES AGRICULTEURS
Article 6
Invitation à suivre une procédure
administrative plutôt que judiciaire en cas de primo-infraction
environnementale ou d'infraction causant un faible préjudice
environnemental
Cet article vise à compléter les missions du préfet en tant que délégué territorial de l'Office français de la biodiversité (OFB), en précisant qu'en cas de primo-infraction ou d'infraction ayant causé un faible préjudice environnemental, il invite l'Office à privilégier la procédure administrative.
À la suite des auditions et travaux menés par le rapporteur, la commission a adopté son amendement COM-35 visant à réécrire l'article dans l'objectif d'inscrire dans la loi l'existence de la mission interservices agricole (Misa), dont l'objectif est la mise en oeuvre du contrôle administratif annuel unique. L'amendement ainsi adopté préserve et renforce la volonté initiale des auteurs de la proposition de loi, et mentionne explicitement que dans le cadre de la Misa, la remise en état est privilégiée aux autres sanctions.
La commission a également adopté un sous-amendement de Laurent Duplomb, visant à organiser la transmission des procès-verbaux des inspecteurs de l'environnement à leur autorité hiérarchique, permettant la pleine information de cette dernière des réalités du terrain.
La commission a adopté l'article 6 ainsi modifié.
I. La situation actuelle - La recherche d'une relation plus apaisée entre la profession agricole et les agents de l'OFB
A. L'OFB, un établissement public jeune aux missions larges
L'OFB est un établissement public institué par la loi n° 2019-773 du 24 juillet 2019 portant création de l'Office français de la biodiversité, modifiant les missions des fédérations des chasseurs et renforçant la police de l'environnement. Il résulte de la fusion de l'Office national de la chasse et de la faune sauvage (ONCFS) et de l'Agence française pour la biodiversité (AFB). Il est placé sous tutelle conjointe des ministères chargés de l'environnement et de l'agriculture39(*).
Doté de quelque 3 000 agents (dont 1 700 inspecteurs de l'environnement) répartis en 270 implantations territoriales, et d'un budget pour 2024 de 659 millions d'euros (M€), reposant sur une contribution des agences de l'eau (environ 400M€) ainsi que sur des crédits budgétaires, l'agence dispose d'une force de frappe non négligeable, et a su rapidement être identifiée par les acteurs des territoires, comme le souligne le rapport d'information n° 777 du 25 septembre 2024 de M. Jean Bacci.
Aux termes de l'article L. 131-9 du code de l'environnement, l'OFB assure six missions :
1) des missions de police administrative et de police judiciaire relatives à l'eau, aux espaces naturels, aux espèces, à la chasse et à la pêche, ainsi que de police sanitaire en lien avec la faune sauvage ;
2) une mission de développement de la connaissance, de la recherche et de l'expertise sur les espèces et les milieux ;
3) une mission d'expertise et d'assistance en matière d'évaluation de l'état de la faune sauvage et de la gestion adaptative de certaines espèces ;
4) une mission d'appui à la conception, à la mise en oeuvre et à l'évaluation des politiques de l'eau et de la biodiversité, notamment à l'échelon territorial ;
5) une mission de gestion, restauration et appui à la gestion d'espaces naturels ;
6) une mission de communication et de sensibilisation du public.
Le site internet de l'Office indique que chaque année, environ 20 000 contrôles sont effectués40(*) portant principalement sur :
- la police de la chasse (31 %)41(*) ;
- la préservation des milieux aquatiques (16 %) ;
- la qualité de l'eau (16 %) ;
Ces contrôles ciblent différentes catégories d'usagers :
- les particuliers (44 %) ;
- les agriculteurs (19 %) ;
- les collectivités (10 %) ;
- les entreprises (11 %) ;
- les propriétaires et multi-usagers (6 %).
Toujours selon le site internet de l'OFB, 40,5 % des contrôles étaient, en 2021, programmés, 22,3 % étaient réalisés à la suite d'un signalement et 34,4 % résultaient d'une constatation en flagrance42(*).
Les contrôles effectués par les agents de l'OFB43(*) s'inscrivent dans un cadre définissant des priorités d'actions et visant à assurer une certaine cohérence à l'échelle d'un territoire. Tout d'abord, l'action de l'Office s'inscrit dans le cadre d'un contrat d'objectifs et de performance (COP) établi avec ses ministères de tutelle. Le COP 2021-2025 fixe six objectifs principaux44(*) à l'activité de police de l'environnement de l'OFB.
Ensuite, le préfet, délégué territorial de l'OFB, assure « la cohérence de l'exercice des missions de police administrative de l'eau et de l'environnement de l'office dans les territoires relevant de son ressort avec les actions des autres services et établissements publics de l'État »45(*). Le préfet exerce cette mission dans le cadre de la mission inter-services de l'eau et de la nature (Misen)46(*), qu'il préside, et qui vise à assurer une cohérence de l'action de l'État et de ses administrations déconcentrées, à l'échelle du département. De plus, le comité opérationnel de lutte contre la délinquance environnementale (Colden), présidé par le procureur de la République territorialement compétent, vise à coordonner, toujours au niveau départemental, les activités de lutte contre les atteintes à l'environnement. Ces deux instances se réunissent annuellement, notamment pour valider un plan de contrôle inter-services de la police de l'eau et de la nature.
B. Des missions de police de l'environnement parfois sources d'incompréhension voire de frustration
La crise agricole de l'hiver 2024 a mis en lumière un profond mal-être du monde agricole, trouvant sa source dans une diversité de problématiques ayant trait aux normes, à la question du revenu, du commerce international ou encore de la pression sociétale s'exerçant sur leurs activités. À cette occasion, l'OFB a pu être pointé du doigt, voire même, dans certains territoires, subir des dégradations de ses bâtiments. Les manifestations de novembre 2024 dans le cadre de la mobilisation contre l'accord commercial avec le Mercosur et, plus généralement, en faveur de réformes normatives, ont vu de nouveau la colère d'une partie du monde agricole s'exprimer à l'encontre de l'Office, allant même jusqu'au saccage des locaux de Guéret dans la Creuse47(*).
Il est manifeste qu'un profond malaise s'est installé entre le monde agricole et l'Office français de la biodiversité, comme le souligne le rapport de Jean Bacci susmentionné. Ce rapport dresse le constat d'un office dont les agents exercent globalement leurs missions avec discernement et professionnalisme. Cependant, il estime « qu'une clarification de la posture des inspecteurs de l'environnement ainsi que le développement d'une méthodologie concrète d'intervention des agents sur le terrain gagneraient à être formalisés, afin de réduire la variabilité des comportements et des postures des agents contrôleurs, donnant parfois prise à des critiques de partialité, de militantisme, voire de dogmatisme. Lors des auditions qu'elle a menées, la mission d'information a été interpellée à plusieurs reprises sur l'inégale uniformité des interventions des inspecteurs de l'OFB. Ces ressentis, qu'ils soient fondés ou extrapolés, doivent être mieux pris en compte et traités par l'établissement, car ils peuvent saper la crédibilité et la légitimité de son action sur le terrain »48(*).
Outre un ressenti concernant la posture des agents, le monde agricole exprime aussi un ressenti vis-à-vis de procédures et, le cas échéant, de sanctions, qu'ils estiment parfois disproportionnées au regard de l'infraction commise, parfois inintentionnellement. C'est pour tenter d'apporter une première réponse à cette problématique que l'article 13 du projet de loi d'orientation pour la souveraineté alimentaire et agricole visait, imparfaitement49(*), à dépénaliser certaines infractions environnementales, pour privilégier une action administrative évitant notamment d'en passer par l'étape souvent traumatisante de la garde à vue.
Le traitement du contentieux de
l'environnement
par la justice pénale entre 2015 et
2019
Un document publié en avril 2021 par le ministère de la justice donne à voir quelques chiffres clefs du contentieux de l'environnement entre 2015 et 2019, qui ne représente que moins de 1 % de l'ensemble des affaires pénales avec auteur identifié sur la période.
Entre 2015 et 2019, les parquets ont traité 86 200 affaires avec auteur(s) relatives à des contentieux de pollution ou détérioration de l'environnement. Parmi les 103 500 auteurs impliqués dans ces affaires, 28 % se sont avérés non poursuivables et 92 % des auteurs poursuivables ont reçu une réponse pénale. Cette dernière consiste le plus souvent en une procédure alternative (62 %) sous la forme d'un rappel à la loi ou d'une régularisation sur demande du parquet. Les orientations en poursuites représentent 24 % de la réponse pénale, ce qui distingue ce contentieux des autres contentieux. 52 % des poursuites passent devant le tribunal de police et 47 % devant le tribunal correctionnel. Dans le cadre de l'ensemble des contentieux, les poursuites représentent plus de la moitié de la réponse pénale. Les poursuites en matière d'atteintes à l'environnement ont cependant connu une hausse de 14 % sur la période quinquennale.
Source : Service statistique ministériel de
la justice, n° 182, avril 2021,
« Le traitement du
contentieux de l'environnement par la justice pénale entre 2015 et
2019 »
Enfin, une circulaire de novembre 2024 met en place un engagement du Gouvernement à savoir un contrôle administratif annuel unique des exploitations agricoles, dans le cadre d'une nouvelle instance, la mission inter-services agricole (Misa). Le contrôle administratif annuel unique constitue une réponse efficace au sentiment d'incompréhension que ressentent certains agriculteurs vis-à-vis des contrôles des divers services de l'État. Sa mise en oeuvre repose sur trois conditions cumulatives :
- les contrôles réalisés dans un cadre administratif ;
- les contrôles pour lesquels un agent est physiquement présent sur le terrain ;
- les contrôles programmables.
Il est donc à noter que de nombreux contrôles sont exclus du champ du contrôle unique, à l'instar des contrôles PAC ou encore des procédures de flagrance.
La probable faiblesse du dispositif, fondé sur une circulaire, risque d'être son application variable dans les territoires. Le rapport Bacci faisait d'ailleurs état d'une inégale mise en oeuvre des Misen50(*), alors même que ces missions relèvent du décret.
II. Le dispositif envisagé - charger le représentant de l'État dans le département d'inviter l'Office à privilégier la procédure administrative en cas de primo-infraction
Le dispositif proposé complète le IV de l'article L. 131-9 du code de l'environnement par une phrase disposant que « dans ce cadre, en cas de primo-infraction ou d'infraction ayant causé un faible préjudice environnemental, il invite l'Office à privilégier la procédure administrative ».
En cela, l'article 6 entend compléter un dispositif créé à l'occasion de la loi n° 2022-217 du 21 février 2022 relative à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l'action publique locale (3DS). L'article 45 du projet de loi, devenu article 152, entendait faire du préfet le délégué territorial de l'Agence de l'environnement et de la maitrise de l'énergie (Ademe). Favorables à cette évolution, les rapporteurs de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable, Mathieu Darnaud et Françoise Gatel, ont, par un amendement COM-1084, étendu le dispositif proposé à l'OFB.
La rédaction proposée semble poser quelques difficultés dans la mesure où la notion de « faible préjudice environnemental » est sujet à interprétation. De même, l'on peut questionner l'invitation à privilégier la procédure administrative en cas de primo-infraction, sans considérer la nature de cette primo-infraction.
Néanmoins, la rédaction s'inscrit dans l'esprit du rapport Bacci, mettant l'accent sur la prévention plutôt que la répression, sur la sanction administrative et proportionnée plutôt que sur l'intervention immédiate du procureur. Elle se situe également dans le prolongement de l'article 13 du projet de loi d'orientation pour la souveraineté alimentaire et agricole, que les co-rapporteurs entendent considérablement renforcer en commission.
III. La position de la commission - Inscrire dans la loi le principe du contrôle unique et la priorité à la remise en état
La commission partage l'intention des auteurs à savoir ne pas basculer dans une logique du tout répressif lorsque les infractions constatées sont mineures, et peuvent être sanctionnées de façon proportionnée.
À l'initiative de son rapporteur, la commission a adopté un amendement COM-35 visant à réécrire le dispositif envisagé. La rédaction proposée par le rapporteur vise à inscrire dans la loi l'existence des missions inter-services agricoles, récemment instituées par voie de circulaires. Au regard de l'enjeu de meilleure lisibilité des contrôles dont les agriculteurs font l'objet, et de meilleure organisation à l'échelle des territoires de ces contrôles, inscrire les Misa dans la loi, de même que leur objet, est de nature à renforcer le caractère obligatoire de leur mise en oeuvre.
La rédaction adoptée préserve en outre l'intention des auteurs, en ce qu'elle dispose que l'objet de la Misa, outre la mise en oeuvre du contrôle administratif annuel unique, est de privilégier la remise en état aux autres sanctions.
Enfin, la commission a adopté un sous-amendement à l'amendement du rapporteur, de Laurent Duplomb, co-auteur de la proposition de loi, visant à préciser que les inspecteurs de l'environnement communiquent à leur supérieur hiérarchique leur procès-verbal d'infraction, ce dernier assurant la transmission, après signature, au procureur de la République territorialement compétent. Cette précision permet un meilleur suivi des procès-verbaux à l'échelle du territoire ainsi qu'une meilleure remontée des problématiques rencontrées par les inspecteurs sur le terrain.
La commission a adopté l'article ainsi modifié.
EXAMEN EN COMMISSION
Réunie le mercredi 4 décembre 2024, la commission a examiné le rapport de M. Pierre Cuypers sur la proposition de loi visant à lever les contraintes à l'exercice du métier d'agriculteur.
Mme Dominique Estrosi Sassone, présidente. - Nous passons à l'examen du rapport de Pierre Cuypers sur la proposition de loi visant à lever les contraintes à l'exercice du métier d'agriculteur, présentée par nos collègues Laurent Duplomb et Franck Menonville.
M. Pierre Cuypers, rapporteur. - Dans les circonstances politiques que tout le monde connaît, notre réunion de commission montre, s'il en était besoin, que le Sénat est au travail pour traiter les urgences du pays et notamment la grave crise agricole que nous connaissons depuis trop longtemps.
Notre commission entame d'ailleurs une séquence agricole, puisque le texte sur la haie sera débattu juste après celui-ci ; l'examen en commission du projet de loi d'orientation pour la souveraineté alimentaire et agricole et le renouvellement des générations en agriculture (PLOA) est prévu la semaine prochaine, sans parler des textes débattus et adoptés par nos collègues députés ces derniers jours.
Avant d'aller plus avant dans la description du texte et des conclusions de mes travaux, dans un souci de transparence et en application de l'article 91 quater de notre Règlement, je souhaite porter à la connaissance de notre commission que je suis moi-même agriculteur, notamment producteur de betteraves et donc utilisateur, jusqu'à leur interdiction, de produits phytopharmaceutiques contenant des substances actives de la famille des néonicotinoïdes.
Comme l'ont indiqué les auteurs de cette proposition de loi, Laurent Duplomb et Franck Menonville, le texte dont nous nous apprêtons à discuter n'a pas vocation à régler toutes les problématiques agricoles, mais il s'inscrit dans une indispensable complémentarité au projet de loi d'orientation agricole déposé par le précédent gouvernement, et qui fait l'impasse sur un certain nombre de mesures certes clivantes, j'en ai conscience, mais que je considère, comme plus de la moitié des sénatrices et sénateurs signataires du texte, nécessaires.
Je ne m'attarderai pas sur la situation de notre belle agriculture française, forte de son histoire, de ses traditions et de ses territoires, mais, comme chacun le sait, mise à rude épreuve depuis des années par la concurrence souvent déloyale, le poids des charges, des injonctions contradictoires ou encore des surtranspositions.
C'est donc avec la conscience aiguë que notre agriculture se trouve à la croisée des chemins que j'ai conduit mes travaux, dans le court laps de temps - quinze jours - qui a séparé les premières auditions de notre présente réunion. Dans cet intervalle, je suis tout de même parvenu à mener plus de 13 heures d'auditions, m'ayant permis d'entendre de nombreuses parties prenantes agricoles, notamment les représentants des filières, les syndicats, les associations de protection de l'environnement ou encore les administrations concernées par ce texte.
Je vais maintenant vous présenter dans les grandes lignes les six articles de ce texte et l'analyse que j'en fais au stade de la commission. Je tiens à préciser « au stade de la commission », puisqu'il est évident que nous sommes en liaison constante avec le ministère de l'agriculture, et que nos discussions n'ont pas encore abouti sur un certain nombre de points. Mais j'ai bon espoir que nous parvenions à trouver, en vue de son examen en séance publique, certaines voies d'accord pour ajuster certaines dispositions que, volontairement, nous n'avons pas voulu modifier, et ce sans dénaturer l'ambition initiale du texte.
L'article 1er vise à revenir sur trois mesures qui avaient été adoptées dans la loi du 30 octobre 2018 pour l'équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous (Egalim), dans le but de réduire l'usage des produits phytopharmaceutiques en France. La première mesure interdisait les rabais, remises et ristournes, les « 3R », afin de ne pas inciter à leur surconsommation du fait d'opérations commerciales. La deuxième interdisait strictement le cumul des activités de conseil et de vente de ces produits pour éviter des conflits d'intérêts. Une troisième mesure rendait obligatoire d'en passer par deux « conseils stratégiques phytosanitaires » en cinq ans pour bénéficier du « certiphyto », agrément nécessaire à l'usage des produits phytopharmaceutiques.
La première mesure est peut-être la plus caricaturée. Je précise que ce n'est pas par plaisir que les agriculteurs achètent des produits phytosanitaires - et je tiens à ce terme, plutôt qu'au terme pesticide -, mais bien parce qu'ils en ont besoin. Bien sûr, chacun réagit au prix, et lorsque les prix sont plus bas, les ventes peuvent augmenter, pour refaire des stocks. Mais prétendre que les agriculteurs appliqueraient davantage ces produits, car on leur octroie une remise, serait faire insulte à leur intelligence. Chacun sait que ce ne sont pas des produits anodins pour la santé et l'environnement.
La deuxième mesure a fait l'objet de divers rapports, dont deux du député socialiste Dominique Potier, pointant son caractère contre-productif : elle a complètement asséché l'offre de conseil, les coopératives et les négociants ayant choisi la vente de produits phytosanitaires plutôt que le conseil. On sent que le Gouvernement est à la recherche de la bonne formule pour revenir sur sa réforme, tout en introduisant un garde-fou contre les conflits d'intérêts ; mais manifestement, il ne l'a pas encore trouvée. Nous serons attentifs à ses propositions d'ici à la séance, mais aussi exigeants pour ne pas remettre de frein inutile au conseil.
La troisième mesure, l'abandon du caractère obligatoire du conseil stratégique phytosanitaire, est une promesse du Gouvernement et ne pose donc pas de difficultés.
En gardant intactes les propositions initiales, la proposition que je vous ferai consiste à prévoir l'après-conseil stratégique phytosanitaire, en esquissant ce que pourrait être un conseil stratégique global, facultatif, replaçant la question de la réduction de l'usage des produits phytosanitaires dans un diagnostic d'ensemble de l'exploitation. Car il va de soi que nous ne pourrons pas nous contenter d'une suppression sèche, tant le besoin des agriculteurs en accompagnement, et en accompagnement de qualité, est important. C'est la condition pour que les agriculteurs, qui n'y seraient plus contraints, s'y engagent, mais j'y reviendrai.
L'article 2 contient trois mesures qui ne manqueront pas d'animer nos débats.
Premièrement, il prévoit que le ministre chargé de l'agriculture puisse suspendre une décision du directeur général de l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (Anses) après avoir effectué une balance des risques prenant notamment en compte une dimension économique. Cette mesure, qui vise à faire intervenir le politique dans la prise de décision, comme cela était le cas jusqu'en 2014, souffre toutefois d'une fragilité juridique, à savoir la référence à des intérêts économiques, exclue par le règlement européen en la matière. Je vous proposerai donc un amendement visant à sécuriser le dispositif, tout en respectant l'intention des auteurs du texte.
Je vous proposerai aussi d'inscrire dans la loi la possibilité pour l'Anses de traiter des dossiers par priorité. Je pense que cela est nécessaire au regard de la situation de plus en plus tendue de petites filières agricoles en matière de solutions disponibles pour protéger les cultures.
Deuxièmement, l'article 2 autorise, par dérogation, et sous des conditions très strictes, l'usage de drones pour la pulvérisation de produits phytopharmaceutiques. Je sais que cette question agite aussi nos collègues de l'Assemblée nationale, une proposition de loi sur ce sujet ayant été discutée avant-hier. Pour ma part, j'ai souhaité maintenir le dispositif en l'état, puisqu'il est tout à fait conforme au droit européen. Comme pour l'Anses, cette question avait déjà fait l'objet d'un vote de notre assemblée le 23 mai 2023, à l'occasion de l'examen de la proposition de loi pour un choc de compétitivité en faveur de la ferme France, présentée par les sénateurs Laurent Duplomb, Pierre Louault, Serge Mérillou et plusieurs de leurs collègues. Si l'on veut accroître la sécurité des applicateurs, tout en diminuant les quantités épandues, ce serait une erreur de nous priver des solutions technologiques, tout en gardant à l'esprit qu'il s'agit de dérogations particulièrement encadrées et non pas d'un retour de l'épandage par hélicoptère !
Troisièmement, l'article 2 abroge les dispositions issues de la loi du 8 août 2016 pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages, dite « Biodiversité », et de la loi Egalim visant à interdire l'usage de produits phytopharmaceutiques contenant une ou des substances actives de la famille des néonicotinoïdes ou ayant des modes d'action identiques. Là aussi, j'ai souhaité à ce stade du débat laisser la disposition en l'état, en ce qu'elle revient sur une surtransposition française du droit européen. Je dois dire que j'ai été marqué par la détresse de certaines personnes auditionnées ; je pense au représentant de la filière de la noisette, qui nous a décrit par le menu l'effondrement qu'est en train de vivre sa filière sous pression de deux ravageurs pour lesquels il n'existe pas d'alternative à l'usage de l'acétamipride. Je pourrais parler de la betterave, de la cerise, et de beaucoup d'autres filières. Cette situation ne peut plus durer. S'il est évident que nous devons encourager la recherche de solutions alternatives - c'est tout l'objet du plan d'action stratégique pour l'anticipation du potentiel retrait européen des substances actives et le développement de techniques alternatives pour la protection des cultures (Parsada) -, nous avons également le devoir d'apporter des réponses à l'urgence dans laquelle se trouvent certaines filières, sauf à nous satisfaire de les voir disparaître au profit de concurrents européens ou extra-européens utilisant ces produits et donc sans gain ni pour l'environnement ni pour la santé.
J'en viens à l'article 3, qui vise à revenir sur un effet de bord récent, issu de la loi du 23 octobre 2023 relative à l'industrie verte, et sur une potentielle surtransposition ancienne de la directive 2010/75/UE relative aux émissions industrielles, appelée « directive IED », qui assujettissent l'élevage à des procédures environnementales, dans le cadre du régime français des installations classées pour la protection de l'environnement (ICPE). Les filières animales les présentent comme des freins importants à leur développement et craignent que la ferme France ne se donne plus les moyens de produire la viande que les Français consomment. Le taux de couverture de la consommation nationale par la production nationale n'est que de 58 % en poulet, et le précédent ministre, Marc Fesneau, disait que, « sauf à manger moins de volaille, il faudrait 400 poulaillers supplémentaires en France » pour atteindre un taux de couverture de 100 %.
Dans sa version initiale, l'article 3 comportait plusieurs assouplissements des procédures environnementales concernant les plus grands élevages : les obligations renforcées de motivation des avis de l'autorité environnementale ; la suppression du caractère systématique des réunions publiques d'ouverture et de clôture pour les projets de création, d'extension ou de regroupement d'élevages soumis à autorisation environnementale ; la reconnaissance des principes de spécificité et d'adaptation des procédures ICPE pour les exploitations agricoles ; la modification des seuils en dessous desquels peut s'appliquer la procédure d'enregistrement - ou d'autorisation simplifiée -, en permettant notamment de les relever de 30 000 à 40 000 volailles, de 450 à 750 truies, de 400 à 800 bovins à l'engraissement et de 150 à 400 vaches laitières.
Sur cet article, nous avons travaillé en lien étroit avec les deux ministères concernés pour harmoniser et consolider juridiquement le dispositif.
Par un amendement que je soumets à votre appréciation, il ne sera plus obligatoire de réaliser systématiquement des réunions publiques d'ouverture et de clôture en cas d'autorisation environnementale, le commissaire enquêteur pouvant les remplacer par une simple permanence en mairie. Cet amendement vaut pour tout projet, pas uniquement d'élevage, le ministère de la transition écologique voyant dans l'unicité du régime des ICPE un gage de clarté et de simplicité pour les pétitionnaires.
Un autre amendement prévoit une entrée en vigueur différée pour la « dé-surtransposition » sur les seuils, car il apparaît que, en l'état actuel de la directive IED, il ne serait finalement pas possible d'aller plus loin. Cependant, la directive a été révisée au printemps de cette année et entrera en vigueur sur ce point au plus tard dans un an et demi, quand un acte d'exécution sera pris. Je crois que nous pouvons attendre un peu pour ne prendre aucun risque juridique de nature à fragiliser le régime de l'enregistrement dans son ensemble au regard du droit de l'Union européenne.
Enfin, en lien avec le précédent, un amendement vise à mieux encadrer la possibilité pour le préfet de faire basculer au cas par cas certains projets de l'enregistrement à l'autorisation, une disposition demandée par les filières animales. La Coopération agricole nous indique que le coût d'un dossier d'autorisation pour un éleveur serait de 15 000 à 20 000 euros, tandis qu'un dossier d'enregistrement coûterait entre 5 000 et 15 000 euros.
L'article 4 du texte vise à mettre en place une procédure plus effective que la procédure actuelle de recours en cas de contestation des évaluations des pertes de récolte ou de culture, lorsque celles-ci sont fondées sur un indice. Il s'agit ici de la question de l'évaluation des pertes en prairie, qui est actuellement opérée par satellite et qui fait l'objet de nombreuses critiques de la profession agricole pour son manque de fiabilité. La proposition de loi reprend la rédaction retenue par le Sénat à l'occasion de la discussion de la loi du 2 mars 2022 d'orientation relative à une meilleure diffusion de l'assurance récolte en agriculture et portant réforme des outils de gestion des risques climatiques en agriculture, rapportée par notre collègue Laurent Duplomb et qui n'avait alors pas été retenue par la commission mixte paritaire. Je ne peux que le regretter et soutenir son rétablissement dans cette proposition de loi, car elle conduit à mettre en place un véritable recours, fondé sur l'intervention du préfet, du comité départemental d'expertise et de la chambre départementale d'agriculture.
J'ai donc souhaité, à ce stade de la discussion, ne pas modifier cet article, tout en gardant à l'esprit que cette solution ne semble pas, aux dires du ministère, avoir les faveurs des assureurs. Si je ne suis certes pas ici pour plaire aux assureurs, il convient de prendre en compte la situation décrite par le ministère de l'agriculture, et plus largement le contexte délicat dans lequel se trouve la réforme de l'assurance récolte, avec la constitution difficile du pool de co-réassurance prévu par la loi. Mon objectif étant d'améliorer cette loi et non de la fragiliser, je resterai attentif aux propositions que la ministre de l'agriculture pourra formuler en séance publique.
L'article 5 du texte traite globalement de l'eau en agriculture. Il comporte diverses dispositions visant à mieux prendre en compte les usages agricoles de la ressource, partant du principe que l'activité agricole n'est pas une activité économique comme les autres, puisqu'elle consiste à nourrir la population. Je citerai notamment l'ajustement de la hiérarchie des usages de l'eau qui vise à accorder une place plus importante à l'agriculture, mais pas, comme j'ai pu l'entendre ici ou là, à placer l'agriculture au même niveau que l'eau potable !
Figurent également au sein de cet article des dispositions visant à mieux prendre en compte les intérêts agricoles dans les schémas directeurs d'aménagement et de gestion des eaux (Sdage) ainsi que dans leurs déclinaisons locales, les schémas d'aménagement et de gestion de l'eau (Sage), ce qui paraît aller dans le bon sens au regard de l'impact de ces documents sur les politiques de gestion de l'eau.
Enfin, la disposition relative à la définition de la zone humide figure également dans cet article et fera débat. Elle vise à inscrire dans la loi le caractère cumulatif de ces deux critères : la présence d'un terrain hydromorphe et celle de végétation hydrophile. Le ministère de l'agriculture m'a indiqué travailler à une proposition d'amendement en vue de la séance publique, dont je ne connais pas le contenu à ce stade. Cette disposition, qui ne pose pas de difficulté juridique, doit demeurer en l'état.
Enfin, l'article 6 s'inspire du rapport de notre collègue Jean Bacci sur l'Office français de la biodiversité (OFB) et vise à encourager, en cas d'infraction ayant causé un faible préjudice environnemental ou de primo-infraction, une suite administrative plutôt que judiciaire. Cette mesure s'inscrit dans la dynamique d'un travail mené par notre ministre au niveau réglementaire, voire par circulaire. Il s'agit de mettre en place un contrôle administratif unique annuel des exploitations agricoles ainsi que de privilégier le dialogue et, le cas échéant, les mesures administratives, plutôt que des poursuites faisant intervenir le procureur de la République, avec des peines encourues très élevées.
Je partage cette ambition et proposerai un amendement de rédaction globale, fruit de consultations menées la semaine dernière, qui me semble de nature à accompagner et à amplifier le mouvement engagé au niveau réglementaire par le Gouvernement, dans la continuité de la volonté des auteurs du texte.
Pour terminer, je tiens à remercier les auteurs de cette proposition de loi ainsi que Vincent Louault, qui a assisté à plusieurs auditions, avec lesquels j'ai travaillé étroitement.
Concernant le périmètre de cette proposition de loi, en application du vademecum sur l'application des irrecevabilités au titre de l'article 45 de la Constitution, adopté par la Conférence des présidents, je vous propose de considérer que sont susceptibles de présenter un lien, même indirect, avec le texte déposé les dispositions relatives aux produits phytopharmaceutiques, aux conditions de vente et d'utilisation de ces produits, aux procédures d'autorisation de leur mise sur le marché ; aux activités de conseil à destination des actifs agricoles, y compris sur l'utilisation des produits phytopharmaceutiques ; aux procédures relatives aux installations classées pour la protection de l'environnement et aux autorisations environnementales ; aux procédures permettant de contester une évaluation de perte de récolte ou de culture dans le cadre de la mise en oeuvre de contrats d'assurance récolte ; aux dispositions relatives à la hiérarchie des usages de l'eau, à la gestion de l'eau et aux documents de planification de gestion de la ressource ; à la définition des zones humides ; à la composition des comités de bassin ; aux activités de police de l'environnement et aux contrôles des exploitations agricoles.
M. Laurent Duplomb, auteur de la proposition de loi. - Il faut rappeler le point de départ de ce texte et revenir sur la chronologie de notre travail, pour éviter les critiques qui consisteraient à dire que nous nous sommes contentés d'écouter certains lobbys.
En 2018, j'ai écrit un rapport qui démontrait le déclin de la ferme France. À ce moment-là, j'évoquais les risques d'une politique conduisant à la montée en gamme de notre production : diminution de notre souveraineté alimentaire et ouverture grandissante aux importations. En 2019, j'estimais à 1,5 le nombre de jours pendant lesquels les Français ne consommaient que des produits importés. En 2024, ce chiffre s'élève à 2,15. La réalité de ce déclin s'explique à 70 % par notre manque de compétitivité.
En 2021 et 2022, pour comprendre les problèmes rencontrés par les filières et le déclin lié au manque de compétitivité, je me suis intéressé, avec les sénateurs Pierre Louault et Serge Mérillou, à cinq produits emblématiques de la consommation française : la pomme, la tomate, le poulet, le lait et le blé. Ces travaux ont démontré que les filières concernées étaient de plus en plus confrontées à des impasses techniques tendant à les empêcher de produire et, surtout, à une multitude de surtranspositions et d'injonctions contradictoires.
Notre rapport a donné lieu à la proposition de loi pour un choc de compétitivité en faveur de la ferme France, très majoritairement votée au Sénat en mai 2023.
Pendant les manifestations de 2024, les agriculteurs ont mis à l'envers les panneaux d'entrée et de sortie d'agglomération pour dire que l'on marche sur la tête. Ils ont mis au grand jour les injonctions que nous avions dénoncées, nous amenant à écrire en une nuit une proposition de loi tendant à répondre à la crise agricole, comprenant 42 mesures dont les deux tiers, selon le Premier ministre, pouvaient être reprises. Malheureusement, pas grand-chose ne s'est réalisé.
Aujourd'hui, en parallèle du projet de loi d'orientation agricole pour la souveraineté alimentaire et agricole et le renouvellement des générations en agriculture (PLOA), qui fait abstraction de certains irritants, il semblait important de déposer cette proposition de loi, cosignée par 186 sénateurs et soutenue par une grande majorité de notre assemblée, parce qu'elle est en lien avec les territoires et avec ce que disent les agriculteurs. En effet, nous avons amené la France à surtransposer des règles européennes qui contraignent notre agriculture, tout en fermant les yeux sur les produits importés et en continuant de signer des accords de libre-échange. Si nous poursuivons ainsi, nous allons droit dans le mur.
Les contraintes à l'exercice du métier d'agriculteur sont aux antipodes de celles pesant sur le reste de la population. Qui accepterait d'investir autant ? Qui accepterait de voir sa récolte disparaître du jour au lendemain ? Qui accepterait de travailler autant pour une rémunération si faible ? Malgré les valeurs de ce métier, on continue de le contraindre. Nous allons faire disparaître les agriculteurs pour ne pas consommer certaines molécules, que nous retrouverons de plus en plus dans les produits importés. Qui peut accepter cette injonction contradictoire, alors que 80 % des Français aiment leurs paysans et les territoires que ces derniers façonnent depuis des générations ?
Il faut cesser de tergiverser et de brandir des totems. Des filières disparaissent, comme celles de la noisette et du kiwi. Nous sommes à la croisée des chemins et j'en appelle à un sursaut. Les agriculteurs n'accepteront plus longtemps que nous poursuivions dans la même logique. Nous devons conserver notre alimentation historique et emblématique, ainsi que les valeurs de travail dont les agriculteurs sont porteurs, pour faire perdurer une France forte, agricole et fière de ses agriculteurs.
M. Franck Menonville, auteur de la proposition de loi. - Ce texte est particulièrement attendu dans nos territoires par nos agriculteurs. Nous avons une occasion unique de passer de la parole aux actes.
Le travail d'investigation sur l'érosion de la ferme France a commencé en 2015 avec une proposition de loi de notre ancien collègue Jean-Claude Lenoir. Malheureusement, le mouvement à l'oeuvre s'est encore accentué depuis. Il n'est d'ailleurs pas propre à l'agriculture et touche aussi les domaines de l'industrie et de l'énergie. Il s'agit de reconstruire une logique. Le plus grand mérite de ce texte est de viser à faire correspondre notre agriculture et ses contraintes aux standards des agriculteurs, en matière de produits phytosanitaires, de réglementation, de seuils et de possibilités. Il s'agit de permettre à nos agriculteurs de trouver des solutions au quotidien pour développer une agriculture durable assurant notre souveraineté alimentaire, à armes égales, au niveau intra-européen.
M. Vincent Louault. - Quand Laurent Duplomb et Franck Menonville ont déposé ce texte, j'ai compris que le moment était venu de s'emparer de la question. Cette proposition de loi n'est pas parfaite et sera améliorée, mais elle est très attendue. Elle porte sur des sujets techniques, qui méritent que l'on sorte de l'émotion et de la caricature. Il s'agit aussi de défendre l'innovation française et une certaine vision, pour ne pas être contraints par des règlements qui tuent notre recherche. Cependant, pour prendre de bonnes décisions, les hommes politiques doivent respecter le scientifique.
M. Gérard Lahellec. - Étant fils d'ouvrier agricole et venant de Bretagne, où 65 000 actifs travaillent encore dans le secteur agricole et agroalimentaire, je ne peux être insensible à l'attention ici portée à la production agricole française. Je remercie nos collègues de nous donner l'occasion de regarder ces questions sous l'angle de l'attractivité du métier d'agriculteur.
Dans mon département des Côtes-d'Armor, 48 % des agriculteurs seront en situation de départ à la retraite d'ici à 2030. Dans la filière laitière, nous enregistrons un renouvellement pour trois départs. En un an, la production a diminué de 10 millions de litres de lait. De plus, durant l'année écoulée, le cheptel breton a perdu 120 bovins par jour. La production de volaille a baissé de 10 % et celle de porcs de 8 %. Le déficit de la filière légumière est patent. Dans notre région, où l'élevage est une dominante, les terres se végétalisent, ce pour quoi elles ne sont pas faites. La question à laquelle nous devons répondre aujourd'hui est la suivante : réglera-t-on nos problèmes en intensifiant notre productivité ?
Dans ce contexte, l'addition de normes ne peut que provoquer de l'exaspération et renforcer la colère. Cependant, adoptons une approche raisonnable de la portée de notre exercice : s'attaquer aux normes ne suffira pas à résoudre nos problèmes.
Notre région accueille l'Institut national de recherche pour l'agriculture, l'alimentation et l'environnement Bretagne-Normandie. Il abrite plus de 1 000 chercheurs, parmi les plus réputés d'Europe, qui ne veulent aucun mal aux agriculteurs. Au contraire, leurs recherches sont grandement utiles pour éviter de faire de mauvais choix. Je pense notamment aux agriculteurs victimes de maladies professionnelles.
Pour renforcer l'attractivité du métier, il ne suffira pas de remettre en cause les normes. Il nous faut adopter une approche scientifique de ces questions ; les compétences sont disponibles pour nous recommander la marche à suivre.
M. Daniel Salmon. - Nous sommes dans une opposition frontale sur cette proposition de loi, qui constitue une fuite en avant et vise à perpétuer un modèle dont nous connaissons le résultat : perte colossale du nombre d'agriculteurs, siphonnage de la population du monde rural et effondrement de la biodiversité. Lever les entraves, certes, mais pour courir où ?
Le texte est contradictoire : il tend à vouloir protéger les agriculteurs de la mondialisation et de la concurrence déloyale, mais s'inscrit dans la recherche de compétitivité à tout-va qui a conduit aux résultats que je viens d'évoquer. Il faut mettre un terme à cette fuite en avant.
Vous dites que les agriculteurs n'utilisent pas de pesticides par plaisir. Il ne s'agit pas non plus pour nous d'interdire les pesticides par plaisir, mais en raison de constats objectifs et d'analyses, qui montrent bien que notre modèle n'est ni soutenable ni durable, et menace la santé humaine. Les articles de cette proposition de loi semblent aller contre la science. J'ai déposé une motion tendant à opposer une exception d'irrecevabilité, que nous étudierons en séance, puisque l'article 2 contrevient au droit de l'Union européenne.
L'article 4 est le seul qui soit entendable. Il porte sur la contestation des pertes agricoles. En revanche, nous proposerons des amendements de suppression pour chacun des cinq autres articles. Ce texte vise à prôner le facultatif en tout. Certes, les agriculteurs ne sont pas des délinquants, mais certains peuvent outrepasser la loi. Il faut des gendarmes de l'environnement, qui sont les agents de l'OFB et qui sont aujourd'hui attaqués, alors que le Sénat défend souvent l'autorité et l'ordre. À cet égard, je rappelle que seules 3 000 fermes ont été contrôlées sur l'année. Les attaques frontales contre l'Office sont contreproductives et inquiétantes.
M. Jean-Claude Tissot. - Ce texte représente un terrible retour en arrière. Alors que notre agriculture aurait besoin d'une vision de long terme pour entamer son indispensable évolution agroécologique, les auteurs font le choix du recul et du repli, en revenant sur des avancées difficilement obtenues. Votre vision des organismes du monde agricole et vos mesures ciblant l'Anses, l'OFB ou les comités de bassin sont très inquiétantes. Elles ont pour objectif de limiter l'action de ces entités, pour laisser la voie libre à la seule agriculture productiviste.
La même approche est privilégiée pour le domaine de l'eau, dans lequel de grandes notions sont développées de manière dogmatique, alors que cette ressource de plus en plus rare nécessite davantage de concertations et d'échanges permettant de réfléchir à ses usages.
Enfin, les mesures concernant les produits phytopharmaceutiques ne sont pas acceptables d'un point de vue sanitaire et environnemental. Vous ouvrez la porte à de terribles abus et empêchez toute évolution de notre agriculture. Ce sont les agriculteurs, dont j'étais, qui en paieront le prix, en matière de santé et de qualité des sols.
Pour ces raisons, nous avons déposé des amendements de suppression portant sur cinq des six articles. Seule notre position de vote sur l'article 4 reste ouverte.
Mme Anne-Catherine Loisier. - Je voudrais revenir à la loi Egalim, que j'ai présentée en 2018. Nous sortions alors des États généraux de l'alimentation et des conférences citoyennes, dont les objectifs ont été traduits dans la loi par des expérimentations. Il s'agissait d'objectifs franco-français et, dans un contexte pré-covid et pré-inflation, nous avons omis de prendre en considération ce qui se passait ailleurs et l'impact à long terme des mesures. Il faut avoir le courage d'évaluer l'impact de ces dispositions et de revenir sur certaines idées.
Quel est le constat, six ans après l'adoption de cette loi ? Les importations ont explosé et les Français consomment les substances dont on voudrait les préserver, dans les produits importés. Nous sommes seulement parvenus à détériorer la compétitivité. Les agriculteurs sont des gens responsables et utilisent avec parcimonie des substances dont ils connaissent les effets. Je rappelle ce principe : pas d'interdiction sans solution. La France n'est pas une île et nous sommes en compétition. Nous avons plus intérêt à accompagner nos agriculteurs dans l'amélioration de leurs pratiques que de les sanctionner.
M. Henri Cabanel. - On voit bien le clivage droite-gauche se dessiner sur cette question et je vais tenter de garder mon bon sens paysan, qui consiste à résoudre les problèmes de manière simple et efficace.
La souveraineté alimentaire nécessite de répondre au marché et je me demande si toutes les filières agricoles que nous défendons le font, notamment celle de la volaille.
Nous avons suffisamment de recul pour évaluer l'efficacité des mesures déjà prises. En ce qui concerne les remises, rabais et ristournes, j'irai dans le sens du rapporteur : les agriculteurs n'emploient pas ces produits phytosanitaires par plaisir. De plus, on ne peut pas nier les efforts qu'ils fournissent depuis une décennie pour utiliser moins d'intrants.
Par ailleurs, la séparation des activités de conseil et de vente des produits phytosanitaires ne fonctionne pas. Les fournisseurs de ces produits ont compris la volonté des politiques en matière de baisse des intrants. Ils ont intégré dans leur activité des conseils particuliers aux agriculteurs pour les accompagner, ce qui a été assez efficace.
J'en viens aux seuils pour les procédures environnementales sur les poulaillers. Nous sommes tous opposés à la surtransposition. Mais alors qu'un poulet sur deux est importé, si nous ne produisons pas de poulets d'entrée de gamme, nous laisserons le marché à d'autres. Il s'agit d'une question stratégique et il semble possible de répondre aux normes environnementales, tout en relevant les seuils.
Il faut trouver les moyens de faire des retenues d'eau. Cependant, il faudra de la réciprocité et une reconstitution des sols en carbone, qui permettra à l'irrigation d'être efficace. Sur du sable et dans des zones quasi désertiques, cela ne fonctionnera pas.
Toutefois, certaines décisions franchissent la ligne rouge, notamment au travers de l'article consistant à donner au ministre de l'agriculture le dernier mot, par rapport à l'Anses. Il s'agit d'opposer une volonté politique à une volonté scientifique, ce qui va trop loin.
En ce qui concerne les néonicotinoïdes, je préférerais prévoir des dérogations, notamment pour des filières telles que celle de la noisette, plutôt que d'ouvrir les vannes.
Je ne suis pas contre cette proposition de loi, mais ne suis pas tout à fait pour toutes les mesures prévues.
M. Yannick Jadot. - Nous avons besoin de ce débat ; la question démocratique constitue un enjeu essentiel de la souveraineté alimentaire.
Dans les années 1990, je travaillais avec le ministère de l'agriculture au moment de la création de l'Organisation mondiale du commerce (OMC). La France avait créé un groupe international sur la multifonctionnalité de l'agriculture, parce que celle-ci recouvre des enjeux en termes de production, mais aussi d'aménagement des territoires, de sécurité alimentaire, d'entretien des paysages ou de protection de l'environnement. Il s'agissait de défendre cette idée dans la négociation internationale et de préserver un modèle agricole, de le protéger d'agricultures qui ne respectaient rien. Ensuite, le ministère a continué de se positionner en faveur de la multifonctionnalité sur la scène internationale, mais a souhaité mettre en place des restitutions aux exportations. Il s'agissait donc de refuser les importations, mais de subventionner les exportations ; le positionnement de la France sur la multifonctionnalité s'est alors effondré. Il nous faut résoudre cette contradiction.
À l'époque, je me suis battu pour garder les quotas laitiers et le protocole « sucre » quand certains pensaient qu'il fallait les supprimer pour gagner de la compétitivité internationale. Peut-on vraiment gagner en la matière sur le sucre face aux Brésiliens ? Je ne le crois pas. Notre compétitivité se joue sur la valeur ajoutée. Les coûts du travail en Europe seront toujours plus élevés qu'au Brésil, ce qui est du reste une bonne nouvelle.
Notre débat doit reposer sur des réalités. J'entends le débat sur la surtransposition mais, au sein de l'UE, nous ne sommes pas parmi les pays qui autorisent le moins de molécules, nous sommes dans la moyenne haute.
Il nous faut répondre à la question du revenu autrement qu'en faisant de la biodiversité, de la science et de la santé des variables d'ajustement. Nous, écologistes, devons mieux intégrer les difficultés de la transition. Le problème fondamental reste le revenu : des petits paysans ne touchent que 600 ou 700 euros par mois. Pourquoi tant de camions continuent de venir de plateformes à l'étranger et contournent la loi Egalim ? Pourquoi laisse-t-on autant l'agroalimentaire et l'agro-industrie imposer leurs prix ?
L'expérience conduite à Chizé a réuni 150 agriculteurs, qui ont réduit leur usage de pesticides de 50 % ; ils ont gagné en moyenne 20 000 euros de revenu parce qu'ils n'ont pas perdu en rendement et ont économisé sur les intrants. Nous devrions pouvoir en débattre sereinement pour avancer.
M. Pierre Médevielle. - Les discussions récentes sur le Mercosur ont montré les limites de la surtransposition française. Nous devons nous aligner le plus rapidement possible sur la législation européenne et les discussions en seront facilitées.
En ce qui concerne la santé, un sujet qui m'intéresse particulièrement, nous avons dérapé et fait la part trop belle aux marchands de peur. Certes, il y a eu des scandales sanitaires, mais nous avançons dans le bon sens. L'Anses, qui est parfois décriée, a mis en place un système calqué sur la pharmacologie humaine, qui prévoit des alertes et fonctionne bien. Il faut continuer d'avancer ainsi.
Les produits phytosanitaires ont mauvaise réputation, mais c'est la question du dosage qui pose problème. Le retour à une agriculture d'antan ne peut pas fonctionner ; c'est de l'idéologie pure.
M. Frédéric Buval. - J'ai entendu dire que la France n'était pas une île, mais la Martinique, qui subit depuis longtemps le scandale de la chlordécone, est bien une île, et c'est la France. Ce produit, déjà interdit aux États-Unis depuis vingt ans, a été utilisé pour lutter contre le charançon du bananier parce que des dérogations ont été accordées par plusieurs gouvernements successifs.
Les études médicales ont montré que l'explosion du nombre de cancers de la prostate à la Martinique est due à l'utilisation du produit. De plus, le traitement des bananeraies par voie aérienne a entraîné une exposition massive de la population, d'autant que les alizés balaient sans cesse. Toute la Martinique est affectée. Quand la chlordécone est utilisée, elle reste dans le sol pendant des siècles. Des bébés naissent malformés à cause de ce produit. Je m'abstiendrai ou voterai contre cette proposition de loi.
Mme Marie-Lise Housseau. - Globalement, j'adhère au texte, qui apporte des réponses attendues, notamment en ce qui concerne l'autorisation de certains produits actuellement autorisés en Europe.
Pour le stockage de l'eau, le texte précise qu'il doit concerner des projets présentant un intérêt général majeur. Il faut répondre aux attentes en la matière, à moins de condamner une partie de l'agriculture, notamment dans le Sud-Ouest. Je suis sénatrice du Tarn, département dans lequel j'ai dirigé la chambre d'agriculture.
En ce qui concerne les relations avec l'administration, les agriculteurs sont tétanisés par les contrôles, même si on peut trouver que ces derniers ne sont pas assez nombreux. Certains agents de l'OFB se comportent comme des « cowboys » et versent dans l'abus de pouvoir.
Je suis plus réticente sur l'article 1er et sur le fait de revenir sur la séparation du conseil et de la vente, pour redonner aux techniciens des coopératives agricoles la possibilité de se charger du conseil. Il faut continuer d'offrir aux agriculteurs un conseil indépendant. Il serait aussi dommage que le conseil ne soit plus obligatoire.
M. Franck Montaugé. - On peut être d'accord sur les constats sans approuver intégralement les solutions proposées. Il me semble que le sujet fondamental est d'inscrire l'agriculture française dans le cadre de la transition écologique et énergétique, ce qui vaut du reste pour tous les domaines de la vie économique et sociale du pays.
En 2014, à l'occasion de la discussion sur la loi d'avenir agricole engageant notre agriculture dans le développement durable, la notion de « triple performance » - économique, sociale et environnementale - avait été conceptualisée. Poursuivre dans cette direction correspond au sens de l'histoire. Toutefois, il faut le faire en tenant compte des difficultés rencontrées par de nombreux agriculteurs.
Les questions fondamentales sont celles du revenu, d'une part, et du soutien et de l'accompagnement à la production dans le cadre de stratégies de filières actualisées et adaptées, d'autre part. Je pense notamment à la filière du vin, engagée dans une réflexion pour reconsidérer la manière dont elle travaille afin de répondre au marché.
Le projet de loi d'orientation agricole que nous devons examiner ne contient aucune orientation. Il nous faut approfondir celle que nous avons dessinée en 2014, en étant pragmatiques. Tant que nous ne trouverons pas de mécanismes adaptés pour soutenir les revenus et accompagner les agriculteurs de certaines filières, nous ne résoudrons pas nos problèmes.
M. Daniel Gremillet. - Ce texte nous permet d'avoir un débat. La réalité nous rattrape, comme elle l'a fait sur la loi Egalim, et il nous faut prendre conscience du fait que nous perdons lentement pied.
L'agriculture travaille en vue de répondre à une attente sociétale de marché. Nos concitoyens, au travers de leurs achats, donnent parfois tort au législateur, puisqu'une partie de ceux-ci ne correspondent plus au modèle dans le cadre duquel nous produisons.
Nous avons évoqué la ligne politique et la ligne scientifique ; chacun doit rester sur la sienne. Inspirons-nous de ce qui se pratique en médecine : on n'arrête pas d'utiliser un médicament qui sauve des vies parce qu'il a des effets secondaires. Il s'agit d'un équilibre. Si nous ne prenons pas les bonnes décisions, des pans entiers de l'histoire paysanne et de nos territoires vont disparaître.
Mme Micheline Jacques. - Il faut faire confiance aux agriculteurs. Nous édictons des règles sans donner de marge de manoeuvre à ceux qui sont sur le terrain, en infantilisant nos concitoyens.
Savez-vous que la banane du Costa Rica, vendue sous le label agriculture biologique dans tous les supermarchés hexagonaux, est bien plus toxique que la banane produite dans les territoires ultramarins et ne disposant pas de ce label ? Je vous invite à regarder comment le Costa Rica utilise la chlordécone. Nous sommes en train d'asphyxier notre agriculture, alors que nous ouvrons nos portes à une agriculture qui n'est pas vertueuse.
M. Pierre Cuypers, rapporteur. - Il ne doit pas y avoir de clivage droite-gauche sur le sujet de l'avenir de notre agriculture, de notre alimentation et de notre indépendance. Tout le monde utilise le mot « souveraineté », mais il faut déjà s'inquiéter de l'autonomie nécessaire à notre survie.
Tout le monde est d'accord sur la compétitivité : un agriculteur ne peut produire que s'il a de quoi nourrir sa famille et se développer.
L'agriculture est une chance pour notre pays et pour l'Europe. La seule politique intégrée au niveau européen, ou presque, porte sur ce domaine. Il y a plus de quinze ans, le secteur agricole rapportait plus de 11 milliards d'euros dans la balance commerciale. Aujourd'hui, sans les vins et spiritueux, la balance est négative, ce qui signifie que nous ne représentons plus rien. Nous avons besoin de produire pour exporter, mais aussi pour être moins dépendants et vulnérables par rapport au reste du monde.
Il n'y a pas de « petits paysans » ni de « petites exploitations », mais une agriculture diverse et variée.
Enfin, je souhaiterais que nous puissions évacuer le mot « pesticide » de notre vocabulaire. En effet, ce terme n'existe pas en droit communautaire, hormis en anglais. Nous utilisons des « produits phytopharmaceutiques », consacrés à l'entretien, au développement et à la santé des plantes.
EXAMEN DES ARTICLES
Article 1er
Les amendements identiques de suppression COM-2 et COM-7 ne sont pas adoptés.
Les amendements rédactionnels COM-28 et COM-29 sont adoptés.
M. Pierre Cuypers, rapporteur. - Il faut accepter de revenir sur des réformes quand elles n'ont pas produit les effets escomptés. Cependant, on ne saurait se contenter d'une suppression sèche de la séparation entre vente et conseil. L'amendement COM-27 vise à esquisser les contours d'un « conseil stratégique global », qui serait facultatif.
L'amendement COM-27 est adopté.
L'article 1er est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.
Article 2
Les amendements identiques de suppression COM-3 et COM-8 ne sont pas adoptés.
M. Pierre Cuypers, rapporteur. - Les amendements identiques COM-33 et COM-24 rectifié visent à sécuriser juridiquement les dispositions de l'article 2 relatives aux pouvoirs du ministre chargé de l'agriculture en ce qui concerne l'Anses.
Les amendements identiques COM-33 et COM-24 rectifié sont adoptés. En conséquence, l'amendement COM-13 rectifié devient sans objet.
M. Vincent Louault. - L'amendement COM-14 rectifié vise à permettre au ministre de l'agriculture de saisir le comité de suivi des autorisations de mise sur le marché (AMM), pour demander un rapport afin de mieux évaluer les risques sanitaires et environnementaux, par rapport aux risques de distorsion de concurrence.
M. Pierre Cuypers, rapporteur. - Le comité de suivi n'a ni la capacité, ni les moyens, ni l'expertise de produire des rapports complets et détaillés. Ce n'est pas sa vocation. Avis défavorable.
L'amendement COM-14 rectifié est retiré.
M. Vincent Louault. - L'amendement COM-18 rectifié vise à créer une possibilité pour le comité d'évaluation des AMM, dans lequel la profession des agriculteurs est bien représentée, de saisir le directeur général de l'Anses.
M. Pierre Cuypers, rapporteur. - Le rôle du comité d'évaluation des AMM est de rendre des avis sur les conditions de mise en oeuvre des AMM, pas d'en solliciter. De plus, un autre amendement de Vincent Louault prévoit une évolution intéressante du comité. Avis défavorable.
L'amendement COM-18 rectifié est retiré.
M. Vincent Louault. - Je retire l'amendement d'appel COM-19 rectifié, qui vise à interdire à l'Anses de surtransposer des décisions européennes.
L'amendement COM-19 rectifié est retiré.
M. Vincent Louault. - L'amendement COM-20 rectifié tend à préciser la nécessité pour l'Anses d'encourager l'innovation et la création de solutions alternatives, notamment par l'émergence de technologies nouvelles qui pourront contribuer à l'adaptation au changement climatique. Il serait souhaitable que l'Anses se saisisse des questions de biocontrôle.
M. Pierre Cuypers, rapporteur. - Ce n'est pas le rôle de l'Anses, mais des instituts comme l'Institut national de recherche pour l'agriculture, l'alimentation et l'environnement (Inrae), ou encore les instituts techniques agricoles. Avis défavorable.
L'amendement COM-20 rectifié est adopté.
M. Vincent Louault. - L'amendement COM-21 rectifié vise à transférer à l'Anses la compétence en matière d'AMM et d'expérimentations relatives aux macro-organismes non indigènes, sur la base d'une analyse du risque incluant l'impact sur la biodiversité que cet organisme peut avoir. L'utilisation de biocontrôle à base d'insectes entraîne une suspicion d'atteinte à la biodiversité. Or, la technique des insectes stériles est prometteuse. De nombreuses solutions de ce type vont émerger ; il faudra pouvoir statuer.
M. Pierre Cuypers, rapporteur. - L'utilisation d'insectes stériles semble constituer une voie d'avenir pour lutter contre certains nuisibles. Je pense notamment à la lutte contre la drosophila suzukii. Un programme financé par le Parsada est d'ailleurs en cours de création.
Je suis donc sensible à cet amendement, que je vous invite à retirer et à redéposer en vue de la séance publique. En effet, il faudrait que nous ayons le temps d'échanger avec le ministère sur la question.
L'amendement COM-21 rectifié est retiré.
M. Vincent Louault. - L'amendement COM-25 rectifié prévoit que le comité de suivi des AMM puisse s'autosaisir.
M. Pierre Cuypers, rapporteur. - Avis favorable.
L'amendement COM-25 rectifié est adopté.
L'article 2 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.
Article 3
Les amendements identiques de suppression COM-4 et COM-9 ne sont pas adoptés.
L'amendement COM-30 est adopté. En conséquence, l'amendement COM-22 rectifié devient sans objet.
M. Pierre Cuypers, rapporteur. - L'amendement COM-32 vise à acter le relèvement possible des seuils de la procédure d'enregistrement, en cohérence avec la révision de la directive IED. L'objectif est de faciliter la création, l'extension ou le regroupement des élevages.
L'amendement COM-32 est adopté.
M. Pierre Cuypers, rapporteur. - La possibilité pour le préfet de procéder, au cas par cas, au basculement des projets de la procédure d'enregistrement vers la procédure d'autorisation correspond à une exigence de la directive 2011/92/UE concernant l'évaluation des incidences de certains projets publics et privés sur l'environnement, dite « directive EIE ».
L'amendement COM-31 vise à encadrer les motifs à partir desquels le préfet peut procéder à ce basculement, sans revenir sur le principe même de cette possibilité. En effet, l'autorisation est plus contraignante et par conséquent plus coûteuse, car elle est spécifique à l'exploitation et induit nécessairement une enquête publique allant de pair, depuis la loi relative à l'industrie verte, avec la tenue de deux réunions publiques obligatoires.
L'amendement COM-31 est adopté.
L'article 3 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.
Article 4
L'amendement COM-36 est retiré.
M. Pierre Cuypers, rapporteur. - Il faudra discuter du problème de l'assurance en séance.
L'article 4 est adopté sans modification.
Article 5
Les amendements identiques de suppression COM-5 et COM-10 ne sont pas adoptés.
M. Vincent Louault. - L'amendement COM-12 rectifié vise à conférer un caractère cumulatif aux critères relatifs à la définition d'une zone humide. La définition des zones humides rendait cumulatifs les deux critères - pédologique et botanique. Par effet rebond, toutes nos collectivités ayant développé des zones industrielles ont été touchées en raison des obligations de compensation écologique et ont perdu 20 %, 30 % ou 40 % de la surface des zones industrielles créées.
M. Pierre Cuypers, rapporteur. - Avis favorable.
L'amendement COM-12 rectifié est adopté. En conséquence, l'amendement COM-23 rectifié devient sans objet.
M. Pierre Cuypers, rapporteur. - L'amendement COM-34 tend à rationaliser la rédaction initiale en insérant, au sein du code de l'environnement, un nouvel article disposant que les projets destinés au stockage et au prélèvement de l'eau sont d'intérêt général majeur. Il s'agit également de sécuriser davantage le dispositif, en faisant explicitement référence à la directive 2000/60/CE établissant un cadre pour une politique communautaire dans le domaine de l'eau, qu'il convient de respecter.
L'amendement COM-34 est adopté.
M. Pierre Cuypers, rapporteur. - Je demande le retrait de l'amendement COM-15 rectifié, qui renvoie à des interprétations locales des critères relatifs à la définition des cours d'eau.
M. Vincent Louault. - Il y a deux irritants pour les agriculteurs : les zones humides et les cours d'eau. Nous avons besoin d'une définition robuste et fiable.
L'amendement COM-15 rectifié est retiré, de même que l'amendement COM-16 rectifié.
M. Vincent Louault. - L'amendement COM-17 rectifié vise à supprimer l'obligation de transmission des procès-verbaux dressés relatifs aux atteintes à l'environnement aux fédérations départementales concernées, de la pêche ou de la chasse.
Les fédérations transmettent ces procès-verbaux à de nombreuses associations, qui se portent parties civiles et cherchent à négocier avec le procureur. L'agriculteur préfère souvent payer que d'aller au tribunal. Il faut mettre fin à ce système.
M. Pierre Cuypers, rapporteur. - Avis défavorable. Je note que la Fédération nationale des chasseurs est opposée à ce changement.
M. Laurent Duplomb. - Il faudra redéposer cet amendement en séance. Ce phénomène pourrait devenir de plus en plus pénalisant pour l'agriculture.
M. Pierre Cuypers, rapporteur. - La mesure est un peu radicale ; on peut la retravailler.
M. Vincent Louault. - La mesure est un peu radicale parce que les choses sont ainsi écrites dans le texte ; il faut du pragmatisme !
L'amendement COM-17 rectifié est retiré.
L'article 5 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.
Article 6
Les amendements identiques de suppression COM-6 et COM-11 ne sont pas adoptés.
M. Pierre Cuypers, rapporteur. - Après avoir échangé avec l'OFB et ses tutelles, j'en suis venu à la conclusion qu'il pourrait être opportun d'inscrire dans la loi le principe du contrôle administratif annuel unique des exploitations agricoles, dans le cadre de la mission interservices agricole, récemment instituée par une circulaire de novembre 2024.
En outre, l'amendement COM-35 vise à préciser, conformément à l'intention initiale des auteurs, que la mission a également pour finalité de privilégier la remise en état aux autres sanctions.
Le sous-amendement COM-26 est adopté.
L'amendement COM-35, ainsi sous-amendé, est adopté.
L'article 6 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.
La proposition de loi est adoptée dans la rédaction issue des travaux de la commission.
Les sorts de la commission sont repris dans le tableau ci-dessous :
Article 1er |
|||
Auteur |
N° |
Objet |
Sort de l'amendement |
M. TISSOT |
2 |
Suppression de l'article |
Rejeté |
M. SALMON |
7 |
Suppression de l'article |
Rejeté |
M. CUYPERS, rapporteur |
28 |
Amendement rédactionnel |
Adopté |
M. CUYPERS, rapporteur |
29 |
Amendement rédactionnel |
Adopté |
M. CUYPERS, rapporteur |
27 |
Création d'un conseil stratégique global facultatif, dont le conseil stratégique phytosanitaire serait une déclinaison, facultative aussi |
Adopté |
Article 2 |
|||
M. TISSOT |
3 |
Suppression de l'article |
Rejeté |
M. SALMON |
8 |
Suppression de l'article |
Rejeté |
M. CUYPERS, rapporteur |
33 |
Pouvoir d'évocation du ministre chargé de l'agriculture en matière d'autorisation de mise sur le marché de produits phytopharmaceutiques |
Adopté |
M. Vincent LOUAULT |
24 rect. |
Pouvoir d'évocation du ministre chargé de l'agriculture en matière d'autorisation de mise sur le marché de produits phytopharmaceutiques |
Adopté |
M. Vincent LOUAULT |
13 rect. |
Signature conjointe des ministres chargés de l'agriculture et de l'environnement préalablement à des avis portant sur une demande de réévaluation européenne d'une molécule |
Satisfait ou sans objet |
M. Vincent LOUAULT |
14 rect. |
Mécanisme de saisine du comité de suivi des autorisations de mise sur le marché en cas de décision de l'Anses présentant un risque avéré de distorsion de concurrence |
Retiré |
M. Vincent LOUAULT |
18 rect. |
Possibilité pour le comité de suivi des AMM de saisir le directeur général de l'Anses |
Retiré |
M. Vincent LOUAULT |
19 rect. |
Interdiction faite à l'Anses de surtransposer des décisions européennes |
Retiré |
Auteur |
N° |
Objet |
Sort de l'amendement |
M. Vincent LOUAULT |
20 rect. |
Ajout d'une mission à l'Anses relative à l'innovation |
Adopté |
M. Vincent LOUAULT |
21 rect. |
Transfert à l'Anses de la compétence relative à la délivrance d'AMM et d'autorisations d'expérimentations en matière de macro-organisme non indigène utile aux végétaux |
Retiré |
M. Vincent LOUAULT |
25 rect. |
Capacité d'autosaisine du comité de suivi des AMM |
Adopté |
Article 3 |
|||
M. TISSOT |
4 |
Suppression de l'article |
Rejeté |
M. SALMON |
9 |
Suppression de l'article |
Rejeté |
M. CUYPERS, rapporteur |
30 |
Possibilité de transformer les réunions publiques en une simple permanence en mairie pour tout projet soumis à autorisation environnementale |
Adopté |
M. Vincent LOUAULT |
22 rect. |
Remplacement de la consultation du public par une simple information de ce dernier pour les projets qualifiés d'intérêt général (PIG) et opérations d'intérêt national (OIN) |
Satisfait ou sans objet |
M. CUYPERS, rapporteur |
32 |
Report du relèvement des seuils d'animaux à l'entrée en vigueur de la révision de la directive IED |
Adopté |
M. CUYPERS, rapporteur |
31 |
Encadrement de la possibilité pour le préfet de basculer des projets de l'enregistrement à l'autorisation dans le cadre des ICPE |
Adopté |
Article 4 |
|||
M. GREMILLET |
36 |
Automaticité de l'enquête de terrain |
Retiré |
Article 5 |
|||
M. TISSOT |
5 |
Suppression de l'article |
Rejeté |
M. SALMON |
10 |
Suppression de l'article |
Rejeté |
M. Vincent LOUAULT |
12 rect. |
Caractère cumulatif des critères relatifs à la définition d'une zone humide |
Adopté |
M. Vincent LOUAULT |
23 rect. |
Caractère cumulatif des critères relatifs à la définition d'une zone humide |
Satisfait ou sans objet |
M. CUYPERS, rapporteur |
34 |
Intérêt général majeur des ouvrages de prélèvement et de stockage d'eau aux fins agricoles |
Adopté |
M. Vincent LOUAULT |
15 rect. |
Critères permettant la caractérisation d'un cours d'eau |
Retiré |
M. Vincent LOUAULT |
16 rect. |
Caractère cumulatif des critères permettant la caractérisation d'un cours d'eau |
Retiré |
M. Vincent LOUAULT |
17 rect. |
Suppression de la transmission aux fédérations départementales de pêche et de chasse des procès-verbaux dressés dans leur domaine de compétence |
Retiré |
Article 6 |
|||
Auteur |
N° |
Objet |
Sort de l'amendement |
M. TISSOT |
6 |
Suppression de l'article |
Rejeté |
M. SALMON |
11 |
Suppression de l'article |
Rejeté |
M. CUYPERS, rapporteur |
35 |
Création d'une mission interservices agricole |
Adopté |
M. DUPLOMB |
26 |
Transmission du procès-verbal des inspecteurs de l'environnement à leur autorité hiérarchique |
Adopté |
RÈGLES RELATIVES À L'APPLICATION
DE
L'ARTICLE 45 DE LA CONSTITUTION
ET DE L'ARTICLE 44 BIS DU RÈGLEMENT
DU SÉNAT
Si le premier alinéa de l'article 45 de la Constitution, depuis la révision du 23 juillet 2008, dispose que « tout amendement est recevable en première lecture dès lors qu'il présente un lien, même indirect, avec le texte déposé ou transmis », le Conseil constitutionnel estime que cette mention a eu pour effet de consolider, dans la Constitution, sa jurisprudence antérieure, reposant en particulier sur « la nécessité pour un amendement de ne pas être dépourvu de tout lien avec l'objet du texte déposé sur le bureau de la première assemblée saisie51(*) ».
De jurisprudence constante et en dépit de la mention du texte « transmis » dans la Constitution, le Conseil constitutionnel apprécie ainsi l'existence du lien par rapport au contenu précis des dispositions du texte initial, déposé sur le bureau de la première assemblée saisie52(*). Pour les lois ordinaires, le seul critère d'analyse est le lien matériel entre le texte initial et l'amendement, la modification de l'intitulé au cours de la navette restant sans effet sur la présence de « cavaliers » dans le texte53(*). Pour les lois organiques, le Conseil constitutionnel ajoute un second critère : il considère comme un « cavalier » toute disposition organique prise sur un fondement constitutionnel différent de celui sur lequel a été pris le texte initial54(*).
En application des articles 17 bis et 44 bis du Règlement du Sénat, il revient à la commission saisie au fond de se prononcer sur les irrecevabilités résultant de l'article 45 de la Constitution, étant précisé que le Conseil constitutionnel les soulève d'office lorsqu'il est saisi d'un texte de loi avant sa promulgation.
En application du vademecum sur l'application des irrecevabilités au titre de l'article 45 de la Constitution, adopté par la Conférence des Présidents, la commission des affaires économiques a arrêté, lors de sa réunion du mercredi 4 décembre 2024, le périmètre indicatif de la proposition de loi n° 108 rectifié (2024-2025) visant à lever les contraintes à l'exercice du métier d'agriculteur.
Sont susceptibles de présenter un lien, même indirect, avec le texte déposé, les dispositions relatives :
- aux produits phytopharmaceutiques, aux conditions de vente et d'utilisation de ces produits, aux procédures d'autorisation de leur mise sur le marché ;
- aux activités de conseil à destination des actifs agricoles, y compris sur l'utilisation des produits phytopharmaceutiques ;
- aux procédures relatives aux installations classées pour la protection de l'environnement et aux autorisations environnementales ;
- aux dispositions relatives aux procédures permettant de contester une évaluation de pertes de récoltes ou de cultures dans le cadre de la mise en oeuvre de contrats d'assurance récolte ;
- aux dispositions relatives à la hiérarchie des usages de l'eau, à la gestion de l'eau et aux documents de planification de gestion de la ressource ;
- à la définition des zones humides ;
- à la composition des comités de bassin ;
- aux activités de police de l'environnement et aux contrôles des exploitations agricoles.
LISTE DES PERSONNES ENTENDUES
Mardi 19 novembre 2024
- Table ronde de filières végétales :
· Interfel : MM. Daniel SAUVAITRE, président, et Alexis DEGOUY, directeur général.
· Intercéréales et Association générale des producteurs de blé et autres céréales (AGPB) : M. Éric THIROUIN, vice-président d'Intercéréales et président d'AGPB, et Mme Lauriane CHAMOT, responsable Affaires publiques d'AGPB.
· Association nationale des producteurs de noisettes (ANPN) : MM. Jérôme BISSIERES, vice-président.
· Confédération générale des planteurs de betteraves (CGPB) : MM. Guillaume GANDON, vice-président, et Nicolas RIALLAND, directeur général.
Mercredi 20 novembre 2024
- La Coopération agricole : MM. Dominique CHARGÉ, président, et Thibault BUSSONNIÈRE, directeur adjoint en charge des affaires publiques.
Jeudi 21 novembre 2024
- Confédération paysanne : Mme Sylvie COLAS, secrétaire nationale et Aurélie BOUTON, co-animatrice du pôle social.
- Coordination rurale : Mmes Amélie REBIÈRE, membre du comité directeur, Sophie LENAERTS, vice-présidente, et Agathe LECOULANT, chargée de mission gouvernance.
- Chambres d'agriculture France : MM. Sébastien WINDSOR, président, Étienne BERTIN, chargé de missions Affaires publiques et Elliott PAUL, dans le cadre du Duoday.
- Table ronde d'associations environnementales :
· World Wide Fund for Nature (WWF) : M. Léo TYBURCE, responsable du plaidoyer Agriculture, alimentation et eau douce.
· Réseau action climat : M. Thomas UTHAYAKUMAR, directeur Programmes et plaidoyer de la Fondation pour la nature et l'homme (FNH).
· Collectif nourrir : Mme Lorine AZOULAI, co-présidente.
· Générations futures : M. Yoann COULMONT, chargé de plaidoyer.
- Office français de la biodiversité : MM. Olivier THIBAULT, directeur général, et Charles FOURMAUX, directeur de la police et du permis de chasser.
- Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (Anses) et Autorité européenne de sécurité des aliments (Efsa) :
· Anses : Mmes Charlotte GRASTILLEUR, directrice générale déléguée en charge du pôle des produits règlementés et Sarah AUBERTIE, chargée des relations institutionnelles,
· Efsa : M. Guilhem de SEZE, directeur du département d'évaluation des risques et Mme Manuela TIRAMANI, cheffe du département d'évaluation collégiale des risques liés aux pesticides MM. Tobin ROBINSON, chef d'unité Santé des végétaux et biodiversité et Youssef BEN HENDA, stagiaire au bureau de liaison de Bruxelles.
- Institut national de recherche pour l'agriculture, l'alimentation et l'environnement (Inrae) : MM. Christian HUYGHE, directeur scientifique Agriculture, et Marc GAUCHÉE, conseiller parlementaire et institutionnel.
- Fédération nationale des syndicats d'exploitants agricoles (FNSEA) : MM. Cédric TRANQUARD, membre du bureau, Xavier JAMET, directeur des affaires publiques, et Mme Nelly LE CORRE, chef de service Environnement.
- Phyteis : MM. Yves PICQUET, président, Philippe MICHEL, secrétaire général, et Mme Emmanuelle PABOLLETA, directrice générale.
Lundi 25 novembre 2024
- Ministère de la transition écologique, de l'énergie, du climat et de la prévention des risques :
· Cabinet de la ministre : MM. Quentin GUERINEAU, directeur, Samuel JUST, conseiller Économie circulaire et prévention des risques, Mmes Véronique MENEZ, conseillère Biodiversité, Lisa BROUTTÉ, conseillère parlementaire, et M. Pierre BRETON, conseiller Eau, air, santé environnementale et adaptation.
· Direction générale de la prévention des risques (DGPR) : Mme Agnès LEFRANC, sous-directrice Santé et environnement.
· Direction de l'eau et de la biodiversité (DEB) : M. Damien LAMOTTE, sous-directeur de la coordination, de l'appui, de la stratégie et du pilotage des politiques de protection et de restauration des écosystèmes (CASP).
- Ministère de l'agriculture, de la souveraineté alimentaire et de la forêt :
· Cabinet de la ministre : Mme Anne GIREL, conseillère biodiversité, eau, planification écologique et stratégie Ecophyto 2030, MM. Jean-François LEPAGE, conseiller filières animales, santé et bien-être animal, Tom MICHON, conseiller budgétaire, gestion des risques, protection sociale et dialogue social, Louis de REDON, conseiller recherche, innovation, biomasse, énergie, filière forêt-bois et haies, et Gaëtan SANTOS, conseiller en charge du Parlement et des élus locaux.
· Direction générale de la performance économique et environnementale des entreprises (DGPE) : Mme Élodie LEMATTE, cheffe du service compétitivité et performance environnementale (SCPE), et M. Arnaud DUNAND, sous-directeur de la performance environnementale et de la valorisation des territoires (SDPE).
· Direction générale de l'alimentation (DGAL) : M. Olivier PRUNAUX, adjoint au sous-directeur de la santé et de la protection des végétaux.
· Direction des affaires juridiques (DAJ) : M. Guillaume de LA TAILLE, directeur, et Mme Vanessa MENDES, adjointe à la sous-directrice du droit des politiques agricoles.
LA LOI EN CONSTRUCTION
Pour naviguer dans les rédactions successives du texte, visualiser les apports de chaque assemblée, comprendre les impacts sur le droit en vigueur, le tableau synoptique de la loi en construction est disponible sur le site du Sénat à l'adresse suivante :
https://www.senat.fr/dossier-legislatif/ppl24-108.html
* 1 Loi n° 2018-938 du 30 octobre 2018 pour l'équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous.
* 2 En ligne : https://agreste.agriculture.gouv.fr/agreste-web/disaron/Dos2402/detail/
* 3 Ordonnance n° 2019-698 du 3 juillet 2019 portant mise en cohérence des dispositions législatives des codes et lois avec celles du code de commerce dans leur rédaction résultant de l'ordonnance n° 2019-359 du 24 avril 2019 portant refonte du titre IV du livre IV du code de commerce relatif à la transparence, aux pratiques restrictives de concurrence et aux autres pratiques prohibées
* 4 UAB = utilisé en agriculture biologique. CMR = cancérigène, mutagène, reprotoxique.
* 5 Ordonnance n° 2019-361 du 24 avril 2019 relative à l'indépendance des activités de conseil à l'utilisation des produits phytopharmaceutiques et au dispositif de certificats d'économie de produits phytopharmaceutiques ; ordonnance n° 2019-1110 du 30 octobre 2019 portant adaptation du livre II du code rural et de la pêche maritime au droit de l'Union européenne.
* 6 Disposition codifiée à l'article R. 254-26-4 du code rural et de la pêche maritime, issue du décret n° 2020-1265 du 16 octobre 2020 relatif au conseil à l'utilisation de produits phytopharmaceutiques.
* 7 Rapport « Potier-Descrozailles » (décembre 2023). En ligne : https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/16/rapports/cepestici/l16b2000-t1_rapport-enquete
* 8 En ligne : https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/17/textes/l17b0584_proposition-loi.pdf
* 9 Décret n° 2024-326 du 9 avril 2024 prorogeant d'un an la durée de validité du certificat individuel prévu par le II de l'article L. 254-3 du code rural et de la pêche maritime.
* 10 Les usages des néonicotinoïdes sont en réalité diverses : usages agricoles, vétérinaires, voire même domestiques, pour lutter contre certains nuisibles.
* 11 Autorisé en UE jusqu'au 09/12/2025.
* 12 Autorisé en UE jusqu'au 18/08/2025 uniquement en serres permanentes.
* 13 Dans sa version originale : « The results of the weight of evidenceindicated that there are major uncertainties in the body of evidence for the de-velopmental neurotoxicity (DNT) properties of acetamiprid and further data aretherefore needed to come to a more robust mechanistic understanding to enableappropriate hazard and risk assessment. »
* 14 Les jaunisses de la betterave sont la conséquence de la transmission de virus par des pucerons, particulièrement le puceron vert du pêcher. Ces virus, au nombre de quatre, altèrent la physiologie de la plante et plus spécifiquement la photosynthèse à l'origine de l'accumulation des sucres dans la racine. Le rendement de la betterave s'en trouve réduit jusqu'à 80 %.
* 15 Loi n° 2020-1578 du 14 décembre 2020 relative aux conditions de mise sur le marché de certains produits phytopharmaceutiques en cas de danger sanitaire pour les betteraves sucrières.
* 16 Arrêté du 5 février 2021 autorisant provisoirement l'emploi de semences de betteraves sucrières traitées avec des produits phytopharmaceutiques contenant les substances actives imidaclopride ou thiamethoxam.
* 17 Arrêté du 31 janvier 2022 autorisant provisoirement l'emploi de semences de betteraves sucrières traitées avec des produits phytopharmaceutiques contenant les substances actives imidaclopride ou thiamethoxam et précisant les cultures qui peuvent être semées, plantées ou replantées au titre des campagnes suivantes.
* 18 CJUE, 19 janvier 2023, n° C-162/21.
* 19 Il est à noter que le projet de règlement concernant une utilisation des produits phytopharmaceutiques compatible avec le développement durable et modifiant le règlement 2021/2115 (dit « SUR ») confirmait l'interdiction de principe posée par le règlement 2009/128/CE (article 20), tout en aménageant également, sous conditions, des dérogations (article 22), notamment relatives à l'usage d'« aéronefs sans équipage à bord ».
* 20 Arrêté du 26 août 2019 relatif à la mise en oeuvre d'une expérimentation de l'utilisation d'aéronefs télépilotés pour la pulvérisation de produits phytopharmaceutiques.
* 21 Disponible ici : https://www.anses.fr/fr/system/files/PHYTO2019SA0093.pdf
* 22 Disponible ici : https://www.anses.fr/fr/system/files/PHYTO2022AST0026.pdf
* 23 Dans sa contribution écrite, l'Anses souligne que cette procédure intéresse en réalité assez peu les fabricants, puisque pour la période 2018-2022, seulement 83 dossiers relatifs à une demande de reconnaissance mutuelle ont été déposés.
* 24 Citons les décisions de retrait ou refus des AMM concernant le S-métolachlore ou encore le diméthoate (décision confirmée par le tribunal administratif de Lyon).
* 25 Selon l'article 46 du règlement 1107/2009, un délai de grâce est possible « si les raisons du retrait, de la modification ou du non-renouvellement de l'autorisation ne sont pas liées à la protection de la santé humaine et animale ou de l'environnement ».
* 26 Loi n° 2023-973 du 23 octobre 2023 relative à l'industrie verte.
* 27 Disposition mise en oeuvre par un décret n° 2024-742 du 6 juillet 2024.
* 28 Laurent Guillot, « Simplifier et accélérer les implantations d'activités économiques en France », mars 2022.
* 29 Loi n° 2021-85 du 29 janvier 2021 visant à définir et protéger le patrimoine sensoriel des campagnes françaises et loi n° 2024-346 du 15 avril 2024 visant à adapter le droit de la responsabilité civile aux enjeux actuels.
* 30 Voir la presse quotidienne régionale.
* 31 Défini au titre 1er du livre V du code de l'environnement, relatif à la prévention des pollutions, des risques et des nuisances.
* 32 Sans qu'il y ait besoin d'exclure, par une disposition législative ad hoc, le principe de non-régression environnementale puisqu'il a été jugé par le Conseil d'État que le passage de l'enregistrement à l'autorisation n'était pas constitutif d'une telle régression (CE, 30 décembre 2020, Associations One Voice et France Nature environnement, n° 426528 ; CE, 8 décembre 2017, Fédération Allier Nature, n° 404391). En effet, les projets soumis à enregistrement peuvent toujours, au cas par cas, être soumis à autorisation.
* 33 Source : Rapport d'information du 30 mai 2024 par la commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire sur la refonte du système assurantiel agricole : évaluation de l'assurance-récolte, et présenté par M. Pascal Lecamp, disponible ici : https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/16/rapports/cion_fin/l16b2700_rapport-information.pdf
* 34 https://www.lafranceagricole.fr/assurance-climatique/article/863 401/l-assurance-recolte-s-essoufle-en-2024
* 35 Source : Ibid.
* 36 Rapport du 26 janvier 2022 fait au nom de la commission des affaires économiques sur le projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, portant réforme des outils de gestion des risques climatiques en agriculture, par M. Laurent Duplomb.
* 37 Briefing Agro Contexte du 11 septembre 2024.
* 38 Voir par exemple cette décision : https://poitiers.tribunal-administratif.fr/decisions-de-justice/dernieres-decisions/prelevement-d-eau-pour-l-irrigation-dans-les-bassins-versants-du-marais-poitevin-nouvelle-annulation-de-l-autorisation-pluriannuelle.
* 39 Article R. 131-27 du code de l'environnement.
* 40 À noter que pour 2023, le rapport d'activité de l'OFB fait état de plus de 120 000 contrôles. Cet écart par rapport aux chiffres des années précédentes s'explique par une meilleure comptabilisation de l'activité de contrôle administratif de surveillance du territoire de l'Office qui, jusqu'alors, demeurait très peu prise en compte dans les statistiques de l'établissement public.
* 41 Ce chiffre peut être trompeur, le rapport du sénateur Bacci, susmentionné, souligne un délaissement des missions cynégétiques de l'Office, les agents se concentrant sur le respect des règles de sécurité, et consacrant 15 à 20 % de leur temps à la police de la chasse.
* 42 Ces chiffres devant être actualisés à l'aune de la meilleure intégration, depuis 2023, des activités de contrôle administratif relatives à la surveillance du territoire et au respect des prescriptions nationales et locales édictées (comme les arrêtés sécheresse).
* 43 Les inspecteurs de l'environnement bénéficient d'une formation initiale de neuf semaines dont la validation des modules est obligatoire pour obtenir le commissionnement. Les détenteurs d'une arme de service sont tenus de suivre quatre séances d'entrainement au tir par an. Enfin, un protocole d'entrée en contact avec le contrôlé est suivi par les inspecteurs. Source : rapport Bacci.
* 44 Assurer une police environnementale et sanitaire au service de la biodiversité ; assurer un appui aux services de l'État dans l'instruction de certains dossiers soumis à autorisation ou dérogation en s'appuyant sur la séquence « éviter, réduire, compenser » ; contribuer à une bonne application de la police administrative ; mettre en oeuvre de nouvelles prérogatives des inspecteurs de l'environnement en matière judiciaire ; assurer l'organisation de l'examen et la délivrance du permis de chasser et faire évoluer les outils dédiés à la police et permettre l'accès aux fichiers autorisés pour les inspecteurs de l'environnement.
* 45 Article L. 131-9 du code de l'environnement.
* 46 Décret n° 2023-876 du 13 septembre 2023 relatif à la coordination en matière de politique de l'eau et de la nature et de lutte contre les atteintes environnementales et instruction du Gouvernement du 16 septembre 2023 relative à la coordination en matière de police de l'eau et de la nature et de lutte contre les atteintes environnementales.
* 47 Saccage pour lequel l'OFB a porté plainte.
* 48 C'est sur ce constat que se fonde la recommandation n° 2 du rapport : Définir une méthodologie transparente et objective des démarches de contrôle, en rappelant aux acteurs les particularités de la procédure judiciaire, leurs droits et devoirs ainsi que les délais habituels en la matière.
* 49 Un amendement des rapporteurs vise à réécrire cet article pour procéder à une véritable dépénalisation de certaines infractions environnementales.
* 50 Page 51 : « La mission d'information constate toutefois que tous les préfets ne se sont pas encore pleinement emparés de cet outil à l'efficacité déjà saluée par les acteurs, qui participe au renforcement de l'identification et de la légitimité de l'OFB : elle plaide donc pour un pilotage effectif des Misen dans tous les territoires, afin que soit partout assurée la cohérence globale des contrôles administratifs, ardemment souhaitée par les acteurs soumis à la police de l'environnement. »
* 51 Cf. commentaire de la décision n° 2010-617 DC du 9 novembre 2010 - Loi portant réforme des retraites.
* 52 Cf. par exemple les décisions n° 2015-719 DC du 13 août 2015 - Loi portant adaptation de la procédure pénale au droit de l'Union européenne et n° 2016-738 DC du 10 novembre 2016 - Loi visant à renforcer la liberté, l'indépendance et le pluralisme des médias.
* 53 Décision n° 2007-546 DC du 25 janvier 2007 - Loi ratifiant l'ordonnance n° 2005-1040 du 26 août 2005 relative à l'organisation de certaines professions de santé et à la répression de l'usurpation de titres et de l'exercice illégal de ces professions et modifiant le code de la santé publique.
* 54 Décision n° 2020-802 DC du 30 juillet 2020 - Loi organique portant report de l'élection de six sénateurs représentant les Français établis hors de France et des élections partielles pour les députés et les sénateurs représentant les Français établis hors de France.