DEUXIÈME PARTIE
LES PRINCIPALES OBSERVATIONS DU RAPPORTEUR SPÉCIAL SUR LES PROGRAMMES « LOGEMENT ET VILLE »

I. LES CRÉDITS DÉDIÉS AU PROGRAMME 177 « HÉBERGEMENT, PARCOURS VERS LE LOGEMENT ET INSERTION DES PERSONNES VULNÉRABLES » SONT CONTRAINTS AU REGARD DES OBJECTIFS, DANS UN CONTEXTE DE MAÎTRISE DE LA DÉPENSE PUBLIQUE

Le programme 177 « Hébergement, parcours vers le logement et insertion des personnes vulnérables » porte la politique d'hébergement et d'accès au logement des personnes sans abri ou mal logées. Doté de 2 930,9 milliards d'euros en CP pour 2025, il se compose de trois actions dont les crédits sont très inégaux.

L'action 11 « Prévention de l'exclusion » représente 1,2 % des CP et finance des actions diverses, principalement de développement d'aires d'accueil des gens du voyage (allocation de logement temporaire « ALT 2 » versée à des gestionnaires locaux) et de prévention des expulsions locatives, ainsi qu'un dispositif de résorption des bidonvilles.

L'action 12 « Hébergement et logement adapté » comprend 98,5 % des CP. Elle porte les politiques de veille sociale, d'hébergement d'urgence et de logement adapté.

L'action 14 « Conduite et animation des politiques de l'hébergement et de l'inclusion sociale » représente enfin 0,3 % des CP. Elle finance des actions de pilotage du secteur de l'accueil, de l'hébergement et de l'insertion (AHI), ainsi qu'un soutien aux fédérations locales des centres sociaux.

Répartition des crédits par action du programme 177

(en millions d'euros et en %)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

Le programme ne connaît pas d'évolution significative de son périmètre dans le présent projet de loi de finances.

A. LA STABILISATION DES CRÉDITS OUVERTS EN LOI DE FINANCES POUR LA POLITIQUE D'HÉBERGEMENT D'URGENCE NE CORRESPOND PAS À L'AMBITION AFFICHÉE PAR LE GOUVERNEMENT

1. Le gouvernement prévoit pour 2025 un montant qui est déjà insuffisant pour l'exécution

Les crédits demandés pour 2025 sur le programme 177 sont de 2 906,1 millions d'euros en AE et 2 930,9 millions d'euros en CP, soit une hausse de 5,2 millions d'euros qui correspond en euros constants à une baisse de 1,6 % des crédits disponibles.

Évolution des crédits par action du programme 177

(en millions d'euros et en %)

 

2024
LFI

2025

PLF

Évolution PLF 2025 /
LFI 2024

montant

 %

corrigé inflation

11 - Prévention de l'exclusion

AE

31,8 

35,8

4,0

+ 12,6 %

  10,6 %

CP

31,8 

35,8

4,0

+ 12,6 %

+ 10,6 %

12 - Hébergement et logement adapté

AE

2 860,9 

2 862,5

1,6

+ 0,1 %

- 1,7 %

CP

2 885,6 

2 887,2

1,6

+ 0,1 %

- 1,7 %

14 - Conduite et animation des politiques de l'hébergement et de l'inclusion sociale

AE

8,3 

7,9

- 0,4

- 4,5 %

- 6,2 %

CP

8,3 

7,9

- 0,4

- 4,5 %

- 6,2 %

Total programme 177

AE

2 900,9 

2 906,1

5,2

+ 0,2 %

- 1,6 %

CP

2 925,7 

2 930,9

5,2

+ 0,2 %

- 1,6 %

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

Si cette enveloppe contrainte s'explique en particulier par la nécessité de redresser les comptes publics et la nécessité pour la mission de participer à l'effort collectif, son montant permet difficilement d'assurer le financement attendu pour atteindre l'objectif de maintien à 203 000 places du parc d'hébergement d'urgence sur lequel s'est engagé le gouvernement.

En effet, pour mener à bien l'exercice 2024, le projet de loi de fin de gestion (PLFG) prévoit l'ouverture de 250 millions d'euros sur le programme afin de pouvoir compenser les associations pour leurs actions. Or, la lecture des documents obtenus dans la mission d'information sur la dégradation des finances publiques5(*) fait apparaître que cet arbitrage d'ouverture supplémentaire de crédits a été décidé non pas en octobre 2024 mais bien le 21 décembre 2023.

Par conséquent, la reconduction des mêmes crédits qu'en 2024, qui sont même en baisse en corrigeant l'inflation, risquerait de produire en 2025 des effets similaires.

En prenant plus de recul sur les crédits ouverts pour la mission, il apparaît d'ailleurs que le programme 177 connaît une sur-exécution chronique, d'un montant souvent proche de 200 millions d'euros.

Prévision et exécution des crédits du programme 177

(en milliards d'euros)

Source : commission des finances, à partir des lois de finances initiales, des lois de règlement et du projet de loi de fin de gestion

Cette sous-budgétisation du programme prive les opérateurs de la mission de la possibilité de mener sereinement leurs actions. Alors que le stock de places n'a cessé de croître, il conviendrait de pouvoir pérenniser un financement cohérent avec les besoins. Certaines associations font ainsi part de surcoûts liés à la fermeture puis à la réouverture de places, ainsi que d'actions au profit des personnes hébergées qui ne donnent lieu au décaissement des crédits que tardivement, voire après leur réalisation, ce qui peut mettre en péril financier les plus petites structures.

2. La stagnation des crédits de l'hébergement d'urgence prévue dans la loi de finances initiale pour 2025 se démarque des années précédentes

L'inquiétude la plus grande pour 2025 vient des évolutions des crédits de l'action 12 « Hébergement et logement adapté », qui finance les principaux dispositifs du programme 177. Ces derniers sont de 2 881,6 millions d'euros, contre 2 885,6 millions d'euros adoptés en 2024. Cela équivaut à une stagnation de l'enveloppe à 0,1 % en euros courants, soit, en euros constants, une réduction de 1,7 %.

Alors que sur le moyen terme, l'augmentation des crédits est considérable, avec une hausse de près de 150 millions d'euros chaque année, on remarque que la hausse des crédits dédiés à l'hébergement d'urgence connaît depuis 2022 une trajectoire moins dynamique.

Crédits de l'hébergement d'urgence et du logement adapté

(en millions d'euros)

Source : commission des finances, à partir des projets annuels de performance

Comme l'indique le graphique, c'est surtout la brique réservée à l'hébergement d'urgence qui connaît l'évolution de dynamique la plus marquée. Alors que les crédits qui lui sont dédiés avaient été multipliés par 4,3 entre 2012 et 2022, la diminution de 4,1 % des crédits entre la LFI pour 2022 et le PLF pour 2025 indique une inversion de tendance.

Entre 2024 et 2025, en particulier, c'est une diminution de 73,9 millions d'euros en AE et de 73,8 millions d'euros en CP qui est constatée sur cette ligne budgétaire.

En revanche, la hausse est prononcée pour les crédits des trois autres segments de l'action 12.

Les crédits consacrés à la veille sociale sont de 236,5 millions d'euros, en augmentation de 24 millions d'euros, afin d'accompagner la montée en puissance des services intégrés d'accueil et d'orientation (SIAO), qui coordonnent les structures d'accueil et d'hébergement. Dans ce dispositif, 500 équivalents temps plein (ETP) ont été créés en 2024, pour tenter d'infléchir la dynamique de réduction des demandes non pourvues (voir infra).

Les crédits des dispositifs de logement adapté augmentent de manière plus modérée. Doté de 581,6 millions d'euros6(*), soit une croissance de + 13,6 millions d'euros, ce dispositif s'inscrit dans les objectifs du second plan Logement d'abord 2023-2027. Il s'agit en priorité de créer 30 000 nouvelles places en intermédiation locative dans le parc locatif privé, 10 000 nouvelles places en pensions de famille et résidences accueil et de relancer la production de résidences sociale.

Enfin, les crédits dédiés aux centres d'hébergement et de réinsertion sociale (CHRS) sont en croissance à hauteur de 37,8 millions d'euros, pour atteindre une dotation de 796,1 millions d'euros en 2025. Ces structures permettent un accueil intensif et pluridisciplinaire en vue d'une réinsertion plus complète. Les accueillis participent aux charges et versent une contribution. Par conséquent, ce dispositif s'adresse à un public qui est déjà entré dans une phase de réinsertion et ne peut se substituer à l'hébergement d'urgence.


* 5 Rapport d'information du Sénat n° 685 (2023-2023), Dégradation des finances publiques : entre pari et déni, déposé le 12 juin 2024.

* 6 Le projet annuel de performances indique un montant de 575,5 millions d'euros. Il s'agit d'une coquille liée à la non comptabilisation à cet endroit du document du transfert de 5,6 millions d'euros vers la brique du logement adapté liée à l'intégration au programme du plan de transformation des foyers de travailleurs migrants (PTFFTM) en résidences sociales, depuis le programme 104 de la mission « Immigration, asile et intégration ».

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