N° 144

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2024-2025

Enregistré à la Présidence du Sénat le 21 novembre 2024

RAPPORT GÉNÉRAL

FAIT

au nom de la commission des finances (1) sur le projet de loi de finances, considéré comme rejeté par l'Assemblée nationale, pour 2025,

Par M. Jean-François HUSSON, 

Rapporteur général,

Sénateur

TOME III

LES MOYENS DES POLITIQUES PUBLIQUES ET DISPOSITIONS SPÉCIALES

(seconde partie de la loi de finances)

ANNEXE N° 6a

COHÉSION DES TERRITOIRES - LOGEMENT ET VILLE
(Programmes 177 « Hébergement, parcours vers le logement et insertion
des personnes vulnérables », 109 « Aide à l'accès au logement »,
135 « Urbanisme, territoires et amélioration de l'habitat »
et 147 « Politique de la ville »)

Rapporteur spécial : M. Jean-Baptiste BLANC

(1) Cette commission est composée de : M. Claude Raynal, président ; M. Jean-François Husson, rapporteur général ; MM. Bruno Belin, Christian Bilhac, Jean-Baptiste Blanc, Michel Canévet, Emmanuel Capus, Thierry Cozic, Bernard Delcros, Thomas Dossus, Albéric de Montgolfier, Didier Rambaud, Stéphane Sautarel, Pascal Savoldelli, vice-présidents ; Mmes Marie-Carole Ciuntu, Frédérique Espagnac, MM. Marc Laménie, Hervé Maurey, secrétaires ; MM. Pierre Barros, Arnaud Bazin, Grégory Blanc, Mmes Florence Blatrix Contat, Isabelle Briquet, MM. Vincent Capo-Canellas, Raphaël Daubet, Vincent Delahaye, Vincent Éblé, Rémi Féraud, Stéphane Fouassin, Mme Nathalie Goulet, MM. Jean-Raymond Hugonet, Éric Jeansannetas, Christian Klinger, Mme Christine Lavarde, MM. Antoine Lefèvre, Dominique de Legge, Victorin Lurel, Jean-Marie Mizzon, Claude Nougein, Jean-Baptiste Olivier, Olivier Paccaud, Mme Vanina Paoli-Gagin, MM. Georges Patient, Jean-François Rapin, Mme Ghislaine Senée, MM. Laurent Somon, Christopher Szczurek, Mme Sylvie Vermeillet, M. Jean-Pierre Vogel.

Voir les numéros :

Assemblée nationale (17ème législ.) : 324, 459, 462, 468, 471, 472, 486, 524, 527, 540 et T.A. 8

Sénat : 143 et 144 à 150 (2024-2025)

L'ESSENTIEL

Ce rapport, après une présentation d'ensemble de la mission « Cohésion des territoires », porte sur les crédits relatifs aux politiques d'hébergement, du logement, de l'urbanisme et de la ville, soit les programmes 177 « Hébergement, parcours vers le logement et insertion des personnes vulnérables », 109 « Aide à l'accès au logement », 135 « Urbanisme, territoires et amélioration de l'habitat » et 147 « Politique de la ville ».

Les crédits de paiement de la mission « Cohésion des territoires » passent de 19,2 milliards d'euros en loi de finances initiale (LFI) pour 2024 à 23,8 milliards d'euros dans le projet de loi de finances pour 2025. Cette hausse importante des crédits de la mission, de 21,8 % après correction de l'inflation, est uniquement liée à des mesures de périmètre. Les crédits, à périmètre constant, sont en baisse de 3,9 % en euros constants.

Les crédits dédiés à la rénovation énergétique sont notamment en diminution de 20,5 %, soit une baisse de 664 millions d'euros, en tenant compte des opérations effectivement réalisées. De même, le projet de loi de fin de gestion pour 2024 annule d'ailleurs 661 millions d'euros sur ce périmètre.

Les politiques publiques portées par la mission « Cohésion des territoires » sont également financées par 10,9 milliards d'euros de dépenses fiscales, ainsi que par 1,0 milliard d'euros de ressources affectées à des opérateurs et de 0,5 milliard d'euros de fonds de concours et attributions de produits.

Moyens globaux alloués à la mission « Cohésion des territoires »

Crédits budgétaires

23,8 Mds€

(en milliards d'euros)

Moyens totaux

36,3 Mds€

Source : commission des finances, à partir de l'état F annexé au projet de loi de finances

I. LES CRÉDITS DE LA POLITIQUE D'HÉBERGEMENT ET D'ACCÈS AU LOGEMENT (PROGRAMME 177) PORTENT UNE POLITIQUE AMBITIEUSE AVEC UN BUDGET CONTRAINT

Le programme 177 « Hébergement, parcours vers le logement et insertion des personnes vulnérables » porte la politique d'hébergement et d'accès au logement des personnes sans abri ou mal logées. Pour 2025, les crédits demandés par le projet de loi de finances sont de 2,9 milliards d'euros en autorisation d'engagement et en crédits de paiement.

Le rapporteur spécial salue l'ambition du gouvernement de conserver 203 000 places ouvertes dans le parc en 2025, au vu de la demande croissante.

Les crédits prévus en loi de finances initiale peuvent néanmoins sembler sous-évalués, compte tenu de l'exécution constaté au titre de 2024, avec une ouverture de crédits de 250 millions d'euros prévue par le projet de loi de finances de fin de gestion (PLFG). Ainsi, avec un objectif de place similaire que l'année précédente, le même montant pourrait manquer pour boucler l'année 2025.

Prévision et exécution des crédits du programme 177

(en milliards d'euros)

Source : commission des finances, à partir des lois de finances initiales, des lois de règlement et du projet de loi de fin de gestion

Le rapporteur spécial indique que les enjeux budgétaires peuvent expliquer la nécessité de contraindre ce budget. Il existe néanmoins un risque de réduire le nombre de places d'hébergement de bonne qualité et de voir les nuitées hôtelières repartir à la hausse.

Plusieurs difficultés sont en outre à prévoir pour cette année, en lien avec des évolutions politiques et géopolitiques qui marquent l'actualité de la politique d'hébergement.

Plus de 2 000 enfants à la rue fin août 2024, selon le sixième baromètre de l'UNICEF sur le sujet.

Inscription dans le temps de la problématique de gestion des réfugiés ukrainiens.

Fermeture de 9 235 places du dispositif national d'accueil, géré par le ministère de l'intérieur pour les demandeurs d'asile, qui provoquera un report vers le parc classique déjà saturé.

II. LE SCHÉMA DE FINANCEMENT DES AIDES AU LOGEMENT (PROGRAMME 109) EST SIMPLIFIÉ PAR LE PROJET DE LOI

Le programme 109 porte principalement les aides personnelles au logement et est doté de 17,0 milliards d'euros sur le budget de l'État, en évolution de + 22,4 % euros constants. Cette hausse est liée à une simplification du schéma de financement des aides. Les fractions de taxes sur les bureaux et de contributions employeurs versées en addition à une subvention d'État sont désormais entièrement retracées dans le budget. Les crédits remboursent, via le fonds national d'aide au logement (FNAL), la mutualité sociale agricole (MSA) et les caisses d'allocations familiales (CAF) qui versent les aides personnelles au logement.

CAF

Transfert via le FNAL

Versement

unique sur le programme 109 17 Mds€

Nouveau schéma PLF 2025

Contributions employeurs 3 Mds€

Taxe sur les bureaux, 24 M€

MSA

Subvention d'équilibre 14 Mds€

Près de 5,7 millions de ménages bénéficient d'une aide au logement.

Les aides au logement constituent le principal poste d'économies du budget de l'État depuis 2017, en baisse de 24,8 %. Le montant annuel versé est passé de 20,8 à 15,6 milliards d'euros. Cette économie budgétaire de l'État pèse en fait sur les bailleurs sociaux auxquels est transférée la charge de la réduction de loyer de solidarité.

III. LA POLITIQUE DE L'HABITAT ET DE L'URBANISME (PROGRAMME 135) PEINE À AMORCER UNE SORTIE DE CRISE

La hausse de crédits prévue, de 1 584 millions d'euros en LFI pour 2024 à 2 995 millions d'euros en 2025 est liée à un changement de périmètre du programme. Les crédits sont en baisse à périmètre constant.

A. LES CRÉDITS PORTANT SUR LA RÉNOVATION THERMIQUE DES LOGEMENTS FONT L'OBJET D'UNE MISE EN COHÉRENCE AVEC LES ACTIONS RÉALISÉES

Les crédits budgétaires globaux pour l'Agence nationale de l'habitat (ANAH) pour la rénovation thermique des logements privés sont en baisse de 23,1 %, en lien avec leur sous-exécution en 2024. Cette moindre exécution est liée à un retard pris dans les travaux de rénovation. Elle a mené à une annulation de 358,9 millions d'euros des crédits en février dernier. Le PLFG prévoit en outre une annulation de 381,3 millions d'euros en crédits de paiement.

Les crédits sont désormais tous regroupés au sein du programme 135, alors qu'ils provenaient pour les deux tiers aussi du programme 174, de la mission « Écologie, développement et mobilité durables ». Le rapporteur spécial salue la lisibilité accrue de la maquette budgétaire.

Financement de l'ANAH par l'État

(en milliards d'euros)

Source : commission des finances, à partir des documents budgétaires

La baisse observée est ainsi une mise en cohérence avec les actions de rénovation réellement entreprises. Elle ne met pas en difficulté l'ANAH, qui dispose d'un niveau de trésorerie important. Cette dernière a ainsi été multipliée par 3 depuis 2019.

B. LA CRISE DU LOGEMENT DEMEURE ET TOUCHE À LA FOIS LES PARCS PRIVÉ ET SOCIAL

La crise est d'abord une crise de l'offre, avec un bas historique au deuxième trimestre 2024. C'est aussi une crise de la demande, en lien avec une capacité d'achat moindre en lien avec des taux qui demeurent élevés et un coût de l'immobilier qui n'amorce pas de baisse franche.

Autorisations et commencements de logements sur les douze derniers mois

(en nombre de logements autorisés)

Source : commission des finances, à partir des séries longues Sitadel jusqu'à fin septembre 2024

Le logement social, atteint aussi un point bas depuis 2013, avec 82 184 logements agréés. Il peine ainsi à jouer son rôle contracyclique, en lien avec le taux élevé du Livret A.

Le rapporteur spécial encourage ainsi le gouvernement à porter des propositions afin de faciliter le redémarrage de la construction ainsi que la facilitation de l'accès à la propriété des ménages.

Le rapporteur spécial rappelle, enfin, que la fiscalité du logement doit faciliter la mobilité au sein du parc et, ainsi, frapper moins l'acte d'achat que la rétention de bien. Il est ainsi vigilant à limiter les effets d'une potentielle hausse des droits de mutation à titre onéreux (DMTO).

IV. LA POLITIQUE DE LA VILLE (PROGRAMME 147) DOIT SE DOTER D'UNE VISION À MOYEN TERME

Le programme 147 porte les crédits de la politique de la ville, pour un montant de 549,6 millions d'euros en 2025, en baisse de 89,9 millions d'euros en valeur et de 15,6 % en euros constants.

La plupart des actions des nouveaux contrats de ville, signés au cours de l'année 2024, sont en baisse. Ainsi, le dispositif adulte-relais perd 5 millions d'euros, les dotations allouées aux cités éducatives reculent de 20 millions d'euros. Si la contrainte budgétaire et la nécessité de redresser les comptes publics expliquent ces coupes, il conviendra d'être attentif à ce que l'action de ces acteurs locaux ne se trouve pas trop fragilisée.

L'État est au pied du mur quant à sa participation au nouveau programme national de renouvellement urbain (NPNRU). L'année 2024 sera une année blanche, car le PLFG prévoit l'annulation des crédits ouverts (50 M€). À ce stade, le PLF pour 2025 ne prévoit pas de participation.

Financement du NPNRU par l'État

(en millions d'euros)

Source : commission des finances, à partir des documents budgétaires

Cette absence de participation de l'État ne poserait pas de difficulté si le financement du NPNRU était par ailleurs assuré. Or, des difficultés de trésorerie sont d'ores et déjà attendues entre 2025 et 2028. Aussi, le rapporteur spécial restera attentif à toute initiative qui permettra de garantir sans les retarder les opérations de renouvellement urbain.

Réunie le mardi 12 novembre 2024, sous la présidence de M. Claude Raynal, président, la commission des finances a décidé de proposer au Sénat l'adoption des crédits de la mission tels que modifiés par un amendement de crédits réallouant 5,5 millions d'euros vers la bonification des maisons France services en zone France ruralités revitalisation portée par le programme 112.

Réunie à nouveau le jeudi 21 novembre 2024, sous la présidence de M. Claude Raynal, président, la commission a confirmé définitivement ses votes émis sur toutes les missions, tous les budgets annexes, tous les comptes spéciaux et les articles rattachés aux missions, ainsi que les amendements qu'elle a adoptés, à l'exception de ceux émis pour les missions « Culture », « Direction de l'action du Gouvernement », « Enseignement scolaire », « Médias, livre et industries culturelles », « Audiovisuel public », « Recherche et enseignement supérieur », ainsi que des comptes spéciaux qui s'y rattachent.

L'article 49 de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF) fixe au 10 octobre la date limite pour le retour des réponses aux questionnaires budgétaires.

À cette date, 73,1 % des réponses étaient parvenues pour le programme 177 « Hébergement, parcours vers le logement et insertion des personnes vulnérables », 28,3 % pour les programmes 109 « Aide à l'accès au logement » et 135 « Urbanisme, territoires et amélioration de l'habitat » et 71,4 % pour le programme 147 « Politique de la ville ».

PREMIÈRE PARTIE
PRÉSENTATION GLOBALE DE LA MISSION

I. DES CRÉDITS BUDGÉTAIRES DE 23,5 MILLIARDS D'EUROS POUR SIX PROGRAMMES

Les crédits de la mission « Cohésion des territoires » sont, dans le projet de loi de finances pour 2025, de 23,5 milliards d'euros en autorisations d'engagement (AE) et de 23,8 milliards d'euros en crédits de paiement (CP). Ces crédits sont en augmentation de 3,9 milliards d'euros en AE par rapport à 2024 où elles s'élevaient à 19,6 milliards d'euros. En CP, une hausse considérable est aussi à noter, de 4,6 milliards d'euros par rapport à 2024 où ces derniers ont été votés à hauteur de 19,2 milliards d'euros.

Cette hausse importante des crédits de la mission, de 17,7 % en AE et de 21,8 % en CP après correction de l'inflation, est liée à plusieurs mesures de périmètre qui modifient de façon significative la grille de lecture des dépenses couvertes par la mission.

Si l'on présente les crédits de la loi de finances initiale (LFI) pour 2024 dans le format de celui du projet de loi de finances (PLF) pour 2025, c'est-à-dire en intégrant rétroactivement les changements de périmètre induits par le PLF, les crédits sont en diminution. Ainsi, il est prévu près d'1,9 milliard d'euros de moins en AE, soit une diminution de 9,0 %, et 537 millions d'euros de moins en CP, soit une diminution de 3,9 %.

Cette baisse est principalement liée à la réduction de près d'1,7 milliard d'euros des AE et de 686 millions d'euros des CP pour la rénovation énergétique des logements. Sont ainsi concernés les crédits destinés à alimenter la trésorerie de l'Agence nationale de l'habitat (ANAH), qui porte le programme MaPrimRénov' dont la vocation est d'accompagner les travaux de rénovation des logements des particuliers.

Le projet de loi de finances de fin de gestion pour 2024, déposé en conseil des ministres le 5 novembre, engage déjà une annulation nette de 351 millions d'euros en AE et de 435 millions d'euros en CP. Il fait suite à l'annulation, par décret du 21 février 20241(*), de près de 737 millions d'euros.

Évolution des crédits de la mission « Cohésion des territoires »

(en millions d'euros et en pourcentage)

   

Exécution 2023

LFI
2024

Crédits totaux 2024

format 2025

PLF 2025

PLF 2025 / crédits totaux 2024 format 2025

FDC
et ADP 2025

   

montant

en %

corrigé inflation

177 - Hébergement, parcours vers le logement et insertion des personnes vulnérables

AE

3 068,7 

2 900,9 

2 900,9 

2 906,1

5,2

+ 0,2 %

- 1,6 %

0,2 

CP

3 076,5 

2 925,7 

2 935,0 

2 930,9

- 4,1

- 0,1 %

- 1,9 %

 

109 - Aide à l'accès au logement

AE

13 290,8 

13 656,4 

16 730,4 

17 015,6

285,2

+ 1,7 %

- 0,1 %

 

CP

13 290,8 

13 656,4 

16 730,4 

17 015,6

285,2

+ 1,7 %

- 0,1 %

 

135 - Urbanisme, territoires et amélioration de l'habitat

AE

1 395,6 

1 917,9 

4 607,8 

2 688,1

- 1 919,7

- 41,7 %

- 42,7 %

493,5 

CP

1 089,2 

1 583,7 

3 641,4 

2 995,8

- 645,6

- 17,7 %

- 19,2 %

403,1 

112 - Impulsion et coordination de la politique d'aménagement du territoire

AE

396,8 

397,9 

388,5 

248,3

- 140,2

- 36,1 %

- 37,2 %

48,0 

CP

340,1 

348,5 

339,1 

211,7

- 127,4

- 37,6 %

- 38,7 %

48,0 

147 - Politique de la ville

AE

565,4 

639,5 

639,5 

549,6

- 89,9

- 14,1 %

- 15,6 %

0,5 

CP

565,5 

639,5 

639,5 

549,6

- 89,9

- 14,1 %

- 15,6 %

0,5 

162 - Interventions territoriales de l'État

AE

116,4 

80,6 

80,6 

77,3

- 3,3

- 4,1 %

- 5,8 %

22,6 

CP

148,5 

33,2 

33,2 

77,6

44,4

+ 134,1 %

+ 129,9 %

95,1 

Total mission

AE

18 833,7 

19 593,3 

25 347,8 

23 485,0

- 1 862,8

- 7,3 %

- 9,0 %

564,7 

CP

18 510,6 

19 186,9 

24 318,6 

23 781,2

- 537,3

- 2,2 %

- 3,9 %

546,6 

Crédits totaux 2024 format 2025 : loi de finances initiale (LFI) + mesures de périmètre et de transfert en PLF 2025. AE : autorisations d'engagement. CP : crédits de paiement. FDC et ADP : fonds de concours et attributions de produits.

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

II. DES MOYENS GLOBAUX DE 36,3 MILLIARDS D'EUROS

A. LA MISSION « COHÉSION DES TERRITOIRES » EST L'UN DES POSTES DU BUDGET DE L'ÉTAT LES PLUS IMPORTANTS

Le nouvel état F, annexé au projet de loi de finances pour la deuxième année consécutive en application de l'article 34 de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF)2(*), récapitule les moyens globaux des missions.

Aux crédits de paiement décrits supra, il ajoute le montant des dépenses fiscales, des ressources affectées et, pour les missions concernées, des prélèvements sur recettes et des crédits des comptes spéciaux qui concourent à la mise en oeuvre des politiques publiques financées par cette mission.

Dans le périmètre des dépenses de l'État, la mission « Cohésion des territoires » constitue le cinquième poste en termes de crédits ouverts, hors remboursements et dégrèvements, et représente 7,1 % de l'engagement total prévu pour 2025, soit 23,8 milliards d'euros sur 336,7 milliards d'euros.

En outre, la mission se distingue des autres par le montant élevé des dépenses fiscales qui lui sont rattachées. Ces dernières atteignent 10,9 milliards d'euros en 2025, ce qui classe la mission troisième en termes de volume de dépenses fiscales rattachées, après les missions « Solidarité, insertion et égalité des chances » et « Travail et emploi ».

La mission se caractérise enfin par un niveau notable de fonds de concours et attributions de produits, atteignant 0,5 milliard d'euros, et de ressources affectées, qui s'élèvent à 1,0 milliard d'euros.

Moyens globaux alloués à la mission « Cohésion des territoires »

(en milliards d'euros)

Source : commission des finances, à partir de l'état F annexé au projet de loi de finances

B. DES DÉPENSES FISCALES D'UN POIDS ÉLEVÉ

Le montant total des dépenses fiscales est de 10,9 milliards d'euros, pour l'essentiel rattachées au programme 135 « Urbanisme, territoires et amélioration de l'habitat ». Ce montant est en légère hausse par rapport à celui indiqué en projet de loi de finances pour 2024, qui était de 11,5 milliards d'euros.

Les dépenses fiscales induisant des taux de taxe sur la valeur ajoutée (TVA) réduits pour les travaux d'amélioration ou de rénovation énergétique des logements sont ainsi chiffrées en croissance par rapport aux années précédentes, en lien avec un effort croissant pour l'amélioration du bâti.

Les principales dépenses fiscales de la mission « Cohésion des territoires »

(en millions d'euros)

Numéro et libellé

Chiffrage 2023

Estimation 2024

Prévision 2025

Taux de 10 % pour les travaux d'amélioration, de transformation, d'aménagement et d'entretien (hors TVA à 5,5 % infra)

2 150

2 170

2 280

Déduction des dépenses de réparations et d'amélioration

1 836

nc

nc

Réductions d'impôt sur le revenu en faveur de l'investissement locatif intermédiaire (dispositifs Duflot et Pinel)

1 396

1 529

1 498

Taux de 5,5 % pour les travaux d'amélioration de la qualité énergétique des locaux à usage d'habitation achevés depuis plus de deux ans

970

975

1 030

Crédit d'impôt « Prêt à taux zéro » et « Prêt à taux zéro renforcé PTZ+ »

703

593

600

nc : non chiffrable.

Source : commission des finances du Sénat, à partir des documents budgétaires

Le dispositif Pinel, qui favorise l'investissement locatif intermédiaire, voit son fait générateur s'achever en 2024. Par conséquent, son importance dans le budget devrait prendre dans les années à venir une trajectoire baissière et cette dépense fiscale devrait n'avoir plus aucune incidence budgétaire en 2038.

Le crédit d'impôt « Prêt à taux zéro », en revanche, pourrait voir son incidence budgétaire croître, en lien avec son extension à tout le territoire pour les logements neufs et le logement collectif. Ce dispositif, adopté à l'Assemblée nationale3(*) avec avis favorable du gouvernement, a un coût estimé à 200 millions d'euros. Il conviendra de voir ce qui se passe sur ce point au cours de la navette.

C. LES OPÉRATEURS DE LA MISSION ENTRE FINANCEMENT PAR CRÉDITS BUDGÉTAIRES ET PAR TAXES AFFECTÉES

Le programme 135 « Urbanisme, territoires et amélioration de l'habitat » est chef de file pour quatre opérateurs, mais n'apporte des crédits budgétaires que pour l'Agence nationale de l'habitat (ANAH), qui reçoit plus de 2,3 milliards d'euros de ce programme en AE et 2,5 milliards d'euros en CP. En 2024, ce montant s'élevait à 1,1 milliard d'euros en AE et en CP, mais près de 2,7 milliards d'euros en AE et 2,1 milliards d'euros en CP provenaient aussi du programme 174, de la mission « Écologie, développement et mobilité durables ». Il en ressort une diminution des crédits dédiés au financement de l'ANAH de près d'1,7 milliard d'euros en AE et 686 millions d'euros en CP en 2025. Cette diminution est justifiée par une sous-consommation des crédits au cours de l'année 2024 et du niveau élevé de la trésorerie de l'ANAH.

L'opérateur disposant du personnel le plus important est l'Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT), rattachée au programme 112 « Impulsion et coordination de la politique d'aménagement du territoire », avec 358 équivalents temps plein travaillés (ETPT) en 2025. Ceci résulte néanmoins d'une diminution de 21 ETPT dans le schéma d'emploi de l'opérateur.

Crédits et emplois des opérateurs rattachés à la mission
« Cohésion des territoires »

(en milliers d'euros et en équivalents
temps plein travaillés (ETPT))

Opérateur et programme

 

LFI 2024

PLF 2025

PLF 2025 / LFI 2024

Agence nationale de l'habitat (ANAH)

135

AE

1 124,7

2 291,9

+ 1 167,2

CP

1 124,7

2 521,9

+ 1 397,2

Emplois

287

287

-

Agence nationale de contrôle du logement social (ANCOLS)

135

AE

-

-

-

CP

-

-

-

Emplois

136

136

-

Caisse de garantie du logement locatif social (CGLLS)

135

AE

-

-

-

CP

-

-

-

Emplois

29

29

-

Fonds national des aides à la pierre (FNAP)

135

AE

-

-

-

CP

-

-

-

Emplois

-

-

-

Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT)

112

AE

85,3

67,3

- 18,0

CP

85,3

67,3

- 18,0

Emplois

379

358

- 21

Autorisations d'engagement (AE) et crédits de paiement (CP) attribuées par le programme indiqué. Emplois rémunérés par l'opérateur.

Source : commission des finances du Sénat, à partir du projet annuel de performances

Ces crédits ne correspondent qu'à une partie des ressources de ces opérateurs.

Certains peuvent bénéficier de crédits budgétaires alloués par des programmes appartenant à d'autres missions budgétaires, de l'affectation de taxes ou de recettes diverses.

Les autres opérateurs du programme 135 sont également financés, à titre principal, par des taxes affectées :

- un prélèvement sur les ressources de la participation des employeurs à l'effort de construction (PEEC) et une cotisation versée par les organismes de logement social pour l'ANCOLS ;

- des contributions des organismes de logement social pour la CGLLS ;

- des versements de la CGLLS, une fraction du produit des prélèvements SRU4(*) et d'autres ressources pour le FNAP.

III. LA COTATION ENVIRONNEMENTALE DE LA MISSION

Le rapport relatif à l'impact environnemental du budget annexé au PLF 2025 considère que les crédits budgétaires, taxes affectées et dépenses fiscales de la mission « Cohésion des territoires » seraient plus favorables que défavorables. On comptabilise ainsi 5,11 milliards d'euros de crédits, taxes affectées et dépenses fiscales favorables, contre 0,58 milliard d'euros qui seraient défavorables.

Néanmoins, 85 % de ces crédits sont considérés comme neutres, s'agissant en particulier des dépenses d'aide au logement, d'hébergement d'urgence et relatives à la politique de la ville.

Cotation environnementale de la mission « Cohésion des territoires »

(en milliards d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, à partir du rapport sur l'impact environnemental du budget de l'État et du projet de loi de finances

Les dépenses considérées comme favorables à l'environnement sont en particulier celles qui contribuent à la lutte contre l'artificialisation des sols, à leur dépollution et à la gestion des déchets (notamment les actions des établissements publics fonciers (EPF), financées par la taxe spéciale d'équipement) et celles visant à réduire les émissions de gaz à effet de serre et la consommation d'énergie via la rénovation thermique (crédits de l'ANAH, financés par une partie des recettes des enchères des quotas carbone). Les dépenses fiscales sont également considérées comme favorables lorsqu'elles incitent à la rénovation thermique.

Les seules dépenses jugées défavorables sont des dépenses fiscales, en particulier les dispositifs de type « Pinel » ou « prêt à taux zéro », auxquels est appliquée une quote-part afin d'identifier leur part « artificialisante ».

DEUXIÈME PARTIE
LES PRINCIPALES OBSERVATIONS DU RAPPORTEUR SPÉCIAL SUR LES PROGRAMMES « LOGEMENT ET VILLE »

I. LES CRÉDITS DÉDIÉS AU PROGRAMME 177 « HÉBERGEMENT, PARCOURS VERS LE LOGEMENT ET INSERTION DES PERSONNES VULNÉRABLES » SONT CONTRAINTS AU REGARD DES OBJECTIFS, DANS UN CONTEXTE DE MAÎTRISE DE LA DÉPENSE PUBLIQUE

Le programme 177 « Hébergement, parcours vers le logement et insertion des personnes vulnérables » porte la politique d'hébergement et d'accès au logement des personnes sans abri ou mal logées. Doté de 2 930,9 milliards d'euros en CP pour 2025, il se compose de trois actions dont les crédits sont très inégaux.

L'action 11 « Prévention de l'exclusion » représente 1,2 % des CP et finance des actions diverses, principalement de développement d'aires d'accueil des gens du voyage (allocation de logement temporaire « ALT 2 » versée à des gestionnaires locaux) et de prévention des expulsions locatives, ainsi qu'un dispositif de résorption des bidonvilles.

L'action 12 « Hébergement et logement adapté » comprend 98,5 % des CP. Elle porte les politiques de veille sociale, d'hébergement d'urgence et de logement adapté.

L'action 14 « Conduite et animation des politiques de l'hébergement et de l'inclusion sociale » représente enfin 0,3 % des CP. Elle finance des actions de pilotage du secteur de l'accueil, de l'hébergement et de l'insertion (AHI), ainsi qu'un soutien aux fédérations locales des centres sociaux.

Répartition des crédits par action du programme 177

(en millions d'euros et en %)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

Le programme ne connaît pas d'évolution significative de son périmètre dans le présent projet de loi de finances.

A. LA STABILISATION DES CRÉDITS OUVERTS EN LOI DE FINANCES POUR LA POLITIQUE D'HÉBERGEMENT D'URGENCE NE CORRESPOND PAS À L'AMBITION AFFICHÉE PAR LE GOUVERNEMENT

1. Le gouvernement prévoit pour 2025 un montant qui est déjà insuffisant pour l'exécution

Les crédits demandés pour 2025 sur le programme 177 sont de 2 906,1 millions d'euros en AE et 2 930,9 millions d'euros en CP, soit une hausse de 5,2 millions d'euros qui correspond en euros constants à une baisse de 1,6 % des crédits disponibles.

Évolution des crédits par action du programme 177

(en millions d'euros et en %)

 

2024
LFI

2025

PLF

Évolution PLF 2025 /
LFI 2024

montant

 %

corrigé inflation

11 - Prévention de l'exclusion

AE

31,8 

35,8

4,0

+ 12,6 %

  10,6 %

CP

31,8 

35,8

4,0

+ 12,6 %

+ 10,6 %

12 - Hébergement et logement adapté

AE

2 860,9 

2 862,5

1,6

+ 0,1 %

- 1,7 %

CP

2 885,6 

2 887,2

1,6

+ 0,1 %

- 1,7 %

14 - Conduite et animation des politiques de l'hébergement et de l'inclusion sociale

AE

8,3 

7,9

- 0,4

- 4,5 %

- 6,2 %

CP

8,3 

7,9

- 0,4

- 4,5 %

- 6,2 %

Total programme 177

AE

2 900,9 

2 906,1

5,2

+ 0,2 %

- 1,6 %

CP

2 925,7 

2 930,9

5,2

+ 0,2 %

- 1,6 %

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

Si cette enveloppe contrainte s'explique en particulier par la nécessité de redresser les comptes publics et la nécessité pour la mission de participer à l'effort collectif, son montant permet difficilement d'assurer le financement attendu pour atteindre l'objectif de maintien à 203 000 places du parc d'hébergement d'urgence sur lequel s'est engagé le gouvernement.

En effet, pour mener à bien l'exercice 2024, le projet de loi de fin de gestion (PLFG) prévoit l'ouverture de 250 millions d'euros sur le programme afin de pouvoir compenser les associations pour leurs actions. Or, la lecture des documents obtenus dans la mission d'information sur la dégradation des finances publiques5(*) fait apparaître que cet arbitrage d'ouverture supplémentaire de crédits a été décidé non pas en octobre 2024 mais bien le 21 décembre 2023.

Par conséquent, la reconduction des mêmes crédits qu'en 2024, qui sont même en baisse en corrigeant l'inflation, risquerait de produire en 2025 des effets similaires.

En prenant plus de recul sur les crédits ouverts pour la mission, il apparaît d'ailleurs que le programme 177 connaît une sur-exécution chronique, d'un montant souvent proche de 200 millions d'euros.

Prévision et exécution des crédits du programme 177

(en milliards d'euros)

Source : commission des finances, à partir des lois de finances initiales, des lois de règlement et du projet de loi de fin de gestion

Cette sous-budgétisation du programme prive les opérateurs de la mission de la possibilité de mener sereinement leurs actions. Alors que le stock de places n'a cessé de croître, il conviendrait de pouvoir pérenniser un financement cohérent avec les besoins. Certaines associations font ainsi part de surcoûts liés à la fermeture puis à la réouverture de places, ainsi que d'actions au profit des personnes hébergées qui ne donnent lieu au décaissement des crédits que tardivement, voire après leur réalisation, ce qui peut mettre en péril financier les plus petites structures.

2. La stagnation des crédits de l'hébergement d'urgence prévue dans la loi de finances initiale pour 2025 se démarque des années précédentes

L'inquiétude la plus grande pour 2025 vient des évolutions des crédits de l'action 12 « Hébergement et logement adapté », qui finance les principaux dispositifs du programme 177. Ces derniers sont de 2 881,6 millions d'euros, contre 2 885,6 millions d'euros adoptés en 2024. Cela équivaut à une stagnation de l'enveloppe à 0,1 % en euros courants, soit, en euros constants, une réduction de 1,7 %.

Alors que sur le moyen terme, l'augmentation des crédits est considérable, avec une hausse de près de 150 millions d'euros chaque année, on remarque que la hausse des crédits dédiés à l'hébergement d'urgence connaît depuis 2022 une trajectoire moins dynamique.

Crédits de l'hébergement d'urgence et du logement adapté

(en millions d'euros)

Source : commission des finances, à partir des projets annuels de performance

Comme l'indique le graphique, c'est surtout la brique réservée à l'hébergement d'urgence qui connaît l'évolution de dynamique la plus marquée. Alors que les crédits qui lui sont dédiés avaient été multipliés par 4,3 entre 2012 et 2022, la diminution de 4,1 % des crédits entre la LFI pour 2022 et le PLF pour 2025 indique une inversion de tendance.

Entre 2024 et 2025, en particulier, c'est une diminution de 73,9 millions d'euros en AE et de 73,8 millions d'euros en CP qui est constatée sur cette ligne budgétaire.

En revanche, la hausse est prononcée pour les crédits des trois autres segments de l'action 12.

Les crédits consacrés à la veille sociale sont de 236,5 millions d'euros, en augmentation de 24 millions d'euros, afin d'accompagner la montée en puissance des services intégrés d'accueil et d'orientation (SIAO), qui coordonnent les structures d'accueil et d'hébergement. Dans ce dispositif, 500 équivalents temps plein (ETP) ont été créés en 2024, pour tenter d'infléchir la dynamique de réduction des demandes non pourvues (voir infra).

Les crédits des dispositifs de logement adapté augmentent de manière plus modérée. Doté de 581,6 millions d'euros6(*), soit une croissance de + 13,6 millions d'euros, ce dispositif s'inscrit dans les objectifs du second plan Logement d'abord 2023-2027. Il s'agit en priorité de créer 30 000 nouvelles places en intermédiation locative dans le parc locatif privé, 10 000 nouvelles places en pensions de famille et résidences accueil et de relancer la production de résidences sociale.

Enfin, les crédits dédiés aux centres d'hébergement et de réinsertion sociale (CHRS) sont en croissance à hauteur de 37,8 millions d'euros, pour atteindre une dotation de 796,1 millions d'euros en 2025. Ces structures permettent un accueil intensif et pluridisciplinaire en vue d'une réinsertion plus complète. Les accueillis participent aux charges et versent une contribution. Par conséquent, ce dispositif s'adresse à un public qui est déjà entré dans une phase de réinsertion et ne peut se substituer à l'hébergement d'urgence.

B. DES EFFORTS RESTENT À FAIRE POUR ATTEINDRE LES OBJECTIFS DE LA POLITIQUE DE L'HÉBERGEMENT D'URGENCE

1. Le parc d'hébergement continue sa croissance, en lien avec une demande accrue

La baisse du chômage marque le pas en 2024, avec un taux de 7,1 % au sens du Bureau international du travail au deuxième trimestre, contre 7,0 % en 2023 à la même période.

En outre, l'évolution du taux de chômage n'a pas enrayé la progression de la grande pauvreté qui se constate mieux que partout ailleurs dans la mise en oeuvre de l'hébergement d'urgence. L'INSEE relève ainsi une augmentation du taux de pauvreté, passé de 13,7 % en 2016 à 14,4 % en 2022.

Le parc d'hébergement est l'un des indicateurs les plus sûrs de la détresse sociale. En effet, en application du principe d'accueil inconditionnel7(*), le parc d'hébergement d'urgence a l'obligation d'accueillir toutes les personnes qui en ont besoin, sans demander de justificatif ni de papiers. C'est donc le point de convergence de nombreuses situations difficiles, des personnes qui font face à des accidents de la vie aux femmes victimes de violences (qui font de plus en plus l'objet d'une prise en charge spécifique) et aux personnes à droits incomplets ou aux réfugiés qui ne trouvent pas de place dans le système d'accueil et d'hébergement spécifique du ministère de l'intérieur.

Le nombre de places d'hébergement tend ainsi à s'accroître d'année en année. Depuis 20 217, près de 52 000 places ont été créées. Si au 31 décembre 2023, le parc d'hébergement comptait 200 888 places, ce chiffre s'élevait à 202 700 en moyenne annuelle. L'année 2024 prévoyait une stabilisation autour de 203 000 places et le gouvernement s'est engagé à reconduire un parc au même niveau en 2025.

Évolution du nombre de places dans le parc généraliste

(en nombre de places)

Note : les CHRS sont des centres d'hébergement et de réinsertion sociale ; les CHU sont des centres d'hébergement d'urgence.

Source : commission des finances, à partir des projets annuels de performance

La hausse tendancielle des nuitées hôtelières, de 14 638 places depuis 2017, est à mettre en regard avec leur baisse dans les trois dernières années. Ainsi, la mise en oeuvre d'un plan de réduction a conduit à 8 583 nuitées de moins depuis 2020. Le rapporteur spécial salue cette évolution et encourage à la poursuivre. En effet, le mode d'hébergement en hôtel est particulièrement inefficace dans la réintégration des hébergés.

Néanmoins, malgré l'accroissement de la taille du parc, les services intégrés de l'accueil et de l'orientation (SIAO), dont le rôle est de placer en hébergement les personnes qui en font la demande, sont dans certains territoires débordés et ne peuvent remplir leur mission correctement. Cette observation est mise en évidence par l'évolution du taux de réponse positive des SIAO, qui est l'un des indicateurs suivis par la mission. Ce dernier, qui atteignait 66 % en 2022, est tombé à 56 % en 2023. La cible pour 2024 est de 54 %.

Dans ce contexte, les SIAO sont forcés d'établir une liste de critères pour filtrer les demandes d'hébergement, en porte-à-faux avec le principe d'accueil inconditionnel inscrit dans la loi. Tant la délégation interministérielle à l'hébergement et à l'accompagnement vers le logement (DIHAL) que les associations comme la Croix-Rouge ou la Fondation Abbé Pierre ont alerté le rapporteur spécial sur le fait que, dans certains territoires, les femmes enceintes ne peuvent être prises en charge qu'à partir d'un certain nombre de mois de grossesse.

Il résulte de ce constat de hausse de la demande non pourvue un accroissement depuis plusieurs années du nombre de morts à la rue.

Évolution du nombre de morts sans chez-soi ni logement personnel
au moment du décès

(en nombre de morts)

Source : commission des finances, à partir des données du collectifs Les Morts de la Rue

Cette évolution de la mortalité à la rue n'est que l'un des symptômes de la difficulté de la politique d'hébergement. De même, selon les chiffres présentés par la Fédération des acteurs de la solidarité et le Fonds des Nations unies pour l'enfance (UNICEF), le nombre d'enfants à la rue et s'étant vu opposer une impossibilité de prise en charge dans un hébergement d'urgence s'élevait à 2 043 fin août 20248(*).

Dans ces conditions, le maintien du parc d'hébergement à un niveau haut de 203 000 places est à la fois une nécessité à court terme et le symptôme d'une incapacité à formuler une voie de sortie.

2. La politique d'hébergement d'urgence ne parvient pas à enclencher un retour durable des personnes vers le logement

Le manque de places au sein du parc est lié à la difficulté à sortir les personnes accueillies de leur hébergement pour accéder à un logement conventionnel. Plusieurs causes peuvent être identifiées.

D'une part, après la réussite du premier plan Logement d'abord, qui a permis à 550 000 personnes d'être relogées entre 2018 et 2023, la pérennité de ce dispositif manque d'objectifs chiffrés d'envergure. En effet, outre la promesse de 30 000 places en intermédiation locative dans le parc privé et de 10 000 places en pensions de famille mentionnée supra, les ambitions de construction de logements très sociaux ne sont pas définies dans le deuxième plan. Or, c'est avant tout par ces logements en prêt locatif aidé d'intégration (PLAI) que peut avoir lieu la réintégration des hébergés.

D'autre part, le développement des centres d'hébergement et de réinsertion sociale (CHRS) suit une pente bien moins élevée que celle des centres d'hébergement d'urgence (CHU) ou des nuitées hôtelières. Leur progression permet en effet de loger 5 842 personnes de plus qu'en 2017, alors que les places en CHU ont cru de 33 966 unités et celles en hôtel de 14 638. Or, ces centres sont ceux qui permettent le plus de réorienter les accueillis vers un logement durable.

Le rapporteur spécial relève en outre que la signature des contrats pluriannuels d'objectif et de moyen (CPOM) entre les CHRS et l'État, prévu par l'article 145 de la loi ELAN9(*), est loin d'arriver à son terme. En effet, les CHRS auraient dû avoir signé chacun un CPOM au 31 décembre 2022. En 2023, ce n'est encore que 37 % d'entre eux qui y sont arrivés. Pour l'année 2022, où le taux atteint était de 35 %, l'administration invoquait comme causes de retard la gestion de la crise sanitaire et le manque global de temps liées à la crise ukrainienne ou la mise en oeuvre du Ségur.

Évolution du nombre de CHRS faisant l'objet d'un CPOM

(en pourcentage)

Source : commission des finances, d'après les réponses au questionnaire budgétaire

Cette très faible application de la loi ELAN, qui se prolonge d'année en année, doit mener à s'interroger sur les relations entre l'État et les CHRS et sur les blocages à l'établissement d'une contractualisation. Une action résolue pour mener à bien ces signatures permettra aux centres d'avoir une meilleure vision pluriannuelle et de favoriser une prise en charge efficace des personnes hébergées.

Enfin, la question migratoire et de l'asile n'est pas étrangère aux difficultés que connaît le parc d'hébergement d'urgence.

En premier lieu, les Ukrainiens arrivés en nombre après l'invasion déclenchée par la Russie en février 2022, ont été accueillis en partie grâce à des crédits issus du programme 177. On recensait environ 6 000 ménages hébergés chez des particuliers ou dans des logements mis à disposition à titre gratuit et pour lesquels un accompagnement social était réalisé en fin d'année 2023.

L'enveloppe de 100 millions d'euros ouverte par le décret d'avance du 7 avril 2022 n'a ensuite jamais été reconduite, ni de ligne budgétaire ouverte. On peut néanmoins retracer le montant total des dépenses sur le programme 177 relatives aux dispositifs spécifiques en faveur de l'accès au logement des déplacés d'Ukraine, qui s'élevait en 2023 à 69 millions d'euros en 2023. Pour 2024, comme pour 2025, seuls des reports de crédits permettent de financer cette ligne. Il est dommageable que la maquette budgétaire n'intègre pas de brique ad hoc dans la mesure où la situation tend à se pérenniser.

En second lieu, les réfugiés et demandeurs d'asile d'autres pays, qui ont vocation à être pris en charge par le dispositif national d'accueil (DNA) qui relève du ministère de l'intérieur, sont nombreux à se tourner vers les dispositifs d'hébergement d'urgence de droit commun du programme 177.

En effet, l'engorgement que connaît le DNA pousse les personnes en situation irrégulière à chercher d'autres moyens de sortir de la rue. Ces personnes n'ayant pas accès au logement social, du fait de leur situation, elles tendent ainsi à rester bloquées en hébergement d'urgence tant que leur situation n'évolue pas.

Le budget pour 2025 porte la réduction de 9 325 places dans le parc d'hébergement du dispositif national d'accueil (DNA), faisant suite à une progression ces dernières années, avec 82 762 places en 2017 contre une prévision dans le PLF pour 2024 de 122 582 places. Les besoins en hébergement d'urgence de droit commun risquent dès lors d'être plus importants.

II. LE PROGRAMME 109 « AIDE À L'ACCÈS AU LOGEMENT » GAGNE EN LISIBILITÉ ET DEMEURE PORTEUR D'UN FORT EFFET REDISTRIBUTIF

Le programme 109 « Aide à l'accès au logement » comprend à titre principal les crédits destinés au financement des aides personnelles au logement (APL). L'action 02 du programme porte des dispositifs en faveur de la mise en oeuvre de la politique de solidarité pour l'accès au logement décent.

A. LA PROGRESSION SIGNIFICATIVE DES CRÉDITS BUDGÉTAIRES DESTINÉS AUX AIDES AU LOGEMENT EST LIÉ À UN CHANGEMENT DE PÉRIMÈTRE DU PROGRAMME

Le programme est doté dans le PLF pour 2025 de 17,0 milliards d'euros de crédits. Il s'agit d'une hausse prononcée par rapport à l'année précédente, car cela représente une augmentation de 22,4 % des crédits ouverts sur le programme.

Évolution des crédits par action du programme 109

(en millions d'euros et en %)

   

LFI 2024

PLF 2025

PLF 2025 / LFI 2024

   

montant

en %

corrigé inflation

01 - Aides personnelles

AE

13 647,0 

17 006,2 

3 359,2 

+ 24,6 %

+ 22,4 %

CP

13 647,0 

17 006,2 

3 359,2 

+ 24,6 %

+ 22,4 %

02 - Information relative au logement et accompagnement des publics en difficulté

AE

9,4 

9,4 

0,0 

+ 0,0 %

- 1,8 %

CP

9,4 

9,4 

0,0 

+ 0,0 %

- 1,8 %

Total programme 109

AE

13 656,4 

17 015,6 

3 359,2 

+ 24,6 %

+ 22,4 %

CP

13 656,4 

17 015,6 

3 359,2 

+ 24,6 %

+ 22,4 %

Source : commission des finances du Sénat (d'après les documents budgétaires)

Les crédits ont fait l'objet de modifications en cours d'année 2024. Le décret d'annulation du 21 février 202410(*) a réduit de 300 millions d'euros les crédits disponibles. Le projet de loi de fin de gestion prévoit en outre l'annulation de 224,2 millions d'euros. Ces annulations ont été rendues possibles du fait d'un besoin constaté en gestion moins important que prévu.

L'action 01 « Aides personnelles », qui porte 99,9 % des crédits du programme, assure le versement de la subvention d'équilibre de l'État au Fonds national d'aide au logement (FNAL), présentée infra.

L'action 02 « Information relative au logement et accompagnement des publics en difficulté » apporte un soutien financier à l'agence nationale pour l'information sur le logement (ANIL) et au réseau des associations départementales d'information sur le logement (ADIL). En 2023, les ADIL ont délivré 843 000 consultations juridiques, fiscales et financières et 67 000 conseils en matière de rénovation énergétique.

Le programme 109 ne comprend pas de fonds de concours, et une seule dépense fiscale lui est rattachée, à savoir l'exonération d'impôt sur le revenu dont font l'objet les aides personnelles au logement, pour un coût estimé à 64 millions d'euros. Son coût est limité, en lien avec le faible taux d'imposition de ses bénéficiaires qui ont par définition des revenus modestes.

Le programme connaît une modification substantielle de son périmètre dans le PLF pour 2025. En effet, les aides personnelles pour le logement portées dans l'action 01 contenaient, jusqu'à 2024, la contribution d'équilibre versée par l'État au Fonds national d'aide au logement (FNAL). Ce fonds était alors financé, non seulement par la dotation de l'État mais aussi par l'affectation de deux ressources fiscales. La taxe sur les bureaux (TSB) avait ainsi soutenu le FNAL à hauteur de 24 millions d'euros en 2024 et surtout des contributions employeurs lui avaient été affectées pour 3 milliards d'euros.

Par conséquent, l'accroissement des crédits ouverts sur le programme est trompeur. En réalité, en prenant les crédits votés en LFI pour 2024 dans leur périmètre pour 2025, l'augmentation du programme est bien plus modeste, avec une croissance de 1,7 %, soit une stabilité en euros constants (+ 0,1 %).

B. LE NOUVEAU MODÈLE DE FINANCEMENT DES AIDES AU LOGEMENT REND PLUS LISIBLE LA PARTICIPATION DE L'ÉTAT ET QUESTIONNE LE DEVENIR DU FONDS NATIONAL D'AIDE AU LOGEMENT

Le financement des aides au logement est porté depuis 2016 par le Fonds national d'aide au logement (FNAL), chargé de compenser aux administrations de sécurité sociale le versement des aides au logement à leurs bénéficiaires. Ce fonds, sans personnalité morale, est depuis lors abondé financièrement depuis trois sources :

le produit des cotisations employeurs11(*), au taux de 0,5 % ou 0,1 % sur les revenus d'activité selon que les entreprises emploient plus ou moins de 50 employés, pour un montant de 3,008 milliards d'euros en 2024 ;

une fraction, plafonnée à 24,2 millions d'euros, du produit de la taxe sur les bureaux (TSB) et autres locaux professionnels en Île-de-France12(*) ;

une dotation d'équilibre de l'État, constituée par l'action 01 « Aides personnelles » du programme 109, votée en 2024 à hauteur de 13,6 milliards d'euros.

Dans les années passées, le FNAL a eu recours à d'autres ressources, telles qu'une affectation de la taxe sur les plus-values immobilières importantes, affectation à laquelle la loi de finances initiale pour 2022 a mis fin, ainsi que, en 2020 et 2021, des ponctions sur la trésorerie de la société Action Logement Services.

Or, la loi organique relative aux lois de finances prévoit13(*) que, à compter de 2025, une imposition de toute nature ne pourra plus être affectée à un fonds dépourvu de la personnalité morale, ce qui explique, dans la loi de finances présentée, la modification substantielle du circuit de financement des crédits affectés au FNAL.

Le PLF présenté, en effet, regroupe l'ensemble du produit estimé des deux taxes historiquement affectées dans l'action 01 du programme 109. Ces ressources sont désormais budgétisées et s'ajoutent à la contribution de l'État au fonds, qui passe ainsi de 13,6 milliards d'euros en 2024 à 17,0 milliards d'euros en 2025.

La Cour des comptes recommande de supprimer les fonds sans personnalité juridique14(*), qui viennent déroger aux principes fondamentaux d'unité et d'universalité du budget de l'État. Le FNAL est l'un des exemples les plus importants de ces fonds qui réduisent la lisibilité du budget.

Financement du fonds national des aides au logement depuis 2017

(en millions d'euros)

PVI : plus-values immobilières.

Source : commission des finances, à partir des documents budgétaires

Devant l'intégration complète au budget de l'État des ressources destinées au FNAL, le rapporteur spécial se questionne sur son devenir. En effet, le fonds retrace le remboursement par l'État aux caisses d'allocation familiale (CAF) et à la mutualité sociale agricole (MSA) du montant des aides qu'elles versent. Néanmoins, l'étape franchie dans le PLF 2025 qui mène à n'avoir plus qu'un seul flux budgétaire décaissé, intégralement issu du programme 109, pose la question de l'utilité à terme de conserver un fonds dédié.

C. LA POURSUITE DE LA BAISSE DES AIDES AU LOGEMENT, LESQUELLES DEMEURENT UN OUTIL REDISTRIBUTIF EFFICACE

Près de six millions de ménages bénéficient d'une aide au logement, qui contribue à réduire leurs dépenses de logement, pour un montant de 16,3 milliards d'euros en 2023.

Les aides personnelles au logement

Les aides personnelles correspondent à trois aides régies par les articles L. 811-1 à L 863-5 du code de la construction et de l'habitation, qui se distinguent par leurs publics, mais dont les modalités de calcul sont identiques.

L'aide personnalisée au logement (APL), créée en 1977, est versée aux occupants de logements conventionnés. L'allocation de logement familiale (ALF), créée en 1948, bénéficie à des occupants qui n'entrent pas dans le champ de l'APL en fonction de leur situation de famille, et l'allocation de logement sociale (ALS), créée en 1971, à des personnes qui n'ont droit ni à l'APL, ni à l'ALF.

Ces aides sont soumises à des conditions de ressources. Elles sont versées au bailleur, sur demande de celui-ci. Depuis 2016, elles sont financées par le Fonds national d'aide au logement (FNAL) et leurs fondements juridiques ont été regroupés en 2019 dans le code de la construction et de l'habitation.

Source : commission des finances

Les aides se répartissent à parts à peu près égales entre le parc conventionné (APL) et le parc non conventionné (ALF et ALS).

Répartition des aides personnelles au logement

(en nombre de ménages et en pourcentage)

Note : données pour l'année 2023.

Source : commission des finances, d'après les réponses au questionnaire budgétaire

Le coût des aides personnelles au logement pour l'État est en nette diminution depuis 2017 par l'effet d'une série de mesures de régulation budgétaire : la réduction de l'aide de 5 euros en 2017, l'instauration de la réduction de loyer de solidarité (RLS) qui s'accompagne d'une diminution du montant de l'aide personnalisée au logement en 2018 et enfin la mise en oeuvre du calcul des aides en fonction de revenus de l'année en 2021.

En 2023, deux mesures à vocation sociale ont été prises. D'une part, le conventionnement APL a été ouvert en outre-mer aux logements foyers, ce qui permet de verser à leurs locataire une aide plus favorable que les allocations de logement (AL) qui jusqu'ici étaient distribuées. D'autre part, à la suite de la réforme des retraites et de la revalorisation du minimum contributif majoré, des dispositions réglementaires ont été prises pour garantir aux allocataires concernés la stabilité de leurs droits.

Évolution du montant des prestations versées depuis 2013 
en euros constants

(en milliards d'euros de 2023)

Source : commission des finances, d'après les réponses au questionnaire budgétaire

La diminution du coût des aides depuis 2017 a ainsi été de 2,4 milliards d'euros en euros courants et 5,1 milliards d'euros en euros constants. Les prévisions pour 2024, votées à 16,3 milliards d'euros, puis pour 2025, prévues à 16,7 milliards d'euros, indiquent néanmoins qu'un plateau pourrait être atteint sur la réduction de ces versements.

Des évolutions de la RLS pourraient intervenir dans le cadre de l'examen du projet de loi de finances.

Si le nécessaire redressement des comptes publics enjoint à l'analyse précise et objective de toute dépense publique, il convient de conserver à l'esprit que les aides personnelles au logement sont porteuses d'un fort effet redistributif : 87,2 % des ménages locataires bénéficiaires ont des revenus inférieurs au SMIC et 99,9 % inférieurs à deux fois le SMIC15(*).

Leur objectif est en effet de réduire le taux d'effort net des ménages, c'est-à-dire la part de leur revenu qui est effectivement consacrée à la dépense de logement (loyer, charges forfaitaires, mensualité d'emprunt...). L'effet des aides est important pour des ménages modestes.

Le suivi des indicateurs du programme 109 ne permet plus de suivre l'évolution de ce taux d'effort net médian pour l'ensemble des ménages bénéficiant des APL.

En revanche, il est proposé une lecture des taux d'effort nets médians en fonction de deux catégorisations différentes ; l'une répartit les bénéficiaires en fonction de leur configuration familiale ; l'autre en fonction du parc dans lequel ils sont logés. À ce titre, le taux d'effort net médian est beaucoup moins élevé dans le parc locatif public (15,9 %) que dans le parc privé (28,8 %).

Évolution du taux d'effort des ménages éligibles aux APL
selon la configuration familiale

(en % du revenu hors aides au logement)

Taux d'effort : part du revenu des allocataires effectivement consacrée à la dépense de logement. Numérateur : somme du loyer et des charges forfaitaires ou de la mensualité d'emprunt minorées de l'aide au logement. Dénominateur : revenu hors aides au logement.

Source : commission des finances, à partir des documents budgétaires

Le suivi des familles monoparentales indique une fois encore que l'incidence des aides au logement est d'autant plus importante que les publics qui en bénéficient sont fragiles, dans la mesure où l'effet des aides au logement leur permet de bénéficier d'un taux d'effort réduit par rapport aux couples.

III. LA POLITIQUE DU LOGEMENT PORTÉE PAR LE PROGRAMME 135 « URBANISME, TERRITOIRES ET AMÉLIORATION DE L'HABITAT » ATTEND DES ÉVOLUTIONS POUR SORTIR DE LA CRISE, DES RÉPONSES ÉTANT AU COURS DE LA NAVETTE

Le programme 135 porte des crédits consacrés à des actions diverses liées à la construction et l'habitat. Les crédits budgétés sont en très forte hausse, en lien avec des mesures de transferts structurantes. Ces crédits ne représentent cependant qu'une partie de l'effort qui est mis en oeuvre pour le logement et la construction. En effet, les politiques concernées passent également par les dépenses fiscales, les fonds de concours et l'action d'opérateurs bénéficiant du produit de taxes affectées.

A. DERRIÈRE UNE APPARENTE HAUSSE DES CRÉDITS, UNE ÉVOLUTION DU PÉRIMÈTRE MASQUE UNE RÉDUCTION IMPORTANTE DES MOYENS ALLOUÉS À LA RÉNOVATION ÉNERGÉTIQUE, NOTAMMENT JUSTIFIÉE PAR LES MARGES DE TRÉSORERIE DE L'ANAH

Les crédits budgétaires relevant du programme 135 sont de 2 688,1 millions d'euros en AE, soit une hausse de 770,2 millions d'euros et de + 40,2 %. En CP, la hausse est encore plus considérable puisqu'elle atteint 1 412,2 millions d'euros et + 89,2 %. Les CP ouverts en 2025 atteignent 2 995,8 millions d'euros en crédits de paiement.

Évolution des crédits par action du programme 135
sans prendre en compte les évolutions de périmètre

(en millions d'euros et en %)

   

LFI
2024

PLF 2025

PLF 2025 / LFI 2024

FDC et ADP

   

en valeur

en %

corrigé inflation

01 - Construction locative et amélioration du parc

AE

415,0

8,0

- 407,0

- 98,1 %

- 98,1 %

493,5

CP

74,8

85,7

10,9

+ 14,6 %

+ 12,5 %

403,1

02 - Soutien à l'accession à la propriété

AE

4,2

4,6

0,4

+ 9,5 %

+ 7,6 %

 

CP

4,2

4,6

0,4

+ 9,5 %

+ 7,6 %

 

03 - Lutte contre l'habitat indigne

AE

20,5

13,2

- 7,3

- 35,7 %

- 36,9 %

 

CP

20,5

13,2

- 7,3

- 35,7 %

- 36,9 %

 

04 - Réglementation, politique technique et qualité de la construction

AE

1 179,5

2 350,1

1 170,6

+ 99,2 %

+ 95,7 %

 

CP

1 179,5

2 580,1

1 400,7

+ 118,8 %

+ 114,9 %

 

05 - Innovation, territorialisation et services numériques

AE

39,0

43,4

4,4

+ 11,2 %

+ 9,3 %

 

CP

39,0

43,4

4,4

+ 11,2 %

+ 9,3 %

 

07 - Urbanisme et aménagement

AE

259,7

268,9

9,2

+ 3,5 %

+ 1,7 %

 

CP

265,7

268,9

3,2

+ 1,2 %

- 0,6 %

 

Total programme 135

AE

1 917,9

2 688,1

770,2

+ 40,2 %

+ 37,7 %

493,5

CP

1 583,7

2 995,8

1 412,2

+ 89,2 %

+ 85,8 %

403,1

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

Le programme connaît néanmoins une évolution de périmètre très importante qui fausse la lecture. En effet, les crédits budgétaires ouverts sur l'action 4, qui financent de façon très majoritaire la contribution de l'État à l'Agence nationale de l'habitat (ANAH), augmentent de plus d'1 170,6 millions d'euros en AE et 1 400,7 millions d'euros en CP.

Ceci n'est pas lié à un accroissement de l'effort de l'État mais à une modification du circuit de financement dédié à l'ANAH et à la rénovation énergétique.

En effet, en 2024, l'agence était financée non seulement par une enveloppe du programme 135 mais surtout par des crédits du programme 174 de la mission « Écologie, développement et mobilité durables » à hauteur de deux tiers. Le PLF pour 2025 regroupe ces deux versements en un seul, qui est désormais assumé entièrement par la mission « Cohésion des territoires ». Au total, il en résulte en 2025 une baisse de 39,4 % des AE et de 20,5 % des CP ouverts sur l'action 04, qui porte les crédits en faveur de la rénovation énergétique en 2025, à l'inverse de ce qui est présenté dans le premier tableau.

Évolution des crédits par action du programme 135
en prenant en compte les évolutions de périmètre

(en millions d'euros et en %)

   

Crédits
2024 au format 2025

PLF 2025

PLF 2025 / Crédits 2024 au format 2025

FDC et ADP

   

en valeur

en %

corrigé inflation

01 - Construction locative et amélioration du parc

AE

415,0 

8,0 

- 407,0 

- 98,1 %

- 98,1 %

493,5 

CP

74,8 

85,7 

10,9 

+ 14,6 %

+ 12,5 %

403,1 

02 - Soutien à l'accession à la propriété

AE

4,2 

4,6 

0,4 

+ 9,5 %

+ 7,6 %

 

CP

4,2 

4,6 

0,4 

+ 9,5 %

+ 7,6 %

 

03 - Lutte contre l'habitat indigne

AE

20,5 

13,2 

- 7,3 

- 35,7 %

- 36,9 %

 

CP

20,5 

13,2 

- 7,3 

- 35,7 %

- 36,9 %

 

04 - Réglementation, politique technique et qualité de la construction

AE

3 876,4 

2 350,1 

- 1 526,3

- 39,4 %

- 40,4 %

 

CP

3 244,2 

2 580,1 

- 664,1 

- 20,5 %

- 21,9 %

 

05 - Innovation, territorialisation et services numériques

AE

39,0 

43,4 

4,4 

+ 11,2 %

+ 9,3 %

 

CP

39,0 

43,4 

4,4 

+ 11,2 %

+ 9,3 %

 

07 - Urbanisme et aménagement

AE

259,7 

268,9 

9,2 

+ 3,5 %

+ 1,7 %

 

CP

265,7 

268,9 

3,2 

+ 1,2 %

- 0,6 %

 

Total programme 135

AE

4 607,8 

2 688,1 

- 1 919,7

- 41,7 %

- 42,7 %

493,5 

CP

3 641,4 

2 995,8 

- 645,6 

- 17,7 %

- 19,2 %

403,1 

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

S'agissant de l'année 2024, le projet de loi de finances de fin de gestion, tel que présenté au conseil des ministres le 5 novembre, annule 302,1 millions d'euros en AE et 381,3 millions d'euros en CP sur le programme, en lien avec une sous-exécution des crédits ouverts sur la rénovation énergétique.

Cette annulation s'ajoute à celle de 358,9 millions d'euros tant en AE qu'en CP sur le programme lors du décret d'annulation du 21 février 2024. Ces annulations ont principalement concerné les crédits pour la rénovation énergétique, qui ont été sous-consommés. Le programme 135 a ainsi supporté la majeure partie des annulations concernant cette politique. Leur masse explique la révision significative du montant proposé pour la rénovation énergétique des bâtiments dans le PLF 2025.

1. Les crédits engagés pour la rénovation des logements gagnent en sincérité dans le projet de loi présenté

Le fait majeur du budget 2024 pour le programme 135 est la mise en cohérence de la subvention à l'Agence nationale pour l'habitat (ANAH) au regard des actions qu'elle a réellement subventionnées et en lien avec son niveau de trésorerie conséquent. Les crédits passent ainsi de 3 189,4 millions d'euros en LFI pour 2024, à 2 522,0 millions d'euros dans le PLF pour 2025.

Cette subvention accorde à l'ANAH des crédits qui répondent à plusieurs besoins :

- principalement, la rénovation thermique des logements privés ;

- plus accessoirement, l'adaptation des logements au vieillissement, dans le cadre de la mise en place depuis le 1er janvier 2024 d'un nouveau système d'aide intitulé MaPrimeAdapt' ;

- enfin, les besoins en fonctionnement et en investissement de l'agence.

Cette diminution des crédits budgétaires alloués à l'Anah, fait suite à plusieurs années de forte hausse, notamment depuis 2021.

Financement de l'ANAH par l'État

(en milliards d'euros)

Source : commission des finances, à partir des documents budgétaires

La réduction prévue pour l'année 2025 est consécutive à une sous consommation des crédits ouverts depuis plusieurs années liée à une mise en oeuvre plus lente qu'attendue des rénovations et à une trajectoire financière dont l'objectif a été de conserver un fonds de roulement prémunissant l'agence de risques de tension financière qui pourrait ralentir ou interrompre le rythme de versement des aides

Par conséquent, la trésorerie de l'ANAH a évolué de façon significative, pour atteindre un niveau qu'il convient de maîtriser. L'évolution de la trésorerie de l'ANAH a ainsi été multipliée par 3 depuis 2019, ce qui justifie un ralentissement des crédits qui lui sont affectés.

Évolution de la trésorerie de l'ANAH depuis 2019

(en millions d'euros et en pourcentage)

Source : commission des finances, d'après les réponses au questionnaire budgétaire

Par ailleurs, le niveau d'engagement de l'ANAH s'est particulièrement réduit au cours des deux dernières années. En 2023, celui-ci atteignait 3 123,8 millions d'euros, en retrait par rapport à 2022 en raison notamment d'un contexte économique défavorable ayant pesé particulièrement sur les ménages les plus modestes, principaux bénéficiaires. En 2024, la réforme du parcours d'accompagnement, qui privilégie les rénovations d'ampleur, a réduit au cours du premier semestre de près de 50 % le nombre de rénovations en mono-geste. Par conséquent, l'exercice a été particulièrement atypique et la stabilité réglementaire que prévoit le gouvernement pour l'année 2025 doit être préservée.

En effet, le rapporteur spécial considère que la rénovation énergétique des logements est indispensable et doit se poursuivre. Les bâtiments sont responsables de près de 30 % des émissions mondiales de COliées à l'énergie16(*). Les activités résidentielles sont aussi à l'origine de 44 % des émissions de particules fines (PM2.5) en moyenne dans les pays de l'OCDE.

Or l'effort de rénovation du parc de logements est encore largement devant nous. Sur les 30 millions de résidences principales, seules 1,5 million d'entre elles environ, soit 5,3 % du parc, seraient peu énergivores (étiquettes A et B du diagnostic de performance énergétique)17(*). Environ 4,8 millions de logements, soit 17,7 % du parc, seraient des « passoires énergétiques » (étiquettes F et G du DPE) et seront donc concernés par l'interdiction de location dès 2025 (classe G) et 2028 (classe F).

Le rapporteur spécial souligne toutefois qu'il ne suffit pas d'ouvrir des crédits d'un tel montant, encore faut-il être en mesure de les utiliser dans le sens d'une réelle amélioration de l'efficacité énergétique du parc de logements. Les annulations de crédits massives prévues dans le projet de loi de fin de gestion et la baisse de la subvention à l'ANAH inscrite dans le PLF pour 2025 peuvent ainsi permettre une budgétisation plus sincère de l'effort de rénovation.

2. Les actions du programme 135 sont nombreuses et portent des problématiques variées

Les actions 04 et 07 rassemblent à elles deux plus de 95 % des crédits de paiement du programme.

L'action 04 « Réglementation, politique technique et qualité de la construction » finance principalement, en autorisations d'engagement et en crédits de paiement :

- l'Agence nationale de l'habitat (ANAH) pour la rénovation énergétique des logements privés (voir infra) ;

- le contentieux de l'habitat (mise en oeuvre du droit au logement opposable ou DALO, recours de bénéficiaires de l'aide personnalisée au logement, application des règlementations en vigueur dans le domaine de l'habitat) à hauteur de 43,3 millions d'euros.

L'action 07 « Urbanisme et aménagement » finance certaines actions en lien avec l'urbanisme et l'aménagement, notamment dans le cadre des opérations d'intérêt national (OIN) et de manière plus générale de la politique d'aménagement de l'État, qui bénéficie de 63,3 millions d'euros en AE et autant en CP. Depuis 2021, toutefois, ses crédits sont constitués pour une très grande part, soit 185,4 millions d'euros en 2024, par la compensation budgétaire des effets de la réforme de la fiscalité locale pour les établissements publics fonciers et autres organismes locaux assimilés.

Principaux postes du programme 135 en crédits de paiement

(en millions d'euros et en pourcentage)

Source : commission des finances, à partir du projet annuel de performances

Les autres actions portent sur des politiques auxquelles l'État ne contribue que de manière marginale par des crédits budgétaires :

- l'action 01 « Construction locative et amélioration du parc » porte en loi de finances initiale des crédits réduits de 8,0 millions d'euros en AE et de 85,7 millions d'euros en CP, destinés notamment à la rénovation des cités minières et à l'accueil des gens du voyages. Cependant, cette action est principalement alimentée par le Fonds national des aides à la pierre (FNAP), qui prévoit un concours de 493,5 millions d'euros en AE et 403,3 millions d'euros en CP.

- l'action 02 « Soutien à l'accession à la propriété » comprend des commissions de gestion versées à la société de gestion des financements et de la garantie de l'accession sociale à la propriété (SGFFAS), car cette politique passe par des dispositifs fiscaux et des crédits extra-budgétaires ;

- l'action 03 « Lutte contre l'habitat indigne » retrace certaines dépenses prises en charge directement par l'État, cette politique étant mise en oeuvre à titre principal, au niveau national, par l'Agence nationale de l'habitat (ANAH).

Enfin, l'action 05 « Innovation, territorialisation et services numériques » regroupe des crédits d'étude, de médiation, de communication, ainsi que des crédits liés aux applications informatiques et à la formation des personnels.

Par ailleurs, deux actions servent de support à la gestion de certains crédits de la mission « Plan de relance » délégués en gestion au programme 135 : les actions 09 « Crédits Relance Cohésion » et 10 « Crédits Relance Écologie ». La totalité des engagements a été achevée en 2022. Néanmoins, en gestion, des crédits seront transférés depuis la mission « Plan de relance » pour permettre la réalisation des actions démarrées.

3. L'apport de l'État par les actions budgétaires ne reflète cependant qu'une maigre fraction des politiques conduites pour le logement

Bien que le programme 135 ait pour objectif la construction et la rénovation de logements, il ne porte que 3,2 millions d'euros de crédits d'investissement (titre 5), correspondant au développement de certains dispositifs de l'action de soutien 05 et non à des projets de construction ou d'aménagement.

L'action de l'État passe en réalité principalement par des voies indirectes :

- par des dépenses fiscales reliées directement à la mission, d'un montant de 9,7 milliards d'euros en 2024 ;

- par des crédits destinés à des dépenses d'intervention (titre 6) principalement pour financer les opérateurs, notamment l'ANAH et les établissements publics fonciers ; ces dernières atteignent 2,9 milliards d'euros dans le PLF 2025 contre 1,4 milliard d'euros en LFI pour 2024, en lien avec l'évolution du périmètre du programme ;

- par l'affectation de taxes à ces mêmes opérateurs, en particulier l'ANAH qui reçoit 700 millions d'euros de la mise aux enchères des quotas carbone ;

B. LA CRISE DU LOGEMENT TEND À S'INTENSIFIER ET NÉCESSITE UN SOUTIEN À LA POLITIQUE DE CONSTRUCTION

L'intensité de la crise actuelle du logement, qui concerne autant l'accès au logement pour la population que la production de logements, exige des réponses fortes. Le gouvernement serait en train de travailler sur des mesures complémentaires.

1. Le manque d'offre de logements vient renforcer la crise

a) L'activité immobilière atteint un niveau historiquement bas en France

Le secteur de la construction de logements en France connaît actuellement un niveau particulièrement bas, en lien avec plusieurs difficultés qui se conjuguent et limitent l'activité des promoteurs.

D'une part, le coût des matériaux a augmenté en lien avec le conflit en Ukraine et les épisodes d'inflation, ce qui a grevé la capacité des promoteurs à initier de nouveaux projets. D'autre part, la capacité de financement des entreprises est réduite par le maintien de taux d'intérêts hauts. Enfin, les contraintes liées à la raréfaction du foncier rendent plus coûteuses les opérations. Par conséquent, la Fédération française du bâtiment recense la suppression de 30 500 emplois supprimés entre juin 2023 et juin 2024 dans le secteur de la construction.

Les derniers chiffres parus de la construction de logement sont les plus mauvais depuis 20 ans au moins : que ce soit en autorisations de logements ou en démarrage de chantiers, les points bas des cycles précédents, y compris celui de la crise sanitaire, ont d'ores et déjà été dépassés sans qu'un infléchissement de la courbe soit en vue.

Autorisations de logements sur les douze derniers mois

(en nombre de logements autorisés)

Source : commission des finances, à partir des séries longues Sitadel jusqu'à fin septembre 2024. Nombres de logements autorisés et commencés sur les douze derniers mois

À long terme, le nombre de logement autorisés et commencés diminue. En effet, entre le point bas de 2003 et la situation actuelle, on constate une baisse en tendance de 0,9 % du nombre de logements autorisés. Dans la même période, la population française a cru de près de 10,5 %. En outre, le nombre moyen d'occupants dans les logements est passé de 2,42 en 1999 à 2,16 en 2021. Ces dynamiques inverses, entre un besoin qui ne cesse de croître, que ce soit pour des raisons démographiques ou sociales, et un rythme de construction qui diminue en tendance, expliquent la tension très forte sur le marché immobilier.

Cette dégradation de long terme est renforcée par la difficulté à laquelle fait face le secteur depuis la crise sanitaire. En effet, le nombre de logements commencés en septembre 2024 est en baisse de 25 % par rapport au point le plus bas de 2021. On constate que la reprise initiée en 2022 ne dure pas, avec une baisse de 36,3 % des logements autorisés entre septembre 2022 et septembre 2024.

Cette tension est accrue par l'allocation inadéquate entre l'offre et la demande de logements. En effet, il est possible de noter un développement des logements vacants, qui concernent 8,3 % du parc en 2023 contre 7,9 % en 1982. En valeur absolue, ce sont ainsi 3 millions de logements qui ne sont pas habités.

Évolution de la population et du nombre de logements
et de logements vacants

(base 100 en 1990)

Source : commission des finances, à partir des données de l'INSEE.

Ces logements vacants sont principalement situés dans des zones en déprise démographique et loin des grandes aires urbaines. Ainsi, bien que nombreux, ils sont par conséquent souvent éloignés des bassins d'emploi et ne constituent qu'une partie de la solution.

Ainsi, le rapporteur spécial relève que c'est plutôt par la construction dans les zones tendues que la problématique du manque de logements pourra être résolue.

Néanmoins, cette accélération souhaitée de la construction ne peut s'extraire d'une réflexion sur les moyens de respecter l'objectif de « zéro artificialisation nette » (ZAN). Le rapporteur spécial considère que le ZAN ne doit pas entraver le nombre d'opérations et réduire la construction de logements. En revanche, il doit permettre aux promoteurs de développer des solutions de construction plus économes en foncier et axées sur une densification des zones construites. La préservation des continuités écologiques doit aussi être prise en compte dans l'utilisation du sol dans la politique d'aménagement de nouvelles zones construites.

Une telle politique ne peut être menée qu'au plus près des territoires, et doit pouvoir s'adapter aux besoins locaux.

b) Des difficultés importantes pour le logement social, en lien avec des capacités de financement réduites

Le logement social connaît la même crise de construction que le parc privé. En effet, depuis la crise sanitaire en 2020, le nombre de logements sociaux agréés et mis en service n'a jamais réussi à retrouver les niveaux qui la précédaient. Ainsi, depuis quatre ans, le nombre de logements financés est systématiquement en dessous de 100 000, celui de mis en service sous les 75 000. Le chiffre de 2024, non encore connu, pourrait être meilleur mais ne saurait à lui seul inverser la dynamique.

Logements sociaux financés et mis en service

(en nombre de logements)

Source : commission des finances, d'après les réponses au questionnaire budgétaire

Ce faible niveau de construction, alors que la demande est au plus haut, a un effet cumulatif sur les besoins : l'Union sociale pour l'habitat estime aujourd'hui les besoins annuels à 198 000 logements par an, soit plus du double du nombre effectif des autorisations.

Alors que le logement social, traditionnellement, a un rôle contracyclique dans la construction, il semble que la crise du secteur n'a pas pu être lissée, depuis quatre ans, par un regain de mise en travaux de logements sociaux.

Une des causes de cette évolution pourrait venir du fait que le nombre de bailleurs sociaux possédant les compétences en maîtrise d'ouvrage nécessaires à la gestion des constructions ne cesse de se réduire. Par conséquent, ces derniers sont obligés de s'associer avec des promoteurs privés qui, frappés par la crise du logement conventionnel, ne sont pas en mesure d'initier en période de crise des investissements.

Néanmoins, la difficulté des bailleurs sociaux à engager des actions de construction est d'abord portée par le fait que le coût unitaire de la construction d'un logement social est en croissance de même que la part de fonds propres à apporter.

Évolution du financement moyen d'un logement social neuf

(en euros par logement et en pourcentage)

Source : commission des finances, à partir des données de l'édition 2024 du cahier Les Hlm en chiffres de l'Union sociale pour l'habitat

Or, l'augmentation du besoin en fonds propres pour la construction de logement social touche encore plus durement les bailleurs sociaux, en comparaison avec les promoteurs privés. En effet, la mise en oeuvre de la réduction de loyer de solidarité (RLS) depuis 2018 a eu pour principal effet de les réduire.

Pour mémoire, la RLS consiste à imposer une diminution concomitante des loyers et de l'aide personnalisée au logement, de sorte que son coût repose sur les bailleurs. Ainsi, les fonds propres des bailleurs se sont réduits.

Le coût annuel de la RLS a augmenté pour atteindre en 2021 un plafond maintenu depuis.

Évolution du montant de la RLS

(en millions d'euros)

Source : commission des finances, à partir des données de l'étude Perspectives de la Caisse des dépôts

Le rapporteur spécial salue par conséquent l'ambition du gouvernement de geler le montant de la RLS pour 2025. À la condition de s'engager dans une contractualisation exigeante avec les bailleurs en faveur de la relance de la construction, le rapporteur spécial pourrait en outre soutenir une réduction de la RLS.

En outre, une des difficultés que rencontre le secteur aujourd'hui est le taux élevé du livret A, qui a été multiplié par 6 entre janvier 2022 et juillet 2023. En effet, alors que c'est principalement l'épargne qui permet aux bailleurs de financer leurs opérations, une augmentation du taux aussi importante pèse fortement sur leur marge et remet en question leur capacité à emprunter pour mener à bien des actions de construction.

Le gel du taux, maintenu à 3 % jusqu'en janvier 2025, est salué par le rapporteur spécial. La réduction de l'inflation pourrait permettre un reflux de la rémunération portée par le livret A et aider ainsi au redémarrage des opérations.

La Banque des Territoires indique, en outre, que l'année 2024 pourrait indiquer un signe de redémarrage de l'activité. Le fonds d'épargne a en effet initié des prêts pour les bailleurs sociaux qui pourraient atteindre en fin d'exercice près de 16,5 milliards d'euros, contre 13 milliards d'euros en 2023 et 11,5 milliards d'euros en 2022.

Le rôle contracyclique du logement social pourrait ainsi s'exprimer dans le fait qu'il serait premier à amorcer une reprise, malgré les enjeux auquel le secteur fait face.

Enfin, une difficulté se profile, en lien avec l'avenir incertain du financement du Fonds national des aides à la pierre (FNAP). Ce dernier, qui finance tout particulièrement le logement très social, associe les bailleurs sociaux et les collectivités territoriales à la gouvernance des aides à la pierre. Il dispose d'un circuit pour définir des critères de distribution de crédits aux bailleurs sociaux, soit par l'intermédiaire des collectivités délégataires des aides à la pierre, soit via l'administration déconcentrée.

Or, son financement est à ce stade compromis au-delà de l'année 2025. En effet, depuis 2020, les bailleurs sociaux ne contribuent aux aides à la pierre qu'à hauteur de 75 millions d'euros, alors que le code de la construction prévoit une contribution de 375 millions d'euros, compte tenu des moyens plus réduits dont ils disposent depuis la mise en place de la RLS.

Si une contribution exceptionnelle d'Action Logement a permis de combler le manque à gagner pendant cette période, le groupe n'apportera que 150 millions d'euros en 2024 et le financement ne sera pas reconduit en 2025 en application de la convention quinquennale qui lie l'État et Action Logement

Par conséquent, en 2025, la trésorerie du FNAP et les reports de fonds de concours disponibles sur le programme 135 seront mobilisés pour assurer le financement des objectifs de production neuve tout en assurant le paiement des opérations déjà engagées.

Le rapporteur spécial relève que le maintien des aides à la pierre est nécessaire et appelle le gouvernement à agir en faveur d'une reprise de la construction de logements sociaux.

Or, cette reprise est urgente. La Banque des territoires, en effet, dans son étude annuelle sur la situation du secteur18(*), considère qu'à politique inchangée, le nombre de logements sociaux que le secteur sera capable de construire en vitesse de croisière devrait se stabiliser autour de 77 000. Ceci est bien loin du nombre nécessaire à une résorption de la demande en logement sociaux. Le nombre de personnes attendant un logement social monte en effet en 2023 à 2,7 millions, un niveau record. Selon la fondation Abbé Pierre et l'Union sociale pour l'habitat, il faudrait chercher à monter vers 120 000 voire, à long terme, 150 000 logements par an.

Le rapporteur spécial rappelle enfin que l'exigence de production de logement social ne doit pas empêcher la mise en oeuvre de la rénovation du parc de logements sociaux existants. Par conséquent, il salue l'annonce par le gouvernement de reporter en 2025 les 200 millions d'euros annulés pour cette action.

2. Les acheteurs et les locataires souffrent d'une faible solvabilité qui ne favorise pas une reprise par la demande

La crise du logement, qui pâtit d'un manque d'offre en lien avec un double objectif de rénovation et de construction difficilement compatibles à moyens constants, est renforcée par les capacités moindres des acheteurs et des locataires. La demande est ainsi insuffisante pour encourager la reprise.

a) La crise de la demande perdure, en raison d'une faible solvabilité des acheteurs et à des prix d'acquisition toujours élevés

Au deuxième trimestre 2024, près d'un logement sur quatre a été retiré de la vente, selon la Fédération des promoteurs immobiliers, indiquant ainsi que les promoteurs peinent à commercialiser leurs logements. Par conséquent, les nouvelles opérations se font plus rares et il est possible de constater un retrait de certaines opérations en cours de commercialisation, ce qui est un fait nouveau.

La demande est grevée, au niveau des acheteurs, par des conditions de crédit qui se sont dégradées à une vitesse exceptionnelle. Le taux d'intérêt annuel moyen des prêts à l'habitat aux particuliers est remonté de 1,1 en décembre 2021 à 3,69 % en septembre 2024, annulant huit ans de diminution graduelle et dépassant la moyenne des 20 dernières années.

Au niveau du parc social, l'incapacité des locataires à revenir dans le logement classique est mise en évidence par la dégradation du taux de rotation dans les habitations à loyer modéré (HLM).

Évolution du taux de rotation dans le parc social

(en pourcentage)

Source : commission des finances, d'après les réponses au questionnaire budgétaire

La dégradation très visible depuis 2020 s'explique par une moins grande solvabilité de l'ensemble des ménages, dans un environnement de taux peu favorable ainsi qu'un coût du logement qui ne diminue que peu.

La conjoncture économique globale, en outre, liée à la hausse des coûts de l'énergie et à l'épisode inflationniste de l'année 2023 expliquent aussi cette difficulté pour les populations du logement social à rejoindre le parc classique.

Le rapporteur spécial se montre ainsi favorable aux solutions qui pourraient permettre de faciliter l'accès à la propriété des personnes qui, aujourd'hui, ne le peuvent pas.

Au niveau du logement social, cela pourrait passer par un développement du bail réel solidaire (BRS), qui permet à des ménages modestes de n'acheter que le logement et pas le terrain sur lequel il est bâti. La dissociation du foncier et du bâti permet ainsi de baisser le prix des logements de 20 % à 40 % selon les zones géographiques. Le terrain est ainsi loué à un Organisme foncier solidaire (OFS) pour un loyer faible, en signant un BRS, d'une durée comprise entre 18 et 99 ans.

Plus largement, pour les ménages qui aspirent à la propriété, le rapporteur spécial soutient le gouvernement dans son approche d'élargir l'accès au prêt à taux zéro (PTZ). Ce dernier pourrait être étendu à tout le territoire, pour le logement neuf et collectif. Un amendement en ce sens, avec avis favorable du gouvernement, a été adopté à l'Assemblée nationale19(*)

Enfin, la mise en oeuvre d'une exonération fiscale sur les donations faites dans le but d'acquérir un logement, si elle est bornée dans le temps, peut favoriser un choc de demande et favoriser le redémarrage du marché immobilier. Le rapporteur spécial soutiendra toute initiative allant en ce sens, notamment pour rehausser le plafond de 50 000 euros à 150 000 euros.

b) Ne pas être tenté par une hausse de la fiscalité qui encouragerait la détention alors que le marché aurait besoin de circulation des biens

Sur le plan fiscal, le rapporteur spécial met en garde contre l'évolution à la hausse possible des taux des droits de mutation à titre onéreux (DMTO).

En effet, cela risque de limiter la mobilité du parc de logements, dans la mesure où l'acquisition d'un bien sera d'autant plus chère. Par conséquent, il convient de doser cette mesure pour que le signal envoyé n'empêche pas la reprise du marché immobilier.

Le rapporteur spécial rappelle que l'acquisition de logements représente un ordre de grandeur de 40 % des recettes liées au logement, qui représentaient 92 milliards d'euros en 2022, soit 8 % du PIB. Cette fiscalité tend à réduire la fluidité du marché de l'immobilier.

IV. LE PROGRAMME 147 « POLITIQUE DE LA VILLE » CONNAÎT UNE BAISSE DE SES CRÉDITS, QUI DEVRAIENT ÊTRE COMPLÉTÉS AU COURS DE LA NAVETTE POUR LA RÉNOVATION URBAINE

Le programme 147 « Politique de la ville » porte des crédits relatifs en particulier aux actions menées dans le cadre des contrats de ville et du renouvellement urbain. Ils n'incluent toutefois qu'une part minoritaire du financement des opérations de renouvellement urbain, dont les crédits proviennent à titre principal d'Action Logement et des bailleurs sociaux. Ils sont par ailleurs complémentaires des crédits de droit commun consacrés par les ministères aux politiques menées dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV).

A. LES CRÉDITS ALLOUÉS À LA POLITIQUE DE LA VILLE SONT EN BAISSE DE 15,6 % EN EUROS CONSTANTS

Les crédits du programme 147 s'élèvent à 549,6 millions d'euros20(*) dans le PLF pour 2025, en baisse de 89,9 millions d'euros par rapport à la loi de finances initiale pour 2024. Ceci équivaut à une diminution de 14,1 % en euros courants, ou de 15,6 % en corrigeant les montants de l'inflation prévue en 2025.

Le programme ne connaît pas de mesures faisant évoluer son périmètre cette année.

Évolution des crédits par action du programme 147
par rapport à la loi de finances initiale pour 2024

(en millions d'euros)

   

LFI
2024

PLF 2025

Évolution PLF 2025 / LFI 2024

   

en valeur

en %

corrigé inflation

01 - Actions territorialisées et dispositifs spécifiques de la politique de la ville (contrats de ville)

AE

530,5 

489,1 

- 41,4 

- 7,8 %

- 9,4 %

CP

530,5 

489,1 

- 41,4 

- 7,8 %

- 9,4 %

02 - Revitalisation économique et emploi

AE

40,2 

41,3 

+ 1,1 

+ 2,8 %

+ 1,0 %

CP

40,2 

41,3 

+ 1,1 

+ 2,8 %

+ 1,0 %

03 - Stratégie, ressources et évaluation

AE

18,9 

19,1 

+ 0,3 

+ 1,4 %

- 0,4 %

CP

18,9 

19,1 

+ 0,3 

+ 1,4 %

- 0,4 %

04 - Rénovation urbaine et amélioration du cadre de vie (NPNRU)

AE

50,0 

0,0 

- 50,0 

- 100,0 %

- 100,0 %

CP

50,0 

0,0 

- 50,0 

- 100,0 %

- 100,0 %

Total programme 147

AE

639,5 

549,6 

- 89,9 

- 14,1 %

- 15,6 %

CP

639,5 

549,6 

- 89,9 

- 14,1 %

- 15,6 %

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

Le programme 147 comprend quatre actions dont les crédits sont très inégaux.

L'action 01 « Actions territorialisées et dispositifs spécifiques de la politique de la ville » regroupe les crédits à destination des quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV), dans le cadre des contrats de ville ou de dispositifs spécifiques tels que le programme de réussite éducative et les adultes-relais. Elle porte 89 % des crédits du programme.

L'action 02 « Revitalisation économique et emploi » comprend la subvention de l'Établissement public d'insertion de la défense (EPIDe) et, de manière résiduelle, les crédits dédiés à la compensation auprès des régimes de sécurité sociale des exonérations de charges sociales en zones franches urbaines (ZFU).

Les crédits correspondant à la masse salariale des délégués des préfets sont retracés dans l'action 03 « Stratégies, ressources et évaluation ».

Enfin l'action 04 « Rénovation urbaine et amélioration du cadre de vie » porte la contribution de l'État au financement du nouveau programme national de renouvellement urbain (NPNRU), présentée plus en détail supra. Dans le PLF pour 2025, elle présente une budgétisation nulle, ce qui participe fortement à la réduction des crédits de la mission.

Au-delà des crédits budgétaires inscrits au programme 147, la politique de la ville agit par le biais de certaines dépenses fiscales, d'un coût pour l'État estimé à 375 millions d'euros en 2025, dont 102 millions d'euros pour l'exonération des bénéfices réalisés par les entreprises installées dans les zones urbaines de troisième génération ou les zones franches urbaines - territoire entrepreneur (ZFU-TE) et 126 millions d'euros pour l'abattement de 30 % sur la base d'imposition à la taxe foncière sur les propriétés bâties (TFPB) en faveur des logements locatifs sociaux situés dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV).

Ces crédits ne constituent toutefois qu'une partie des montants destinés aux quartiers, selon le principe posé par la loi de programmation pour la ville de 201421(*) d'un financement prioritaire par les crédits de droit commun des ministères. Il est difficile, voire impossible, de chiffrer ces crédits de droit commun.

Le document de politique transversale « Ville », annexé au projet de loi de finances pour 2025 identifie les contributions de 35 programmes du budget général, pour un montant total de 40,5 milliards d'euros en 2025, mais, comme le reconnaît ce document lui-même, cette évaluation ne peut pas être considérée comme un chiffrage réel, car de nombreux dispositifs des ministères ne font pas l'objet d'un suivi permettant d'identifier la part des crédits destinée aux quartiers prioritaires de la politique de la ville.

Le programme a connu une annulation de 49,1 millions d'euros de ses crédits par le décret du 21 février 2024. Le projet de loi de fin de gestion devrait, en outre, apporter une annulation de 51,4 millions d'euros de crédits supplémentaires. Ainsi, près de 15,8 % des crédits ouverts en LFI pour 2024 auront été annulés. Les associations de terrain ont besoin, cependant, d'une meilleure visibilité budgétaire.

B. LES CRÉDITS DÉDIÉS À LA MISE EN oeUVRE DES ACTIONS SPÉCIFIQUES AUX QUARTIERS PRIORITAIRES SONT RÉDUITS

Les crédits consacrés aux dispositifs territorialisés (contrats de ville) sur l'action 01 sont répartis entre un grand nombre de dispositifs distincts.

Les crédits du projet de loi de finances sont marqués par une évolution globalement marquée à la baisse.

Principaux dispositifs soutenus par l'action 01 « Actions territorialisées
et dispositifs spécifiques de la politique de la ville »

(en millions d'euros)

Source : commission des finances, à partir des projets annuels de performances

Plusieurs dispositifs clés de la mise en oeuvre de la politique de la ville voient leur financement pour 2025 réduits.

C'est d'abord le cas des cités éducatives. Créées en 2019 à la suite d'initiatives de terrain relayées par le rapport remis l'année précédente par Jean-Louis Borloo sur les quartiers prioritaires, les cités éducatives sont aujourd'hui au nombre de 252. Ces dernières sont labellisées pour trois ans et touchent un million de jeunes de moins de 25 ans. Leur objectif est d'améliorer les conditions d'éducation dans les quartiers en favorisant la continuité éducative. Après plusieurs années de progression, les crédits ouverts pour les cités éducatives sont en baisse. Il s'agira de s'assurer que leur fonctionnement s'effectue encore dans de bonnes conditions, alors que leur nombre a parallèlement augmenté.

Ensuite, le dispositif des adultes-relais connaîtrait une baisse de 5 millions d'euros des crédits, compte tenu de la forte contrainte budgétaire pesant sur l'État. Si le projet annuel de performances indique qu'il y aurait 6 244 postes répartis sur l'ensemble du territoire, seul 4 555 étaient pourvus le 20 septembre 2024. Un gel des recrutements a en effet été opéré par les préfets en cours d'année.

Pour rappel, le dispositif des emplois francs vise à favoriser le lien social par la médiation culturelle, la prévention de la délinquance et de maintien de la tranquillité publique. Intervenant en complément des actions classiques de l'administration, les adultes-relais permettent de recréer un lien entre l'État et les populations des quartiers.

Les autres dispositifs sont soit stables, soit en baisse, parfois constante depuis plusieurs années. Ainsi en est-il de la politique de l'emploi dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV). Alors qu'avaient été créées en 2020 des cités de l'emploi sur le modèle des cités éducatives pour rapprocher les acteurs de l'emploi des habitants, ce dispositif a été mis en extinction et devrait s'arrêter en 2025. Les crédits associés diminuent ainsi de 9 millions d'euros soit près de 20 % en 3 ans.

Enfin, les actions du volet « lien social et participation citoyenne » tendent à revenir à leur niveau de 2022. Ce dispositif est particulièrement vulnérable à la diminution des crédits, dans la mesure où il s'agit principalement d'actions à destination des publics des quartiers qui sont portées par des associations. Ces dernières dépendent alors étroitement des moyens publics et sont parfois fragiles.

C. LES CONTRATS DE VILLE DE LA NOUVELLE GÉNÉRATION DEVRAIENT ÊTRE TOUS SIGNÉS À LA FIN DE L'ANNÉE 2024 EN MÉTROPOLE

La loi de programmation pour la ville de 2014 a instauré deux dispositifs coordonnés : le zonage des quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV), définis par décret en fonction d'un nombre minimal d'habitants et d'un critère de revenus, et le dispositif des contrats de ville qui permet de mettre en oeuvre les actions de la politique de la ville.

Les élus locaux étant impliqués dans cette politique, la loi de 2014 avait prévu que le renouvellement général des conseils municipaux serait suivi d'une actualisation de la liste des quartiers prioritaires et de la signature de nouveaux contrats de ville.

Ceci n'a pas été le cas après les élections municipales de 2020. En effet, la loi de finances pour 201922(*) a repoussé à la fin 2022 la mise à jour de la liste des QPV, comme la conclusion de nouveaux contrats de ville. Puis ces délais ont à nouveau été repoussés d'un an par la loi de finances pour 202223(*).

La publication de la nouvelle liste des QPV en 2023 a permis d'initier la signature des nouveaux contrats de ville. Après avoir repoussé la date limite plusieurs fois, une circulaire de la secrétaire d'État chargée de la ville24(*) à l'époque, en date du 31 août 2023 avait prévu que les nouveaux contrats de ville devraient être signés d'ici au 31 mars 2024.

Les auditions en amont du PLF pour 2025 ont permis au rapporteur spécial de confirmer que l'intégralité des contrats de ville en métropole devraient être signés à la fin de l'année 2024. S'il s'agit d'un pas favorable, le rapporteur spécial regrette le temps perdu depuis 2022, qui a produit sur le terrain une incertitude dommageable pour la mise en oeuvre de cette politique.

Le rapporteur spécial salue cependant la nouvelle dynamique gouvernementale sur le sujet de la politique de la ville. La préparation d'un comité interministériel des villes (CIV), qui pourrait se tenir au début de l'année 2025, serait l'occasion de donner un nouveau souffle à cette politique qui pâtit du manque de coordination entre les acteurs.

Alors que le dernier CIV, tenu le 27 octobre 2023, avait déçu par l'absence de mesures fortes, la convocation volontaire d'un nouveau moment de dialogue pourrait favoriser une impulsion durable pour la politique de la ville et pour les quartiers.

D. L'ANNÉE 2024 CONSTITUE UNE ANNÉE BLANCHE POUR LA PARTICIPATION DE L'ÉTAT AU NOUVEAU PROGRAMME NATIONAL DE RENOUVELLEMENT URBAIN, QUI POURRAIT ÊTRE PORTÉE PAR AMENDEMENT DANS LA LOI DE FINANCES POUR 2025 

Le nouveau programme national de renouvellement urbain (NPNRU) a été prévu dès la loi de programmation pour la ville de 2014. Alors que son prédécesseur, le programme national de rénovation urbaine (PNRU), avait connu son pic de réalisations cinq à six années après sa création en 2003, le NPNRU est toujours en phase de croissance au bout de dix ans.

Ces retards ont été dus en premier lieu à la définition d'une enveloppe limitée à 5 milliards d'euros, soit moins de la moitié de celle du PNRU, accrue par la suite à 10 milliards d'euros, puis 12 milliards d'euros. La mise en oeuvre de la RLS en 2018 puis un processus de validation complexe ont retardé également les procédures.

Le NPNRU repose, comme son prédécesseur, sur un financement majoritairement apporté par Action Logement (8,0 milliards d'euros en équivalent subventions) et les bailleurs sociaux (2,8 milliards d'euros) à l'Agence nationale pour la rénovation urbaine (ANRU), l'État devant pour sa part apporter 1,2 milliard d'euros.

La nouvelle convention quinquennale Action Logement25(*) confirme l'engagement de ce groupe, qui serait de 6,8 milliards d'euros de subvention à l'ANRU et 3,3 milliards d'euros de prêts bonifiés aux organismes de logements sociaux.

Sur la période 2023-2027, les subventions apportées par Action Logement seraient de 2,2 milliards d'euros, soit 440 millions d'euros par an. Les bailleurs sociaux continuent également à participer au financement de l'ANRU à hauteur de 184 millions d'euros en 2024.

En comparaison, la contribution de l'État n'a atteint que 106,9 millions d'euros après sept ans de versements, soit une moyenne de 19,6 millions d'euros par an. L'engagement de fournir 1,2 milliard d'euros est encore loin d'être accompli.

Financement du NPNRU par l'État

(en millions d'euros)

Source : commission des finances, à partir des documents budgétaires

La participation de l'État prévue dans la loi de finances initiale pour 2024, qui indiquait une participation à hauteur de 50 millions d'euros, a été entièrement annulée en cours de gestion.

En principe, l'État doit apporter 300 millions d'euros d'ici 2028. Cet engagement, à mesure que sont repoussées les participations, ne saurait être atteint. Il semblerait toutefois que le gouvernement pourrait déposer par amendement une proposition de participation de l'État à hauteur de 50 millions d'euros pour la mise en oeuvre du NPNRU. En effet, l'action 04, qui porte cette contribution, est actuellement dépourvue de tout crédit de paiement.

L'absence de recettes suffisantes pourrait mettre en péril l'équilibre financier de l'ANRU, qui a déjà engagé des dépenses importantes pour le NPNRU et doit assumer les décaissements qui y sont rattachés.

L'agence participe, outre le NPNRU, au programme national de requalification des quartiers anciens dégradés (PNRQAD), mené en lien avec l'Agence nationale de l'habitat (ANAH).

En 2024, les recettes sont de 639,1 millions d'euros et les dépenses prévues par le budget initial de 924 millions d'euros, ce qui reste soutenable dans la mesure où le solde de trésorerie constaté fin 2023 approchait les 850 millions d'euros.

Recettes et dépenses de l'ANRU en 2024

(en millions d'euros)

Budget initial pour 2024 en crédits de paiement. PNRQAD : programme national de requalification des quartiers anciens dégradés. CGLLS : Caisse de garantie du logement locatif social (financée par les bailleurs sociaux).

Note : la participation de l'État a été ensuite annulée en cours de gestion.

Source : commission des finances, à partir des réponses au questionnaire budgétaire

Pour les années à venir, le financement de l'ANRU demeure une question ouverte. En effet, il est estimé que les recettes, sur la période 2023-2028, atteindraient 3,4 milliards d'euros, pour des dépenses de l'ordre de 5 milliards d'euros.

En conséquence, une tension de trésorerie est prévisible sur la période 2025-2028, à moins bien sûr que le rythme d'activité effectif des opérations NPNRU ne soit pas conforme à celui qui est prévu.

Financement et décaissements prévisionnels de l'ANRU
sur la période 2023-2028

(en millions d'euros)

Décaissements au titre des subventions NPNRU et du fonctionnement de l'ANRU.

Source : commission des finances, à partir des réponses au questionnaire budgétaire

Dans une logique de cohérence, le rapporteur spécial appelle ainsi les acteurs à être à la hauteur de leur engagement pour que le rythme de rénovation soit maintenu, tout en ayant conscience que l'état actuel des finances publiques est un facteur de difficultés pour que l'État s'engage pleinement dans le financement de la rénovation urbaine.

EXAMEN PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE

En première lecture, l'Assemblée nationale n'ayant pas adopté la première partie du projet de loi, celui-ci est considéré comme rejeté en application du troisième alinéa de l'article 119 du Règlement de l'Assemblée nationale.

En conséquence, sont considérés comme rejetés les crédits de la mission « Cohésion des territoires » et donc des programmes 177 « Hébergement, parcours vers le logement et insertion des personnes vulnérables », 109 « Aide à l'accès au logement », 135 « Urbanisme, territoires et amélioration de l'habitat » et 147 « Politique de la ville ».

EXAMEN EN COMMISSION

Réunie le mardi 12 novembre 2024, sous la présidence de M. Claude Raynal, président, la commission des finances a procédé à l'examen du rapport de M. Jean-Baptiste Blanc, rapporteur spécial, sur les programmes « Hébergement, parcours vers le logement et insertion des personnes vulnérables », « Aide à l'accès au logement », « Urbanisme, territoires et amélioration de l'habitat » et « Politique de la ville ».

M. Jean-Baptiste Blanc, rapporteur spécial de la mission « Cohésion des territoires » sur les programmes « Hébergement, parcours vers le logement et insertion des personnes vulnérables », « Aide à l'accès au logement », « Urbanisme, territoires et amélioration de l'habitat » et « Politique de la ville ». - Comme chaque année, nous serons deux rapporteurs spéciaux pour vous présenter les crédits de la mission « Cohésion des territoires » : je commencerai avec les quatre programmes portant les crédits destinés à la politique du logement, de l'urbanisme, de l'hébergement et de la ville ; M. Delcros prendra le relais avec les crédits de la politique d'aménagement du territoire et des interventions territoriales de l'État.

Je voudrais pour commencer vous proposer une analyse de l'évolution importante que connaît l'enveloppe de la mission. En effet, en crédits de paiement (CP), celle-ci passe de 19,4 milliards d'euros en loi de finances initiale (LFI) de 2024 à 23,8 milliards d'euros dans le projet de loi de finances (PLF) pour 2025. Il s'agit d'une hausse de 17,7 % des crédits après correction de l'inflation, ce qui est inédit pour la mission. Néanmoins, ne nous y trompons pas, cette hausse est liée à des mesures de périmètre, et non à un soudain accroissement des crédits. En effet, dans le contexte budgétaire contraint que nous connaissons, il aurait été peu raisonnable d'augmenter de 4,6 milliards d'euros les dépenses liées à la mission.

Par conséquent, les crédits, à périmètre constant, sont bien plutôt - hélas - en baisse de 4 %, y compris dans les missions qui relèvent du logement et de l'urbanisme. Je salue cette rationalisation des crédits ouverts qui correspond pour une grande partie à une mise en cohérence des ouvertures des années précédentes avec les actions concrètement menées. Cela ne m'empêchera pas de mettre en évidence certains risques portés par la baisse de ces crédits.

Pour commencer par le programme 177 « Hébergement, parcours vers le logement et insertion des personnes vulnérables », il convient d'abord de saluer l'objectif affiché par le Gouvernement de maintenir 203 000 places dans le parc en 2025, soit autant qu'en 2024. En tendance longue, cela correspond à une augmentation de 50 000 places par rapport à 2017.

Cela est d'autant plus notable que le dispositif national d'accueil des demandeurs d'asile (DNA), à destination des personnes en situation irrégulière, connaît une baisse de plus de 9 000 places l'an prochain. Cela conduira probablement à un report sur le parc d'hébergement d'urgence classique, qui pourra tenir le choc d'autant mieux qu'il ne réduit pas le nombre de places offertes.

Outre l'accroissement de ce parc, il convient de noter la baisse depuis trois ans du nombre de nuitées hôtelières, permise par l'action résolue de la délégation interministérielle à l'hébergement et à l'accès au logement (Dihal). Ces dernières sont en baisse de 11,8 %.

Cela favorise un accueil plus digne des hébergés, qui sont pris en charge dans des structures d'accueil plus adaptées comme les centres d'hébergement et de réinsertion sociale (CHRS). Ces derniers bénéficient, en effet, de crédits en augmentation de 5 % pour l'année 2025. Ces structures offrent un accompagnement social en plus du simple hébergement et doivent continuer à se développer.

Je relève néanmoins deux difficultés dans les crédits proposés pour ce programme. D'une part, il apparaît que les crédits ouverts peuvent sembler sous-évalués. En effet, ils sont en légère baisse par rapport à ceux qui ont été ouverts en LFI de 2024.

Or l'exécution au titre de l'exercice en cours a mené le Gouvernement à proposer une ouverture de crédits de 250 millions d'euros dans le projet de loi de finances de fin de gestion (PLFG). Ainsi, avec un objectif de places similaire à l'année précédente, il pourrait manquer 250 millions d'euros pour boucler l'année 2025.

D'autre part, et je sais combien Mme Sollogoub, qui nous fait l'honneur de rapporter ce programme au nom de la commission des affaires sociales, saisie pour avis, y est aussi attentive, le PLF pour 2025 ne prévoit pas de mesures d'accompagnement spécifique pour les Ukrainiens.

L'engagement en faveur de l'intermédiation locative, qui permet à ces réfugiés de bénéficier d'une aide bienvenue pour se loger, est en effet en baisse de 2,6 %. Je suis conscient de l'importance de maintenir un dispositif fonctionnel pour ces personnes que la guerre a poussées à quitter leur pays. Je resterai donc attentif à ce que l'action gouvernementale puisse s'inscrire dans le temps long et favorise un accueil décent pour les Ukrainiens en France.

Je serai bref, ensuite, sur les crédits du programme 109 « Aide à l'accès au logement », même s'il porte la très grande majorité des crédits. Il s'agit en effet des aides au logement, une aide de guichet qui ne connaît pas de réforme particulière cette année.

Le coût prévu pour l'État est de 17 milliards d'euros pour 2025. Ici encore, il faut mentionner une évolution de périmètre qui fait bondir de 24,6 % les crédits du programme. En effet, pour se mettre en conformité avec les dispositions de la loi organique relative aux lois de finances (Lolf), le Fonds national d'aide au logement (Fnal) ne pourra plus, à partir du 1er janvier 2025, recevoir d'affectations de taxes.

Par conséquent, le montant des cotisations patronales qui lui étaient transférées, à savoir 3 milliards d'euros, et celui de la fraction de taxe sur les bureaux, à savoir 24 millions d'euros, sont réintégrés au budget de l'État. Cela explique une grande part de la hausse d'environ 3,6 milliards d'euros des crédits du programme.

Je salue cette évolution positive pour la lisibilité du coût des aides au logement et de l'effort de l'État.

Je me réjouis que l'effet des réformes passées, qui ont contribué à réduire le montant versé de 20,8 milliards d'euros à 15,6 milliards d'euros entre 2017 et 2023, soit désormais derrière nous et que le montant se stabilise pour l'année qui vient : cela vaut moins pour les bénéficiaires, qui n'ont pas vu leur taux d'effort augmenter durant ces années, que pour les bailleurs sociaux. En effet, la baisse des aides a pesé sur leurs fonds propres par le transfert de la charge de la réduction de loyer de solidarité (RLS).

Cette question de la RLS me permet d'en venir au programme 135 « Urbanisme, territoires et amélioration de l'habitat », qui porte le coeur de la politique du logement du Gouvernement. Or, la crise actuelle est principalement une crise de la construction, notamment celle du logement social.

Les bailleurs, en effet, ont vu leurs capacités de financement de nouveaux projets grevées par la RLS, ainsi que par le maintien d'un taux élevé du livret A. Ces deux difficultés devraient néanmoins s'atténuer au cours de l'exercice 2025. L'inflation diminue, ce qui permettra une baisse du taux du livret A. En outre, le gouvernement soutient un gel de la RLS, ce qui pourra permettre de ne pas accentuer les difficultés des bailleurs. Je souhaite que les possibles évolutions à la baisse de la RLS soient menées de concert avec une contractualisation exigeante qui mène à un redémarrage de la construction.

Les bailleurs privés, qui connaissent une conjoncture particulièrement défavorable, pourraient bénéficier d'une relance du logement social, dans la mesure où de nombreuses opérations sont désormais mixtes.

Je souligne ici que le Gouvernement a donné un avis favorable à un amendement de l'Assemblée nationale pour l'élargissement du prêt à taux zéro (PTZ). Cela pourrait entraîner un regain de la demande, qui est l'autre volet nécessaire pour que le marché reparte. Je suis favorable à cette initiative, ainsi qu'à toutes celles qui favoriseront la relance de la construction.

Les crédits du programme 135 portent une autre politique d'ampleur, qui est celle de la rénovation thermique des logements privés.

C'est grâce à une évolution de la maquette budgétaire concernant ces aides à la rénovation que les crédits du programme sont en hausse de 1,4 milliard d'euros, soit 89,2 % de croissance. En effet, les deux tiers des aides provenaient du programme 174 de la mission « Écologie, développement et mobilité durables » et pour un tiers seulement du présent programme. Elles sont désormais regroupées dans le programme 135. À nouveau, cette clarification de la maquette budgétaire est à saluer.

En outre, les évolutions des crédits prévus par l'unification du versement à l'Agence nationale de l'habitat (Anah), qui porte la politique de rénovation des logements, sont bénéfiques pour la cohérence et la sincérité du budget de l'État.

En effet, les ressources dont bénéficie l'Anah ont doublé entre 2021 et 2024, passant de 2 milliards d'euros à 4 milliards d'euros, crédits budgétaires et taxes affectées compris. Pour 2025, ce sont 3 milliards d'euros qui lui seront octroyés, dont 2,3 milliards d'euros de subvention budgétaire.

Ces crédits sont cohérents avec l'exécution constatée en 2024, qui a conduit le Gouvernement à annuler 359 millions d'euros en février, puis à proposer l'annulation de 381 millions d'euros supplémentaires dans le PLFG. En effet, le volume de travaux accomplis a mené au versement d'un montant de subventions largement inférieur aux crédits votés.

Cette baisse est d'autant plus justifiée que la trésorerie de l'Anah a été multipliée par trois depuis 2019 et lui permettra largement de tenir le choc en cas d'augmentation soudaine du nombre d'opérations de rénovation en 2025.

Enfin, je mentionne ici que notre collègue Bernard Delcros vous présente un amendement visant à augmenter les crédits à hauteur de 5,5 millions d'euros, en les ponctionnant du programme 135 pour les allouer au programme 112. Cela représente moins de 0,1 % des crédits ouverts sur le programme et ne pénalise pas l'accomplissement de la politique du logement, mais pourra avoir une action utile pour la cohésion des territoires.

Pour finir, je présenterai les crédits de la politique de la ville, portée par le programme 147.

Ces derniers sont en baisse de 15,6 % en euros constants, notamment en lien avec l'absence de crédits présentés à ce jour pour la participation de l'État au nouveau programme de renouvellement urbain (NPNRU).

Alors que l'État s'est engagé à apporter 300 millions d'euros à l'horizon 2028, seuls 106,9 millions d'euros ont été jusqu'alors versés. L'année 2024 sera en outre une année blanche, car le PLFG prévoit l'annulation des crédits ouverts - 50 millions d'euros. Pour 2025, le montant n'est pas encore arbitré, mais le Gouvernement déposera un amendement en ce sens.

Je resterai donc attentif à toute initiative qui permettra de garantir, sans les retarder, les opérations de renouvellement urbain.

Pour les autres enjeux de la politique de la ville, je salue le fait que tous les nouveaux contrats de ville sont désormais signés. Attendus depuis 2022, ces derniers donneront un cadre au déploiement de cette politique.

Si les crédits sont en diminution, en lien avec un contexte budgétaire contraint, il n'en demeure pas moins que nombre de dispositifs portent leurs fruits. J'en citerai deux, qui auront besoin d'un soutien de l'État, même si les moyens sont limités : les adultes-relais d'une part, qui sont des médiateurs efficaces pour favoriser la tranquillité publique et le lien social dans les quartiers ; les cités éducatives, d'autre part, qui permettent de créer une synergie de moyens autour de l'école et de l'enseignement.

Je conclurai mon intervention en vous disant que je ne suis évidemment pas dupe de l'état difficile du marché immobilier et que je mesure que les crédits pour l'hébergement d'urgence et la politique de la ville pourraient être accrus. Néanmoins, il me semble que nous devons agir aujourd'hui pour faciliter le travail entrepris par ce gouvernement pour aller dans le bon sens. C'est déjà le cas sur plusieurs sujets, comme le PTZ ou le gel de la RLS.

Par conséquent, confiant dans les initiatives gouvernementales et lucide sur les contraintes que connaît notre pays en termes de finances publiques, je vous propose d'adopter ces crédits.

M. Bernard Delcros, rapporteur spécial de la mission « Cohésion des territoires » sur les programmes « Impulsion et coordination de la politique d'aménagement du territoire » et « Interventions territoriales de l'État ». - Le volet « politique des territoires » de la mission « Cohésion des territoires » comprend principalement le programme 112, pour des montants prévus en 2025, respectivement de 248 millions d'euros en autorisations d'engagement (AE) et de 211 millions d'euros en CP.

Ce programme, financé en grande partie par le fonds national d'aménagement et de développement du territoire (FNADT), qui comporte une section locale et une section générale, intègre, d'une part, des crédits pour financer les politiques contractuelles de l'État, notamment le volet territorial des contrats de plan État-région (CPER) et les contrats de plan interrégionaux État-régions (CPIER), d'autre part, des crédits destinés à différents dispositifs d'aménagement du territoire, pilotés par l'Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT) ou financés directement par l'ANCT au travers de la subvention pour charges de service public. Ces montants peuvent paraître peu élevés, mais je tiens à rappeler qu'ils ont un effet de levier significatif dans les territoires.

Je suis par ailleurs chargé d'assurer le suivi du programme 162, qui comprendra en 2025 sept actions territorialisées pour un peu plus de 77 millions d'euros, en AE comme en CP. Je vais principalement consacrer mon propos au programme 112, qui connaît une réduction très importante de ses crédits dans le PLF qui nous est présenté par le Gouvernement.

Entre la LFI de 2024 et le projet de budget pour 2025, on passe sur ce programme de 398 millions d'euros environ à 249 millions d'euros, soit une baisse de près de 40 % !

Je l'avoue, quand j'ai découvert cette baisse drastique et avant même de l'avoir examinée en détail, j'ai craint une remise en cause sur le fond des politiques de soutien aux territoires que nous avons réussi à mettre en place progressivement et qui commencent aujourd'hui à porter leurs fruits sur le terrain, une remise en cause qui ne serait pas, pour moi, acceptable, mais j'y reviendrai.

En y regardant de plus près, la baisse de crédits est essentiellement concentrée sur deux postes de dépenses : 83 % de la baisse portent sur les politiques contractuelles de l'État pour un montant de 125 millions d'euros et 17 % concernent une réduction des subventions pour charges de service public et pour investissement versées à l'ANCT, qui passeraient de 88 millions d'euros à 68 millions d'euros, soit une réduction de 20 millions d'euros.

Alors, quelles seront les conséquences concrètes de cette baisse importante sur les politiques contractuelles, d'une part, et sur les actions de l'ANCT, d'autre part ?

Sur le premier point, sont concernés le volet territorial des CPER 2021-2027, les CPIER et les pactes de développement territorial. Les baisses devraient se traduire, non par une annulation des opérations prévues, mais par un report d'un an de bon nombre d'entre elles et donc par un glissement de la durée de ces contrats.

Je tiens à préciser qu'il doit bien s'agir d'un report et que les crédits nécessaires au respect des engagements de l'État lors de la signature de ces contrats avec les collectivités devront être inscrits en 2026. Le contraire ne serait pas acceptable !

Concernant la réduction de 20 millions d'euros des subventions versées à l'ANCT, elle pourrait être, en grande partie, absorbée par un resserrement des dépenses internes à l'Agence.

En revanche, j'attire l'attention sur la nécessité de préserver de toute baisse massive le soutien à l'ingénierie locale financé directement par l'ANCT. Ce dispositif créé il y a seulement trois ans est désormais bien connu et apprécié des élus locaux, tandis que les préfets se le sont approprié. Il est particulièrement utile pour les plus petites collectivités.

De 10 millions d'euros à sa création en 2022, il a été rehaussé à 20 millions d'euros en 2023 puis à 40 millions d'euros en 2024. Un montant de 30 millions d'euros pour 2025 me semble absolument nécessaire. Il y va pour moi de la crédibilité de l'action de l'État dans les territoires, afin de poursuivre cette action récente.

Les autres actions du programme 112 qui concernent les nombreux soutiens de l'État aux politiques locales sont dans l'ensemble préservées, voire améliorées. Il en est ainsi des contrats de convergence et de transformation (CCT) qui concernent le soutien aux outre-mer, du plan France ruralités, de l'accompagnement des opérations Coeur de ville, Petites villes de demain (PVD) ou Villages d'avenir, en particulier au travers d'emplois portés directement par l'État ou accompagnés par l'État.

Sont également préservés d'autres volets comme les Territoires d'industrie qui bénéficient d'ailleurs d'un doublement de leurs crédits. Concernant les maisons France Services, un sujet qui nous tient à coeur compte tenu de l'intérêt qu'elles représentent pour les territoires, les engagements qui avaient été pris à la suite des propositions que j'avais faites dans le rapport que je vous avais présenté sont tenus.

Ainsi les crédits affectés aux France Services augmentent de près de 25 %, passant de 53,2 millions d'euros à 65,5 millions d'euros. Cette hausse permettra notamment d'accroître, là aussi comme prévu, le montant de la dotation aux collectivités qui les portent. Cette dotation financée à parité avec les opérateurs s'élèvera en 2025 à 45 000 euros par France Services.

Toutefois, les 7,55 millions d'euros inscrits sur le programme 112 pour financer la majoration accordée aux France Services implantées dans les communes classées France Ruralités Revitalisation (FRR) sont insuffisants pour respecter la trajectoire prévue de 10 000 euros par France Services.

Je vous proposerai donc un amendement à hauteur de 5,5 millions d'euros pour corriger cette insuffisance, préparé avec la bienveillance de notre collègue Jean-Baptiste Blanc que je remercie, puisque ce montant sera prélevé sur une action d'un programme relevant de sa compétence.

Sur le programme 162, je serai bref. Il s'agit de sept actions territorialisées : il y en avait huit l'an dernier, mais, comme prévu, nous achevons en 2024 l'exécution de l'action consacrée à l'eau dans les Pays de la Loire.

Deux remarques toutefois : si les crédits consacrés à la Corse augmentent de manière très importante, c'est parce que, depuis deux ans, un certain nombre d'opérations ont été reportées et qu'elles devraient être exécutées en 2025.

Par ailleurs, les crédits des autres actions évoluent conformément aux prévisions et devraient permettre une exécution conforme à celle qui a été envisagée lors de la signature de ces conventions.

Pour conclure et dans un contexte de nécessaire redressement des comptes publics auquel contribue le programme 112, je voudrais faire quatre observations qui m'amènent à vous proposer l'adoption des crédits.

Premièrement, la baisse importante des crédits du programme 112 ne se traduit pas par une remise en cause du financement des opérations contractualisées, mais par un report d'un an et le glissement de la durée des contrats.

Deuxièmement, le soutien à l'ingénierie locale portée par l'ANCT peut demeurer à un niveau suffisant pour répondre aux besoins des territoires. Il n'est pas remis en cause dans son principe par la baisse de la subvention pour charges de service public versée à l'ANCT.

Troisièmement, les autres actions de soutien aux territoires, construites au fil du temps ne sont pas impactées par des réductions significatives de crédits, à l'instar des France Services.

Enfin, je rappelle que le vote se fait globalement sur la mission que nous menons conjointement avec notre collègue Jean-Baptiste Blanc et pas seulement sur les programmes 112 et 162 dont j'assure le suivi.

Avant de terminer, permettez-moi, monsieur le président, d'ajouter dès maintenant, deux points de vigilance pour l'avenir.

Première observation, la coupe budgétaire de cette année sur le programme 112, si elle peut se justifier compte tenu de la nécessité de redresser les comptes publics et du fait qu'elle ne remet pas en cause, sur le fond, les soutiens de l'État aux territoires, doit rester exceptionnelle et attachée à la seule année 2025. Je le répète, il ne serait pas envisageable, à mes yeux, que l'engagement de l'État pris lors de la signature de plusieurs contrats territoriaux ne soit pas respecté !

Deuxième observation, les montants affectés au programme 112 restent depuis longtemps modestes, mais le FNADT qui les finance est un outil de l'État souple et efficace qui a un fort effet de levier sur les territoires. C'est aujourd'hui reconnu.

Je pense donc qu'il ne faut pas réduire sa portée, mais au contraire la consolider et j'y serai de ce point de vue très attentif dans le cadre de la préparation du budget pour 2026.

D'ailleurs, je vous proposerai de réaliser, dans le cadre des contrôles budgétaires, un rapport sur le rôle du FNADT dans les politiques de développement local, qui pourra nous éclairer sur ce sujet.

M. Claude Raynal, président. - Je reste dubitatif quant à la notion de coupe budgétaire « exceptionnelle », le programme gouvernemental de redressement des comptes publics devant se déployer au moins jusqu'à 2029. Dans ce cadre, il faudra trouver environ 25 milliards d'euros chaque année, et j'ai bien peur qu'une partie des coupes « exceptionnelles » ne soient renouvelées.

Mme Nadia Sollogoub, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales sur le programme 177 « Hébergement, parcours vers le logement et insertion des personnes vulnérables » de la mission « Cohésion des territoires ». - Le programme 177 est le filet de sécurité de la solidarité nationale, il est celui qui offre un toit, qui accompagne, qui défend la dignité des plus précaires.

Dans le PLF pour 2025, ce programme voit ses crédits être pérennisés à hauteur de 2,9 milliards d'euros. C'est un élément que je tiens à saluer, alors que nous savons tous que le contexte budgétaire est à la consolidation. Il faut le marteler : l'État ne fait pas d'économies sur les personnes sans domicile.

Pour autant, je souhaiterais attirer votre attention sur trois points d'alerte.

Tout d'abord, si les crédits sont globalement maintenus, je m'inquiète de certains transferts. La ligne budgétaire dédiée à l'hébergement d'urgence est en baisse de 70 millions d'euros, en précisant qu'il s'agit des nuitées hôtelières, les moins coûteuses. L'objectif est d'en transformer une partie en places de CHRS, plus qualitatives, mais également plus coûteuses : il est évident que l'objectif d'un parc de 203 000 places n'est pas tenable dans ces circonstances.

Ensuite, je tiens à vous alerter sur l'absence de ligne budgétaire pour l'hébergement des Ukrainiens. Les plus vulnérables d'entre eux, ceux qui n'ont pas réussi à acquérir leur autonomie, risquent des expulsions dès janvier 2025. Ce manque de financement, estimé à 27,5 millions d'euros, est de nature à créer un risque diplomatique et d'embolisation du système d'asile.

Enfin, je souhaite attirer votre attention sur la sous-budgétisation chronique du programme 177, qui a des conséquences majeures. Le PLFG pour 2024 prévoit, comme tous les ans, de l'abonder à hauteur de 250 millions d'euros. On le sait, avec le budget actuel, il faudra une nouvelle fois débloquer ces 250 millions d'euros en fin d'année prochaine.

Il ne s'agit pas d'une dérive budgétaire, mais du report d'année en année d'une dépense exceptionnelle d'un exercice antérieur. Ce fonctionnement a posteriori conduit les associations à avancer sur leur trésorerie l'hébergement d'urgence, sans garanties de remboursement des services faits. Aujourd'hui, elles ne supportent plus ce stop and go et la moitié d'entre elles disparaîtront en 2025 si ce fonctionnement est maintenu.

Or ces associations sont aussi celles qui s'occupent des personnes handicapées, de l'aide alimentaire, parfois même des Ehpad, d'où ma grande inquiétude.

M. Jean-François Husson, rapporteur général. - Le contexte est particulièrement difficile et l'effort proposé par le Gouvernement l'est tout autant. Dans ce contexte, personne ne fait preuve de vanité et je pense que nous nous associons tous aux messages des rapporteurs spéciaux quant à leur mission.

Pour ce qui est de l'alerte de Mme Sollogoub, nous continuerons à mener à un travail avec le Gouvernement, même s'il sera difficile de trouver les 250 millions d'euros qui sont abondés d'année en année. La mise en pratique du principe des vases communicants n'a rien d'évident, et je remercie Jean-Baptiste Blanc d'être venu appuyer Bernard Delcros afin qu'il puisse présenter la meilleure copie possible.

Certains dispositifs se sont essoufflés et n'ont pas prouvé toute leur efficacité en termes de dépense publique, d'où l'intérêt de faire mieux et de concentrer les efforts. Les politiques du logement sont confrontées à de véritables difficultés alors que le secteur traverse une grave crise, qu'il s'agisse de la construction de logements neufs ou des logements aidés sous toutes leurs formes.

L'urgence est grande dans ce domaine, et nous devrons articuler ces politiques avec les enjeux d'aménagement et de cohésion des territoires. Nous ne pouvons pas nous satisfaire de la dissonance politique entre les territoires urbains et les territoires plus ruraux qui s'est exprimée lors des derniers scrutins, celle-ci n'ayant rien d'inévitable. Il importe de ne pas se résigner et de modifier la manière dont nous avons appréhendé ces différentes politiques jusqu'à présent, en lien avec les opérateurs chargés de les mettre en oeuvre. Nous serons force de proposition et nos rapporteurs continueront à nous aider en ce sens.

M. Michel Canévet. - Je remercie les deux rapporteurs spéciaux. J'avais bon espoir que nous parvenions à réaliser des économies substantielles sur les 36 milliards d'euros de cette mission, mais il semble qu'elle comporte un volet lié à l'aménagement du territoire particulièrement important et qu'elle réponde à de réels besoins.

Comme l'a souligné le rapporteur général, la question du logement est particulièrement problématique dans notre pays. D'après les remontées du terrain, obtenir les aides de l'Anah s'apparente à un véritable parcours du combattant : ne pourrait-on pas simplifier les dispositifs de manière à ce qu'ils ne rebutent pas les acteurs qui souhaitent améliorer leur logement sur le plan énergétique ? De la même manière, un certain nombre d'aides sont accordées à cette transition énergétique, mais ne pourrait-on pas envisager d'autres mécanismes que des subventions, tels que des prêts ?

Par ailleurs, confirmez-vous qu'un certain nombre de crédits font défaut pour ce qui concerne les volets relatifs à l'aménagement du territoire des CPER pour l'exercice 2025 ?

Le programme 112, quant à lui, englobe le programme Territoires d'industrie et les tiers-lieux : observe-t-on une baisse des crédits dédiés à l'animation de ces espaces, qui jouent un rôle important dans l'accompagnement des entrepreneurs individuels, afin qu'ils ne travaillent pas de manière isolée ? Enfin, confirmez-vous que les crédits alloués au programme Territoires d'industrie évoluent à la hausse ?

M. Stéphane Sautarel. - Sur la partie logement et urbanisme, la dépense fiscale représente quasiment 11 milliards d'euros : comment a-t-elle évolué en tendance ?

Concernant les CPER, qui ne sont malheureusement pas exécutés comme ils devraient l'être, faut-il redouter une aggravation du phénomène du fait de la réduction des crédits ?

Sur un autre point, je suis plutôt réservé sur les missions de l'ANCT, et j'espère que la baisse des crédits permettra une meilleure coordination sur le terrain avec les autres acteurs de l'ingénierie.

Je me réjouis, par ailleurs, de la déclinaison des mesures du programme FRR dans différents dispositifs et notamment pour les France Services. Le nombre de ces structures évolue-t-il encore ?

Enfin, à l'instar de M. Canévet, j'ai été surpris par l'évolution positive des crédits relatifs au programme Territoires d'industrie, puisqu'il me semblait qu'une diminution de l'accompagnement de l'animation du dispositif avait été décidée. Comment expliquer cette hausse ?

Mme Frédérique Espagnac. - Je remercie à mon tour les deux rapporteurs. Nous voterons défavorablement sur cette mission dans la mesure où nous avons de sérieux doutes sur le renouvellement des crédits. Je tiens à alerter mes collègues sur les retards de déploiement des CPER, qui affectent les investissements et qui auront des conséquences majeures pour nos territoires et nos entreprises. S'y ajoutent des rumeurs dont Bernard Delcros a dû avoir vent au sujet d'une fusion de la dotation d'équipement des territoires ruraux (DETR), de la dotation de soutien à l'investissement local (DSIL) et du fonds vert.

Pour ce qui est du programme Territoires d'industrie, les retours dont je dispose laissent penser que les objectifs de réindustrialisation sont loin d'être atteints. L'an dernier, ce programme avait bénéficié du fonds vert à hauteur de 70 millions d'euros, mais quid de ces crédits compte tenu des ponctions prévues ?

Quant aux France Services, ces structures correspondent-elles bien aux attentes des territoires ? Je rappelle que plus de 2 000 communes avaient été sauvées d'une sortie du dispositif des zones de revitalisation rurale (ZRR) par Gabriel Attal, mais qu'elles risquent de se retrouver en difficulté dans la mesure où le plan est prévu jusqu'en 2027, et non pas jusqu'en 2029.

Enfin, je rappelle que des ponctions sont prévues sur les chambres de métiers et de l'artisanat (CMA) et les chambres de commerce et d'industrie (CCI), alors qu'il me paraît difficile de demander davantage d'efforts à des chambres consulaires qui sont déjà « à l'os ».

M. Laurent Somon. - Le sujet de l'Anah est à creuser, la rapidité de la réponse laissant en effet à désirer.

Pour ce qui est du FNADT, un manque de lisibilité et une hétérogénéité des fonds versés dans les territoires sont à déplorer. Dispose-t-on d'un observatoire permettant de suivre leur ventilation dans les territoires, ainsi que d'un mécanisme de contrôle pour tous les types de projets ?

M. Bernard Delcros, rapporteur spécial. - Monsieur Canévet, la diminution la plus importante concerne les CPER, de 148 millions d'euros à 44 millions d'euros en autorisations d'engagement, et plus aucun crédit de paiement. Si l'on peut entendre la nécessité de redresser les comptes publics et le report de certaines opérations, l'État doit honorer sa signature et verser les fonds prévus.

Par ailleurs, une baisse de crédits est bien à l'oeuvre sur les tiers-lieux, mais elle porte sur la création de nouveaux tiers-lieux et non pas sur l'animation de ces espaces. D'ailleurs, il serait sans doute utile de dresser un bilan des tiers-lieux.

Pour ce qui est du programme Territoires d'industrie, la hausse des crédits reflète la volonté de réindustrialiser le pays. Lesdits crédits visent à financer l'accompagnement humain et l'ingénierie, en précisant que l'enveloppe reste limitée puisqu'il est question de passer de 2 millions d'euros à 5 millions à l'échelle nationale. L'idée est de ne pas abandonner le soutien à des chefs de projets et à l'ingénierie sur mesure.

Monsieur Sautarel, un glissement dans l'exécution des CPER n'est pas forcément pénalisant pour les territoires, en rappelant que le programme 112 ne concerne que le volet territorial des CPER et non pas l'ensemble des crédits.

S'agissant de l'ANCT et de la coordination avec les autres dispositifs d'ingénierie - notamment ceux qui sont portés par les départements -, l'articulation doit se mettre en place à l'échelon local. Dans certains départements, l'ingénierie est uniquement technique ; dans d'autres, elle inclut un volet administratif : le travail doit se coordonner par le biais d'un dialogue entre le préfet, qui est le délégué territorial de l'ANCT, et les départements. Il faut bien évidemment éviter les doublons, dans le cadre, encore une fois, d'une décision locale.

J'ai bien entendu la remarque sur la majoration de la dotation de l'État pour les espaces France services implantées des communes relevant du zonage FRR. Je demande des crédits supplémentaires, car 7,5 millions d'euros avaient été inscrits l'année dernière, ce qui avait permis d'apporter 5 000 euros supplémentaires par France Services. Le dispositif avait démarré au 1er juillet et l'aide portait donc sur un semestre, ce qui justifie de solliciter des crédits supplémentaires pour couvrir une année pleine. Cette majoration se justifie pour des départements souvent très ruraux qui conjuguent une immense surface et une faible densité de population, ce qui les oblige à déployer quatre à cinq France Services afin que chaque bassin soit desservi, et donc à assumer davantage de restes à charge. Il s'agit donc de tenir compte de ces spécificités.

Le nombre de France Services n'évolue qu'à la marge et s'établit actuellement à un peu moins de 2 800 structures, avec un plafond estimé à 3 000 maisons d'ici 2026. Le rapport d'information que j'avais consacré à ces structures comprenait trois volets : un volet dédié à la valorisation du métier des conseillers France Services ; un volet financier ; et enfin un volet relatif à l'adéquation des services proposés aux besoins des territoires. Au départ, neuf opérateurs étaient présents ce qui ne permettait pas de couvrir l'ensemble des besoins des usagers. J'avais donc proposé l'entrée d'autres opérateurs : au 1er janvier 2024, l'Anah et la direction générale de l'énergie et du climat (DGEC) sont entrées dans le dispositif, ce qui permet de répondre aux demandes liées à MaPrimRénov' et aux chèques énergie ; à compter du 1er janvier 2025 ; une expérimentation sera lancée afin que l'Urssaf et l'Agirc-Arrco intègrent ces structures. L'absence de la caisse de retraite complémentaire était en effet dénuée de sens, puisque les usagers ont besoin de réponses à toutes leurs questions lorsqu'ils liquident leur retraite.

Madame Espagnac, je suis franchement opposé à la fusion de la DETR, de la DSIL et du fonds vert, qui présenterait bien des inconvénients car la DETR est fléchée sur les seuls territoires ruraux alors que la DSIL et le fonds vert sont ouverts à toutes les collectivités.

Monsieur Somon, le FNADT finance davantage du fonctionnement que de l'investissement, ce qui lui confère une souplesse intéressante. Il ne me semble pas qu'un observatoire dédié à ces fonds existe.

M. Jean-Baptiste Blanc, rapporteur spécial. - Nous resterons très vigilants sur les points soulevés par Mme Sollogoub au sujet des demandeurs d'asile et des Ukrainiens.

Monsieur Canévet, le montant des subventions de l'État pour l'Anah diminue de 39,4 % en autorisations d'engagement et de 20,5 % en crédits de paiement, ce qui n'est pas négligeable. L'Agence a indiqué qu'elle pourrait faire face à cette diminution des crédits. Pour ce qui est de la rapidité des réponses, elle a recruté 55 équivalents temps plein (ETP) en 2023 pour l'améliorer. Du reste, les banques développent déjà des produits pour permettre aux clients de ne pas avancer les frais de rénovation. Ces dernières paient la partie éligible à la subvention des travaux et, ensuite, font la démarche auprès de l'Anah pour se faire rembourser.

Quant au niveau de la dépense fiscale, il est lié à l'existence d'une politique publique de la rénovation. Il importe de mettre le sujet en perspective avec la RLS, que la ministre entend approfondir afin d'inciter à la construction et à la rénovation. Il faudrait donc, dans cette perspective, contractualiser avec les bailleurs par le biais de conventions d'utilité sociale (CUS).

Concernant l'hébergement d'urgence, je partage votre constat : avec 330 000 personnes sans domicile en France, dont 40 % de femmes, nous ne sommes pas à la hauteur malgré nos efforts. Nous resterons très vigilants sur ce point.

Article 42

M. Claude Raynal, président. - L'amendement II-1 (FINC.1) vise à abonder le financement de la « bonification FRR » pour qu'elle permette la prise en charge prévue, pour un total en année pleine de 13 050 575 euros, d'où un besoin de financement de 5 500 575 euros. Ces crédits seraient ponctionnés sur le programme 135 « Urbanisme, territoires et amélioration de l'habitat » de la mission.

M. Pascal Savoldelli. - Je n'ai pas de difficulté sur le principe de cette dotation forfaitaire - tout en restant vigilant à ne pas opposer milieu rural et milieu urbain -, mais je voudrais savoir à quoi correspondent les crédits pris sur l'autre programme.

M. Bernard Delcros, rapporteur spécial. - Il s'agit de crédits qui seraient pris sur l'action nº 7 du programme 135, qui comprend 268 millions d'euros. Il reste chaque année un reliquat compris entre 13 millions et 18 millions d'euros, le prélèvement de 5,5 millions d'euros proposé ne remettant donc pas du tout en cause ce dispositif. Il n'est pas question d'opposer le rural et l'urbain, mais de distinguer l'équité et l'égalité, deux concepts bien différents.

L'amendement II-1 (FINC.1) est adopté.

La commission a décidé de proposer au Sénat d'adopter les crédits de la mission « Cohésion des territoires », sous réserve de l'adoption de son amendement.

*

* *

Réunie à nouveau le jeudi 21 novembre 2024, sous la présidence de M. Claude Raynal, président, la commission a confirmé définitivement ses votes émis sur toutes les missions, tous les budgets annexes, tous les comptes spéciaux et les articles rattachés aux missions, ainsi que les amendements qu'elle a adoptés, à l'exception de ceux émis pour les missions « Culture », « Direction de l'action du Gouvernement », « Enseignement scolaire », « Médias, livre et industries culturelles », « Audiovisuel public », « Recherche et enseignement supérieur », ainsi que des comptes spéciaux qui s'y rattachent.

LISTE DES PERSONNES ENTENDUES

Ministère du logement et de la rénovation

- Mme Valérie LÉTARD, ministre du logement et de la rénovation ;

- M. Guillaume VOISARD, directeur adjoint de cabinet ;

- Mme Maï-Caroline BULLIER, conseillère budget et fiscalité ;

- Mme Lou LE NABASQUE, conseillère parlementaire.

Ministère de l'Intérieur - Direction générale des collectivités locales (DGCL)

- Mme Blandine GEORJON, adjointe au sous-directeur de la cohésion et de l'aménagement du territoire.

Ministère de la transition écologique de l'énergie, du climat et de la prévention des risques - Direction de l'Habitat, de l'Urbanisme et des Paysages (DHUP)

- M. Damien BOTTEGHI, directeur de l'habitat de l'urbanisme et des paysages ;

- Mme. Anne-Emmanuelle OUVRARD, adjointe du directeur ;

- M. Emmanuel ROUSSELOT, sous-directeur du financement de l'économie du logement et de l'aménagement ;

- Mme Céline BONHOMME, sous-directrice de l'aménagement durable.

Délégation interministérielle à l'hébergement et à l'accès au logement (Dilhal)

- M. Jérôme d'HARCOURT, délégué à l'hébergement et à l'accès au logement ;

- M. Manuel HENNIN, adjoint au délégué à l'hébergement et à l'accès au logement ;

- M. Charles-Henri BESCOND, directeur du pôle budgétaire ;

- Mme Manon COUSSEAU, chargée de mission budgétaire ;

- M. Sylvain BUDILLON, chargé de mission budgétaire.

Union sociale pour l'habitat (USH)

- Mme Marianne LOUIS, directrice générale ;

- M. Antoine GALEWSKI, directeur des relations institutionnelles et parlementaires.

Caisse des dépôts et consignations

- M. Kosta KASTRINIDIS, directeur des prêts, Banque des Territoires ;

- Mme Sophie VAISSIERE, directrice des relations institutionnelles et affaires stratégiques à la direction des prêts, Banque des Territoires ;

- Mme Jade BOIVIN, conseillère relations institutionnelles, Caisse des dépôts et consignations.

Agence nationale de l'habitat (ANAH)

- Mme Valérie MANCRET-TAYLOR, directrice générale ;

- M. Fernando DE ALMEIDA, directeur des affaires financières et comptables ;

- M. Antonin VALIERE, responsable des relations institutionnelles.

Icade

- Mme Véronique MERCIER, membre du Comex en charge des relations institutionnelles et de la communication.

Audition conjointe

Fondation Abbé Pierre

- M. Manuel DOMERGUE, directeur des études.

Croix rouge

- M. Victor D'AUTUME, chef de projet Hébergement - Logement.

LA LOI EN CONSTRUCTION

Pour naviguer dans les rédactions successives du texte, le tableau synoptique de la loi en construction est disponible sur le site du Sénat à l'adresse suivante :

https://www.senat.fr/dossier-legislatif/pjlf2025.html


* 1 Décret n° 2024-124 du 21 février 2024 portant annulation de crédits.

* 2 Loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances, 4° ter du II de l'article 34, modifié par la loi organique n° 2021-1836 du 28 décembre 2021 relative à la modernisation de la gestion des finances publiques.

* 3 Amendement n° I-3492 adopté le samedi 26 octobre 2024.

* 4 Sommes versées par des communes qui ne remplissent pas les obligations imposées par la loi n° 2000-1208 du 13 décembre 2000 relative à la solidarité et au renouvellement urbains.

* 5 Rapport d'information du Sénat n° 685 (2023-2023), Dégradation des finances publiques : entre pari et déni, déposé le 12 juin 2024.

* 6 Le projet annuel de performances indique un montant de 575,5 millions d'euros. Il s'agit d'une coquille liée à la non comptabilisation à cet endroit du document du transfert de 5,6 millions d'euros vers la brique du logement adapté liée à l'intégration au programme du plan de transformation des foyers de travailleurs migrants (PTFFTM) en résidences sociales, depuis le programme 104 de la mission « Immigration, asile et intégration ».

* 7 Article L. 345-2-2 du code de l'action sociale et des familles.

* 8 Sixième baromètre Enfants à la rue, UNICEF France et Fédération des acteurs de la solidarité, 29 août 2024.

* 9 Article 125 de la loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique.

* 10 Décret n° 2024-124 du 21 février 2024 portant annulation de crédits.

* 11 Articles L. 813-4 et suivants du code de la construction et de l'habitation.

* 12 Article 156 de la loi n° 2023-1322 du 29 décembre 2023 de finances pour 2024.

* 13 Article 2 de la loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances, version en vigueur à compter du dépôt du projet de loi de finances pour 2025 en application de la loi organique n° 2021-1836 du 28 décembre 2021 relative à la modernisation de la gestion des finances publiques.

* 14 Cour des comptes, Finances publiques : pour une réforme du cadre organique et de la gouvernance, 18 novembre 2020.

* 15 SMIC net. Issu de la brochure barème APL, janvier 2024.

* 16 En tenant compte des émissions indirectes attribuables à la production d'électricité. OCDE, Pierre par pierre : Bâtir de meilleures politiques du logement, 2021.

* 17 Ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires, Tableau de suivi de la rénovation énergétique dans le secteur résidentiel, 1er août 2023.

* 18 Étude «  Perspectives », édition 2024.

* 19 Amendement n° I-3492 adopté le samedi 26 octobre 2024.

* 20 Les crédits de ce programme et des actions qui le composent sont tous égaux en autorisations d'engagement et en crédits de paiement.

* 21 Loi n° 2014-173 du 21 février 2014 de programmation pour la ville et la cohésion urbaine.

* 22  Article 181 de la loi n° 2018-1317 du 28 décembre 2018 de finances pour 2019.

* 23  Article 68 de la loi n° 2021-1900 du 30 décembre 2021 de finances pour 2022.

* 24  Circulaire du 31 août 2023 relative à l'élaboration des contrats de ville 2024-2030 dans les départements métropolitains.

* 25 Convention quinquennale 2023-2027 entre l'État et Action Logement, publiée au Journal officiel du 12 août 2023.

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