II. LA PROPOSITION DE LOI TEND À CRÉER UN NOUVEAU DISPOSITIF DE PROTECTION JUDICIAIRE DES MINEURS VICTIMES DE VIOLENCES, INSPIRÉ DE L'ORDONNANCE DE PROTECTION
Cherchant à mettre en oeuvre la préconisation n° 26 du rapport de la Ciivise, l'article unique de la proposition de loi instituerait une ordonnance de sûreté de l'enfant victime de violences, largement inspirée de l'ordonnance de protection.
Il s'agit en effet, selon l'auteur du texte, Maryse Carrère, « d'instituer un dispositif similaire » à l'ordonnance de protection, « mais cette fois spécifiquement dédié à la protection des enfants victimes »5(*).
Pour ce faire, la proposition de loi ajouterait un nouveau titre à la fin du livre Ier du code civil, qui serait constitué de cinq articles, les articles 515-13-2 à 515-13-6, et qui suivrait le titre XIV régissant l'ordonnance de protection.
Comme l'ordonnance de protection, l'ordonnance de sûreté de l'enfant victime de violences serait délivrée en urgence par le juge aux affaires familiales, sans obligation de dépôt de plainte, afin que celui-ci prononce des mesures temporaires ayant vocation à protéger une ou plusieurs victimes présumées de violences, sans pour autant que la décision du juge ne porte reconnaissance de culpabilité.
Alors que l'ordonnance de protection repose sur un double critère de vraisemblance de violences au sein du couple - ces violences pouvant également toucher les enfants dudit couple - et de l'existence d'une situation de danger, l'ordonnance de sûreté, telle que proposée par le présent texte, aurait un périmètre plus large que celui du couple et de la famille, puisqu'elle s'adresserait aux cas vraisemblables de viol incestueux, d'agression sexuelle incestueuse ou de faits de violence susceptibles de mettre en danger un enfant, commis par une personne titulaire sur celui-ci d'une autorité de droit ou de fait, ce qui pourrait concerner, outre le cercle familial, un professeur ou un adulte encadrant lors d'une activité extrascolaire. Le critère de la vraisemblance de ces faits de violences, lesquels ne seraient pas, en l'état du texte, limités aux cas d'incestes parentaux comme le préconisait la Ciivise, devrait en outre se cumuler avec une crainte de récidive, c'est-à-dire « lorsqu'il est à redouter qu'une nouvelle infraction soit commise ».
Si un parent ou le ministère public estime que ces deux critères sont réunis, chacun d'eux pourrait alors saisir le juge aux affaires familiales pour que celui-ci prononce, dans un délai de quinze jours - contre six jours pour l'ordonnance de protection - et après procédure contradictoire, cinq types de mesures, relevant du droit pénal et du droit civil :
- le retrait total ou partiel de l'autorité parentale ou le retrait de l'exercice de cette autorité sur l'enfant présumé victime, ainsi que sur les frères et soeurs mineurs de la victime, et la redéfinition des modalités du droit de visite et d'hébergement ;
- l'interdiction de contact, de quelque façon que ce soit, avec l'enfant présumé victime et éventuellement ses frères et soeurs ;
- l'interdiction pour le parent présumé violent de se rendre dans certains lieux spécialement désignés par le juge dans lesquels se trouve de façon habituelle l'enfant, comme son école ou le domicile de l'autre parent ;
- une proposition de prise en charge sanitaire, sociale ou psychologique pour le parent présumé violent, que celui-ci pourrait refuser ;
- sous réserve du consentement des parties, le port d'un dispositif électronique mobile anti-rapprochement, c'est-à-dire d'un bracelet anti-rapprochement pour la partie défenderesse et d'un boitier de signalement pour la partie demanderesse.
À l'exception notable du retrait de l'autorité parentale, toutes ces mesures peuvent également être prononcées par le juge lors de l'octroi d'une ordonnance de protection. Il existerait toutefois une divergence marquée quant à l'amplitude des mesures que pourrait prendre le juge dans le cadre d'une ordonnance de sûreté, par comparaison avec l'ordonnance de protection. Avec l'ordonnance de sûreté, il ne pourrait pas interdire la détention ou le port d'une arme, ni statuer sur le logement commun du couple, ni statuer sur la contribution à l'entretien et à l'éducation des enfants, ni attribuer à la partie demanderesse la jouissance de l'animal de compagnie détenu au sein du foyer, ni autoriser la dissimulation de l'adresse de la victime présumée, ni prononcer l'admission provisoire à l'aide juridictionnelle.
Les mesures de l'ordonnance de sûreté seraient valables pour une durée maximale de six mois - contre un an pour l'ordonnance de protection - sans possibilité de prorogation. Le juge aux affaires familiales pourrait cependant, au cours de cette période de six mois, supprimer ou modifier tout ou partie des mesures énoncées dans l'ordonnance de sûreté, en décider de nouvelles, accorder à la personne défenderesse une dispense temporaire d'application de ces mesures ou rapporter l'ordonnance de sûreté.
Contrairement à l'ordonnance de protection, aucune sanction pénale n'est prévue en cas de violation des mesures prononcées par le juge dans le cadre d'une ordonnance de sûreté.
* 5 Selon l'exposé des motifs de la proposition de loi.