II. UN DÉFICIT INATTENDU ET D'UNE AMPLEUR HISTORIQUE QUI EMPÊCHE UNE FRANCHE RÉDUCTION DE L'ENDETTEMENT PUBLIC7(*)

A. DES RECETTES MOINS DYNAMIQUES QUE PRÉVU ET UN INVESTISSEMENT PRÉCOCE DES COLLECTIVITÉS EXPLIQUENT UN DÉFICIT DE 5,5 % DU PIB AU LIEU DES 4,9 % ATTENDUS

Alors que les prévisions gouvernementales de déficit public s'étaient établies à 5 % du PIB dans la loi de finances pour 2023 avant d'être révisées à 4,9 % du PIB à partir du programme de stabilité puis dans l'ensemble des textes financiers de la fin de l'année 2023, celui-ci s'est finalement établi à 5,5 % du PIB. Comme la commission des finances l'a relevé dans une mission d'information récente sur la dégradation des finances publiques depuis 2023, cet écart à la baisse de 0,6 point de PIB entre les prévisions et le solde exécuté est inédit : sur les 25 dernières années, un tel écart n'a été observé qu'en 2008, lors de la crise financière.

1. Des recettes moins dynamiques qu'anticipé du fait d'un manque de prudence des prévisions initiales

Ainsi que l'a mis en évidence la mission d'information susmentionnée, et que le confirme l'exposé général des motifs du projet de loi relatif aux résultats de la gestion et portant approbation des comptes de l'année 2023, cette dégradation résulte essentiellement de moindres recettes publiques constatées en fin d'année.

Du côté de l'État, l'exécution des principales recettes fiscales nettes a été systématiquement inférieure aux niveaux prévus fin 2023, que ce soit dans le PLF pour 2024 ou dans le PLFFG pour 2023. Le rendement de l'impôt sur le revenu net s'est élevé à 88,6 milliards d'euros contre 90 milliards d'euros prévus dans le PLFFG pour 2023, celui de l'impôt sur les sociétés net à 56,8 milliards d'euros contre 61,3 milliards d'euros dans le PLFFG pour 2023, celui de la TVA nette avant remboursement à 208,4 milliards d'euros contre 210,8 milliards d'euros dans le PLFFG pour 2023 et celui des autres recettes fiscales nettes - en particulier la contribution sur les rentes inframarginales des producteurs d'électricité (CRIM) - à 65,5 milliards d'euros contre 66,3 milliards d'euros dans le PLFFG pour 2023. S'il convient de souligner que les recettes fiscales ont réagi de façon inhabituellement molle à la croissance avec une élasticité des prélèvements obligatoires au PIB de 0,4 là où elle est en moyenne de 1, la mission d'information sur la dégradation des finances publiques a constaté que la mauvaise qualité de la prévision était pour une grande partie due à un excès d'optimisme et à un manque de prudence. Les recettes de la CRIM, en particulier, ont été significativement surestimées8(*).

Du côté des administrations de sécurité sociale, la croissance de la masse salariale pour 2023 a été initialement surestimée : alors que les chiffres du PLF 2024 font état une croissance de + 6,5 % pour 2023 et que ceux utilisés pour le PLFG 2023 estiment celle-ci à + 6,3 %, elle s'est en fait limitée à 5,5 % hors prime exceptionnelle. Cela a eu un effet important sur les recettes publiques totales, puisque les contributions et cotisations sociales, assises sur la masse salariale, en représentent près de 30 %.

Du côté des administrations publiques locales, enfin, les recettes de droits de mutation à titre onéreux ont été moins élevées que prévu du fait de la contraction du marché immobilier : celles-ci ont davantage reculé entre 2022 et 2023 (-22 %) que ne le prévoyait le PLF 2024 (-16 %) et le PLFG 2023 (-20 %).

2. Des dépenses publiques rapportées à la richesse nationale qui demeurent très supérieures au niveau d'avant-crise

La dépense publique, rapportée à la richesse nationale, a été encore particulièrement élevée. Représentant l'équivalent de 57 % du PIB, soit 1,4 point en-dessous du niveau de 2022, elle s'est avérée légèrement supérieure à ce qu'anticipait la loi de finances pour 2023 (56,9 %), et bien supérieure à ce qui était anticipé dans la LPFP 2023-2027 (55,9 %), pourtant adoptée près d'un an après.

Elle dépasse également largement le niveau de 55,3 % atteint en 2019 alors même que la crise sanitaire est désormais bien derrière nous.

Décomposition de la hausse des dépenses publiques entre 2022 et 2023

(en milliards d'euros)

Dépenses de fonctionnement 

Intérêts

Prestations et autres transferts

Investissements nets

Dépenses publiques en 2023

+1 550,7

+24,7

+1 609,9

+1,9

0,4

+23,6

+8,1

Correction des transferts entre adm. d'une année sur l'autre 

0,9

0,3

6,2

4,6

3,1

6,8

5,6

2,1

20,9

1,6

Dépenses publiques en 2022

Adm. locales

Adm. centrales

Adm. de sécurité sociale

Source : commission des finances du Sénat à partir des comptes nationaux de l'Insee pour 2023

La dépense a été contenue du côté de l'État (+ 7,3 milliards d'euros) au moyen d'un pilotage marqué en fin d'année au moyen, notamment de reports de crédits pesant sur l'année 2024.

La dépense des collectivités, qui a augmenté de 20,3 milliards d'euros, a été plus dynamique que prévu du fait d'un fort investissement : estimée à + 4,9 % lors de l'examen du PLF 2023, la dépense d'investissement s'est finalement élevée à + 11,4 % - une évolution difficilement prévisible ne correspondant pas aux prévisions classiques d'investissement corrélées avec le cycle électoral.

Les dépenses des administrations de sécurité sociale, qui ont progressé de 30,2 milliards d'euros, ont également été plus élevées que prévu, notamment du fait d'un dépassement de l'objectif national de dépenses d'assurance-maladie (Ondam) qui, hors dépenses de crise, a augmenté de 4,8 % alors que la loi de financement de la sécurité sociale (LFSS) pour 2023 prévoyait une hausse de 3,5 %.

La part déterminante que représente la sécurité sociale dans la dépense publique s'observe également dans la décomposition de la dépense publique par fonction effectuée par l'Insee, d'après une nomenclature internationale des principales fonctions des administrations publiques, seulement disponible pour 2022. L'intervention de l'État en faveur des entreprises, retracée dans la catégorie « Affaires économiques », occupe également une place de choix dans le fléchage de la dépense publique.

Décomposition de la dépense publique par fonction en 2022

(en point de pourcentage)

Source : commission des finances du Sénat à partir des comptes nationaux de l'Insee pour 2022


* 7 Pour une analyse plus poussée des raisons ayant conduit à ce niveau de déficit, se reporter au rapport suivant : « Dégradation des finances publiques : entre pari et déni ». Rapport d'information n° 685 (2023-2024) du 12 juin 2024 de M. Jean-François HUSSON, rapporteur de la mission d'information sur la dégradation des finances publiques depuis 2023, son suivi par l'administration et le Gouvernement et les modalités d'information du Parlement sur la situation économique, budgétaire et financière de la France.

* 8 Voir, pour plus de détails, le II. A. de la deuxième partie du présent rapport.

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