N° 34

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2024-2025

Enregistré à la Présidence du Sénat le 16 octobre 2024

RAPPORT

PRÉSENTÉ

au nom de la commission des finances (1) sur le projet de loi,
rejeté par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée,
relative aux
résultats de la gestion et portant approbation des comptes
de l'année 2023,

Par M. Jean-François HUSSON,
Rapporteur général,

Sénateur

TOME I

Exposé général et examen des articles

(1) Cette commission est composée de : M. Claude Raynal, président ; M. Jean-François Husson, rapporteur général ; MM. Bruno Belin, Christian Bilhac, Jean-Baptiste Blanc, Emmanuel Capus, Thierry Cozic, Bernard Delcros, Thomas Dossus, Albéric de Montgolfier, Didier Rambaud, Stéphane Sautarel, Pascal Savoldelli, vice-présidents ; M. Michel Canévet, Mmes Marie-Claire Carrère-Gée, Frédérique Espagnac, M. Marc Laménie, secrétaires ; MM. Arnaud Bazin, Grégory Blanc, Mme Florence Blatrix Contat, M. Éric Bocquet, Mme Isabelle Briquet, M. Vincent Capo-Canellas, Mme Marie-Carole Ciuntu, MM. Raphaël Daubet, Vincent Delahaye, Vincent Éblé, Rémi Féraud, Stéphane Fouassin, Mme Nathalie Goulet, MM. Jean-Raymond Hugonet, Éric Jeansannetas, Christian Klinger, Mme Christine Lavarde, MM. Antoine Lefèvre, Dominique de Legge, Victorin Lurel, Hervé Maurey, Jean-Marie Mizzon, Claude Nougein, Olivier Paccaud, Mme Vanina Paoli-Gagin, MM. Georges Patient, Jean-François Rapin, Mme Ghislaine Senée, MM. Laurent Somon, Christopher Szczurek, Mme Sylvie Vermeillet, M. Jean Pierre Vogel.

Voir les numéros :

Assemblée nationale (17ème législ.) : 3, 291 et T.A. 3

Sénat : 32 (2024-2025)

EXPOSÉ GÉNÉRAL

PREMIÈRE PARTIE
L'EXERCICE 2023 ET SON CONTEXTE ÉCONOMIQUE
ET FINANCIER

I. UNE CROISSANCE MODESTE RÉSULTANT DE DYNAMIQUES CONTRAIRES LIÉES, D'UNE PART, À LA BAISSE DE L'INFLATION ET DES PRIX DE L'ÉNERGIE ET, D'AUTRE PART, AU DURCISSEMENT DE LA POLITIQUE MONÉTAIRE

A. UNE CROISSANCE ÉCONOMIQUE EN LIGNE AVEC LES PRÉVISIONS INITIALES ET DANS LA FOURCHETTE CENTRALE DES PRINCIPAUX PARTENAIRES DE LA FRANCE

1. Une croissance économique portée par un deuxième trimestre dynamique et très légèrement supérieure aux prévisions

Le Gouvernement envisageait, lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2023, une croissance du PIB de 1 % cette année-là. Tout au long de l'année 2023, la prévision gouvernementale n'a pas varié. Elle était initialement considérée comme optimiste par la majorité des prévisionnistes, et la moyenne du consensus des économistes a tout au long de l'année 2023 été inférieure à 1 %. La croissance a finalement très légèrement dépassé la prévision gouvernementale pour s'établir à 1,1 %1(*).

Prévisions de croissance du Gouvernement et du consensus des économistes
pour l'année 2023

(en pourcentage)

Source : commission des finances du Sénat

L'activité a été essentiellement portée par un deuxième trimestre particulièrement dynamique, avec une croissance de 0,7 %, contre 0,1 % aux premier et troisième trimestres et 0,3 % au quatrième trimestre. Selon une publication de la Banque de France de septembre 20232(*), ces chiffres du deuxième trimestre, qui s'expliquent notamment par la fin des grèves dans le secteur de la cokéfaction et du raffinage et par un retour à la normale de la production d'électricité, constituaient une surprise.

2. Une performance dans la moyenne des principaux partenaires de la France

Si l'économie française a fait légèrement mieux que prévu par le Gouvernement en 2023, elle demeure toutefois dans la moyenne de nos principaux partenaires. Ainsi, le bon niveau de la croissance française comparativement à celle de la zone euro dans son ensemble - laquelle s'établit à 0,5 % - s'explique essentiellement par la récession allemande à - 0,2 %, dont il convient de souligner que l'activité, en France, a pâti. Les autres partenaires européens importants de la France font légèrement moins (0,9 % en Italie) ou bien mieux (2,5 % en Espagne), ce qui a pu compenser l'effet de la récession allemande.

Taux de croissance 2023 de la France et de quelques-uns de ses partenaires

(en pourcentage)

Source : commission des finances du Sénat

Les États-Unis, bénéficiant d'une politique budgétaire particulièrement expansionniste avec un déficit public de 8 % du PIB, ont quant à eux fait mieux que l'an passé malgré le resserrement monétaire opéré par la Fed, avec une croissance de 2,5 % contre 1,9 % en 2022.

Enfin, le ralentissement chinois - même si la croissance y était en 2023 de 5,2 % - a freiné l'activité via les canaux commerciaux mais a contribué à la détente des prix des matières premières, ayant au total un effet limité sur la croissance française - de l'ordre 0,1 à 0,2 point de PIB - à la différence de ce qu'on peut observer en Allemagne.

Au total, l'économie française présente des performances moyennes qui, si elles sont supérieures pour l'année 2023 à celles de la zone euro dans son ensemble, peinent à refléter l'efficacité de la politique économique menée.

B. UNE CROISSANCE PORTÉE PAR LA CONSOMMATION ET L'AMÉLIORATION DE LA BALANCE COMMERCIALE MAIS RALENTIE PAR LE RESSERREMENT DE LA POLITIQUE MONÉTAIRE

La croissance a été principalement soutenue par la consommation des ménages et par le commerce extérieur. Le resserrement de la politique monétaire a en revanche eu pour effet de peser fortement sur l'investissement des ménages, et à modérer la contribution de celui des entreprises3(*).

Contribution des différents facteurs de la demande à la croissance en 2023

(en points de croissance du PIB)

Note : la différence entre la somme des contributions et le total de la croissance du PIB est due aux erreurs d'arrondis.

Source : commission des finances du Sénat d'après les données de l'Insee de juillet 2024

1. La baisse de l'inflation et des prix de l'énergie a soutenu la croissance en favorisant respectivement la consommation et l'amélioration de la balance commerciale

La consommation des ménages, contribuant à hauteur de 0,5 point à la croissance du PIB en 2023, a particulièrement porté la croissance du côté de la demande. Alors que le consensus des économistes prévoyait, en janvier 2023, une stagnation, celle-ci s'est finalement révélée plus allante et a augmenté de 0,9 %4(*). Il s'agit toutefois d'un fort ralentissement par rapport à 2022 (+ 3 %) qui constituait une forme de prolongation du rebond de l'économie, ralentissement que l'on peut expliquer par une inflation encore élevée (+ 4,9 %) mais en retrait par rapport à 2022 (+ 5,2 %), et par une baisse du pouvoir d'achat du salaire moyen par tête, n'augmentant que de 4,2 % là où le déflateur de consommation augmentait de 7,1 %.

Il faut toutefois noter que le revenu disponible brut a augmenté plus rapidement que celui-ci, entraînant une hausse du pouvoir d'achat de 0,8 % - une hausse supérieure à celle de la population. En effet, les prestations sociales en espèces ont été plus dynamiques (+ 4,7 %) et les revenus du patrimoine, bénéficiant d'une hausse des taux d'intérêt, plus encore (+ 17,4 %) : c'est en fait cette composante du revenu disponible brut qui explique la hausse du pouvoir d'achat mais, concentrée sur les ménages aisés dont la propension à consommer est plus faible, elle ne s'est pas traduite par une hausse franche de la consommation.

Le maintien du taux d'épargne des ménages tel que calculé par l'Insee demeure par conséquent à un niveau particulièrement élevé (16,9 % après 16,8 % en 2022). Les comportements de précaution associés aux incertitudes sur l'environnement économique et international et à la remontée du chômage passant de 7,1 % fin 2022 à 7,5 % fin 2023 ont également pu contribuer à modérer la hausse de la consommation qui a toutefois été une des principales contributrices à la croissance. Cette évolution de la consommation des ménages masque une évolution différenciée selon les produits : la consommation des services a augmenté mais celle de produits alimentaires et d'énergie a diminué.

La consommation des administrations publiques a, de son côté, augmenté de 0,8 % et contribue à la croissance à hauteur de 0,2 point.

L'autre facteur principal ayant soutenu la croissance en 2023 est l'amélioration du solde du commerce extérieur, et en particulier de la balance commerciale en biens. Les exportations ont augmenté de 2,5 % quand les importations n'ont crû que de 0,7 %, conduisant le commerce extérieur à contribuer à la croissance à hauteur de 0,6 point.

Le solde extérieur s'améliore d'abord en raison de la baisse des prix de l'énergie importée par la France : le prix du baril de pétrole est passé de 101 dollars en moyenne en 2022 à 83 dollars en 2023. Comme le signale l'Insee, les importations de gaz et de pétrole ont également diminué du fait des stocks. Par ailleurs, le redémarrage des centrales nucléaires a permis à la France de redevenir exportatrice nette d'électricité et a contribué à hauteur d'un demi-point à la croissance du PIB en 2023. Au total, la balance commerciale en produits énergétiques s'est améliorée de 35,7 milliards d'euros, mais celle des services s'est détériorée de 35,1 milliards d'euros. L'amélioration du solde extérieur en biens, hors produits énergétiques, et du tourisme a conduit, finalement, à une amélioration de la balance des biens et services de 17,5 milliards d'euros.

Le solde du commerce extérieur demeure toutefois négatif et connaît une tendance à la dégradation sur le moyen terme. L'amélioration enregistrée en 2023 n'apparaît, dans ces conditions, que comme le contre-coup du niveau exceptionnellement bas atteint en 2022. Il est toutefois difficile de déterminer s'il s'agit de l'amorce d'un retour à des niveaux moins critiques, ou du renforcement de la détérioration structurelle du solde commercial français depuis deux décennies, que n'ont pas réussi à endiguer les mesures en faveur de la compétitivité mises en place à partir de 2012. Le renforcement de cette tendance poserait un problème majeur de dépendance de la France aux financements étrangers, mais également d'accélération de la désindustrialisation du pays.

Évolution du solde du commerce extérieur entre 2017 et 2023

(en milliards d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les données de l'Insee

Quelques enseignements sur la faiblesse sur solde extérieur français

La balance des services étant excédentaire à hauteur de 1 % du PIB depuis 1990, l'évolution du solde extérieur français s'explique essentiellement par celle de la balance commerciale en biens - notamment manufacturés -, structurellement déficitaire depuis deux décennies. Pour un niveau de demande donné, cela conduit à diminuer la production en la remplaçant par des importations. Pour peu que cette situation perdure, elle entraîne quasi mécaniquement une accélération de la désindustrialisation : en France, en même temps que le solde manufacturier entrait et se maintenait en territoire négatif, la part de l'industrie dans la valeur ajoutée est ainsi passée de 17,5 % à 12,5 % en 2021 - un point bas avant un léger rebond puisqu'elle s'établit à 14,9 % en 2023 - alors que dans le même temps elle se stabilisait à 23 % en Allemagne. Or, la poursuite de la désindustrialisation est particulièrement problématique du fait des gains de productivité plus fort observés dans l'industrie que dans les services, et d'un fort effet d'entraînement de l'industrie sur l'économie.

Par ailleurs, à l'occasion de politiques de relance, les importations augmentent et ce d'autant plus que l'appareil productif est incapable de répondre au surplus de demande. La désindustrialisation de la France a ainsi pu renforcer l'impact négatif de la relance opérée dans le cadre des crises sanitaire et énergétique sur le solde commercial, même si le solde atteint en 2022 s'explique principalement par l'envolée des prix de l'énergie. La relance tend aussi à favoriser l'inflation. Inversement, les partenaires de la France, tout particulièrement l'Allemagne dans les années 2000, mais également l'Italie et l'Espagne au début des années 2010, ont pratiqué une forte compression de la demande interne (hausse des impôts indirects, baisse des dépenses sociales, réforme du système de retraite...), réduisant les importations dans ces pays et augmentant les exportations via une meilleure compétitivité-prix du fait d'une faible inflation. Ces exportations ont été en partie absorbées par la France, contribuant à maintenir son déficit commercial à un niveau élevé.

L'absence de politique franche de soutien à la demande en Allemagne contribue à ces déséquilibres internes à la zone euro en pénalisant le commerce extérieur français. Si les politiques de réduction du coût du travail en France ont permis une amélioration de la compétitivité-prix, elles apparaissent en revanche avoir peu contribué au renforcement des exportations françaises, celles-ci sont en effet peu sensibles au coût du travail.

Sources : commission des finances du Sénat ; Clément Malgouyres, janvier 2019, rapport IPP n° 20, « Coût du travail et exportations : analyses sur données d'entreprises » ; François Geerolf et Thomas Grjebine, 2020, in L'Économie mondiale 2021, « Désindustrialisation (accélérée) : le rôle des politiques macroéconomiques » ; Carl Grekou et Thomas Grjebine, lettre du CEPII n° 426, avril 2022, « Déficits commerciaux et désindustrialisation : la faute de la demande ? » ; données de l'Insee

2. Le durcissement de la politique monétaire a pesé sur l'investissement

Parallèlement, l'activité a été freinée par le durcissement, sans précédent depuis la création de la Banque centrale européenne (BCE), de la politique monétaire. Entre juillet 2022 et septembre 2023, afin de lutter contre l'inflation, la BCE a augmenté ses taux directeurs de 450 points de base, aboutissant à un resserrement du crédit.

L'investissement des ménages a ainsi connu une baisse de 8,2 % en 2023, grevant la croissance de 0,5 point, tandis que l'investissement des entreprises non financières a stagné, à 3,1 % contre 3 % en 20225(*), et contribuant à la croissance de seulement 0,3 point malgré un redressement significatif du taux de marge (à 32,7 % contre 31 % en 2022). L'impact de la politique monétaire sur l'investissement des entreprises a toutefois été légèrement moins élevé que ce qu'on pouvait attendre en début d'année 2023, mais pourrait se faire sentir plus fortement en 2024, l'Insee estimant que l'investissement des entreprises diminuerait cette année, à rebours des prévisions du Gouvernement dans le projet de loi de finances pour 2024. La commission des finances avait d'ailleurs alerté, lors de l'examen du PLF pour 2024, sur le fait que les effets du durcissement de la politique monétaire continueraient probablement de se matérialiser en 2024 : « les effets de la politique monétaire sur la croissance joueraient ainsi à plein entre 12 à 18 mois après le choc initial, ce qui suggère que l'essentiel de la hausse récente des taux aura un impact en 2024 ».6(*) En 2023, seul l'investissement public a été dynamique (+ 6,9 % après une stagnation en 2022, contribuant à la croissance à hauteur de 0,3 point) : il a permis de maintenir une contribution positive de l'investissement à la croissance et contrecarre l'effet de la politique monétaire sur l'investissement privé. Il s'est essentiellement concentré sur le matériel de transport (notamment un sous-marin) ainsi que sur la recherche et la construction.

3. Une évolution de la production hétérogène selon les secteurs

En analysant la croissance non du point de vue de la demande mais de la production - de l'offre - on constate que son évolution est particulièrement hétérogène selon les secteurs. Celle-ci a été particulièrement dynamique dans les services marchands - en particulier les services aux entreprises et d'information-communication. À l'inverse, la production en gaz-électricité a chuté, tandis que la construction est stable. La production industrielle connaît des dynamiques contraires, entre forte croissance du côté du matériel de transport, en particulier aéronautique, et repli de la production des industries énergivores.

Le secteur aéronautique français : une reprise en demi-teinte

Le secteur aéronautique français est l'un des plus importants contributeurs du commerce extérieur français, et soutient ainsi positivement la croissance. Il présente une contribution de 30 milliards d'euros à la balance commerciale en 2023 du fait d'une reprise rapide du transport aérien entraînant un développement des commandes civiles. Airbus bénéficie ainsi de commandes représentant l'équivalent de dix années de production, tandis que l'activité du constructeur Safran est également orientée positivement. Le secteur est pourvoyeur d'emplois, puisque son niveau y est supérieur de 7 % à celui de 2019 - hausse composée essentiellement de cadres car le reste de l'emploi s'est replié de 7 % en 2023 par rapport au niveau de 2019.

Pour autant, la production aéronautique française demeure en retrait par rapport à 2019 : l'indice de production industrielle du secteur est inférieur d'environ 25 % à son niveau de 2019. Ainsi, si Airbus a livré 735 appareils en 2023, il s'agit d'un niveau bien inférieur aux 863 avions livrés en 2019. Cette chute a concerné davantage les gros porteurs que les monocouloirs et a touché toutes les chaînes de production, notamment celles situées à Toulouse.

Sources : « L'aéronautique continue de tirer les exportations françaises », Les Echos, 24 avril 2024 ; Note de conjoncture de l'Insee du 9 juillet 2024, « Du PIB, des Jeux, des inconnues »

II. UN DÉFICIT INATTENDU ET D'UNE AMPLEUR HISTORIQUE QUI EMPÊCHE UNE FRANCHE RÉDUCTION DE L'ENDETTEMENT PUBLIC7(*)

A. DES RECETTES MOINS DYNAMIQUES QUE PRÉVU ET UN INVESTISSEMENT PRÉCOCE DES COLLECTIVITÉS EXPLIQUENT UN DÉFICIT DE 5,5 % DU PIB AU LIEU DES 4,9 % ATTENDUS

Alors que les prévisions gouvernementales de déficit public s'étaient établies à 5 % du PIB dans la loi de finances pour 2023 avant d'être révisées à 4,9 % du PIB à partir du programme de stabilité puis dans l'ensemble des textes financiers de la fin de l'année 2023, celui-ci s'est finalement établi à 5,5 % du PIB. Comme la commission des finances l'a relevé dans une mission d'information récente sur la dégradation des finances publiques depuis 2023, cet écart à la baisse de 0,6 point de PIB entre les prévisions et le solde exécuté est inédit : sur les 25 dernières années, un tel écart n'a été observé qu'en 2008, lors de la crise financière.

1. Des recettes moins dynamiques qu'anticipé du fait d'un manque de prudence des prévisions initiales

Ainsi que l'a mis en évidence la mission d'information susmentionnée, et que le confirme l'exposé général des motifs du projet de loi relatif aux résultats de la gestion et portant approbation des comptes de l'année 2023, cette dégradation résulte essentiellement de moindres recettes publiques constatées en fin d'année.

Du côté de l'État, l'exécution des principales recettes fiscales nettes a été systématiquement inférieure aux niveaux prévus fin 2023, que ce soit dans le PLF pour 2024 ou dans le PLFFG pour 2023. Le rendement de l'impôt sur le revenu net s'est élevé à 88,6 milliards d'euros contre 90 milliards d'euros prévus dans le PLFFG pour 2023, celui de l'impôt sur les sociétés net à 56,8 milliards d'euros contre 61,3 milliards d'euros dans le PLFFG pour 2023, celui de la TVA nette avant remboursement à 208,4 milliards d'euros contre 210,8 milliards d'euros dans le PLFFG pour 2023 et celui des autres recettes fiscales nettes - en particulier la contribution sur les rentes inframarginales des producteurs d'électricité (CRIM) - à 65,5 milliards d'euros contre 66,3 milliards d'euros dans le PLFFG pour 2023. S'il convient de souligner que les recettes fiscales ont réagi de façon inhabituellement molle à la croissance avec une élasticité des prélèvements obligatoires au PIB de 0,4 là où elle est en moyenne de 1, la mission d'information sur la dégradation des finances publiques a constaté que la mauvaise qualité de la prévision était pour une grande partie due à un excès d'optimisme et à un manque de prudence. Les recettes de la CRIM, en particulier, ont été significativement surestimées8(*).

Du côté des administrations de sécurité sociale, la croissance de la masse salariale pour 2023 a été initialement surestimée : alors que les chiffres du PLF 2024 font état une croissance de + 6,5 % pour 2023 et que ceux utilisés pour le PLFG 2023 estiment celle-ci à + 6,3 %, elle s'est en fait limitée à 5,5 % hors prime exceptionnelle. Cela a eu un effet important sur les recettes publiques totales, puisque les contributions et cotisations sociales, assises sur la masse salariale, en représentent près de 30 %.

Du côté des administrations publiques locales, enfin, les recettes de droits de mutation à titre onéreux ont été moins élevées que prévu du fait de la contraction du marché immobilier : celles-ci ont davantage reculé entre 2022 et 2023 (-22 %) que ne le prévoyait le PLF 2024 (-16 %) et le PLFG 2023 (-20 %).

2. Des dépenses publiques rapportées à la richesse nationale qui demeurent très supérieures au niveau d'avant-crise

La dépense publique, rapportée à la richesse nationale, a été encore particulièrement élevée. Représentant l'équivalent de 57 % du PIB, soit 1,4 point en-dessous du niveau de 2022, elle s'est avérée légèrement supérieure à ce qu'anticipait la loi de finances pour 2023 (56,9 %), et bien supérieure à ce qui était anticipé dans la LPFP 2023-2027 (55,9 %), pourtant adoptée près d'un an après.

Elle dépasse également largement le niveau de 55,3 % atteint en 2019 alors même que la crise sanitaire est désormais bien derrière nous.

Décomposition de la hausse des dépenses publiques entre 2022 et 2023

(en milliards d'euros)

Dépenses de fonctionnement 

Intérêts

Prestations et autres transferts

Investissements nets

Dépenses publiques en 2023

+1 550,7

+24,7

+1 609,9

+1,9

0,4

+23,6

+8,1

Correction des transferts entre adm. d'une année sur l'autre 

0,9

0,3

6,2

4,6

3,1

6,8

5,6

2,1

20,9

1,6

Dépenses publiques en 2022

Adm. locales

Adm. centrales

Adm. de sécurité sociale

Source : commission des finances du Sénat à partir des comptes nationaux de l'Insee pour 2023

La dépense a été contenue du côté de l'État (+ 7,3 milliards d'euros) au moyen d'un pilotage marqué en fin d'année au moyen, notamment de reports de crédits pesant sur l'année 2024.

La dépense des collectivités, qui a augmenté de 20,3 milliards d'euros, a été plus dynamique que prévu du fait d'un fort investissement : estimée à + 4,9 % lors de l'examen du PLF 2023, la dépense d'investissement s'est finalement élevée à + 11,4 % - une évolution difficilement prévisible ne correspondant pas aux prévisions classiques d'investissement corrélées avec le cycle électoral.

Les dépenses des administrations de sécurité sociale, qui ont progressé de 30,2 milliards d'euros, ont également été plus élevées que prévu, notamment du fait d'un dépassement de l'objectif national de dépenses d'assurance-maladie (Ondam) qui, hors dépenses de crise, a augmenté de 4,8 % alors que la loi de financement de la sécurité sociale (LFSS) pour 2023 prévoyait une hausse de 3,5 %.

La part déterminante que représente la sécurité sociale dans la dépense publique s'observe également dans la décomposition de la dépense publique par fonction effectuée par l'Insee, d'après une nomenclature internationale des principales fonctions des administrations publiques, seulement disponible pour 2022. L'intervention de l'État en faveur des entreprises, retracée dans la catégorie « Affaires économiques », occupe également une place de choix dans le fléchage de la dépense publique.

Décomposition de la dépense publique par fonction en 2022

(en point de pourcentage)

Source : commission des finances du Sénat à partir des comptes nationaux de l'Insee pour 2022

B. UN DÉFICIT PUBLIC JAMAIS ATTEINT SOUS LA VÈME RÉPUBLIQUE HORS PÉRIODE DE CRISE ET ESSENTIELLEMENT PORTÉ PAR L'ÉTAT

1. Un déficit public jamais atteint hors période de crise sous la Vème République

Au total, le déficit public pour l'année 2023, qui s'élève à 5,5 points de PIB, s'avère supérieur de 0,5 point au niveau de 5 % prévu par la loi de finances pour 20239(*). Hors période de crise (récessions de 1993, crise financière de 2008, covid-19), il s'agit du niveau de déficit le plus élevé sous la Vème République.

Évolution du solde public de la France entre 1959 et 2023

(en pourcentage du PIB)

Source : commission des finances du Sénat à partir des données de l'Insee

L'essentiel de l'écart entre prévision et exécution provient des erreurs de prévision susmentionnées, qui concernent les dépenses et les recettes pour une croissance donnée, et non le niveau de croissance qui s'est avéré, avec 1,1 %, supérieur à la prévision de 1 % retenue dans la loi de finances pour 2023. Une partie seulement - 0,14 point de PIB - provient du passage en base 2020 des comptes nationaux opéré par l'Insee en 2024 à la suite des recommandations d'Eurostat. Comme l'indique le tableau suivant, le dérapage entre la loi de finances et l'exécution provient essentiellement du solde structurel. Il faut noter, toutefois, que les données les plus récentes concernant la croissance du PIB en 2023 sont différentes de celles utilisées pour la conception du projet de loi relative aux résultats de la gestion et portant approbation des comptes de l'années, celle-ci s'établissant selon la Banque de France à + 1,1 % et non à + 0,9 %. L'écart entre la croissance effective et la croissance potentielle - estimée par le Gouvernement précédent à + 1,35 % - est donc plus faible. La part structurelle du solde effectif s'en trouve donc rehaussée.

Décomposition du solde public en 2023

(en points de PIB)

 

LPFP

LFI

Exécution

Écart LPFP

Écart LFI

Solde structurel

- 4,1

- 4,0

- 4,6

- 0,49

- 0,6

Solde conjoncturel

- 0,7

- 0,8

- 0,8

- 0,10

0,0

Mesures ponctuelles et temporaires

- 0,1

- 0,2

- 0,2

0,02

0,1

Solde effectif

- 4,9

- 5,0

- 5,0

- 0,57

- 0,5

Source : commission des finances du Sénat, à partir de l'article liminaire du présent projet de loi

2. L'État est responsable de l'essentiel du déficit public, qui a doublé en milliards d'euros depuis 2017, et de sa dégradation

En 2023, le déficit public a été principalement porté par les administrations publiques centrales, qui affichaient un solde de -5,5 % du PIB, en dégradation de 0,5 point par rapport à 2022. Les administrations publiques locales, pour la première fois depuis 2013, ont accusé un déficit de 0,4 point de PIB, tandis que les administrations de sécurité sociale ont été en excédent de 0,4 point de PIB, soit 0,1 point de plus qu'en 2022.

Depuis le début du premier quinquennat d'Emmanuel Macron, le déficit des administrations centrales a crû de près de 2 points de PIB et se trouve à l'origine de l'essentiel de la dégradation du déficit public. Le déficit de l'État est ainsi passé de 77 milliards d'euros à 154 milliards d'euros entre 2017 et 2023, soit un doublement, alimentant une augmentation de même montant du déficit public. Les conclusions pour les orientations budgétaires à venir sont donc claires : s'il est normal que les collectivités participent à l'effort de redressement des comptes publics, celui-ci doit venir prioritairement de l'État. Une telle répartition sera non seulement plus juste, mais également plus efficace.

Évolution du solde public et décomposition par catégorie d'administration
entre 2017 et 2023

(en points de PIB)

Source : commission des finances du Sénat à partir des comptes nationaux de l'Insee pour 2023

C. L'ENDETTEMENT PUBLIC DIMINUE FAIBLEMENT MAIS LA CHARGE DE LA DETTE RESTE TRÈS CONSÉQUENTE

1. L'endettement public ne diminue que grâce à une croissance gonflée par l'inflation

Fin 2023, le niveau d'endettement public s'élevait à 109,9 % du PIB, soit une diminution de plus d'un point par rapport à 2022, où la dette atteignait 111,2 % du PIB.

Évolution du ratio dette sur PIB entre 2017 et 2023

Note : le ratio d'endettement retenu est celui observé en fin d'année

0

100

105

110

115

5

95

98,1

98,7

98,5

114,8

112,7

111,2

109,9

Source : commission des finances du Sénat d'après les données de l'Insee

Comme on a pu le voir, ce niveau d'endettement n'a pas diminué en raison d'une diminution du déficit public, lequel a, au contraire, augmenté, mais uniquement en raison de la forte augmentation du PIB nominal. En effet, le ratio dette sur PIB met en rapport des euros courants avec des euros courants. Or, malgré la croissance modeste du PIB en volume, celui-ci a fortement augmenté en valeur, à hauteur de 6,3 %.

En réalité, seul le fait que la croissance nominale soit supérieure à la croissance du stock de dette permet de faire diminuer le ratio dette sur PIB. Il s'agit de l'effet « boule de neige ». Sans lui, ce ratio augmenterait. Si le ratio diminue de 1,3 point de PIB, c'est donc la résultante d'effets contraires : un solde primaire déficitaire qui contribue à alimenter ce ratio, et un effet « boule de neige », dû au fait que la croissance du PIB est plus forte que le taux apparent de la dette, qui l'emporte sur le solde primaire.

Contributions à l'évolution du ratio dette sur PIB entre 2022 et 2023

Source : commission des finances du Sénat à partir de la note du Conseil d'analyse économique « Quelle trajectoire pour les finances publiques françaises », n° 82, juillet 2024

La dette publique se répartit ainsi : celle de l'administration publique centrale représente 91,7 % du PIB, la dette des administrations publiques locales 8,9 % du PIB, tandis que celle des administrations de sécurité sociale représente 9,3 % du PIB. La part des administrations centrales dans la dette publique est donc prépondérante puisqu'elles représentent plus de 80 % de celle-ci.

Parts respectives des diverses catégories d'administration
dans la dette publique totale en 2023

Source : commission des finances du Sénat, d'après les données de l'Insee

Si l'on analyse l'évolution de la dette publique administration par administration entre 2022 et 2023, on constate que les administrations centrales sont celles qui ont le moins participé à l'effort de désendettement, celui de l'État ayant même légèrement augmenté en proportion du PIB.

Décomposition de l'évolution de l'endettement public
par catégorie d'administration

(en points de PIB)

Source : commission des finances du Sénat à partir des comptes nationaux de l'Insee pour 2023

La responsabilité de l'endettement incombe donc essentiellement à l'État, de même que l'effort à fournir pour mener la dette publique sur une trajectoire soutenable.

2. La charge de la dette, si elle diminue en 2023 par rapport à 2022 du fait d'un repli de l'inflation, demeure trop importante et est amenée à augmenter

En 2023, la charge de la dette a atteint, en comptabilité nationale, 50,1 milliards d'euros - 48,3 milliards d'euros hors frais bancaires10(*) - soit un repli de 4,9 % par rapport à 2022 où elle atteignait 52,7 milliards d'euros. Ce repli est imputable aux administrations centrales, dont la charge d'intérêts a chuté de 11 % entre 2022 et 2023, pour atteindre 41 milliards d'euros, tandis que les intérêts versés par les administrations publiques locales et de sécurité sociale ont crû respectivement de 28,6 % et de 45,6 % pour atteindre respectivement 5,1 milliards d'euros et 4,2 milliards d'euros11(*).

Le repli de la charge de la dette de l'État est dû à la baisse de la charge d'indexation des titres indexés sur l'inflation, résultant du ralentissement des prix en glissement annuel fin 2023.

Il ne faut toutefois pas s'y tromper : cette amélioration n'est que passagère. Selon les dernières données du programme de stabilité 2024-2027 estimant l'évolution de la charge de la dette de l'État (excluant donc les autres administrations), celle-ci augmenterait sans discontinuer au moins jusqu'à 2027, passant de 46,3 milliards d'euros en 2024 à 72,3 milliards d'euros en 2027. Le FMI estime par ailleurs12(*) que la charge d'intérêt toutes administrations publiques confondues devrait augmenter de plus d'un point de PIB entre 2023 et 2029 pour atteindre un niveau de plus de 3 points de PIB.

DEUXIÈME PARTIE
LES COMPTES DE L'ÉTAT EN 2023

I. L'AGGRAVATION DU DÉFICIT BUDGÉTAIRE DE PLUS DE 20 MILLIARDS D'EUROS PAR RAPPORT À L'ANNÉE PRÉCÉDENTE CONFIRME L'ABSENCE DE MAÎTRISE DES COMPTES DE L'ÉTAT

Alors même que l'année 2023 n'a été marquée par aucune crise majeure, le déficit budgétaire de l'État s'est aggravé de 21,5 milliards d'euros par rapport à 2022, pour atteindre 173,0 milliards d'euros. Il est ainsi confirmé que la crise sanitaire, dont les effets propres ont pourtant été temporaires, a marqué une nouvelle étape dans la très importante dégradation des finances publiques depuis 2017.

A. LE DÉFICIT BUDGÉTAIRE EXÉCUTÉ S'AGGRAVE DE 8 MILLIARDS D'EUROS PAR RAPPORT À LA PRÉVISION EN LOI DE FINANCES INITIALE

Le déficit budgétaire constaté, à un niveau de 173,0 milliards d'euros, est en dégradation de 8,0 milliards d'euros par rapport au montant de 164,9 milliards d'euros prévu en loi de finance initiale pour 2023 et de 1,7 milliard d'euros par rapport à celui de 171,2 milliards d'euros prévu par la loi de finances de fin de gestion.

Évolution des prévisions de déficit en 2023

(en milliards d'euros)

Source : commission des finances, à partir des documents budgétaires

Pour mémoire, la dégradation de la prévision de déficit entre la loi de finances initiale et la loi de finances de fin de gestion s'expliquait d'abord par un surcroît estimé de dépenses nettes de 4,4 milliards d'euros (dû en particulier à un surcroît de charge de la dette de 3,8 milliards d'euros) et un niveau de recettes non fiscales moindre de 4,4 milliards d'euros (révision à la baisse des prévisions de dividendes et du versement prévisionnel au titre du financement du plan de relance par l'Union européenne dans le cadre de la facilité pour la reprise et la résilience), tandis que les recettes fiscales nettes, elles, étaient estimées en hausse de 2,4 milliards d'euros par rapport à la loi de finances initiale.

Cette hausse des recettes fiscales ne s'est pas réalisée et a été suivie d'une très sévère correction de - 7,7 milliards d'euros entre la loi de finances de fin de gestion et l'exécution.

Cette chute des recettes est attribuée par le Gouvernement au ralentissement de l'activité économique à la fin 2023 et aurait été compensée par une maîtrise des dépenses des ministères13(*). La Cour des comptes constate au contraire que cette chute n'est pas liée à un contexte macro-économique plus dégradé qu'anticipé puisque la croissance du PIB en valeur s'est révélée très proche des prévisions retenues par le Gouvernement14(*).

L'examen de l'exécution budgétaire, comme l'a déjà montré la mission d'information de la commission des finances sur la dégradation des comptes15(*), permet également de constater l'insuffisance des explications avancées par le Gouvernement.

En premier lieu, cette chute des recettes ne peut être utilisée comme paravent du niveau considérable du déficit, dont elle ne constitue qu'un léger surcroît.

L'impact de la chute des recettes en fin d'année sur le déficit

(en milliards d'années)

Recettes fiscales nettes et non fiscales, diminuées des prélèvements sur recettes.

Source : commission des finances, à partir des documents budgétaires

En outre, si l'exécution des recettes s'est révélée inférieure aux prévisions, c'est moins en raison d'un ralentissement économique que parce que les estimations du produit de certains impôts avaient été fixées à un niveau bien trop élevé, s'agissant aussi bien du produit de l'impôt sur les sociétés que de celui de la contribution sur la rente inframarginale d'électricité. Ces points, déjà mis en avant par la mission d'information précitée, seront rappelés infra lors de la présentation des recettes.

Malgré des recettes fiscales très inférieures au niveau attendu, le présent projet de loi ne constate qu'une dégradation assez limitée du déficit, qui est de 173 milliards d'euros en exécution, par rapport à celui prévu fin 2023 en loi de finances de fin de gestion (171,2 milliards d'euros).

Facteurs d'évolution du solde entre la loi de finances initiale, la loi de finances de fin de gestion et le projet de loi relatif aux résultats de la gestion

(en milliards d'euros)

Source : commission des finances, à partir de l'exposé des motifs du projet de loi relatif aux résultats de la gestion

L'explication est une très nette sous-exécution des dépenses, inférieures de 7,7 milliards d'euros au niveau prévu en loi de finances de fin de gestion.

Cet écart présenté par le Gouvernement comme un effort de « maîtrise des dépenses des ministères »16(*) résulte plutôt, comme l'a déjà constaté la mission d'information sur la dégradation des finances publiques précitée, d'une série d'expédients budgétaires qui ne correspondent pas à de véritables mesures d'économie, avec notamment le report à 2024 de dépenses sur la mission « Défense » et du financement de la fin du guichet « aide aux entreprises énergo-intensives ».

Grâce à ces mesures qui vont en réalité contribuer à l'accroissement des dépenses en 2024, l'écart entre la loi de finances de fin de gestion et l'exécution, qui est de 1,7 milliard d'euros, est moindre que les années récentes, qui avaient vu des évolutions très importantes du solde entre l'estimation faite lors de la présentation de la loi de finances rectificative de fin d'année et le déficit constaté en loi de règlement.

Écart entre le solde budgétaire prévu en fin d'exercice
et celui constaté en exécution

(en milliards d'euros)

Note de lecture : différence entre le solde budgétaire exécuté et le solde prévu dans le tableau de financement de la dernière loi de finances rectificative promulguée ou de la loi de finances de fin de gestion de l'exercice.

Source : commission des finances, à partir des documents budgétaires

B. CE DÉFICIT EST L'UN DES PLUS ÉLEVÉS DE L'HISTOIRE MALGRÉ L'ABSENCE DE CRISE MAJEURE

Avec un niveau de 173,0 milliards d'euros, le déficit budgétaire est supérieur de 21,5 milliards d'euros à celui de 2022, lequel était pourtant presque deux fois supérieur au déficit budgétaire constaté couramment dans les années précédant la crise sanitaire.

Cette forte dégradation résulte d'effets conjugués sur les dépenses et les recettes du budget général, ainsi que sur le solde des comptes spéciaux.

D'une part, les dépenses nettes du budget général ont été supérieures de 2,9 milliards d'euros en 2023 à celles de 2022. De l'autre, les recettes fiscales sont en diminution de 7,4 milliards d'euros, en grande partie à cause de la diminution de 4,8 milliards d'euros du produit de l'impôt sur les sociétés (56,8 milliards d'euros en 2023, contre 62,1 milliards d'euros en 2022). Les prélèvements sur recettes ont eux-mêmes augmenté de 0,9 milliard d'euros.

Si le solde des budgets annexes s'est légèrement amélioré en 2023 (+ 0,3 milliard d'euros), celui des comptes spéciaux s'est dégradé de manière très importante, passant d'un excédent de 6,7 milliards d'euros en 2022 à un déficit de 5,1 milliards d'euros en 2023, ce qui contribue pour 11,8 milliards d'euros à la dégradation du solde de l'État. Cette dégradation est due principalement à l'évolution de la situation des comptes d'affectation spéciale « Participations financières de l'État » (excédentaire de 4,1 milliards d'euros en 2022, déficitaire de 2,4 milliards d'euros en 202317(*)) et « Pensions » (aggravation du déficit de 0,5 à 1,1 milliard d'euros entre 2022 et 2023), ainsi qu'à celle du compte de concours financiers « Avances aux collectivités territoriales » (passage d'un excédent de 2,2 milliards d'euros en 2022 à un déficit de 3,6 milliards d'euros en 202318(*)).

Évolution du solde budgétaire entre 2022 et 2023

(en milliards d'euros)

PSR : prélèvements sur recettes.

Source : commission des finances, à partir du présent projet de loi relatif aux résultats

La dégradation de la situation budgétaire au cours de l'année 2023 a conduit à constater le deuxième plus gros déficit budgétaire de l'histoire en euros courants, supérieur aux années 2021 et 2022, qui avaient pourtant été marquées par la mise en oeuvre de politiques très coûteuses de soutien à l'économie, alors que l'année 2023 n'a été marquée par aucune crise nouvelle qui aurait nécessité un engagement nouveau et inédit de l'État.

Évolution à moyen terme du solde budgétaire de l'État

(en milliards d'euros courants)

Source : commission des finances, à partir des documents budgétaires

Lors de la précédente crise des finances publiques, en 2009 et 2010, la dégradation du déficit avait été rapidement suivie d'une réduction rapide du déficit. Le niveau moyen de 79,4 milliards d'euros entre 2011 et 2019 était pourtant, à juste titre, considéré comme relativement élevé pour une période qui n'était pas marquée par une crise particulière : le niveau actuel en est d'autant plus inacceptable puisqu'il est plus de deux fois supérieur à ce niveau.

L'écart entre les recettes et les dépenses a considérablement augmenté depuis 2017. Alors que les dépenses dépassaient les recettes de 29,6 % en 2017, cet écart est passé à + 81,0 % en 2020, lors de la crise sanitaire. Il s'est réduit, mais insuffisamment. En 2023, sur 16 euros dépensés par l'État, seuls 10 étaient couverts par des recettes.

En effet, alors que les dépenses ont augmenté en euros constants de 14,5 % sur la période 2017-2023, les recettes, elles, ont diminué de 7,3 %.

 Évolution, en euros constants, des recettes et des dépenses
du budget général entre 2017 et 2023

(en milliards d'euros de 2023)

Montant net des dépenses et des recettes (prélèvements sur recettes déduits), en exécution, en milliards d'euros de 2023.

Source : calculs commission des finances, à partir des documents budgétaires

C. LE RÉSULTAT PATRIMONIAL RESTE TRÈS NÉGATIF ET LE PASSIF DE L'ÉTAT S'ALOURDIT

La relative amélioration du résultat en comptabilité générale (- 124,9 milliards d'euros en 2023, contre - 158,0 milliards d'euros en 2022) résulte principalement de l'évolution des charges financières (réduction temporaire de la charge de la dette due à la diminution de l'inflation, contrecoup de la reprise de la dette de SNCF Réseau en 2022).

Évolution du résultat net entre 2022 et 2023

(en milliards d'euros)

Source : commission des finances, à partir du compte général de l'État

La diminution des charges de fonctionnement nettes de 8,2 milliards d'euros, qui améliore d'autant le résultat net, ne porte pas sur les charges de personnel (en hausse de 6,7 milliards d'euros), ni sur les autres charges de fonctionnement direct (en hausse de 4,0 milliards d'euros), mais de la hausse de certains produits de fonctionnement (de 1,5 milliard d'euros19(*)) et surtout des dotations nettes des reprises (en diminution de 16,7 milliards d'euros).

Les dotations aux amortissements, aux provisions et aux dépréciations permettent d'évaluer la perte de valeur des biens. Elles s'élèvent à 5,0 milliards d'euros en 2023, contre 21,7 milliards d'euros en 2022. Il s'agit en fait du contre-coup d'un niveau très élevé de ce poste en 2022, à cause de plusieurs litiges survenus cette année-là20(*).

La diminution de 21,6 milliards d'euros des charges financières nettes résulte principalement du contre-coup de deux phénomènes survenus en 2022. D'une part, la hausse de l'inflation avait accru de 15,0 milliards d'euros la charge de la dette des emprunts indexés sur l'inflation, qui diminue de 14,5 milliards d'euros en 2023 avec le reflux de l'inflation. D'autre part, l'État avait repris en 2022 la seconde partie de la dette de SNCF Réseau pour un montant de 10 milliards d'euros, accroissant du même montant les charges financières de l'année 2022.

Le bilan de l'État, pour sa part, continue à se dégrader. Si le montant, en valeur absolue, de l'actif et du passif de l'État n'a qu'une signification limitée, car tous les éléments du bilan ne peuvent pas être évalués avec la même précision pour l'État que pour les entreprises, l'évolution négative, année après année, de ce bilan constitue la marque d'un appauvrissement continu de l'État.

Bilan : évolution de la situation nette

(en milliards d'euros)

Source : commission des finances, à partir du compte général de l'État

La situation nette, négative de 117,1 milliards d'euros en 2023, comprend plusieurs aspects.

L'actif s'accroît de 11,8 milliards d'euros seulement. En particulier, les immobilisations corporelles (actifs physiques ayant une valeur économique durable) nettes augmentent de 9,6 milliards d'euros pour atteindre 593,2 milliards d'euros (+ 1,6 %) et les immobilisations financières (participations de l'État dans des établissements et sociétés divers) nettes s'accroissent de 12,0 milliards d'euros et s'établissent à 422,0 milliards d'euros (+ 2,9 %). Ces augmentations correspondent à une diminution en termes réels puisque l'inflation a été en 2023 de 4,8 %.

En revanche, le passif de l'État s'accroît de 128,9 milliards d'euros. Le principal facteur est la croissance de l'endettement de l'État, à hauteur de 152,2 milliards d'euros en comptabilité générale, directement liée au déficit budgétaire.

Ce déséquilibre entre la faible croissance de l'actif et le creusement du passif illustre le caractère non vertueux de l'endettement : loin de financer la constitution d'actifs qui pourraient, plus tard, financer son remboursement, la dette nourrit plutôt des dépenses ordinaires, non constitutives d'un enrichissement patrimonial.

D. L'HÉRITAGE DES ANNÉES 2017 À 2023 ACCROÎTRA LA DIFFICULTÉ À REPRENDRE LA MAÎTRISE DES FINANCES DE L'ÉTAT

1. L'accumulation des déficits passés constitue une contrainte sur le besoin de financement dans les années à venir pour ce qui concerne la dette à moyen et long terme...

Le besoin de financement a été en 2023 de 314,6 milliards d'euros, en conséquence du niveau très élevé de ses deux composantes principales : le déficit à financer (173,0 milliards d'euros) et l'amortissement de la dette à moyen et long terme (149,6 milliards d'euros).

Ce besoin de financement est comblé de manière principale par l'émission de nouveaux titres de dette à moyen et long terme, pour un montant record de 170 milliards d'euros. La dette s'entretient ainsi toute seule, puisque le remboursement de ces titres viendra, dans les années à venir, nourrir le stock de titres à rembourser et, par voie de conséquence, le besoin de financement et l'émission de nouveaux titres.

Les deux principaux moyens de faire face au besoin de financement sont, en théorie, la cession d'actifs (privatisations) et l'endettement. La première voie étant très rarement employée, et de manière limitée, c'est en émettant de nouveaux titres de dette que l'État rembourse les titres arrivant à échéance au cours de l'année et finance en outre le déficit. Les trois courbes sont donc liées. Celle de l'amortissement des titres lisse dans le temps celle du déficit.

Déficit à financer et amortissement de la dette à moyen et long termes

(en milliards d'euros)

Source : commission des finances, à partir des documents budgétaires

En conséquence, même dans l'hypothèse où le nouveau Gouvernement parviendrait à limiter les déficits dans les années à venir, l'accumulation depuis 2020 de déficits considérables conduira nécessairement, dans les années à venir, à accroître le besoin d'amortissement de titres, et par conséquent l'émission de titres nouveaux.

2. ... mais aussi pour l'endettement à court terme qui s'est considérablement accru

Le programme d'émission de dettes à moyen et long terme étant généralement fixé dès le début de l'année, la variation du stock de titres de dettes à court terme (bons du Trésor à taux fixe et à intérêt précompté ou BTF) et les autres ressources de trésorerie constituent une variable d'ajustement en cas de dégradation ou d'amélioration du déficit prévisionnel en cours d'année.

Le stock de BTF avait explosé lors de la crise financière de 2009-2010 et il avait alors fallu une dizaine d'années pour en réduire progressivement le stock. Depuis 2019, le stock de BTF a de nouveau retrouvé des niveaux très élevés. Cette évolution est l'un des stigmates de la forte dégradation des comptes publics depuis 2022.

Encours de BTF à début juillet

(en milliards d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, à partir de l'historique des adjudications de BTF publié par l'Agence France Trésor à la fin juillet 2024

Cette évolution apparaît dans le tableau de financement des lois de finances. L'encours des titres d'État à court terme a augmenté de 54,7 milliards d'euros en 2020 et de 20,8 milliards d'euros en 2023, avec une diminution beaucoup moins marquée en 2021 (-6,2 milliards d'euros) et en 2022 (- 6,9 milliards d'euros).

L'accroissement du stock de dette à court terme a lui aussi un impact sur le coût de la dette dans un contexte d'augmentation globale des taux courts, très partiellement atténuée par l'inflexion à la baisse de la politique monétaire de la Banque centrale européenne depuis juin 2024, et doit constituer un sujet d'attention dans les prochaines années.

3. Les restes à payer poursuivent leur augmentation, engageant les dépenses des années à venir

Les restes à payer correspondent à la différence entre, d'une part, les engagements juridiques réalisés et traduits comptablement par une consommation d'autorisations d'engagement et, d'autre part, les paiements opérés qui se sont traduits par une consommation de crédits de paiement. Ils apparaissent par nature pour des projets pluriannuels, tels qu'un projet immobilier pour lequel l'autorité publique attribue un marché public dès la première année puis paie les intervenants au fur et à mesure de la réalisation du projet.

L'apparition de restes à payer est donc naturelle, elle indique une dépense à peu près inéluctable, qui impactera l'équilibre budgétaire dans les années à venir : leur niveau devrait donc demeurer dans des limites raisonnables.

Or, le niveau des restes à payer, hors amortissement de la dette Covid, a augmenté de plus de 90 % de 2017 à 2022.

Ce quasi doublement ne tient pas compte de la mesure comptable des restes à payer le montant d'autorisations d'engagements considérable qui résulte de la création, en 2022, du programme 369 « Amortissement de la dette de l'État liée à la covid-19 ». Ce programme a ouvert en une seule fois 165 milliards d'euros d'autorisations d'engagement, qu'il est supposé consommer de manière progressive pendant une durée de vingt ans. Outre son caractère illusoire en ce qui concerne le remboursement de la dette21(*), ce programme a pour effet secondaire de vider de sa signification la notion de restes à payer : l'engagement de payer la « dette Covid » ne se distingue en rien de l'engagement de payer le reste de la dette publique22(*).

Évolution des restes à payer

(en milliards d'euros courants)

Source : commission des finances, à partir des documents budgétaires

L'augmentation des restes à payer, hors programme 369, concerne des projets d'investissement pluriannuels, mais aussi des engagements sur des contrats de service de long terme ou la mise en place de dispositifs d'aide de plus courte durée mais non achevés en fin d'exercice 2022.

En 2023, les restes à payer, hors programme 369, augmentent de 4,8 milliards d'euros, en raison notamment du lancement de programmes militaires sur la mission « Défense » (+ 6,5 milliards d'euros), des restes à payer du fonds d'accélération de la transition écologique porté par la mission « Écologie, développement et mobilité durables » (+ 1,7 milliard d'euros) et des engagements pris au titre des programmes internationaux de la mission « Aide publique au développement » (+ 1,3 milliard d'euros).

En sens inverse, les engagements pris sur la mission « Plan de relance » en 2021 et en 2022 sont progressivement couverts par des crédits de paiement, ce qui réduit les restes à payer de 4,1 milliards d'euros sur cette mission.

Sur le moyen terme, la hausse des restes à payer est due en particulier aux plans d'investissements lancés depuis 2020 : mission « Investir pour la France de 2030 » (36,4 milliards d'euros de restes à payer à la fin 2023) et mission « Plan de relance » (8,6 milliards d'euros).

Si certains de ces engagements concernent des investissements justifiés par des besoins réels, il n'en reste pas moins qu'ils constituent une contrainte qui limite les possibilités de maîtrise de la dépense dans les années à venir.

4. Les lois de programmation limitent les marges de manoeuvre futures en matière de maîtrise des dépenses

De même que les restes à payer, en souvent en lien avec eux, les lois de programmation réduisent les marges de manoeuvre de l'État en décidant plusieurs années à l'avance l'augmentation des crédits consacrés à certaines politiques jusqu'en 2027 (justice23(*) et intérieur24(*)) ou 2030 (défense25(*) et recherche26(*)).

En application de ces lois, les crédits de ces quatre missions augmenteraient de 19,4 milliards d'euros d'ici à 2027, ce qui accroît d'autant les économies à réaliser sur les autres politiques pour revenir à un ratio de déficit public par rapport au PIB de 3 % d'ici à cette date.

Dépenses supplémentaires prévues par les lois de programmation sectorielles
par rapport à 2023

(en milliards d'euros)

Source : calculs commission des finances, à partir des lois de programmation sectorielles

Ces lois constituent toutefois des engagements politiques plus que juridiques : en application du principe d'annualité budgétaire, elles ne peuvent pas s'imposer aux lois de finances postérieures.

C'est ainsi que le précédent Gouvernement, dans les plafonds de dépense envoyés aux ministères en préparation au projet de loi de finances pour 202527(*), n'a inscrit qu'un montant de crédits, hors contribution aux pensions, de 10,2 milliards d'euros pour la mission « Justice » en 2025, soit 0,5 milliard d'euros de moins que dans la loi de programmation.

La situation budgétaire de l'État peut demander, dans les années à venir, de mieux réfléchir aux crédits de l'ensemble des missions de l'État. Il aurait certainement mieux valu ne pas programmer si on n'était pas capable de s'engager à tenir la programmation sur la durée. La plupart de ces lois de programmation ont pourtant été prises à une période, en 2023, où la nécessité de rétablir les finances publiques était largement établie.

5. La progression des engagements hors bilan ne fait pas l'objet d'une attention suffisante 

Les engagements hors bilan sont des obligations potentielles de l'État à l'égard de tiers, dont le montant ou l'échéance sont incertains. Ils regroupent plusieurs catégories d'engagements :

- les engagements de retraites de l'État (1 841 milliards d'euros en 2023) ;

- les engagements pris dans le cadre d'accords bien définis (1 591 milliards d'euros), tels que l'encours de dette garantie par l'État (281 milliards d'euros) et la garantie de protection des épargnants (637 milliards d'euros) ;

- les engagements découlant de la mission de régulateur économique et social de l'État (679 milliards d'euros), dont ceux liés aux régimes sociaux et de retraite de divers organismes (262 milliards d'euros), au service public de l'énergie (156 milliards d'euros) et aux aides liées au handicap et à la dépendance (108 milliards d'euros) ou au logement (52 milliards d'euros »).

Plusieurs catégories d'engagements hors bilan de l'État ont connu une forte croissance entre 2017 et 2023.

Évolution du montant de certains engagements hors bilan

(en milliards d'euros)

Source : commission des finances, à partir du compte général de l'État en 2017 et en 2023

La dette garantie par l'État est passée de 204,4 milliards d'euros en 2017 à 281,2 milliards d'euros en 2022 (+ 76,8 milliards d'euros).

La garantie de protection des épargnants au titre des livrets d'épargne réglementés, qui était de de 420,1 milliards d'euros en 2017, a augmenté jusqu'à 636,8 milliards d'euros (+ 216,7 milliards d'euros).

Les engagements liés aux investissements d'avenir sont passés de 5,1 à 42,1 milliards d'euros (+ 37,0 milliards d'euros) avec leur remplacement par le plan France 2030.

En outre, il convient de signaler que, si la Commission européenne et les États membres ne parvenaient pas à définir au niveau européen des ressources propres permettant de rembourser l'emprunt relatif à la facilité pour la reprise et la résilience (FRR), l'engagement de la France pourrait s'élever à 75 milliards d'euros, ce qui constituerait une charge nouvelle par rapport à 2017. Il devrait alors être imputé sur le prélèvement sur recettes au profit de l'Union européenne28(*).

En sens inverse, le montant mesuré pour certains engagements hors bilan a considérablement diminué depuis 2017.

Les engagements de retraite de l'État, évalués à 2 429,3 milliards d'euros en 2017, étaient estimés en 2023 à 1 840,8 milliards d'euros (- 588,5 milliards d'euros). Cette diminution résulte toutefois de la hausse des taux d'intérêt en 2022, qui réduit fortement leur valeur actualisée. La valeur d'engagements à très long terme tels que les engagements de retraite est en réalité très difficile à évaluer. Le compte général de l'État indique que cet engagement « ne doit être considéré que comme un ordre de grandeur ». La charge est toutefois certaine et sera considérable, contrairement à d'autres engagements hors bilan qui ne donneront pas nécessairement lieu à une dépense.

Les aides à l'accès au logement sont passées de 163,5 milliards d'euros à 52,4 milliards d'euros (- 111,1 milliards d'euros). Cette variation a eu lieu pour la plus grande part dès 2018 en raison des réformes mises en oeuvre cette année-là29(*), ainsi que de la hausse en 2022 des taux d'intérêt.

II. LES RECETTES DE L'ÉTAT DIMINUENT DE 6,1 MILLIARDS D'EUROS ENTRE 2022 ET 2023

Le montant net des recettes du budget général est en 2023 de 286,4 milliards d'euros, contre 287,5 milliards d'euros en 2022, soit une baisse de 1,1 milliard d'euros.

Ce montant comprend les recettes fiscales brutes nettes des remboursements et dégrèvements et les recettes non fiscales, desquelles sont soustraits les prélèvements sur recettes à destination des collectivités territoriales et de l'Union européenne. Ce montant comprend également les recettes issues de fonds de concours.

Recettes brutes, nettes et prélèvements sur recettes

(en milliards d'euros)

Source : commission des finances, à partir du projet de loi de règlement pour 2023

A. LES RECETTES FISCALES CONNAISSENT UN REFLUX, PHÉNOMÈNE RARE HORS CRISE MAJEURE

Les recettes fiscales nettes ont été en 2023 de 322,9 milliards d'euros, égales aux recettes fiscales brutes d'un montant de 460,2 milliards d'euros, dont sont retirées 137,3 milliards d'euros de remboursements et dégrèvements d'État30(*), provenant de chacune des cinq grandes catégories d'impôts.

Passage des recettes fiscales brutes aux recettes fiscales nettes

(en milliards d'euros)

IR : impôt sur le revenu. IS : impôt sur les sociétés. TICPE : taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques. TVA : taxe sur la valeur ajoutée. R&D : remboursements et dégrèvements d'État.

Source : commission des finances, à partir des données communiquées par le Gouvernement. Seule la part revenant à l'État est comptabilisée pour les impôts partagés entre plusieurs entités (TVA, TICPE)

Les recettes fiscales nettes sont en diminution de 7,4 milliards d'euros par rapport à 2022.

Cette baisse résulte d'abord, pour 3,6 milliards d'euros (soit - 1,1 %), d'une évolution spontanée négative, c'est-à-dire indépendante des modifications de législation. Les deux années précédentes, l'évolution spontanée avait été fortement positive (+ 18,0 % en 2021 et + 12,2 % en 2022).

Les évolutions de la législation fiscale et les mesures de transferts ont par ailleurs fait diminuer les recettes fiscales nettes de 3,8 milliards d'euros, sous l'effet de plusieurs mesures allant en sens contraire.

Facteurs d'évolution des recettes fiscales nettes entre 2022 et 2023

(en milliards d'euros)

Source : commission des finances, à partir des documents budgétaires et des notes d'exécution budgétaires de la Cour des comptes

En premier lieu, la disparition complète du crédit d'impôt compétitivité emploi (CICE), qui réduisait les recettes d'impôt sur les sociétés, a permis d'améliorer de 5,6 milliards d'euros les recettes nettes.

La budgétisation de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) a accru de 5 milliards d'euros les recettes de l'État, mais il ne s'agit pas d'un gain pour celui-ci, car dans le même temps 10,5 milliards d'euros de TVA ont été transférés aux collectivités pour compenser la suppression de cet impôt. En outre, la prorogation du bouclier tarifaire en 2023 a réduit de 2,6 milliards d'euros les recettes fiscales.

Le niveau de recettes fiscales nettes atteint en 2023 paraît ainsi particulièrement bas : en euros constants, elles sont inférieures de plus de 9 % au niveau des recettes fiscales nettes perçues en 2017 et se rapprochent du niveau bas historique atteint pendant l'année 2020, marquée par la crise sanitaire.

Évolution des recettes fiscales nettes en euros constants
de 2012 à 2023

(en milliards d'euros de 2023)

Source : commission des finances, calculs à partir des lois et projets de loi de règlement

Cette diminution est imputable aux transferts successifs de parts de TVA à destination des administrations de sécurité sociales et des collectivités territoriales : les recettes de TVA revenant à l'État ont diminué de 37,5 % en euros courants et de 45,8 % en euros constants entre 2017 et 2023. Hors TVA, les recettes fiscales ont augmenté de plus de 25 %, s'agissant notamment de l'impôt sur les sociétés (+ 15,7 milliards d'euros de 2023) et des autres recettes fiscales nettes (+ 24,0 milliards d'euros de 2023, concernant plusieurs impôts dont les prélèvements de solidarité).

1. Les prévisions de recettes fiscales ont connu des évolutions particulièrement heurtées

Prévues à 328,2 milliards d'euros en loi de finances initiale pour 2023, les recettes fiscales nettes se sont finalement établies à 322,9 milliards d'euros, soit une moins-value de 5,3 milliards d'euros. Cet écart est moins élevé qu'au cours des trois années précédentes, qui avaient vu des différences supérieures à 30 milliards d'euros entre la prévision initiale et l'exécution31(*).

La loi de finances de fin de gestion32(*), qui aurait dû améliorer la prévision initiale, a au contraire prévu un montant de recettes encore supérieur, à 330,6 milliards d'euros. L'écart de 7,7 milliards d'euros entre la prévision de fin d'année et l'exécution est particulièrement élevé, hors périodes de crise sanitaire, et ses causes nécessitaient d'être étudiées.

Recettes fiscales nettes constatées par rapport à la prévision
dans le collectif budgétaire de fin d'année

(en milliards d'euros)

Source : commission des finances, à partir des documents budgétaires

C'est ce qu'a fait la commission des finances en constituant, à la fin du mois de mars 2024, une mission d'information sur la dégradation des finances publiques depuis 2023, son suivi par l'administration et le Gouvernement et les modalités d'information du Parlement sur la situation économique, budgétaire et financière de la France, qui a rendu ses conclusions le 12 juin.

Les écarts les plus importants concernent l'impôt sur les sociétés, la contribution sur la rente inframarginale de la production d'électricité et, dans une moindre mesure, l'impôt sur le revenu.

Évolution des estimations de recettes fiscales nettes en cours d'année

(en milliards d'euros)

Source : commission des finances, à partir des documents budgétaires. La contribution sur la rente inframarginale de la production d'électricité est classée parmi les autres recettes fiscales

Deux impôts ont connu des évaluations très surévaluées en début ou en cours d'année, qui seront présentées plus en détail infra. C'est le cas de l'impôt sur les sociétés, dont le produit finalement constaté a été inférieur de 4,4 milliards d'euros à la prévision faite en fin d'année, retrouvant presque le niveau prévu en loi de finances initiale. La contribution sur la rente inframarginale de la production d'électricité (CRIM), pour sa part, avait un produit initialement estimé à 12 milliards d'euros mais n'a finalement produit que 638 millions d'euros.

Les autres impôts ont connu des évolutions moins heurtées en cours d'année.

La moins-value de l'impôt sur le revenu en exécution par rapport à la prévision en fin d'année (88,6 milliards d'euros contre 90,0 milliards d'euros) est toutefois relativement élevée, car il s'agit d'un impôt dont le produit est moins difficile à prévoir que celui de l'impôt sur les sociétés : il est donc surprenant qu'une moins-value aussi importante apparaisse en toute fin d'année. Elle résulte de recettes de prélèvement à la source et d'acomptes sur les revenus des indépendants moins importantes que prévu : la Cour des comptes fait observer que ces montants sont perçus de manière régulière au cours de l'année et auraient donc pu être mieux ajustés dans la prévision faite en loi de finances de fin de gestion.

2. Les recettes de tous les grands impôts sont en diminution par rapport à 2022

Les recettes d'impôt net sur le revenu s'établissent en 2022 à un niveau de 88,6 milliards d'euros, en diminution de 0,4 milliard d'euros par rapport à 2022.

Cette diminution doit s'apprécier par rapport à la hausse importante constatée en 2022 par rapport à 2021 (+ 10,3 milliards d'euros, notamment en raison de l'inflation).

L'évolution spontanée est en effet bien plus faible en 2023 (+ 1,1 milliard d'euros, soit + 1,2 %, contre + 14,2 % en 2022), notamment en raison de la diminution du nombre des transactions immobilières, qui ont réduit de 22,3 % les recettes d'impôt sur les plus-values immobilières.

Dans le même temps, plusieurs mesures ont réduit le rendement de l'impôt, dont la transformation du crédit d'impôt sur les services à la personne en dispositif de réduction d'impôt immédiate (- 1,7 milliard d'euros), le relèvement du plafond de défiscalisation pour les heures supplémentaires (- 0,2 milliard d'euros) et la hausse du plafond de crédit d'impôt pour garde d'enfants (- 0,2 milliard d'euros). En sens inverse, un changement de nomenclature33(*) a accru comptablement de 0,5 milliard d'euros les recettes d'impôt sur le revenu net.

Facteurs d'évolution de l'impôt sur le revenu net entre 2022 et 2023

(en milliards d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, à partir des documents budgétaires et des notes d'exécution budgétaire de la Cour des comptes

3. Les recettes d'impôt sur les sociétés sont en diminution après un niveau exceptionnel atteint en 2022 et ont fait l'objet d'évaluations excessives en cours d'année

Les recettes d'impôt sur les sociétés net ont été de 56,8 milliards d'euros en 2023, contre 62,1 milliards d'euros en 2022, soit une diminution de 5,3 milliards d'euros. Le produit atteint en 2022 était toutefois d'un niveau exceptionnel, le produit étant usuellement inférieur à 50 milliards d'euros au cours des années précédentes.

Cette diminution résulte d'une évolution spontanée très négative (- 11,1 milliards d'euros), partiellement compensée par les effets de la fin de la suppression du crédit d'impôt pour la compétitivité des entreprises (CICE, + 5,6 milliards d'euros).

Facteurs d'évolution du produit d'impôt
sur les sociétés net entre 2022 et 2023

(en milliards d'euros)

Source : commission des finances, à partir des documents budgétaires

Les recettes d'impôt sur les sociétés ont été réduites pour la dernière année en 2023 par des remboursements issus du dispositif du CICE, introduit en 2014 et désormais remplacé par une exonération de charges permanente.

François Ecalle34(*) fait observer que l'existence de ce dispositif a réduit de manière importante les recettes nettes d'impôt sur les sociétés au cours des années 2010, tout particulièrement entre 2015 et 2020.

L'augmentation importante des recettes d'impôt sur les sociétés depuis 2017 résulte donc en fait, pour une grande partie, d'un biais comptable : en euros constants, les recettes d'impôt sur les sociétés en 2023 sont équivalentes, et même légèrement inférieures, à celles de 2017 si on neutralise l'effet CICE.

Évolution du produit d'impôt sur les sociétés net
avec et sans CICE entre 2012 et 2024 (en euros constants)

(en milliards d'euros de 2023)

Source : commission des finances, à partir des documents budgétaires

S'agissant de l'exécution budgétaire en 2023, la mission d'information constituée par la commission des finances a montré en détail le caractère erratique des estimations successives du produit de l'impôt sur les sociétés, pour aboutir finalement à un produit proche de celui estimé en loi de finances initiale.

En particulier, comme indiqué supra, le programme de stabilité reposait sur l'hypothèse, non formulée explicitement et dépourvue de toute explication, d'une hausse de 12,1 milliards d'euros de la prévision d'impôt sur les sociétés par rapport aux estimations de la loi de finances initiale.

Dès le mois de juin, les premières remontées comptables ne permettaient pas de maintenir cette prévision. Elles n'ont été que partiellement abaissées dans les prévisions rendues publiques à l'occasion du projet de loi de finances pour 2024 et du projet de loi de finances de fin de gestion pour 2023.

Évolution des estimations d'impôt sur les sociétés net en 2023

(en milliards d'euros)

Source : commission des finances, à partir des documents budgétaires et des éléments recueillis par la mission d'information

Les prévisions faites dans les derniers mois de 2023 étant encore trop hautes, une moins-value de 4,4 milliards d'euros a été constatée en exécution.

Comme l'a constaté la mission d'information, la prévision d'un produit d'impôt sur les sociétés net de 61,3 milliards d'euros faite à l'occasion des textes financiers d'automne reposait sur l'hypothèse d'un niveau exceptionnel de cinquième acompte net de l'autolimitation, alors même que ce versement (qui peut être positif ou négatif) dépend trop des stratégies des entreprises en fin d'année pour qu'il puisse réellement être estimé à l'avance.

Il convient donc de rappeler une nouvelle fois que les prévisions d'impôt sur les sociétés net ne devraient pas inclure de prévision pour le cinquième acompte net de l'autolimitation.

Les acomptes d'impôt sur les sociétés et l'autolimitation

Les entreprises redevables de l'impôt sur les sociétés doivent verser quatre acomptes au cours de l'exercice, en mars, juin, septembre et décembre, calculés en fonction du résultat de l'exercice précédent. Une fois connu le résultat de l'exercice, la régularisation a lieu, en général, au mois de mai suivant la fin de l'exercice : versement de solde ou, à l'inverse, remboursement d'excédent d'acomptes.

Toutefois, une entreprise qui estime que le niveau des acomptes est trop élevé par rapport au résultat qui sera le sien au cours de l'exercice peut moduler à la baisse le montant de ses acomptes (autolimitation).

En sens inverse, une entreprise dont le chiffre d'affaires est supérieur à 250 millions d'euros doit ajuster son quatrième acompte en fonction du montant estimé de l'impôt dû pour l'année en cours. La différence entre le montant versé et le montant théorique du quatrième acompte est appelée « cinquième acompte », même si elle est versée en même temps que le quatrième acompte.

Source : commission des finances du Sénat

4. La taxe sur la valeur ajoutée contribue à la diminution des recettes fiscales de l'État

La taxe sur la valeur ajoutée (TVA) nette perçue par l'État s'établit en 2023 à un niveau de 95,2 milliards d'euros, en diminution de 5,6 milliards d'euros par rapport au niveau de 100,8 milliards d'euros atteint en 2022.

L'évolution spontanée de cet impôt, c'est-à-dire hors impact des mesures nouvelles, est de + 3,0 milliards d'euros, soit + 3,0 %, après deux années où cette évolution spontanée était exceptionnellement forte (+ 14,6 % en 2021 et + 9,1 % en 2022).

La baisse du produit est donc imputable, comme les années précédentes, à des mesures de transfert de parts de TVA, qui ont réduit de 8,7 milliards d'euros les recettes de cet impôt. La principale mesure est un nouveau transfert d'une fraction de TVA aux collectivités locales en compensation de la suppression de la CVAE (- 10,5 milliards d'euros), partiellement compensé par une diminution ponctuelle de la part de TVA affectée à l'Unedic (+ 2,0 milliards d'euros), prévue par la loi de finances de fin de gestion.

Évolution de la répartition des recettes de TVA nette
entre les différentes catégories d'administrations

(en proportion des recettes nettes)

Source : commission des finances, à partir des données de la Cour des comptes

L'État perçoit désormais moins de la moitié des recettes nettes de TVA. Un quart du produit revient aux administrations de sécurité sociale, un autre aux collectivités territoriales, tandis que la part revenant à l'audiovisuel public, créée en 2022, correspond à 2 % du total.

L'affectation d'une part de TVA aux organismes de l'audiovisuel public n'est toutefois possible, dans le droit actuel, que jusqu'à la fin de l'année 2024, en application de la loi organique relative aux lois de finances qui prévoit, depuis sa révision du 28 décembre 2021, qu'une imposition de toute nature ne peut être directement affectée à un tiers qu'à raison des missions de service public qui lui sont confiées.

5. Les autres recettes fiscales nettes sont impactées par la quasi-absence de recettes au titre de la contribution sur la rente inframarginale de la production d'électricité (CRIM)

Dans la présentation budgétaire habituelle, quatre « grands » impôts sont distingués (impôt sur le revenu, impôt sur les sociétés, taxe intérieure sur la consommation des produits énergétiques ou TICPE, taxe sur la valeur ajoutée), les autres recettes fiscales étant regroupées dans la catégorie des « autres recettes fiscales ».

Cette présentation paraît moins pertinente à l'heure actuelle, car la TICPE n'est plus réellement un « grand » impôt et son produit est désormais très proche de celui de plusieurs impôts classés parmi les autres recettes fiscales nettes.

Ainsi en 2023, le produit de la TICPE nette a-t-il été de 16,8 milliards d'euros, contre 16,6 milliards d'euros pour les mutations à titre gratuit par décès et 14,2 milliards d'euros pour les prélèvements de solidarité.

Alors que, jusqu'au milieu des années 2010, la faible importance des autres recettes fiscales nettes35(*) pouvait justifier le traitement particulier de la TICPE, cette dernière recette n'a que peu évolué depuis alors que plusieurs des autres recettes voyaient leur produit augmenter.

Évolution comparée de la TICPE et de plusieurs autres
recettes fiscales nettes de 2012 à 2023

(en milliards d'euros)

Source : commission des finances, à partir des documents budgétaires.

Il serait utile de réfléchir à une évolution de la présentation budgétaire de ces ressources fiscales.

La TICPE pourrait par exemple être classée dans la catégorie des autres recettes fiscales. La Cour des comptes suggère pour sa part de regrouper les différentes taxes sur la consommation d'énergie, d'une part la TICPE, d'autre part des taxes appartenant à la catégorie des autres recettes fiscales, dont la taxe intérieure de consommation sur la fourniture d'électricité (TICFE).

D'une manière générale, la catégorie des autres recettes fiscales pourrait faire l'objet, que ce soit dans le texte budgétaire ou dans les documents annexés, d'une présentation par catégories de taxes. Comme les taxes sur l'énergie, les droits de mutations à titre gratuit par décès (16,6 milliards d'euros en 2023) et entre vifs (4,3 milliards d'euros) pourraient par exemple être regroupées : leur montant combiné serait supérieur à celui de la TICPE.

Pour s'en tenir à la présentation budgétaire actuelle, la TICPE nette s'établit en 2023 à un niveau de 16,8 milliards d'euros, en diminution de 1,2 milliard d'euros par rapport à 2022. L'évolution spontanée est négative (- 2,4 %), mais la contraction du produit est due, comme pour la TVA, aux mesures de périmètre et de transfert aux collectivités locales (- 0,4 milliard d'euros) et à l'Agence de financement des infrastructures et de transport ou AFITF (- 0,7 milliard d'euros).

Les autres recettes fiscales nettes, dans leur définition actuelle, ont eu un produit global de 65,5 milliards d'euros, contre 60,3 milliards d'euros (+ 5,2 milliards d'euros). En particulier, le montant de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE), affecté temporairement à l'État dans le cadre de sa suppression, a contribué pour + 5,7 milliards d'euros à cette augmentation.

Le fait le plus remarquable est toutefois la création de la contribution sur la rente inframarginale (CRIM) de la production d'électricité.

Instaurée par l'article 54 de la loi de finances pour 202336(*), cette contribution avait un produit initialement estimé à 12 milliards d'euros. Comme l'a constaté la mission d'information, cette estimation était fondée sur l'hypothèse d'un maintien du prix de l'électricité au niveau exceptionnellement élevé atteint pendant quelques semaines seulement lors de l'été 2022. Le retour rapide du prix à des niveaux plus habituels a réduit considérablement les recettes prévisionnelles.

En outre, le Gouvernement n'avait pas pris en compte les effets d'une disposition permettant aux entreprises redevables de reporter une période de taxation à une éventuelle marge taxable déficitaire, dont l'effet a conduit EDF à ne pas acquitter la taxe en 2023, en raison des difficultés financières exceptionnelles que l'entreprise a rencontrées en 2022.

Ainsi, le rendement estimé a été révisé à 2,8 milliards d'euros dans le cadre du projet de loi de finances de fin de gestion. Ce niveau était encore excessif puisque le produit a été de 638 millions d'euros, soit 5 % seulement du produit initialement prévu.

B. LES RECETTES NON FISCALES AUGMENTENT BEAUCOUP MOINS QUE PRÉVU EN LOI DE FINANCES INITIALE

Les recettes non fiscales augmentent de 1,2 milliard d'euros par rapport à 2022 pour atteindre 25,1 milliards d'euros en 2023, mais sont inférieures de 5,8 milliards d'euros au niveau prévu en loi de finances initiale pour 2023 : la plupart des catégories de recettes non fiscales sont concernées et notamment celle des dividendes et recettes assimilées (dont - 3,5 milliards d'euros à cause de l'absence de versement de dividende de la part de la Banque de France).

Il apparaît que, pour la plupart des catégories de recettes non fiscales, la loi de finances initiale pour 2023 a prévu un montant sensiblement différent, et en général plus élevé, que le produit total perçu finalement en 2022, mais que l'exécution 2023 s'est plus rapprochée de l'exécution 2022 que de la prévision en loi de finances initiale.

Évolution des recettes non fiscales entre l'exécution 2022 et l'exécution 2023

(en milliards d'euros)

Source : commission des finances, à partir des documents budgétaires

L'effet est particulièrement net pour le versement de l'union européenne au titre de la facilité pour la reprise et la résilience (FRR), qui constitue depuis 2021 une composante très importante des recettes non fiscales. Les variations du produit des recettes non fiscales sont bien moins importantes (+ 1,4 milliard d'euros entre l'exécution 2022 et la loi de finances initiale pour 2023, - 3,7 milliards d'euros entre cette dernière et l'exécution 2023) hors FRR qu'en incluant cette recette (respectivement + 7,0 milliards d'euros et - 5,8 milliards d'euros).

Ce versement correspond à un remboursement progressif d'une partie des sommes consacrées au plan de relance lancé à l'été 2020, pour un montant total de 40 milliards d'euros. Après un versement initial de 5,1 milliards d'euros en 2021 au titre du préfinancement des aides, deux versements ont eu lieu en 2022 pour un montant de 7,4 milliards d'euros, puis en 2023 pour un montant de 10,3 milliards d'euros. En 2023, ce versement a été complété de 0,6 milliard d'euros au titre du préfinancement du mécanisme RepowerEU, qui a complété le plan de relance après l'invasion de l'Ukraine et la crise de l'inflation des produits énergétiques.

La catégorie la plus importante de recettes non fiscales, hors versement FRR, est celle des dividendes et recettes assimilées. Après une recette de 5,3 milliards d'euros en 2022, la loi de finance initiale pour 2023 prévoyait un résultat encore supérieur de 6,4 milliards d'euros. Le produit final est de 3,9 milliards d'euros seulement.

La Banque de France a en effet choisi de doter fortement en 2022 un fonds qui doit la prémunir contre une diminution à venir de ses revenus monétaires du fait de la remontée des taux d'intérêts ; en conséquence, elle n'a pas de dégagé de résultat en 2022, ce qui l'a conduite à ne pas verser de dividende à l'État en 2023, alors qu'elle avait versé 0,6 milliard d'euros en 2022 et 1,8 milliard d'euros en 2021.

La Caisse des dépôts et consignations (CDC), qui avait versé à l'État 2,2 milliards d'euros en 2022, n'a versé que 1,5 milliard d'euros en 2023, ce qui constitue toutefois un niveau de versement important par rapport aux années précédentes, où le montant était inférieur à 1 milliard d'euros.

Les autres catégories de recettes non fiscales contribuent de manière moins importante à l'évolution globale de ces recettes.

C. LES PRÉLÈVEMENTS SUR RECETTES CONFIRMENT UNE TENDANCE À LA BAISSE POUR LES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES ET À LA HAUSSE POUR L'UNION EUROPÉENNE

Les prélèvements sur recettes (PSR) sont d'un niveau de 68,1 milliards d'euros en 2023, dont 44,3 milliards d'euros à destination des collectivités territoriales et 23,9 milliards d'euros à destination de l'Union européenne.

Les prélèvements sur recettes à destination des collectivités territoriales sont en augmentation de 1,2 milliard d'euros (+ 2,8 %) par rapport à 2022.

Le prélèvement sur recettes à destination de l'Union européenne est en diminution de 0,4 milliard d'euros (- 1,5 %), baisse conjoncturelle liée à la position dans le cadre de financement pluriannuel (CFP) 2021-2027. Il est inférieur de 1,1 milliard d'euros, soit - 4,5 %, à la prévision faite en loi de finances initiale ; cet écart, qui n'est pas inhabituel37(*), est expliqué par les retards de l'exécution de la programmation, notamment pour la politique de cohésion, et par l'actualisation des clés de contribution.

Sur le moyen terme, les prélèvements sur recettes à destination des collectivités territoriales se sont stabilisés en euros constants depuis 2018, après avoir connu une forte baisse (- 28,0 %) entre 2014 et 2018.

Les prélèvements sur recettes à destination de l'Union européenne, en revanche, sont en hausse : sur les trois premières années d'exécution du CFP 2021-2027, l'augmentation est de + 13,9 % par rapport aux trois premières années du CFP 2014-2020.

Évolution des prélèvements sur recettes depuis 2016 
en euros constants

(en milliards d'euros de 2023)

PSR : prélèvement sur recettes. Montants actualisés selon l'indice des prix à la consommation harmonisé.

Source : commission des finances, à partir des annexes aux projets de loi de règlement et de résultats de la gestion

Le prélèvement sur recettes à destination de l'Union européenne pourrait toutefois connaître une hausse plus importante encore dans les années à venir.

En effet, le remboursement de l'emprunt contracté au titre du plan de relance européen Next Generation EU doté de 750 milliards d'euros repose sur des nouvelles ressources propres qui ne sont pas encore définies. En l'absence d'accord, la hausse de la contribution due par la France au titre du revenu national brut (RNB) serait de 2,5 milliards d'euros à compter de 2028. Or la hausse des taux d'intérêts observée depuis le lancement du plan renchérit le coût du plan38(*).

La Cour des comptes souligne également que l'aide à l'Ukraine représente une autre source de coûts supplémentaire : la prise en charge des intérêts de l'instrument d'assistance macro-financière+ (AMF+) aura un coût estimatif de 100 millions d'euros en 2024, auxquels s'ajoute un coût annuel de l'ordre de 630 millions d'euros lié à la mise en jeu de la garantie au titre de l'instrument AMF exceptionnelle39(*), ainsi qu'un coût estimé à 2,9 milliards d'euros sur la période 2024-2027 pour le nouvel instrument d'aide non remboursable Facilité Ukraine40(*).

III. LE NIVEAU DES DÉPENSES DEMEURE SUR UN PLATEAU ÉLEVÉ QUE NE PEUT MASQUER LE RECOURS À DES PROCÉDURES BUDGÉTAIRES D'EXCEPTION

A. L'ÉVOLUTION DES DÉPENSES : LES DÉPENSES SONT SUPÉRIEURES DE 16,2 % À LEUR NIVEAU DE 2017

Le montant net des dépenses du budget général, y compris les fonds de concours, a été en 2023 de 454,6 milliards d'euros, soit une augmentation de 1,9 milliard d'euros par rapport à 2022 (+ 0,42 %).

1. Les dépenses augmentent encore de 1,9 milliard d'euros par rapport à 2022, malgré le retrait de certains dispositifs d'urgence

La quasi-totalité des missions du budget général augmentent leur consommation de crédits, seules certaines politiques liées à la crise sanitaire ou à la crise de l'inflation étant en diminution.

Évolution des dépenses des missions du budget général entre 2022 et 2023

(en milliards d'euros)

P367 : Financement des opérations patrimoniales envisagées en 2023 sur le compte d'affectation spéciale « Participations financières de l'État »

Source : commission des finances, à partir du projet de loi de règlement pour 2022 et du projet de loi relatif aux résultats de la gestion de 2023. Crédits de paiement consommés

Sur le programme 367 « Financement des opérations patrimoniales en 2024 sur le compte d'affectation spéciale « Participations financières de l'État » », la diminution de consommation signifie en fait que ce programme, utilisé en 2022 notamment pour la renationalisation d'EDF, n'a pas consommé de crédits en 2023.

La mission « Plan de relance », mise en place pour relancer l'économie en sortant des périodes de confinement de 2020, avait consommé 18,8 milliards d'euros de crédits de paiement en 2021 et 11,6 milliards d'euros en 2022. Les dépenses sont encore de 4,1 milliards d'euros en 2023.

La mission « Plan d'urgence face à la crise sanitaire » a été mise en extinction et n'a donc pas consommé de crédits en 2023.

S'agissant des augmentations de crédits, les remboursements et dégrèvements augmentent de 9,7 milliards d'euros. Les remboursements et dégrèvements d'impôts d'État augmentent à eux seuls de 11,5 milliards d'euros, notamment en raison des remboursements d'acomptes d'impôt sur les sociétés, les bénéfices ayant été moins élevés qu'anticipé. Cette augmentation est toutefois une tendance de fond, liée notamment, jusqu'en 2020, à la création du crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE) puis du prélèvement à la source de l'impôt sur le revenu. Les remboursements et dégrèvements d'impôts locaux ont connu une très nette diminution avec la suppression récente de certains impôts locaux :

Évolution des remboursements et dégrèvements

(en milliards d'euros)

Source : commission des finances, à partir des documents budgétaires

Hors remboursements et dégrèvements, la principale hausse concerne la mission « Engagements financiers de l'État » (+ 8,0 milliards d'euros). Elle est toutefois due pour plus de la moitié à l'augmentation de la contribution du programme 369 à l' « amortissement » de la dette Covid, qui ne constitue pas une véritable dépense comme indiqué supra.

Enfin, la charge de la dette en comptabilité budgétaire (action 01 du programme 117 « Charge de la dette et trésorerie de l'État »), elle, augmente de 4,9 milliards d'euros, pour atteindre 54,4 milliards d'euros. Cette augmentation est due à une forte augmentation de la charge nette d'intérêts sur les titres de court terme (+ 5,2 milliards d'euros), tandis que la charge d'intérêts à moyen et long terme diminue légèrement (- 0,2 milliard d'euros). Cette augmentation est moindre qu'en 2022 (+ 13,2 milliards d'euros), année marquée notamment par l'impact de l'inflation sur les titres de dette indexés.

2. L'augmentation des dépenses pendant la crise sanitaire n'aura été ni ciblée, ni temporaire

Par rapport à 2017, le montant des dépenses a augmenté de 115,1 milliards d'euros (+ 33,9 %), soit un montant supérieur à la somme des crédits des missions « Enseignement scolaire » et « Défense » cette année-là.

En euros constants, la hausse des dépenses a été de + 16,2 % depuis 2017, contre + 0,9 % et + 6,6 %, respectivement, au cours des deux quinquennats précédents.

Évolution des dépenses nettes du budget général en euros constants

(en milliards d'euros et en pourcentage)

Source : calculs commission des finances, à partir des lois et projets de loi de règlement. Dépenses du budget général nettes des remboursements et dégrèvements, y compris fonds de concours. Actualisation par la moyenne annuelle de l'indice mensuel des prix à la consommation, hors tabac.

Il se confirme donc, année après année, que la crise sanitaire n'a pas constitué un pic temporaire de dépenses, mais a été le point de départ d'un nouveau plateau de dépenses dont l'État ne descend plus, contrairement à ce qui s'était passé au moment de la crise financière de 2009 et 2010, qui avait été suivie d'un retour rapide au niveau antérieur de dépenses.

3. La masse salariale augmente de près de 5 milliards d'euros entre 2022 et 2023
a) L'évolution des emplois reprend une trajectoire ascendante

Les effectifs de l'État ont augmenté en 2023 de 8 975 équivalents temps plein (ETP), alors que les deux années précédentes avaient été marquées par des diminutions, notamment en raison de difficultés de recrutement (- 5 846 ETP en 2022 et - 3 955 ETP en 2021).

Principales variations par ministère des schémas d'emplois

(en équivalents temps plein)

Source : commission des finances, à partir du projet de loi de règlement

Si l'évolution globale des emplois (+ 8 975 ETP) est très proche de la prévision en loi de finances initiale (+ 8 960 ETP), deux ministères se distinguent par une réalisation des emplois très différente de la prévision.

Au ministère de l'éducation nationale et de la jeunesse, la hausse est de + 6 027 ETP contre une prévision de hausse de + 2 000 ETP. Sur deux ans, toutefois, la hausse est de + 1 603 ETP seulement : il apparaît ainsi que la sous-exécution de 2022, due à des difficultés de recrutement, a été dans l'ensemble compensée en 2023.

Le ministère des armées, à l'inverse, connaît pour la deuxième consécutive une baisse du nombre d'emplois (- 2 515 ETP en 2023, après - 1 018 ETP en 2022) alors que le projet de loi de finances initiale prévoyait une augmentation (+ 1 527 ETP en 2023, après + 492 ETP en 2022). Le rapport annuel de performances indique que le ministère a rencontré des « difficultés inédites » pour recruter des militaires du rang, difficultés qu'il attribue à l'asséchement du vivier par un recrutement important en 2022. En outre, les départs poursuivent une tendance haussière, déjà responsable de la baisse globale des effectifs en 2022.

L'augmentation des effectifs du ministère de l'intérieur et de l'outre-mer s'explique principalement par l'augmentation des effectifs de la police (+ 1 947 ETP) et de la gendarmerie (+ 955 ETP). Au ministère de la justice, les moyens sont renforcés dans le cadre de la mise en oeuvre de la loi de programmation avec notamment 1 246 emplois créés pour la justice judiciaire et 809 pour l'administration pénitentiaire.

Enfin, la baisse des emplois se poursuit au ministère de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, mais de manière moins marquée que les années précédentes (- 1 624 ETP en 2022, après - 2 090 ETP en 2021).

b) Les dépenses de personnel poursuivent leur augmentation

Les dépenses de personnel du budget général de l'État sont de 144,4 milliards d'euros en 2023, contre 138,4 milliards d'euros en 2022, soit une hausse de 6,0 milliards d'euros ou + 4,3 %. Cette hausse est légèrement inférieure à l'inflation41(*).

En soustrayant les contributions au compte d'affectation spéciale « Pensions », la masse salariale représente 99,2 milliards d'euros, en hausse de 4,8 milliards d'euros, soit + 5,1 % par rapport à 2022.

Évolution de la masse salariale entre 2022 et 2023

(en millions d'euros, hors CAS « Pensions »)

GVT : glissement vieillesse-technicité.

Source : commission des finances, à partir du projet de loi relatif aux résultats de la gestion

Plus de la moitié du coût des mesures catégorielles concerne le ministère de l'éducation nationale et de la jeunesse (1,03 milliard d'euros) et notamment la revalorisation des rémunérations des enseignants (829 millions d'euros).

Les autres ministères concernés sont le ministère de l'intérieur et de l'outre-mer (0,17 milliard d'euros, principalement pour la gendarmerie nationale et la police), le ministère des armées (0,16 milliard d'euros, pour les militaires comme pour le personnel civil) et le ministère de la justice (0,10 milliard d'euros, aussi bien pour le personnel de justice judiciaire que pour celui de l'administration pénitentiaire).

S'agissant des mesures générales, leur coût provient principalement de la revalorisation du point de la fonction publique (1,95 milliard d'euros), qui comprend l'impact en année pleine de l'augmentation de 3,5 % intervenue en juillet 2022 comme l'impact sur 2023 de l'augmentation de 1,5 % intervenue en juillet 2023.

Si l'on compare la répartition des charges de personnel, d'une part, et de la consommation des emplois, d'autre part, entre les ministères, on constate que le ministère de l'éducation nationale et de la jeunesse concentre plus de la moitié des emplois (53,3 %) et de la masse salariale (53,8 %). Le ministère de l'intérieur et de l'outre-mer et celui des armées représentent, respectivement, 15,6 % et 13,8 % des emplois et 14,4 % et 13,3 % de la masse salariale.

Consommation d'emplois et masse salariale des ministères

Source : commission des finances, à partir du projet de loi relatif aux résultats de la gestion

B. L'ANNÉE 2023 A VU LA POURSUITE DE L'APPLICATION DE MODALITÉS DE GESTION BUDGÉTAIRE D'EXCEPTION, NON JUSTIFIÉES PAR LA SITUATION

Les premières années du quinquennat 2017-2022, si elles avaient repoussé les mesures de redressement des comptes publics, avaient du moins amélioré certaines pratiques budgétaires en limitant les sous-budgétisations et en évitant de prendre des décrets d'avance en cours d'année, au profit d'une loi de finances rectificative promulguée un peu plus tôt en fin d'année. La commission des finances avait alors approuvé ces pratiques qui amélioraient la lisibilité de la gestion budgétaire.

Force est de constater que ces bonnes intentions n'ont guère duré. La crise sanitaire a servi de prétexte pour mettre en place des pratiques budgétaires qui éloignent de plus en plus l'exécution budgétaire du texte présenté en début d'année au Parlement.

L'année 2023 ne fait pas exception : reports de crédits, annulation en cours d'année, « pilotage » de fin d'année ont contribué à éloigner les crédits mis à disposition des ministères et consommés par eux de ceux présentés dans les lois de finances de l'année. Une conséquence est l'écart de plus en plus grand entre la parole publique d'un ministère de l'économie et des finances qui persiste à parler de maîtrise des finances publiques, s'appuyant par exemple sur des annulations illusoires de crédits, et la réalité de comptes de plus en plus dégradés.

1. La pratique abusive des reports de crédits par le précédent Gouvernement a faussé la portée de l'autorisation parlementaire

En application du principe d'annualité budgétaire, l'article 15 de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF) prévoit dans son premier alinéa que « les crédits ouverts et les plafonds des autorisations d'emplois fixés au titre d'une année ne créent aucun droit au titre des années suivantes ». En conséquence, les crédits non consommés pendant un exercice devraient être annulés, la loi de finances de l'année suivante ouvrant les crédits nécessaires. Ce n'est qu'à titre de dérogation que, sur un programme budgétaire donné, les crédits de paiement autres que de personnel peuvent être reportés à hauteur de 3 % des crédits initiaux.

Avant la crise sanitaire, le montant des crédits reportés était d'un niveau très limité par rapport au montant des crédits ouverts et qui n'appelait pas de commentaire particulier.

Crédits reportés depuis l'exercice précédent

(en milliards d'euros)

Source : commission des finances, à partir des documents budgétaires

En 2020, des crédits considérables ouverts pour la mission « Plan d'urgence face à la crise sanitaire » au cours de quatre lois de finances rectificatives successives n'ont été que très partiellement utilisés et le Gouvernement a fait le choix, qui pouvait alors paraître acceptable au nom de l'urgence et de la situation exceptionnellement incertaine en fin d'année, de reporter une grande partie de ces crédits, pour un montant de 28,8 milliards d'euros.

Cette pratique a été reprise, de manière très contestable, au cours des années suivantes pour les crédits de la mission « Plan de relance », dont la mise en oeuvre était plus lente que le rythme présenté en loi de finances, mais aussi pour un grand nombre des missions budgétaires. Le montant des reports hors plan d'urgence, plan de relance et fonds de concours est ainsi passé de 1,6 milliard d'euros en 2021 à quelque 8 milliards d'euros en 2023 et 2024, ce qui témoigne d'une diffusion progressive dans l'ensemble des ministères d'une pratique qui n'avait été admise qu'à titre exceptionnel pour les mesures d'urgence.

Alors que le précédent Gouvernement affirme que « le niveau des reports poursuit son reflux »42(*), les reports de crédits se sont en réalité imposés comme un mode de gestion courante des crédits dans les ministères.

Les documents auxquels le rapporteur général a pu avoir accès lors de son contrôle budgétaire sur pièces et sur place à Bercy le 21 mars dernier permettent ainsi de constater que, dès l'été, les services du ministère de l'économie et des finances établissent des prévisions de crédits qui seraient reportés à l'année suivante et que les demandes faites par les autres ministères sont la plupart du temps satisfaites par des décrets pris entre le 1er janvier et le 15 mars.

Cette pratique nuit grandement à l'autorisation parlementaire et à la lisibilité des comptes. Par exemple, le déficit affiché dans la loi de finances initiale ne prend en compte, par convention, que le solde entre les recettes prévisionnelles et les crédits ouverts par la même loi de finances initiale, alors que le déficit réel dépendra notamment des crédits reportés et consommés43(*).

Il est donc nécessaire de choisir. Soit le Gouvernement parvient à ramener les reports de crédits à un niveau conforme à l'esprit de la loi organique, soit il doit présenter, dès la loi de finances initiale, une estimation du niveau des crédits reportés, de manière globale et pour chaque mission budgétaire.

2. D'une manière générale, se sont développées des pratiques d'enveloppes de budgétisation permettant de redéployer des crédits sans passer par une loi de finances rectificative

Depuis 2020, l'écart entre les crédits ouverts en cours d'année et les crédits effectivement consommés, qui était auparavant limité à moins de 1,3 % des crédits ouverts, s'est fortement accru pour atteindre 3 à 7 % des crédits ouverts.

Si l'écart a été largement dû, en 2020, à l'ouverture de crédits considérables au titre du plan d'urgence, dont une partie n'a pas été utilisé, ce phénomène s'est poursuivi les années suivantes malgré la réduction progressive des programmes d'urgence qui aurait dû entraîner une normalisation de la gestion budgétaire.

Comparaison des crédits ouverts et des crédits consommés

(en milliards d'euros)

Source : commission des finances, à partir des annexes aux projets de loi de règlement ou de résultats de la gestion

L'écart de - 22,2 milliards d'euros, soit 3,6 % des crédits ouverts, est largement dû, en 2023, aux reports de crédits : l'écart entres les crédits ouverts hors reports44(*) est de - 3,5 milliards d'euros seulement.

Or, cet écart s'auto-entretient d'une année à la suivante, car il permet de reporter une masse importante de crédits non consommés.

Plusieurs mécanismes classiques peuvent expliquer ces sous-consommations, tels que les retards pris dans des opérations d'investissements (travaux immobiliers, chantiers informatiques).

Certaines sous-exécutions sont toutefois dues à des ouvertures de crédit excessives, par exemple sur la dotation pour dépenses accidentelles et imprévisibles, fixée à un niveau de 1,0 milliard d'euros en crédits de paiement alors que le niveau habituel était plutôt de l'ordre de 100 millions d'euros, et qui n'a quasiment pas été utilisée.

La Cour des comptes note ainsi une « tendance affirmée à la constitution d'enveloppes budgétaires globales mobilisables à tout moment »45(*).

Le programme 367 « Financement des opérations patrimoniales en 2024 sur le compte d'affectation spéciale « Participations financières de l'État » » de la mission « Économie » a ainsi disposé de 2 milliards d'euros, exclusivement par report de crédits, qui n'ont pas été utilisés mais reportés à 2024.

Cette tendance est caractéristique de la gestion de la mission « Plan de relance », constituée de très gros programmes, dépourvus de lignes directrices claires, à l'intérieur duquel les réallocations de crédit peuvent se faire librement par l'administration.

3. L'exécution budgétaire a été marquée par des surgels qui ont rendu indisponibles des crédits au-delà de la mise en réserve initiale

Comme l'avait indiqué le projet de loi de finances initial dans son exposé général, le taux de mise en réserve initiale a été réhaussé en 2023 à un niveau de 3,5 % sur les crédits hors masse salariale. Selon les informations communiquées par le ministre chargé des comptes publics46(*), un taux réduit de 0,5 % a été appliqué à certains programmes47(*), notamment ceux dont les crédits portent très majoritairement des dépenses de guichet ; sur les autres programmes, le taux de mise en réserve a été porté à 5 %, afin de garantir le maintien du niveau global de la réserve à 3,5 %. Certains programmes ont toutefois été exonérés de mise en réserve48(*).

Le taux a été maintenu à 0,5 % pour les crédits de masse salariale.

La réserve initiale s'est ainsi établie, hors titre 2, à un niveau global de 9,6 milliards d'euros en autorisations d'engagement et 8,8 milliards d'euros en crédits de paiement sur le budget général.

Cette réserve initiale a été complétée par des mesures de surgel, conduisant à une mise en réserve globale de 14,4 milliards d'euros en crédits de paiement49(*).

Constitution et utilisation de la réserve de précaution en 2023

(en milliards d'euros)

Source : commission des finances, à partir du rapport sur le budget de l'État de la Cour des comptes

Sur ce montant, 6,5 milliards d'euros ont été « dégelés » en cours d'année afin de permettre leur utilisation par les ministères, 5,2 milliards d'euros ont été annulés par la loi de finances de fin de gestion et 2,7 milliards d'euros ont été reportés à 2024.

4. Le décret d'annulation pris le 18 septembre 2023 n'a pas permis de réaliser de véritables économies

Le 18 septembre 2023, le Gouvernement a annulé par décret un montant de 4,8 milliards d'euros en autorisations d'engagement et de 5,0 milliards d'euros en crédits de paiement50(*). Selon le ministère de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, ce décret avait pour objet de « sécuriser la trajectoire budgétaire votée en loi de finances pour 2023 »51(*).

Cette affirmation peut surprendre, car les crédits annulés ne correspondaient pas à une véritable économie, mais plutôt à la constatation d'une sous-exécution. L'ensemble de ces crédits, ou la plus grande partie d'entre eux, n'auraient certainement pas été consommée, même en l'absence d'annulation, et auraient donc été annulés en fin d'année ou, selon l'usage introduit par le Gouvernement alors en fonction, reportés à l'exercice suivant.

Crédits annulés par le décret du 21 septembre 2023

(en milliards d'euros)

Source : commission des finances, à partir du décret d'annulation

Le programme 134 « Développement des entreprises et régulations » de la mission « Économie », a été doté en loi de finances initiale de 6,3 milliards d'euros de crédits de paiement, dont 4,0 milliards d'euros apportés par amendement lors de la discussion du projet de loi de finances initiale afin de d'accroître les crédits dédiés au guichet de soutien aux entreprises pour le paiement de leurs factures d'électricité et de gaz. À ces crédits se sont ajoutés 3,2 milliards d'euros de crédits non consommés en 2022 et reportés sur l'exercice 2023. Les dépenses de guichet s'avérant moins élevées que prévu, les crédits ont été en grande partie annulés, d'abord par le décret précité du 21 septembre 2023 pour 4,0 milliards d'euros, puis par la loi de finances de fin de gestion52(*) pour 0,4 milliard d'euros. Ces annulations ont permis d'améliorer la présentation budgétaire et, peut-être, d'éviter des reports de crédits à l'année suivante ; elles n'ont entraîné, par elles-mêmes, aucune économie puisque ces crédits n'auraient de toute manière pas été consommés.

De même, l'annulation de 700 millions d'euros sur la dotation pour dépenses accidentelles et imprévisibles tirait les conséquences de la non-utilisation de ce programme qui, comme on l'a vu supra, avait été très fortement doté en loi de finances initiale. Ce programme a lui aussi fait l'objet d'une annulation supplémentaire de crédits de 200 millions d'euros en loi de finances de fin de gestion.

Quant à l'annulation de 300 millions d'euros sur le programme 723 « Opérations immobilières et entretien des bâtiments de l'État » de la mission « Gestion du patrimoine immobilier de l'État », elle résultait, selon les termes même du rapport accompagnant le décret, d'une constatation « de l'exécution 2022 et du rythme de décaissement observé sur 2023 », de sorte que ces crédits n'auraient, eux non plus, pas été consommés même si le décret n'avait pas été pris.

Il apparaît donc que le décret d'annulation n'a pas eu d'effet sur le solde budgétaire en 2023 et qu'il a seulement anticipé des annulations de crédit qui auraient aussi bien pu être réalisées dans le cadre de la loi de finances de fin de gestion.

5. La norme de dépenses a été respectée parce que les dispositifs d'aide avaient été dimensionnés à un niveau très supérieur aux besoins effectivement constatés

Le Gouvernement affirme avoir tenu la norme de dépenses grâce à plusieurs mesures : surgel de crédits, décret d'annulation, annulations nettes dans la loi de finances de fin de gestion, suivi et pilotage renforcés de l'exécution des dépenses en fin de gestion53(*).

De fait, sur le périmètre des dépenses de l'État (PDE) défini par la loi de programmation des finances publiques, la dépense a été de 489,1 milliards d'euros, contre 496,1 milliards d'euros en loi de finances initiale.

La raison de ce respect formel de la norme de dépenses résulte toutefois plus de la constatation de sous-exécutions déjà mentionnées que d'un effort d'économie ou d'un pilotage de fin de gestion.

L'écart de 7 milliards d'euros est dû en effet pour 1,3 milliard d'euros à une moindre consommation sur les prélèvements sur recettes à destination des collectivités territoriales, notamment sur les « filets de sécurité » pour faire face à l'inflation, pour 1,1 milliard d'euros à des effets favorables en recettes et une sous-exécution au titre de la politique de cohésion favorisant un moindre prélèvement sur recettes au profit de l'Union européenne.

S'agissant des crédits ministériels, les dépenses de guichet et régimes d'aide avaient été dimensionnés en loi de finances initiale à un niveau bien plus élevé que les montants qui ont finalement été nécessaires, d'où des sous-consommations de 2,8 milliards d'euros sur le guichet d'aide aux électro-intensifs, de 1,5 milliard d'euros sur l'indemnité carburant, les chèques énergie et MaPrimeRénov'.

Enfin, la mission « Crédits non répartis », dotée en loi de finances initiale de 1,1 milliard d'euros, n'a été utilisée qu'à hauteur de 33 millions d'euros.

Quant aux mesures de pilotage de fin de gestion, elles ont surtout consisté à reporter certaines dépenses à l'exercice suivant, comme l'ont indiqué le président et le rapporteur général de la commission des finances dans leur rapport précité remis en conclusion de la mission d'information sur la dégradation des finances publiques. C'est tout particulièrement le cas pour la mission « Défense », où 1,6 milliard d'euros de dépenses ont été suspendues jusqu'à la fin de l'exercice. De même, le financement de la fin du guichet « aide aux entreprises énergo-intensives », porté par la mission « Économie », a été reporté à 2024 pour un montant de 2,4 milliards d'euros.

TROISIÈME PARTIE
LE SUIVI DE LA PERFORMANCE
DE LA DÉPENSE DE L'ÉTAT

L'introduction dans le droit budgétaire d'une démarche de performance est une des principales innovations de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF) du 1er août 200154(*). Cette démarche d'évaluation qui vise à lier les crédits votés en loi de finances aux résultats de l'action publique s'inscrit dans une perspective de pilotage par la performance des dépenses de l'État.

Cette démarche de performance est en particulier consacrée dans la loi organique par les articles 51 et 54 de la LOLF qui prévoient respectivement l'obligation pour le Gouvernement de joindre au projet de loi de finances transmis au Parlement, pour chaque programme, un projet annuel de performances (PAP) qui précise « les objectifs poursuivis » et « les résultats obtenus et attendus » mesurés au moyen « d'indicateurs précis » et l'obligation de joindre au projet de loi relatif aux résultats de la gestion et portant approbation des comptes de l'année, pour chaque programme, les rapports annuels de performances (RAP) rendant compte des résultats obtenus aux regards des objectifs fixés.

Pour autant, depuis l'entrée en vigueur de la LOLF pour l'exercice budgétaire de l'année 2006, il y a dix-huit ans, le suivi de la performance de la dépense publique n'a pas produit les résultats espérés en matière de rationalisation voire de pilotage par la performance des dépenses de l'État. Malgré le constat très réservé établi par la Cour des comptes dans un rapport publié en 2011 faisant état du fait que « cinq ans après la mise en oeuvre de la LOLF, la mesure des résultats [...] ne rend pas compte aujourd'hui de la qualité de service perçue par les citoyens »55(*), la démarche de performance n'a pas été suffisamment améliorée et un rapport récent publié par la Cour des comptes en décembre 2023 dresse le même constat en estimant que la présentation des crédits budgétaires par destination « assortie d'objectifs et d'indicateurs de performance n'a pas permis d'orienter les discussions budgétaires vers l'efficacité voire même l'efficience des services et dispositifs financés »56(*).

Pour l'exercice 2023, le projet de loi relatif aux résultats de la gestion et portant approbation des comptes de l'année et les données transmises au rapporteur général57(*) ne permettent pas d'inverser ce constat. Sur les 1 941 sous-indicateurs de performance existants, seuls 1 354 sont exploitables au regard de l'incomplétude des données relatives à la performance. Par surcroît, et malgré un niveau limité d'ambition dans la fixation de ces sous-indicateurs, seulement 659 des cibles exploitables ont été atteintes par l'administration. Il est donc regrettable que l'architecture actuelle de construction du budget ne permette pas de mieux tenir compte de la performance dans le pilotage des dépenses publiques.

I. LE CARACTÈRE INCOMPLET ET LARGEMENT INEXPLOITABLE DES INDICATEURS JUSTIFIE UNE RÉFORME STRUCTURELLE DU DISPOSITIF DE SUIVI DE LA PERFORMANCE POUR RENFORCER SA PORTÉE EFFECTIVE

A. LE DISPOSITIF DE SUIVI DE LA PERFORMANCE DE LA DÉPENSE PUBLIQUE EST RENDU ILLISIBLE PAR LE TROP GRAND NOMBRE D'INDICATEURS ET LE MANQUE DE PERTINENCE DE CERTAINS D'ENTRE EUX

En prévision de l'entrée en vigueur de la LOLF, la direction du budget, la Cour des comptes et les commissions des finances des deux assemblées parlementaires avaient élaboré un cadre commun de suivi de la performance et de définition des indicateurs associés, présenté dans le « guide de la performance » publié en juin 2004. Ce cadre commun prévoyait notamment des critères pour la conception des indicateurs de performance qui doivent être pertinents, utiles, solides et vérifiables. Il prévoyait également de distinguer trois catégories d'indicateurs :

- les indicateurs socio-économiques, qui mesurent la performance du point de vue du citoyen, c'est-à-dire la capacité à atteindre un objectif d'intérêt général ;

- les indicateurs de qualité de service, qui mesurent la performance du point de vue de l'usager du service publique ;

- les indicateurs d'efficience, qui mesurent la performance du point de vue du contribuable, c'est-à-dire la capacité à réduire les coûts associés à une activité donnée.

Les différents travaux d'examen global de la démarche de performance consacrée par la LOLF, menés notamment par la Cour des comptes58(*) et la commission des finances du Sénat59(*), convergent pour dresser le constat d'un trop grand nombre de sous-indicateurs budgétaires. En effet, le foisonnement des indicateurs fait obstacle à un pilotage stratégique des dépenses de chaque programme et une démarche de réduction du nombre de sous-indicateurs est nécessaire pour resserrer le dispositif de suivi de la performance et renforcer sa portée stratégique.

Pour l'exercice 2023, le nombre de sous-indicateurs60(*) est de 1 941, soit quinze de moins par rapport à l'exercice précédent. L'évolution du nombre de sous-indicateurs depuis 2021 témoigne d'une hausse, en dépit de la nécessité d'engager une dynamique de réduction significative du nombre de ces indicateurs pour resserrer le dispositif de suivi de la performance autour d'objectifs stratégiques susceptible de servir d'instrument de pilotage de la dépense de l'État.

Nombre total de sous-indicateurs de performance

Source : commission des finances, d'après la documentation budgétaire

Il est par surcroît à relever que certains indicateurs de performance retenus par les responsables de programme ne permettent de mesurer l'efficacité des dépenses du budget de l'État.

Le rapporteur souligne que plusieurs sous-indicateurs ne sont pas pertinents pour évaluer l'efficacité de la dépense dès lors qu'ils mesurent des résultats sans lien direct avec le montant des crédits votés.

Par exemple, le sous-indicateur 2.1.1 « Évolution des mandats des opérations de maintien de la paix (OMP) » du programme 105 « Action de la France en Europe et dans le monde » de la mission « Action extérieure de l'État » mesure le nombre de mandats d'opérations de maintien de la paix autorisées par le Conseil de sécurité des Nations unies clôturés par rapport au nombre de mandats ouvert pendant l'exercice budgétaire. À l'évidence, l'évolution du nombre d'opérations de maintien de la paix (OMP) dans le monde est un phénomène dont les causes d'évolution sont multifactorielles, qui résulte à la fois de l'évolution du contexte géostratégique mondial et d'éléments conjoncturels liés aux équilibres régionaux et diplomatiques. Il est par suite illusoire d'espérer un pilotage budgétaire stratégique des crédits du programme 105 « Action extérieure de l'État » fondé sur l'évolution de cet indicateur qui n'apparaît pas pertinent et qui devrait évoluer dans le cadre des prochains projets de loi de finances au bénéfice d'un sous-indicateur permettant de mesurer l'efficacité des dépenses publiques financées par le programme.

Autre exemple d'indicateur qui ne permet pas de mesurer l'efficacité de la dépense de l'État, le sous-indicateur 1.1 « Effet de levier exprimé sur la totalité du fonds » du programme 380 « Fonds d'accélération de la transition écologique dans les territoires » de la mission « Écologie, développement et mobilité durables » mesure le montant total des projets réalisés rapporté au montant des subventions versées par le « Fonds vert ». Or cet indicateur ne tient pas compte des autres financements publics susceptibles d'être accordés aux porteurs de projets qui peuvent être financés directement (notamment pour la DSIL et la DETR) ou indirectement par l'État (notamment par les agences de l'eau et l'Ademe). Par suite, « l'effet de levier » affiché ne correspond pas à la mobilisation d'investissements privés encouragés par l'aide publique et il ne tient pas compte du risque de substitution des aides du Fonds vert à d'autres dispositifs d'aide publique.

Enfin, il est à relever que le dispositif de suivi de la performance des dépenses de l'État mis en place dans le cadre de la procédure budgétaire est insuffisamment articulé avec d'autres dispositifs mis en place par le Gouvernement dans le but de mesurer l'efficacité de l'action publique et de rendre des comptes sur l'utilisation des deniers publics.

En premier lieu, le budget de l'État finance 438 opérateurs, c'est-à-dire des organismes ayant une activité de service public, majoritairement financés par l'État et sur lesquels l'État exerce un contrôle direct. Ce contrôle direct de l'État se traduit pour un nombre important d'opérateurs par la signature entre l'opérateur et son ministère de tutelle d'un contrat d'objectifs et de performance (COP) qui intègre des indicateurs de performance relatifs à l'activité de l'opérateur. Malgré les recommandations formulées dans le « guide de la performance » publié par la direction du budget, le rapporteur général constate que l'exercice de fixation des indicateurs de performance des opérateurs est insuffisamment articulé avec l'exercice de fixation des indicateurs de performance du budget de l'État. Par exemple, alors que la politique spatiale financée par le programme 193 « Recherche spatiale » est essentiellement financée à travers la subvention budgétaire versée au Centre national d'études spatiales (CNES), le contrat d'objectifs et de performance (COP) 2022-2025 du CNES ne reprend pas tous les indicateurs du programme et introduit de nouveaux indicateurs qui n'ont pas été intégrés au dispositif de suivi de la performance du programme. Le dédoublement de la démarche de performance entre les indicateurs budgétaires et les indicateurs contractuels fixés aux opérateurs alourdit la charge administrative associée au suivi de la performance et réduit la lisibilité et l'utilité des indicateurs relatifs à la performance de la dépense de l'État.

En second lieu, le Gouvernement a dressé dans la circulaire du Premier ministre du 19 septembre 202261(*) une liste de soixante politiques prioritaires, en consacrant un principe de transparence relatif aux objectifs et aux résultats de ces politiques publiques. Le suivi de ces politiques prioritaires du Gouvernement (PPG) repose sur la publication et la mise à jour régulière d'un « baromètre de l'action publique ».

Le rapporteur général souligne que le dispositif de suivi des PPG constitue un référentiel supplémentaire qui vient s'ajouter aux indicateurs des programmes budgétaires et aux contrats d'objectifs et de performance (COP) des opérateurs publics. Le manque de coordination entre ces dispositifs induit une complexité croissante du suivi de la performance des dépenses de l'État au risque de constituer une « bureaucratie lolfienne »62(*), selon la formule du président Arthuis.

Pour prendre en exemple une des politiques prioritaires du Gouvernement et sans être exhaustif, le Gouvernement a établi un tableau de bord spécifique relatif à la politique « Déployer France 2030 ». Alors que ce tableau de bord comporte 25 indicateurs, seul un indicateur est publié sur le « baromètre de l'action publique » et cet indicateur mesure l'activité de l'administration et non son efficacité. Par surcroît, les indicateurs des projets annuels de performances (PAP) des programmes budgétaires 424 « Financement des investissements stratégiques » et 425 « Financement structurel des écosystèmes d'innovation » , qui financent le déploiement du plan France 2030, ne sont pas coordonnés avec les indicateurs retenus dans le cadre du référentiel des PPG ce qui nuit fortement à la lisibilité du suivi de la performance et abouti à un dispositif dans lequel les indicateurs sont trop nombreux, ne sont pas coordonnés entre eux et sont souvent inexploitables.

B. LA PORTÉE DU SUIVI DE LA PERFORMANCE DE LA DÉPENSE PUBLIQUE EST LARGEMENT RÉDUITE PAR LE NOMBRE IMPORTANT D'INDICATEURS INEXPLOITABLES

Pour l'exercice 2023, le dispositif de suivi de la performance des dépenses de l'État reposait sur 852 indicateurs et 1 941 sous-indicateurs recensés dans les rapports annuels de performances (RAP) du budget général et des budgets annexes de l'État. Cependant, un nombre important de ces sous-indicateurs sont neutralisés soit par l'absence de fixation de cible quantitative avant le début de l'exercice, soit par l'absence de données à jour pour exploiter les cibles fixer et confronter les objectifs fixés aux résultats obtenus. Sur les 1 941 sous-indicateurs pour l'exercice 2023, 1 549 (80 %) se sont vus fixer une cible quantitative. Sur ces 1 549 sous-indicateurs avec une cible quantitative, 1 354 sont exploitables aux regards des données disponibles. Par conséquent, seulement 1 354 sous-indicateurs disposent de cibles exploitables pour 2023 soit 70 % du nombre total de sous-indicateurs figurant dans les rapports annuels de performances (RAP) présentés avec le projet de loi relatif aux résultats de la gestion et portant approbation des comptes de l'année 2023.

En premier lieu, pour qu'un sous-indicateur puisse mesurer la performance des dépenses de l'État, il est nécessaire qu'au moment de l'élaboration du budget une cible soit fixée au responsable de programme. En effet, le dispositif des indicateurs de performance ne peut servir de support à des décisions stratégiques d'allocation des ressources que dans la mesure où le Gouvernement et le Parlement peuvent mettre en regard les objectifs fixés à un service public et les résultats qu'il a atteint. Il est par conséquent nécessaire que la documentation budgétaire annexée au projet de loi de finances fixe, pour chaque sous-indicateur de performance, une cible au risque de neutraliser toute utilité de l'indicateur et de priver de tout effet le travail effectuer pour élaborer cet indicateur et suivre ses données d'exécution. Il est également nécessaire que cette cible soit définie avec clarté et précision, c'est-à-dire qu'il s'agisse d'une cible quantitative.

Si pour certaines cibles il est compréhensible de fixer un intervalle, ce qui continue de constituer une cible quantitative claire et précise sous réserve d'une amplitude raisonnable de l'intervalle, la fixation d'une cible non quantitative constituée par des mentions imprécises comme « hausse » ou « stabilité » ne répond pas aux exigences d'un dispositif de suivi effectif de la performance de la dépense publique.

Sur l'ensemble du dispositif de suivi de la performance de la dépense de l'État en 2023, le rapporteur général relève que 392 sous-indicateurs ne disposent pas d'une cible quantitative. Partant, ce défaut de conception neutralise la portée de 20 % des sous-indicateurs soit un sur cinq.

Par exemple, dans le cadre du programme 103 « Accompagnement des mutations économiques et développement de l'emploi » de la mission « Travail et emploi », l'indicateur 4.4 « taux de sorties positives six mois après la fin de la formation » ne s'est vu fixer aucune cible pour 2023. Le rapporteur relève que la justification mise en avant par l'administration relative à la complexité du dispositif de suivi ne suffit pas à expliquer qu'aucun suivi statistique ne soit proposé pour cet indicateur depuis 2021. Au regard de l'importance des dépenses de l'État dans ce domaine - le programme représente un montant de crédits de paiement de 12 642 millions d'euros en 2023 - il est incompréhensible que le Gouvernement et les parlementaires ne puissent pas s'appuyer sur des données précises pour éclairer le choix fait au moment du vote annuel des crédits.

Fixation de cibles pour les sous-indicateurs en 2023

Source : commission des finances, d'après les données de la direction du budget

En second lieu, tous les indicateurs avec une cible quantitative ne peuvent pas être exploités dans le cadre du suivi de la performance de la dépense de l'État. En effet, l'appréciation des résultats des politiques publiques concernées suppose de disposer en temps utile des données nécessaires à l'exploitation de ces sous-indicateurs.

Il est à relever à cet égard que la disponibilité des données et la difficulté éventuelle à recueillir régulièrement des données mises à jour fait partie des contraintes dont l'administration doit tenir compte dès le stade de l'élaboration des indicateurs de performance inscrits dans la documentation budgétaire. À ce titre, l'existence d'un nombre important d'indicateurs avec une cible quantitative inexploitable du fait du manque de disponibilité des données ne reflète pas uniquement la difficulté à recueillir ou à tenir à jour des données d'exécution mais également un défaut de conception de ces indicateurs. Celle-ci aurait dû tenir compte de cette difficulté au moment de leur inscription dans la maquette de performance des programmes concernés.

En 2023, sur les 1 549 sous-indicateurs avec une cible quantitative, 1 354 sont des sous-indicateurs exploitables, les 195 autres sous-indicateurs étant inexploitables du fait de l'indisponibilité des données.

Par exemple, dans le cadre du programme 192 « Recherche et enseignement supérieur en matière économique et industrielle » de la mission « Recherche et enseignement supérieur », l'indicateur 2.2 « Nombre de brevets déposés par an par les chefs de file bénéficiaires du plan Nano 2022 » ne dispose pas d'une donnée de réalisation pour 2023. Le rapport annuel de performances (RAP) du programme se borne à constater que la consolidation des données pour 2022 est intervenue « mi-2023 » pour que les dépôts de brevets aient bien été pris en compte. Au regard du caractère récurrent et prévisible de la difficulté à obtenir des données actualisées, il appartient à l'administration de faire en sorte que cet indicateur ne soit pas systématiquement neutralisé soit en réformant sa procédure de collecte des données pour permettre une consolidation en temps utile avant le dépôt du projet de loi relatif aux résultats de la gestion soit en réformant l'indicateur pour se fonder sur des données plus rapidement disponibles.

Disponibilité des données d'exécution pour les sous-indicateurs
avec une cible quantitative en 2023

Source : commission des finances, d'après les données de la direction du budget

En conclusion, sur les 1 941 indicateurs de performance du dispositif de suivi budgétaire de la performance, 30 % d'entre eux ont été privés de portée en 2023 soit parce qu'aucune cible quantitative n'avait été fixé préalablement à la dépense soit parce que les données disponibles ne permettent pas de confronter les objectifs fixés et les résultats atteints.

Le rapporteur relève que ces 587 sous-indicateurs neutralisés dans le cadre de l'exercice 2023 constituent un exemple préoccupant du risque de transformation de l'exercice de suivi de la performance en « bureaucratie de la performance », ces indicateurs ayant nécessité des travaux importants d'élaboration et de suivi sans résultat concret pour le pilotage de la dépense de l'État.

II. L'EXERCICE 2023 TÉMOIGNE DE LA FAIBLE EFFICIENCE DES DÉPENSES DE L'ÉTAT MALGRÉ LE NIVEAU D'AMBITION LIMITÉ RETENU POUR LA FIXATION DES CIBLES

A. LA DÉPENSE PUBLIQUE EST D'UNE EFFICACITÉ LIMITÉE EN 2023 COMME EN ATTESTE L'ATTEINTE DE SEULEMENT 49 % DES CIBLES EXPLOITABLES

L'examen d'ensemble de la performance de la dépense publique de l'État doit tenir compte de l'incomplétude des données du dispositif de suivi, du fait non seulement de l'absence de cible quantitative pour certains sous-indicateurs mais également du fait de l'absence de données exploitables pour certains des indicateurs avec une cible quantitative pour 2023.

Pour l'exercice 2023, d'après les données publiées par la direction du budget, les cibles quantitatives ont été atteintes pour 659 sous-indicateurs. Partant, les cibles atteintes en 2023 représentent 34 % de l'ensemble des sous-indicateurs du dispositif de performance et 49 % des sous-indicateurs avec une cible quantitative exploitable.

Cibles atteintes pour les sous-indicateurs avec une cible quantitative
exploitable en 2023

Source : commission des finances, d'après les données de la direction du budget

Étant donné la création et la suppression de sous-indicateurs à chaque exercice budgétaire, comme en témoigne l'évolution du nombre de sous-indicateurs entre 2021 et 2023 avec une augmentation de 69 du nombre de sous-indicateurs, les comparaisons dans le temps du taux d'atteinte des cibles des sous-indicateurs de performance ne peuvent pas être effectuées à périmètre constant et doivent par conséquent être appréhendées avec recul.

Sous réserve de l'évolution de périmètre qui a été rappelée, le taux d'atteinte des cibles pour les sous-indicateurs avec une cible quantitative exploitable est relativement stable depuis 2021, puisqu'il est passé de 50 % pour l'exercice 2021 à 49 % pour l'exercice 2023.

Dans l'absolu, le rapporteur estime qu'un taux d'atteinte de moins de 50 % n'est pas satisfaisant, alors même que le dispositif de suivi de la performance de la dépense de l'État a été créé il y a dix-huit ans. Après un recul de près de vingt ans sur le dispositif de suivi de la performance, il est inexplicable d'une part que 587 sous-indicateurs soit exclus du périmètre de suivi de la performance du fait d'un manque d'anticipation de l'administration sur la fixation des cibles ou l'exploitation des données et d'autre part que la cible ne soit pas atteinte pour 695 sous-indicateurs ayant pour objectif de mesurer l'efficacité de la dépense de l'État.

Par exemple, dans le cadre du programme 162 « Intervention territoriale de l'État » de la mission « Cohésion des territoires », le sous-indicateur 4.1.2 « Fréquentation des équipements culturels : Micro-folies » relatif à l'objectif d'amélioration des conditions de vie de la population guyanaise fait apparaître une fréquentation de 498 personnes pour ces quatre équipements culturels guyanais en 2023 alors que la cible avait été fixée à 4 000 personnes, soit une sous-exécution de 88 % par rapport à la cible fixée.

Alors que les rapports annuels de performances (RAP) ont pour fonction de confronter les objectifs fixés et les résultats obtenus en portant à la connaissance des citoyens et des parlementaires les facteurs d'explication d'éventuels écarts entre les objectifs et les résultats, le rapport annuel de performances (RAP) pour le programme 162 « Intervention territoriale de l'État » se borne à intégrer quatre lignes de justification sur la sous-exécution à hauteur de 88 % de ce sous-indicateur de performance en concluant par une formule générale selon laquelle « une augmentation de la fréquentation est envisagée pour les années à venir ». Cette justification sommaire ne permet aux parlementaires de comprendre ni les motifs ayant expliqués des résultats substantiellement inférieurs aux cibles fixées pour 2023 ni les raisons pour lesquelles la cible a été fixée à 8 000 personnes en 2024, ce qui supposerait une multiplication par quinze de la fréquentation en un an.

B. LA FAIBLE EFFICIENCE DE LA DÉPENSE PUBLIQUE EST AGGRAVÉE PAR LE NIVEAU LIMITÉ D'AMBITION EN MATIÈRE DE PILOTAGE PAR LA PERFORMANCE DE L'ACTION PUBLIQUE

En raison notamment de l'incomplétude des données et du nombre trop important d'indicateurs de performance, le dispositif de suivi de la performance de la dépense de l'État n'est pas utilisé, contrairement à l'objectif poursuivi au moment de l'entrée en vigueur de la loi organique relative aux lois de finances du 1er août 2001 (LOLF), comme un outil de pilotage de la dépense publique. La portée limitée de l'exercice de suivi de la performance, qui mobilise nonobstant des ressources administratives importantes nécessaires à l'élaboration des indicateurs et au suivi des données d'exécution associées, justifie d'envisager une réforme structurelle du dispositif pour renforcer sa lisibilité et son caractère stratégique.

Pour l'exercice 2023, le manque d'ambition des cibles fixées pour les sous-indicateurs et de performance et le défaut de prise en compte des résultats dans le processus d'élaboration du budget limite substantiellement l'effet utile du dispositif de suivi de la performance.

En premier lieu, il à relever que de nombreuses cibles quantitatives sont fixées sans faire l'objet, dans la documentation budgétaire, d'une justification spécifique. Il est également fréquent que les cibles pour l'exercice budgétaire suivant soient fixées au même niveau que la réalisation observée pour l'exercice en cours. Sur les 659 cibles quantitatives atteintes en 2023, il est à relever que 69 d'entre elles, soit 10 %, avaient été fixées à un niveau strictement équivalent à la réalisation de 2022.

Si dans certains cas il est tout à fait justifié de se fixer pour objectif la stabilité d'un indicateur, par exemple quand un taux de mise en oeuvre atteint 100 %, l'analyse des sous-indicateurs pour l'exercice 2023 fait apparaître que la fixation de cible égale à la réalisation de l'année précédente ne fait systématiquement l'objet d'une justification.

Par exemple, dans le cadre du programme 212 « Soutien de la politique de la défense » de la mission « Défense », le sous-indicateur 1.2.7 « Taux de renouvellement des emplois primo-contractuels - Armées / Marine - Total » mesure la fidélisation des militaires de la Marine en suivant le taux de premiers contrats dans la Marine qui sont renouvelés lorsque ce renouvellement est souhaité par l'autorité militaire. Pour l'exercice 2022, la cible pour l'ensemble de la Marine avait été fixé à 94 % pour le taux de renouvellement. Cette cible ambitieuse n'avait pas pu être atteinte et le taux de renouvellement avait atteint 85 % en 2022. Pour l'exercice 2023, l'objectif fixé dans le projet annuel de performances (PAP) du programme 212 « Soutien de la politique de la défense » a été fixé à 85 %, ce qui correspond au niveau d'exécution constaté en 2022 mais à un recul dans l'ambition fixée à la Marine sans que ce recul ne soit justifié. Le relèvement de la cible à 92 % pour l'exercice 2024 témoigne d'une gestion conjoncturelle des cibles de performance qui ne permet pas au Gouvernement et au Parlement de s'appuyer sur les résultats pour prendre des décisions stratégiques d'allocation des ressources.

En second lieu, la portée utile du dispositif de suivi de la performance des dépenses de l'État pourrait être renforcée par une réforme structurelle de ce dispositif dès lors que la procédure actuelle de préparation du budget de l'État ne permet pas de tenir compte de l'atteinte des résultats dans la fixation des crédits inscrits en projet de loi de finances.

En effet, comme le relève la Cour des comptes dans un rapport de décembre 2023, les conférences de performances qui se tiennent chaque année en avril et en mai en présence de la direction du budget et des différents ministères donnent lieu à des discussions sur les objectifs et indicateurs de performance indépendantes des discussions sur les crédits des programmes budgétaires63(*). Dans la période récente, il apparaît que la priorité de la direction du budget a été d'intégrer à ces conférences de performances deux nouveaux éléments de suivi de la dépense : la mise en place d'indicateurs relatifs à la dépense fiscale et les exercices de cotation des crédits budgétaires au regard des objectifs du Gouvernement en matière environnementale et d'égalité femmes-hommes. L'élargissement du périmètre des conférences de performance à des sujets relatifs à la cohérence plutôt qu'à la performance de la dépense publique de l'État affaiblit la portée du dispositif de suivi de la performance dont la robustesse est déjà perfectible.

Si l'intégration dans la procédure budgétaire d'instruments permettant de mesurer la participation des dépenses publiques à la transition écologique apparaît comme une évolution légitime et de nature à éclairer utilement la prise de décision, le perfectionnement du dispositif de cotation des dépenses dans le cadre du « budget vert » implique une mobilisation croissante des services des différents ministères concernés.

Il est en revanche nécessaire de rationaliser le dispositif de suivi de la performance des dépenses de l'État qui, dans son format actuel, constitue une charge administrative considérable pour les responsables de programme et pour la direction du budget. Le recentrage et la « débureaucratisation » du suivi de la performance constituent un levier pour réduire la charge administrative pesant sur la direction du budget et lui permettre de se concentrer sur la préparation des arbitrages relatifs à la répartition des crédits.

Il apparaît par suite nécessaire d'engager une réflexion quant à une réforme structurelle du dispositif de suivi de la performance de la dépense de l'État, qui n'est pas utilisé par l'administration comme un outil de pilotage stratégique de la dépense publique. La mise en oeuvre d'un pilotage par la performance des dépenses de l'État impliquerait le déploiement d'un dispositif renouvelé, resserré sur des objectifs stratégiques et coordonnées avec les dispositifs complémentaires de suivi des opérateurs publics et des politiques prioritaires du Gouvernement, et mieux articulé avec la fixation du montant des crédits dans le cadre de la procédure de préparation du budget de l'État.

EXAMEN DES ARTICLES

ARTICLE LIMINAIRE

Solde structurel et solde effectif de l'ensemble des administrations publiques de l'année 2023

Le présent article retrace l'exécution du solde structurel et du solde effectif des administrations publiques pour 2023, les dépenses des administrations publiques résultant de l'exécution ainsi que l'évolution des dépenses publiques sur l'année, ainsi que les prélèvements obligatoires, les dépenses et l'endettement de l'ensemble des administrations publiques.

L'article 1 I de la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances64(*), dans sa rédaction issue de la loi organique du 28 décembre 2021 relative à la modernisation de la gestion des finances publiques65(*), prévoit que « la loi relative aux résultats de la gestion et portant approbation des comptes de l'année comprend un article liminaire présentant un tableau de synthèse retraçant, pour l'année à laquelle elle se rapporte :

1° Le solde structurel et le solde effectif de l'ensemble des administrations publiques résultant de l'exécution ;

2° Les dépenses des administrations publiques résultant de l'exécution, exprimées en milliards d'euros courants, ainsi que l'évolution des dépenses publiques sur l'année, exprimée en volume ;

3° Les prélèvements obligatoires, les dépenses et l'endettement de l'ensemble des administrations publiques résultant de l'exécution, exprimés en pourcentage du produit intérieur brut ».

Il prévoit également que l'article liminaire présente, « pour l'année en question, les principales dépenses des administrations publiques considérées comme des dépenses d'investissement » et que, « le cas échéant, l'écart par rapport aux prévisions de soldes de la loi de finances de l'année et de la loi de programmation des finances publiques est indiqué. Il est également indiqué, dans l'exposé des motifs du projet de loi relative aux résultats de la gestion et portant approbation des comptes de l'année, si les hypothèses ayant permis le calcul du solde structurel sont les mêmes que celles ayant permis de le calculer, pour cette même année, dans le cadre de la loi de finances de l'année et dans le cadre de la loi de programmation des finances publiques ».

L'article liminaire contient donc un tableau retraçant les informations suivantes :

Article liminaire du projet de loi relative aux résultats de la gestion et portant approbation des comptes pour 2023

(en % du PIB, sauf mention contraire)

 

Exécution 2023

LFI 2023

LPFP 2023-2027 pour l'année 2023

Ensemble des administrations publiques

Prévision

Écart

Prévision

Écart

Solde structurel (1)

- 4,6

- 4,0

- 0,6

- 4,1

- 0,49

Solde conjoncturel (2)

- 0,8

- 0,8

0,0

- 0,7

- 0,10

Solde des mesures ponctuelles et temporaires (3)

- 0,1

- 0,2

0,1

- 0,1

0,02

Solde effectif (1+2+3)

- 5,5

- 5,0

- 0,5

- 4,9

- 0,57

Dette au sens de Maastricht

110,6

111,2

- 0,5

109,7

1,0

Taux de prélèvements obligatoires (y.c. UE, nets des crédits d'impôt)

43,5

44,9

- 1,5

44,0

- 0,6

Dépense publique (hors CI)

56,7

56,9

- 0,2

55,9

0,8

Dépense publique
(hors CI, en Md€)

1 589

1 572

17

1 575

14

Évolution de la dépense publique hors CI
en volume (%)66(*)

- 1,1

- 1,1

0,0

- 1,3

0,2

Principales dépenses d'investissement
(en Md€)67(*)

25

25

0,0

25

0,0

Source : commission des finances du Sénat, d'après le projet de loi relative aux résultats de la gestion et portant approbation des comptes pour 2023

Les données figurant au présent article font l'objet d'une analyse détaillée dans le cadre de l'exposé général du présent rapport, à laquelle le lecteur est invité à se reporter. À noter que certaines données, notamment celle du niveau d'endettement qui serait non pas de 110,6 % du PIB mais de 109,9 % du PIB, ont été révisées par l'Insee depuis le dépôt du projet de loi.

*

* *

L'Assemblée nationale n'ayant pas adopté le présent projet de loi, elle n'a pas adopté cet article.

Décision de la commission : en conséquence de sa décision de proposer au Sénat de ne pas adopter l'ensemble du présent projet de loi, la commission propose de ne pas adopter cet article.

ARTICLE PREMIER

Résultats du budget de l'année 2023

Cet article arrête les résultats définitifs de l'exécution des lois de finances pour l'année 2023.

Conformément au I de l'article 37 de la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances68(*), le présent article « arrête le montant définitif des recettes et des dépenses du budget auquel elle se rapporte, ainsi que le résultat budgétaire qui en découle ».

Le I arrête le résultat budgétaire de l'État, hors opérations avec le Fonds monétaire international (FMI)69(*), à la somme de - 173,0 milliards d'euros.

Le II détaille le montant définitif des recettes et des dépenses du budget général, des budgets annexes et des comptes spéciaux.

Le résultat budgétaire résulte principalement du solde des recettes et des dépenses du budget général, car les budgets annexes représentant un montant de crédits réduit et les comptes spéciaux sont proches de l'équilibre.

Construction du solde budgétaire

(en milliards d'euros)

Source : commission des finances, à partir du projet de loi. PSR : prélèvements sur recettes. Dépenses et recettes du budget général nettes des remboursements et dégrèvements, hors fonds de concours (égaux en dépenses et en recettes).

L'analyse des principaux déterminants du solde budgétaire figure dans l'exposé général du présent rapport.

*

* *

L'Assemblée nationale n'ayant pas adopté le présent projet de loi, elle n'a pas adopté cet article.

Décision de la commission : en conséquence de sa décision de proposer au Sénat de ne pas adopter l'ensemble du présent projet de loi, la commission propose de ne pas adopter cet article.

ARTICLE 2

Tableau de financement de l'année 2023

Cet article retrace le montant définitif des ressources et des charges de trésorerie ayant concouru à la réalisation de l'équilibre financier en 2023.

Conformément au II de l'article 37 de la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances, cet article « arrête le montant définitif des ressources et des charges de trésorerie ayant concouru à la réalisation de l'équilibre financier de l'année correspondante, présenté dans un tableau de financement ».

Le tableau de financement qui y figure arrête à 314,6 milliards d'euros le besoin de financement de l'État et décrit les ressources mobilisées pour y répondre, soit 9,7 milliards d'euros de plus que le besoin de financement de 304,9 milliards d'euros prévu en loi de finances initiale pour 2023, et 34,6 milliards de plus que le besoin de financement de l'année précédente, qui était de 280,0 milliards d'euros.

Ce besoin de financement résulte à titre principal, pour 149,6 milliards d'euros, de la nécessité de rembourser les titres de dette arrivant à échéance et, pour 173,0 milliards d'euros, du déficit de l'année décrit à l'article premier.

La principale ressource mobilisée pour satisfaire le besoin de financement est l'émission de nouvelle dette à moyen et long terme, pour un montant de 270 milliards d'euros en 2023, soit le montant prévu en loi de finances initiale, supérieur de 10 milliards d'euros au montant émis en 2020, 2021 et 2022.

Pour la deuxième année consécutive, une ressource est affectée à la Caisse de la dette publique et consacrée au désendettement, à hauteur de 6,6 milliards d'euros contre 1,9 milliard d'euros en 2022.

Ce montant provient presque entièrement d'une ouverture de crédits sur le programme 369 « Amortissement de la dette de l'État liée à la covid-19 » de la mission « Engagements financiers de l'État », qui est versée en recette sur le 732 « Désendettement de l'État et d'établissements publics de l'État » du compte d'affectation spéciale « Participations financières de l'État » : il entraîne par conséquent une augmentation à due concurrence du besoin de financement et ne réduit pas réellement l'endettement.

La dotation à la Caisse de la dette publique inclut également une recette de 1,9 million d'euros issue des programmes d'investissements d'avenir (PIA), affectée au désendettement de l'État en application de la convention du 29 décembre 2015 entre l'État et la Caisse des dépôts et consignations.

L'encours des titres d'État à court terme augmente de 20,8 milliards d'euros. Le complément du besoin de financement est donc comblé par la variation des dépôts des correspondants (- 11,5 milliards d'euros), par la variation des disponibilités du Trésor à la Banque de France et des placements de trésorerie de l'État (+ 47,6 milliards d'euros) et par les autres ressources de trésorerie (- 18,8 milliards d'euros) ; ce dernier poste est constitué principalement par le solde des primes et décotes à l'émission, qui est négatif (décotes) après plusieurs années de primes à l'émission.

Évolution des principales ressources de financement de 2017 à 2023

(en milliards d'euros)

Source : commission des finances, à partir des documents budgétaires

L'exposé général du présent rapport comprend des éléments détaillés d'analyse du financement de l'État.

*

* *

L'Assemblée nationale n'ayant pas adopté le présent projet de loi, elle n'a pas adopté cet article.

Décision de la commission : en conséquence de sa décision de proposer au Sénat de ne pas adopter l'ensemble du présent projet de loi, la commission propose de ne pas adopter cet article.

ARTICLE 3

Résultat de l'exercice 2023 - Affectation au bilan
et approbation du bilan et de l'annexe

Cet article approuve le compte de résultat de l'exercice, établi à partir des ressources et des charges constatées selon les règles de la comptabilité générale, affecte au bilan le résultat comptable de l'exercice et approuve le bilan après affectation ainsi que ses annexes.

Conformément au III de l'article 37 de la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances, le présent article approuve le compte de résultat de l'exercice établi à partir des ressources et des charges constatées selon les règles de la comptabilité générale, affecte au bilan le résultat comptable de l'exercice et approuve le bilan après affectation, ainsi que son annexe. Le contenu de chacun de ces états et documents est précisé par la norme n° 1 « Les états financiers » du recueil des normes comptables de l'État.

Le I approuve le compte de résultat de l'État. Le résultat comptable s'établit à - 124,9 milliards d'euros, soit la différence entre les produits régaliens nets, qui s'élèvent à 315,9 milliards d'euros, et les charges nettes, d'un montant de 440,8 milliards d'euros.

Le II affecte le résultat comptable de l'exercice 2023 au bilan à la ligne « Report des exercices antérieurs ».

Le III établit le bilan, qui se compose d'un actif net total de 1 294,5 milliards d'euros et d'un passif, hors situation nette, de 3 169,6 milliards d'euros. La situation nette s'établit donc à - 1 875,1 milliards d'euros.

La ligne « Report des exercices antérieurs » vaut - 1 916,4 milliards d'euros dans le compte général de l'État. Par affectation du résultat comptable, soit - 124,9 milliards d'euros, elle prend la valeur de - 2 041,4 milliards d'euros en application du présent III.

L'affectation du résultat comptable de l'exercice à la ligne « Report des exercices antérieurs » par le III du présent article constitue l'une des rares dispositions qui ne soit pas de pure constatation dans le projet de loi de résultats, même si sa portée en est surtout comptable.

Le rejet successif des projets de loi de règlement pour 2021 et pour 2022 a en effet empêché d'affecter au report à nouveau le résultat comptable de ces deux exercices, soit - 142,1 milliards d'euros au titre de 2021 et - 160,0 milliards d'euros au titre de 2022.

En conséquence de ces rejets, l'administration a décidé de rajouter, dans le bilan, une ligne intitulée « Solde des opérations d'exercices antérieurs en attente d'affectation », qui comprend ces résultats comptables non affectés, pour un montant total de - 302,1 milliards d'euros. Cette présentation comptable n'a pas de conséquence sur la situation nette 2023.

Le IV approuve l'annexe du compte général de l'État de l'exercice, qui consiste en un commentaire détaillé de chacun des postes du bilan et du compte de résultat, ainsi qu'une présentation des engagements hors bilan et des règles et méthodes d'évaluation comptables70(*).

L'exposé général du présent rapport contient des développements plus détaillés sur les comptes de l'État présentés en comptabilité générale.

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L'Assemblée nationale n'ayant pas adopté le présent projet de loi, elle n'a pas adopté cet article.

Décision de la commission : en conséquence de sa décision de proposer au Sénat de ne pas adopter l'ensemble du présent projet de loi, la commission propose de ne pas adopter cet article.

ARTICLE 4

Budget général - Dispositions relatives aux autorisations d'engagement et aux crédits de paiement

Cet article ajuste et arrête, pour le budget général, le montant par mission et par programme des autorisations d'engagement consommées et des dépenses réalisées au titre de l'année 2023.

La loi organique relative aux lois de finances (LOLF) prévoit, au 2° du IV de son article 37, que la loi relative aux résultats de la gestion et portant approbation des comptes ouvre, pour chaque programme ou dotation concerné, les crédits nécessaires pour régulariser les dépassements constatés et procède à l'annulation des crédits n'ayant été ni consommés ni reportés.

Le I du présent article arrête le montant des autorisations d'engagement consommées sur le budget général à un montant de 590,8 milliards d'euros, ouvre des autorisations d'engagement complémentaires à hauteur de 0,5 milliard d'euros et annule 11,9 milliards d'euros d'autorisations d'engagement non consommées et non reportées.

Le II du présent article arrête le montant des dépenses relatives au budget général à hauteur de 591,9 milliards d'euros, ouvre des crédits de paiement complémentaires pour 0,5 milliard d'euros et annule 6,7 milliards d'euros de crédits de paiement non consommés et non reportés.

Les crédits complémentaires ouverts, tous égaux en autorisations d'engagement et en crédits de paiement, sont uniquement imputés sur des programmes dotés de crédits évaluatifs, à savoir le programme 355 « Charge de la dette de SNCF Réseau reprise par l'État » de la mission « Engagements financiers de l'État » (1,4 million d'euros en autorisations d'engagement et en crédits de paiement) et les programmes 200 « Remboursements et dégrèvements d'impôts d'État » (279,28 euros en autorisations d'engagement et en crédits de paiement) et 201 « Remboursements et dégrèvements d'impôts locaux » (521,9 millions d'euros en autorisations d'engagement).

Les annulations de crédits portent principalement sur les crédits des missions « Défense » (2,4 milliards d'euros en autorisation d'engagement, dont 1,6 milliard d'euros correspondent à des autorisations d'engagement reportées de l'exercice 2022 à l'exercice 2023 sur le programme 178 « Préparation et emploi des forces »), « Engagements financiers de l'État » (1,2 milliard d'euros en autorisations d'engagement et en crédits de paiement, dont 0,8 milliard d'euros sur la charge de la dette et 0,4 milliard d'euros sur les appels en garantie de l'État) et « Remboursements et dégrèvements » (2,2 milliards d'euros en autorisations d'engagement et en crédits de paiement, intégralement sur les remboursements et dégrèvements d'État).

Les dépenses exécutées sur les missions du budget général sont analysées dans le tome I du présent rapport et dans les contributions des rapporteurs spéciaux.

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L'Assemblée nationale n'ayant pas adopté le présent projet de loi, elle n'a pas adopté cet article.

Décision de la commission : en conséquence de sa décision de proposer au Sénat de ne pas adopter l'ensemble du présent projet de loi, la commission propose de ne pas adopter cet article.

ARTICLE 5

Budgets annexes - Dispositions relatives aux autorisations d'engagement et aux crédits de paiement

Cet article ajuste et arrête, pour les budgets annexes, le montant par mission et par programme des autorisations d'engagement consommées, des dépenses et des recettes de ces budgets au titre de l'année 2023.

Le présent article, comme le précédent pour le budget général, applique, s'agissant des budgets annexes, le 2° du IV de l'article 37 de la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF), qui prévoit que la loi relative aux résultats de la gestion et portant approbation des comptes ouvre, pour chaque programme ou dotation concerné, les crédits nécessaires pour régulariser les dépassements constatés résultant de circonstances de force majeure dûment justifiées et procède à l'annulation des crédits n'ayant été ni consommés ni reportés.

La révision de la LOLF du 28 décembre 202171(*) a modifié la présentation des dépenses effectuées par les budgets annexes en prévoyant que seules les opérations budgétaires seraient prises en compte pour déterminer les soldes des budgets annexes. Avant cette révision, les remboursements en capital des emprunts faisaient partie des crédits budgétaires des budgets annexes, alors que pour le budget général les opérations qui concernent le capital de la dette sont considérées comme des opérations de trésorerie non budgétaires.

Le I du présent article ajuste et arrête, pour les budgets annexes, les montants définitifs, par mission et par programme, des autorisations d'engagement consommées, soit 2 118,1 millions d'euros pour le budget annexe « Contrôle et exploitation aériens » et 142,0 millions d'euros pour le budget annexe « Publications officielles et information administrative ».

Le montant des annulations d'autorisations d'engagement non engagées et non reportées est de 21,1 millions d'euros pour le premier budget annexe et de 12,7 millions d'euros pour le second.

Le II ajuste et arrête les dépenses et les recettes des deux budgets annexes, soit :

- 2 105,3 millions d'euros de dépenses et 2 351,0 millions d'euros de recettes pour le budget annexe « Contrôle et exploitation aériens », 40,4 millions d'euros de crédits non consommés et non reportés étant annulés ;

- 142,6 millions d'euros de dépenses et 184,7 millions d'euros de recettes pour le budget « Publications officielles et information administrative », 8,0 millions d'euros de crédits non consommés et non reportés étant annulés.

Aucun crédit complémentaire n'est ouvert.

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* *

L'Assemblée nationale n'ayant pas adopté le présent projet de loi, elle n'a pas adopté cet article.

Décision de la commission : en conséquence de sa décision de proposer au Sénat de ne pas adopter l'ensemble du présent projet de loi, la commission propose de ne pas adopter cet article.

ARTICLE 6

Comptes spéciaux - Dispositions relatives aux autorisations d'engagement, aux crédits de paiement et aux découverts autorisés.
Affectation des soldes

Cet article récapitule le montant des ouvertures complémentaires et annulations de crédits de l'exercice 2023, s'agissant des comptes spéciaux. Il arrête le solde de ces derniers au 31 décembre 2023 et, sauf exceptions, le reporte à la gestion 2024.

Le présent article, comme les deux précédents pour le budget général et les budgets annexes, applique, s'agissant des comptes spéciaux, le 2° du III de l'article 37 de la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF), qui prévoit que la loi relative aux résultats de la gestion et portant approbation des comptes ouvre, pour chaque programme ou dotation concerné, les crédits nécessaires pour régulariser les dépassements constatés résultant de circonstances de force majeure dûment justifiées et procède à l'annulation des crédits n'ayant été ni consommés ni reportés.

Il applique également les 3°, 4° et 5° du même III, aux termes desquels la même loi majore, pour chaque compte spécial concerné, le montant du découvert autorisé au niveau du découvert constaté, arrête les soldes des comptes spéciaux non reportés sur l'exercice suivant et apure les profits et pertes survenus sur chaque compte spécial.

Le I et le II du présent article ajustent et arrêtent respectivement le montant des autorisations d'engagement et des crédits de paiement consommés sur les comptes spéciaux.

Les comptes d'affectation spéciale ont consommé 82,4 milliards d'euros en autorisations d'engagement et 82,6 milliards d'euros en crédits de paiement, pour des recettes de 79,2 milliards d'euros, tandis que sont annulés des crédits non consommés et non reportés de 4,0 milliards d'euros en autorisations d'engagement et 3,9 milliards d'euros en crédits de paiement.

Les comptes de concours financiers ont consommé 136,4 milliards d'euros en autorisations d'engagement et 136,8 milliards d'euros en crédits de paiement, pour des recettes de 134,6 milliards d'euros, tandis que sont annulés des crédits non consommés et non reportés à hauteur de 4,2 milliards d'euros en autorisations d'engagement et de 3,7 milliards d'euros en crédits de paiement.

Aucun crédit complémentaire n'est ouvert pour les comptes d'affectation spéciale et les comptes de concours financiers.

Les comptes de commerce ont des dépenses de 65,6 milliards d'euros et des recettes de 65,9 milliards d'euros.

Les comptes d'opérations monétaires ont des dépenses de 448,6 millions d'euros et des recettes de 1 028,0 millions d'euros. Sur ces montants, les dépenses du compte des opérations avec le Fonds monétaire international (soit 274,7 millions d'euros de dépenses et 790,4 millions d'euros de recettes) ne sont pas prises en compte dans le solde budgétaire de l'État tel que défini à l'article premier.

Cette ligne supporte en outre une majoration du découvert de 17,2 milliards d'euros correspondant, comme chaque année, à la quote-part de la France au capital du Fonds monétaire international (FMI) et des prêts effectués dans le cadre de cet organisme.

Le III arrête, à la date du 31 décembre 2023, les soldes des comptes spéciaux dont les opérations se poursuivent en 2024, et qui sont reportés à la gestion 2024 par le IV, à l'exception :

- d'un solde débiteur de 377,7 millions d'euros concernant les comptes de concours financiers « Prêts à des États étrangers », en raison notamment de remises de dette à des pays étrangers réalisées entre 2021 et 202372(*) ;

- d'un solde débiteur de 24,0 millions d'euros concernant le compte de concours financiers « Prêts et avances à des particuliers ou à des organismes privés », concernant un abandon de créance73(*) ;

- d'un solde créditeur de 162,3 millions d'euros concernant le compte de commerce « Opérations commerciales des domaines », ces crédits étant proposés à l'annulation ;

- d'un solde créditeur de 305,4 millions d'euros concernant le compte d'opérations monétaires « Émission des monnaies métalliques », solde jugé sans signification parce qu'il mêle des opérations budgétaires classiques (droit de seigneuriage en recettes, frais de fabrication en dépenses) et des opérations de bilan (variation de la circulation monétaire) ;

- d'un solde débiteur de 133,1 millions d'euros concernant le compte d'opérations monétaires « Pertes et bénéfices de change », soldé chaque année en application de la loi n° 49-310 du 8 mars 1949 relative aux comptes spéciaux du Trésor.

Pour mémoire, le solde de l'ensemble de ces comptes spéciaux a dû être reporté en 2022 puis en 2023, car le rejet des projets de loi de règlement pour les années 2021 et 2022 n'a pas permis de mettre en oeuvre les clauses de non-report de solde prévues par ces textes. L'article 20 de la LOLF prévoit en effet que, sauf dispositions contraires prévues par une loi de finances, le solde de chaque compte spécial est reporté sur l'année suivante.

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* *

L'Assemblée nationale n'ayant pas adopté le présent projet de loi, elle n'a pas adopté cet article.

Décision de la commission : en conséquence de sa décision de proposer au Sénat de ne pas adopter l'ensemble du présent projet de loi, la commission propose de ne pas adopter cet article.

ARTICLE 7

Affectation du résultat patrimonial de l'exercice 2021 au report
des exercices antérieurs du bilan de l'État

Cet article affecte de manière définitive le résultat patrimonial de 2021 au report des exercices antérieurs du bilan de l'État, dans un objectif de meilleure lisibilité des comptes de l'État.

Chaque projet de loi de règlement (jusqu'à l'exercice 2022) ou chaque projet de loi relative aux résultats de la gestion et portant approbation des comptes de l'année (depuis l'exercice 2023) contient un article qui constate le résultat patrimonial de l'exercice et approuve le bilan.

Cet article doit notamment, en application du III de l'article 37 de la loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF), affecter au bilan le résultat comptable de l'exercice.

Cette exigence est satisfaite dans le projet de loi par une clause de l'article 3 prévoyant que le résultat comptable de l'exercice est affecté au bilan à la ligne « Report des exercices antérieurs ».

Le rejet des projets de loi de règlement pour 2021 et 2022 n'a pas permis d'effectuer cette affectation. Face à cette situation inédite, le choix a été fait d'enregistrer le résultat patrimonial non approuvé sur un compte spécifique et imputé sur une ligne spécialement créée à cet effet, intitulée « Soldes des opérations d'exercices antérieurs en attente d'affectation ».

L'article 3 du présent projet de loi ne traite pas de l'affectation du résultat comptable des exercices 2021 et 2022. En conséquence, le présent article prévoit l'affectation du résultat patrimonial de l'exercice 2021, qui s'élève à - 142,1 milliards d'euros, au report des exercices antérieurs du bilan de l'État. L'article suivant contient une mesure analogue pour l'exercice 2022. L'objectif de cette modification est d'améliorer la lisibilité des comptes de l'État.

Effet de l'adoption des articles 3, 7 et 8 sur la ligne
« Report des exercices antérieurs » du bilan

Le montant de la ligne « Report des exercices antérieurs » résultant de l'article 3 (après affectation du résultat patrimonial de l'exercice 2023) est de - 2 041,4 milliards d'euros, comme il est indiqué dans cet article.

L'adoption du présent article 7 aurait pour effet d'affecter le résultat patrimonial de l'exercice 2021 (soit - 124,9 milliards d'euros) à cette ligne, qui passerait donc à - 2 183,5 milliards d'euros.

L'adoption de l'article 8 (voir infra) aurait pour effet d'affecter le résultat patrimonial de l'exercice 2022 (soit - 160,0 milliards d'euros) à cette ligne, dont la valeur serait alors de - 2 343,5 milliards d'euros.

Source : commission des finances du Sénat, à partir du texte du présent projet de loi

*

* *

L'Assemblée nationale n'ayant pas adopté le présent projet de loi, elle n'a pas adopté cet article.

Décision de la commission : en conséquence de sa décision de proposer au Sénat de ne pas adopter l'ensemble du présent projet de loi, la commission propose de ne pas adopter cet article.

ARTICLE 8

Affectation du résultat patrimonial de l'exercice 2022
au report des exercices antérieurs du bilan de l'État

Cet article affecte de manière définitive le résultat patrimonial de 2022 au report des exercices antérieurs du bilan de l'État, dans un objectif de meilleure lisibilité des comptes de l'État.

Le présent article est, comme le précédent, pris en conséquence du rejet des projets de loi de règlement pour 2021 et 2022.

Pour les raisons exposées lors de la précédent du précédent article, le présent article prévoit l'affectation du résultat patrimonial de l'exercice 2022, qui s'élève à - 160,0 milliards d'euros, au report des exercices antérieurs du bilan de l'État. L'objectif de cette modification est d'améliorer la lisibilité des comptes de l'État.

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L'Assemblée nationale n'ayant pas adopté le présent projet de loi, elle n'a pas adopté cet article.

Décision de la commission : en conséquence de sa décision de proposer au Sénat de ne pas adopter l'ensemble du présent projet de loi, la commission propose de ne pas adopter cet article.

ARTICLE 9

Règlement du compte spécial « Participation de la France au désendettement de la Grèce »

Le présent article prévoit que le solde créditeur du compte spécial « Participation de la France au désendettement de la Grèce », clos au 1er janvier 2023, soit arrêté au montant de 799,8 millions d'euros. Il se borne à appliquer les dispositions de la loi organique relative aux lois de finances, qui prévoit que la loi relative aux résultats de la gestion et portant approbation des comptes arrête les soldes des comptes spéciaux non reportés sur l'exercice suivant.

Initialement prévue par l'article 7 du projet de loi de règlement 2022, cette opération n'a pu être réalisée en 2023 en raison de la non-adoption de cette même loi.

I. LE DROIT EXISTANT : UN COMPTE CRÉÉ EN 2012 ET PROLONGÉ JUSQU'AU 31 DÉCEMBRE 2022 POUR SOUTENIR, SOUS CONDITIONS, LE DÉSENDETTEMENT DE LA GRÈCE

A. UN COMPTE CRÉÉ EN 2012 POUR TRACER LE REVERSEMENT À LA GRÈCE DES REVENUS PERÇUS SUR SES TITRES SOUVERAINS

En réponse à la crise des dettes souveraines de 2010-2012, les ministres des finances de la zone euro avaient pris l'engagement de reverser à la Grèce les revenus perçus par leurs banques centrales sur les obligations souveraines grecques détenues pour compte propre, dites ANFA74(*), ou rachetées dans le cadre du securities market program (SMP)75(*).

Ces revenus correspondaient à la part des dividendes versées aux États membres par leurs banques centrales au titre de leurs bénéfices résultant, d'une part, des intérêts des obligations grecques et, d'autre part, des éventuelles plus-values constatées au remboursement de ces obligations.

Ce reversement des revenus perçus sur les titres souverains grecs visait à aider la Grèce à réduire son besoin de financement et à participer au rétablissement de la soutenabilité de la dette publique grecque.

En conséquence, le I de l'article 21 de la loi de finances rectificative pour 201276(*) avait traduit budgétairement cet engagement politique en ouvrant un compte d'affectation spéciale (CAS) « Participation de la France au désendettement de la Grèce ». Le recours à un CAS était motivé par deux raisons :

- d'une part, une raison juridique, tenant à l'interdiction faite aux banques centrales nationales de l'Union européenne de financer les États membres de la zone euro (article 123 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne) ;

- d'autre part, une raison budgétaire, découlant de la nécessité d'isoler les flux concernés au sein du budget de l'État, lequel n'est que le vecteur de l'opération de reversement.

Le CAS devait être ouvert à partir du 1er septembre 2012 jusqu'au 31 décembre 2020.

Les recettes du compte étaient constituées du produit de la contribution spéciale versée par la Banque de France au titre de la restitution des revenus qu'elle percevait sur les titres souverains grecs détenus en compte propre. Quant aux dépenses du compte, elles correspondaient respectivement aux programmes 795 « Versement de la France à la Grèce au titre de la restitution à cet État des revenus perçus sur les titres grecs » et 796 « Rétrocessions de trop-perçus à la Banque de France ».

Les engagements de la France au titre du désendettement de la Grèce se composaient :

- d'une part, de 753,4 millions d'euros au titre des revenus perçus par la banque centrale sur les obligations grecques détenues pour compte propre (ANFA) sur la période 2012-2020 (sur un total de près de quatre milliards d'euros d'engagements de reversement pour l'ensemble des États membres de la zone euro) ;

- d'autre part, de 2,06 milliards d'euros au titre de la quote-part de la France dans le cadre du programme SMP sur la période 2013-202577(*). Le versement de ces revenus a fait l'objet d'une convention entre la Banque de France et le ministère de l'économie et des finances et devait s'opérer par tranche annuelle.

B. UN COMPTE PROLONGÉ JUSQU'AU 31 DÉCEMBRE 2022 POUR TENIR COMPTE DU RETARD PRIS DANS LE VERSEMENT DES REVENUS PERÇUS SUR LES OBLIGATIONS GRECQUES

À la suite de l'arrivée au pouvoir d'Alexis Tsipras en Grèce le 25 janvier 2015 et sous la direction du ministre des finances de l'époque Yanis Varoufakis, les autorités grecques ont longuement négocié, avec leurs créanciers publics, divers aménagements sur leur dette, dont la soutenabilité était remise en question.

Face au refus de la Grèce d'accepter les réformes imposées par la Banque centrale européenne (BCE), la Commission européenne et le Fonds monétaire international (FMI) en échange du déblocage de la dernière tranche d'aide de son deuxième programme d'assistance financière, l'Eurogroupe avait décidé de suspendre le processus de reversement des revenus perçus au titre des obligations grecques ANFA et SMP à compter du 30 juin 2015, date d'expiration de ce deuxième programme d'assistance.

Dans le cadre d'un accord entre l'Eurogroupe et la Grèce trouvé en juin 2018 lors de la dernière évaluation du troisième programme d'ajustement économique de la Grèce, la reprise de la rétrocession des revenus perçus par les banques centrales nationales sur les titres grecs a été actée. Il a ainsi été décidé de ne pas procéder aux restitutions prévues en 2015 et en 2016, mais que soient rétrocédés les profits correspondant aux obligations grecques SMP au titre de l'année 2014 ainsi que les profits correspondant aux obligations grecques SMP et ANFA à partir de l'année 2017, sous réserve du respect par la Grèce des conditions fixées sur la période post-programme d'ajustement.

Pour tenir compte de ces reports et de la reprise des rétrocessions, l'article 91 de la loi de finances pour 202078(*) a modifié l'article 21 de la loi de finances rectificative du 16 août 2012 de façon à prolonger la durée d'ouverture du CAS jusqu'au 31 décembre 2022.

Le CAS a donc été clôturé au 1er janvier 2023. A cette date, le solde des opérations antérieurement enregistrées sur ce compte a été affecté au budget général de l'État.

II. LE DISPOSITIF PROPOSÉ : ARRÊTER LE SOLDE DU COMPTE À 799,8 MILLIONS D'EUROS

Si la diminution du solde cumulé sur le compte était mécanique, les reversements ayant vocation à s'éteindre, celui-ci n'était pas nul au moment de sa clôture, au 31 décembre 2022, et s'élevait à 799,8 millions d'euros. Ce solde positif à la clôture s'explique essentiellement par le non-reversement des revenus perçus sur les obligations grecques au titre des années 2015 et 2016, respectivement pour 432,5 millions d'euros79(*) et 325,6 millions d'euros80(*) en crédits de paiement.

Le compte ayant été clôturé, il n'est pas possible de reporter ce solde sur les exercices ultérieurs, lequel est reversé au budget général.

Aux termes du 4° du IV de l'article 37 de la loi organique relative aux lois de finances81(*), la loi relative aux résultats de la gestion et portant approbation des comptes « arrête les soldes des comptes spéciaux non reportés sur l'exercice suivant ».

C'est ainsi que l'article 7 du projet de loi de règlement 2022 prévoyait que le solde du compte d'affectation spéciale « Participation de la France au désendettement de la Grèce » soit arrêté à 799,8 millions d'euros. Or cette loi n'ayant pas été adoptée, cette opération n'a pu être réalisée en 2023.

Aussi le présent article reprend à l'identique le contenu de l'article 7 précité.

Exécution des crédits du compte d'affectation spéciale
« Participation de la France au désendettement de la Grèce » en 2021 et en 2022 (deux derniers exercices d'ouverture du compte)

(en millions d'euros)

 

 

Exécution 2021

LFI 2022

Exécution 2022

[795] Versement de la France à la Grèce au titre de la restitution à cet État des revenus perçus sur les titres grecs

AE

0,00

0,00

0,00

CP

209,3

98,9

132,8

[796] Rétrocessions de trop-perçus à la Banque de France

AE

0,00

0,00

0,00

CP

0,00

0,00

0,00

Total des dépenses

AE

0,00

0,00

0,00

CP

209,3

98,9

132,8

Recettes 

132,8

0

0

Solde annuel

- 110,4

- 98,9

- 132,8

Solde cumulé

932,6

833,7

799,8 / 0*

* Pour 2022, le solde cumulé est de 799,8 millions d'euros avant reversement de ces sommes au budget général.

Source : commission des finances, d'après les documents budgétaires

*

* *

L'Assemblée nationale n'ayant pas adopté le présent projet de loi, elle n'a pas adopté cet article.

III. LA POSITION DE LA COMMISSION DES FINANCES : UNE MESURE QUI NE PRÉSENTE PAS DE DIFFICULTÉ

Le présent article se borne à appliquer les dispositions de la loi organique relative aux lois de finances.

Comme en 2023 dans le cadre de l'examen du projet de loi de règlement 2022, la commission tient à rappeler le bien-fondé des reversements effectués par la France à la Grèce par l'intermédiaire de ce compte, qui aura manifesté la solidarité de notre pays auprès d'un État européen en difficulté.

Décision de la commission : en conséquence de sa décision de proposer au Sénat de ne pas adopter l'ensemble du présent projet de loi, la commission propose de ne pas adopter cet article.

EXAMEN EN COMMISSION

Réunie le mercredi 16 octobre 2024, sous la présidence de M. Claude Raynal, président, la commission a examiné le rapport de M. Jean-François Husson, rapporteur général, sur le projet de loi relatif aux résultats de la gestion et portant approbation des comptes de l'année 2023.

M. Claude Raynal, président. - Nous démarrons notre matinée par l'examen du rapport sur le projet de loi relatif aux résultats de la gestion et portant approbation des comptes de l'année 2023.

M. Jean-François Husson, rapporteur général. - Ce projet de loi relatif aux résultats de la gestion et portant approbation des comptes de l'année 2023 est le premier dans cette forme, issue de la révision de la loi organique relative aux lois de finances (Lolf) adoptée en décembre 2021.

Nous examinons ce texte, rejeté par l'Assemblée nationale, bien plus tardivement que prévu, en raison de la dissolution du 9 juin dernier. Nous nous étions cependant saisis dès mars dernier du sujet du dérapage budgétaire en 2023, qui a des répercussions majeures sur l'année 2024.

Pour commencer, l'activité en France a atterri en douceur, avec une croissance de 1,1 % en 2023 contre 2,6 % en 2022 - un niveau modeste, mais en ligne avec les prévisions initiales du Gouvernement, qui envisageait une croissance de 1 % dans le projet de loi de finances pour 2023. C'est une performance supérieure à celle qui a été enregistrée au niveau de la zone euro dans son ensemble - 0,5 point -, mais ce taux a fortement pâti de la récession allemande. L'Espagne, par exemple, a fait beaucoup mieux que la France, avec une croissance de 2,5 points. La croissance française cumulée entre 2017 et 2023, à savoir 8,4 %, est bien inférieure à celle de la zone euro, qui atteint 9,8 %.

L'activité a évolué sous l'influence de vents contraires : d'un côté, le début de décrue de l'inflation a permis une reprise de la consommation et une amélioration de la balance commerciale liée à la baisse des prix de l'énergie ; de l'autre, le durcissement de la politique monétaire a pesé sur l'investissement. La décrue de l'inflation - elle s'est tout de même élevée à 4,9 % en 2023 - s'est observée surtout en fin d'année : elle a eu pour effet de muscler la consommation, mais a conduit à minorer fortement les recettes de TVA.

Si la balance commerciale s'est améliorée - elle a contribué à la croissance du PIB -, elle demeure fortement déficitaire, sous l'effet de la poursuite de la désindustrialisation, qu'elle accentue en retour. L'amélioration en 2023 n'est que le contrecoup du niveau exceptionnellement bas atteint en 2022. Pour autant, il est difficile de déterminer s'il s'agit de l'amorce d'un retour à des niveaux moins critiques ou de la poursuite de la détérioration structurelle du solde commercial français depuis deux décennies, que n'ont pas réussi à endiguer les mesures en faveur de la compétitivité mises en place à partir de 2012.

Venons-en au trait marquant de cette année. Malgré une prévision de croissance respectée, le déficit public a largement dérapé. Prévu à 5 points de PIB dans la loi de finances initiale, à 4,9 points dans le projet de loi de fin de gestion pour 2023, il s'est finalement élevé à 5,5 points de PIB. Dans les conclusions de notre mission d'information sur la dégradation des finances publiques, nous avons largement expliqué ce dérapage tenant en grande partie à des erreurs inédites de prévisions de recettes, concernant en particulier l'État, et à une élasticité des prélèvements obligatoires au PIB historiquement faible.

Résultat : 2023 est l'année où le déficit public a été le plus élevé hors période de crise, aussi loin que remontent les données de l'Insee à ce sujet, soit le début de la Ve République. J'utiliserai l'image d'une sortie de route budgétaire dès la première année de la période de programmation déterminée par la loi de programmation des finances publiques (LPFP) 2023-2027. Les conséquences sur les années suivantes, nous les connaissons désormais assez bien : un déficit encore plus historique en 2024.

Les administrations publiques locales accusent bien un déficit de 0,4 point de PIB en 2023 - pour la moitié dû aux organismes divers d'administration locale et non aux collectivités territoriales -, mais le déficit public est essentiellement dû à l'État. C'est une constante depuis 2017 : à part en 2020 et 2021, les variations du déficit public s'expliquent presque entièrement par celles du déficit de l'État.

Paradoxalement, ce déficit inédit n'a pas creusé le ratio d'endettement, qui a même légèrement diminué, passant de 111,2 points de PIB en 2022 à 109,9 points de PIB en 2023. Mais il ne faut pas s'y tromper, cette décrue ne sera que de courte durée et s'explique par un effet « boule de neige » momentanément favorable, du fait d'une croissance du PIB nominal largement alimentée par l'inflation. La décrue de l'inflation en cours mettra rapidement fin à cet effet apparemment positif.

J'en viens à présent aux comptes de l'État, dont l'approbation est l'objet principal du projet de loi sur lequel nous devons nous prononcer.

Le déficit budgétaire constaté, à un niveau de 173 milliards d'euros, est supérieur de 8 milliards d'euros au montant prévu en loi de finances initiale (LFI) pour 2023, rejoignant le niveau atteint pendant les années 2020 et 2021, en pleine crise sanitaire. Ce n'est pas acceptable. La chute des recettes invoquée par le Gouvernement en fin d'année n'est qu'un paravent : nous avons montré que ce sont les prévisions de recettes qui avaient été fixées à un niveau trop élevé.

Cet héritage de ce qu'on peut appeler, en matière de finances publiques, le « septennat Macron - Le Maire », s'est traduit par une explosion de l'endettement : il faut emprunter toujours plus pour rembourser toujours plus, tout en finançant un déficit toujours croissant. Bientôt nous devrons rembourser plus de 200 milliards d'euros de dette chaque année !

Or, la rigidité des lois de programmation contraint les dépenses : elles ajoutent 5,2 milliards d'euros de dépenses en 2024 et 27,3 milliards d'euros à l'horizon 2030. Le Premier ministre a raison de refuser les tabous, toutes les dépenses doivent être examinées. Nous devons revenir à l'esprit de la Lolf, c'est-à-dire justifier chaque dépense « au premier euro ».

En 2021 et 2022, le gouvernement précédent se réjouissait de recettes supérieures aux prévisions ... En 2023, le temps des bonnes surprises a pris fin, avec une diminution des recettes de plus de 6 milliards d'euros.

Les recettes de tous les grands impôts connaissent une baisse en 2023 plus ou moins marquée : -0,4 milliard d'euros pour l'impôt sur le revenu, pour atteindre 88,6 milliards d'euros, en raison de certaines mesures relatives aux crédits d'impôt ; -5,3 milliards d'euros pour l'impôt sur les sociétés (IS) qui avait fait l'objet en cours d'année d'estimations de produit très exagérées. Depuis 2017, le produit de l'IS a connu des variations annuelles parfois importantes, mais autour d'un niveau en réalité assez stable, si l'on considère que celui-ci a été réduit pendant des années par le crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE). Les montants d'IS en 2017, 2019, 2021 et 2023 sont assez similaires en euros constants. La baisse du taux, que nous avons soutenue pour la compétitivité de la France, n'a donc pas eu pour effet d'augmenter les recettes, contrairement à ce que prétendait le précédent ministre de l'économie.

La TVA, à hauteur de 95,2 milliards d'euros, diminue de 5,6 milliards d'euros par rapport à 2022, en raison d'un nouveau transfert de part de TVA. L'État s'est ainsi progressivement privé de ce qui était sa recette prépondérante, sans compenser cette diminution par un effort sur les dépenses.

En conséquence, le niveau des recettes fiscales nettes, en euros constants, reste stable sur le moyen terme et en diminution de plus de 9 % par rapport à 2017. Elles auraient augmenté de manière assez nette si la TVA était restée affectée à l'État.

S'agissant enfin du respect de l'autorisation budgétaire, qui fait aussi l'objet du projet de loi, la chute des recettes par rapport à la loi de fin de gestion est considérable et inédite : -7,7 milliards d'euros. Elle fait suite à trois années d'erreurs en sens inverse, qui ne s'expliquaient que partiellement par la crise. La France a un véritable problème de prévision des recettes fiscales. Le ministre de l'économie et des finances nous a dit qu'il souhaitait s'en saisir et nous l'approuvons, même si, tout particulièrement en 2023 et au début de 2024, les éventuelles erreurs des modèles techniques ont été amplifiées par les arbitrages et une communication suractive du précédent gouvernement.

Si le déficit est aussi élevé, c'est qu'aucun effort en matière de dépenses n'est venu compenser les chutes de recettes, et que la gestion budgétaire est restée en 2023 toujours aussi laxiste.

Les dépenses nettes du budget général de l'État ont encore progressé de 1,9 milliard d'euros entre 2022 et 2023, malgré la fin de plusieurs dispositifs d'urgence, qui sont les seuls à diminuer de manière significative.

Les principaux postes d'augmentation sont les remboursements et dégrèvements de l'État, qui ont augmenté - excusez du peu - de 50 milliards d'euros depuis 2013, et les engagements financiers de l'État.

Malgré la sortie de crise, aucune économie budgétaire n'a été proposée en 2023 par le gouvernement d'alors. Pire encore, les dépenses exceptionnelles ont été plus que remplacées par des dépenses courantes, de manière inconsciente par rapport à l'évolution des recettes que nous venons d'analyser. Les dépenses ont en effet augmenté de plus de 16 % en euros constants par rapport à 2017, alors que les années 2007 à 2012 avaient montré qu'il était possible de les maintenir à un niveau relativement stable.

Le projet de loi de finances pour 2025 prévoit un niveau de dépenses en baisse de 3 % en euros constants par rapport à 2023 : l'effort est significatif, il est nécessaire et il devra se poursuivre. Il devra aussi concerner la masse salariale, qui a augmenté de près de 5 milliards d'euros entre 2022 et 2023, en particulier à cause de la revalorisation du point de la fonction publique.

Enfin, l'année 2023 a vu la poursuite de l'application de techniques budgétaires anormales que nous dénonçons depuis plusieurs années maintenant, telles que les reports de crédits, d'un montant de 16,1 milliards d'euros, pour un grand nombre de programmes. Je note que le ministre des comptes publics s'est engagé devant nous, vendredi dernier, à limiter strictement ces reports l'an prochain.

Une autre manière d'envisager ce problème est de comparer les crédits ouverts aux crédits consommés. L'écart considérable depuis quelques années témoigne d'une volonté de soustraire une quantité importante de crédits à l'autorisation parlementaire, par l'ouverture de poches de budgétisation qui seront finalement annulées ou reportées l'année suivante. Un cas extrême est le programme 367, qui est censé financer des opérations patrimoniales : il a disposé de 2 milliards d'euros en 2023, exclusivement par report de crédits, qui n'ont d'ailleurs pas été utilisés, mais reportés à 2024.

Enfin, l'examen de ce projet de loi est également l'occasion de porter une appréciation sur le dispositif budgétaire de suivi de la performance. Nous sommes ici en présence d'un cas clinique, et malheureusement pathologique, des processus bureaucratiques dans notre pays.

Lors du vote de la Lolf en 2001, le suivi de la performance avait été présenté comme une avancée majeure. Les plus optimistes pensaient alors que les indicateurs de performance allaient entraîner une dynamique de rationalisation de nos dépenses. Les chiffres que je viens de rappeler sur l'état de nos finances publiques suffisent à démontrer qu'elle n'a pas eu lieu.

Mais, au-delà du contenu de la dépense, il est regrettable que l'instrument de suivi ait connu un processus de bureaucratisation qui l'éloigne des enjeux réels que nous examinons lors des débats sur le PLF. Nous avons ainsi donné raison aux craintes formulées par le président Jean Arthuis qui pointait du doigt la création d'une « bureaucratie lolfienne » de la performance. Dans la situation actuelle, les indicateurs sont à la fois trop nombreux, inadaptés et largement inexploitables.

Il n'y avait pas moins de 1 941 sous-indicateurs en 2023, ce qui représente un travail très lourd de suivi au regard de leur utilité réduite. Beaucoup d'indicateurs n'ont pas de lien direct avec la dépense. Nous prétendons ainsi mesurer l'efficacité de la diplomatie française par le nombre d'opérations de maintien de la paix lancé par l'ONU sur une année. Même si notre diplomatie peut et fait beaucoup, il semble un peu prétentieux d'exclure les nombreuses causes extérieures à la France qui expliquent l'évolution des opérations de l'ONU.

Beaucoup de sous-indicateurs ne sont assortis d'aucune cible quantitative exploitable, ce qui neutralise leur utilité. En 2023, ce fut le cas d'un indicateur sur trois. C'est du temps gâché alors que nous devons concentrer notre effort sur les économies à réaliser en priorité.

J'appelle donc de mes voeux une remise à plat de cet instrument. La bureaucratisation de la performance n'est pas une fatalité. Nous devons concevoir un dispositif allégé, mieux coordonné avec les priorités politiques du Gouvernement et pleinement intégré dans le pilotage stratégique des dépenses ; ce serait un retour à l'esprit de la Lolf. Cela permettrait d'alléger la charge de travail de la direction du budget et des responsables de programme et leur dégagerait du temps utile pour le pilotage stratégique de la dépense qui nous fait tant défaut.

En conclusion, cela ne vous étonnera pas que je vous propose de ne pas adopter ce projet de loi relatif aux résultats de la gestion et portant approbation des comptes de l'année 2023.

Certes, comme les précédents, ce projet de loi de règlement ne fait que constater les résultats d'une gestion budgétaire passée. Toutefois, le niveau des déficits, injustifiable hors période de crise, et surtout l'ampleur de l'écart entre l'autorisation parlementaire et l'exécution budgétaire, ainsi que l'usage inconsidéré de procédures d'exception doivent, me semble-t-il, être sanctionnés par le Parlement. Il faudra bien un jour que le Parlement renoue avec l'adoption des projets de loi relatifs aux résultats de la gestion des années passées, mais je doute que la gestion 2024 le permette.

Permettez-moi d'en dire un mot. Tout le monde semble découvrir l'écart entre la prévision initiale de déficit, à savoir 4,4 %, et celle qui est finalement attendue, à hauteur de plus de 6 %. Or cette dégradation n'est pourtant pas une surprise. Les travaux de notre mission d'information l'avaient déjà identifiée. Qui plus est, une note du Trésor prévoyait, dès le 16 février dernier, que le déficit s'établirait à 5,7 %.

Nous avons dit et écrit que la dégradation des comptes en 2023 aurait un impact majeur sur ceux de l'année 2024. Mais il est vrai qu'à l'époque l'autosatisfaction du ministre et la poursuite d'une communication très active et sans rapport avec la réalité du creusement des déficits rendaient nos paroles peu audibles.

Rien n'ayant été fait au cours de l'exercice 2024 pour répondre aux signaux d'alerte envoyés dès l'été 2023, la dégradation va maintenant dépasser 50 milliards d'euros. Voilà qui va nous contraindre si fortement lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2025.

M. Vincent Delahaye. - Disposerons-nous de prévisions de recettes plus documentées pour 2025 ?

Dans votre présentation, pourriez-vous distinguer les dépenses exceptionnelles de celles qui ne le sont pas entre 2020 et 2023 ?

M. Pascal Savoldelli. - Dans votre présentation, que recouvre le chiffre de 0,8 point concernant l'exportation parmi les postes de demande de PIB ?

Si l'on calcule sur toute la période, le CICE aurait représenté 125 milliards d'euros : ai-je bien compris ?

J'ai été un peu perdu lorsque vous avez parlé d'une performance bureaucratisée largement inexploitable. Mais si, comme vous le dites, 70 % des indicateurs sont exploitables, quelles sont les conséquences à en tirer ?

Mme Isabelle Briquet. - Ce projet de loi s'inscrit dans le droit fil des lois de règlement 2021 et 2022 qui n'ont pas été adoptées. Le déficit n'est pas creusé par la hausse des dépenses, mais bien par la baisse des recettes. L'écart par rapport à la prévision est très important, entraînant une dégradation des finances publiques.

Nous pourrions approuver les comptes, tout en nous opposant fermement à la politique budgétaire menée, mais il faudrait pour cela que l'exécution ait été conforme à la prévision, ce qui n'est pas le cas.

Le niveau de report de crédits est encore élevé, à hauteur de 16 milliards d'euros - ce n'est pas rien. La Cour des comptes note un cycle de sous-consommation des reports qui porte atteinte au principe de l'annualité budgétaire. Le groupe socialiste ne votera donc pas ce texte.

M. Michel Canévet. - Cela fait trois ans que le Parlement ne vote pas la loi de règlement - cinq ans pour notre part. Peut-il y avoir des incidences sur les exercices à venir ? Le groupe Union Centriste, pour l'essentiel, s'abstiendra.

Je regrette que la baisse des dépenses ne soit pas aussi forte que la baisse des recettes observée ; partagez-vous cet avis ?

Mme Nathalie Goulet. - La faiblesse des outils dont dispose le Parlement est notable. Cette fois-ci, on peut presque parler de dol ! Nous orientons-nous vers une modification de la Lolf ? On ne peut plus continuer comme cela !

M. Christian Bilhac. - La comparaison entre les crédits ouverts et les crédits consommés est édifiante. Ma question est simple : y a-t-il à Bercy un fonctionnaire qui, de temps en temps, regarde où en est la dépense ?

Mme Christine Lavarde. - Nous non plus, nous ne voterons pas ce projet de loi. Nous avons entendu les critiques très précises du rapporteur général sur l'exécution. Je poserai la même question que Michel Canévet sur les conséquences éventuelles d'un vote négatif sur plusieurs exercices successifs. Les ministres avaient parlé l'année dernière d'un effet sur le versement des fonds européens, mais aussi sur des comptes d'affectation spéciale (CAS)...

M. Jean-François Husson, rapporteur général. - Les documents dont nous disposons à ce stade pour la prévision des recettes sont les mêmes. Si d'autres étaient mis à notre disposition, au regard du caractère inédit de l'examen du PLF qui s'annonce, nous les partagerions avec vous.

Nous n'avons pas consolidé les dépenses exceptionnelles sur plusieurs années ; mais nous allons le faire.

Le chiffre de 0,8 point correspond à la contribution des exportations à la croissance du PIB, s'expliquant notamment par le dynamisme du secteur aéronautique. Mais c'est un rattrapage ponctuel par rapport à l'année précédente, puisque la balance commerciale reste dans une situation préoccupante.

Pour les indicateurs qui était exploitables pour l'exercice 2023, la cible a été atteinte pour 659 indicateurs, soit 49 % d'entre eux. Des précisions sur l'atteinte des cibles fixées pour les indicateurs figurent dans le rapport.

Madame Briquet, je suis d'accord avec vous sur les recettes, mais je ne partage pas votre diagnostic sur les dépenses publiques car elles continuent d'augmenter et l'écart entre les unes et les autres conduit à l'impasse budgétaire.

La non-adoption de la loi de règlement n'a que peu de conséquences, sauf sur les nomenclatures comptables. Mais les ministres nous ayant mis en garde par le passé, nous allons demander à l'administration des précisions juridiques sur les fonds européens.

Je ne pense pas qu'il faille réviser la Lolf, mais il importe plutôt de respecter sa lettre et son esprit. La mission d'information à ce sujet avait établi une liste de recommandations visant à améliorer l'information du Parlement. La révision des règles budgétaires européennes nécessitera de toute façon une révision de la Lolf : nous pourrons en profiter pour les y intégrer.

M. Claude Raynal, président. - Je rappelle que nous avions demandé le report de la récente modification de la Lolf pour y intégrer les nouvelles règles budgétaires européennes, en vain...

La commission a décidé de proposer au Sénat de ne pas adopter le projet de loi relatif aux résultats de la gestion et portant approbation des comptes de l'année 2023. En conséquence, elle a décidé de ne pas adopter chacun des articles du projet de loi.

LA LOI EN CONSTRUCTION

Pour naviguer dans les rédactions successives du texte, le tableau synoptique de la loi en construction est disponible sur le site du Sénat à l'adresse suivante :

https://www.senat.fr/dossier-legislatif/pjl24-032.html


* 1 Données Insee.

* 2 Projections macroéconomiques - France, Banque de France, 18 septembre 2023.

* 3 Les données de cette partie sont celles de l'Insee et proviennent du document Insee Première n° 1997 de mai 2024 « Les comptes de la Nation en 2023 - Le PIB ralentit mais le pouvoir d'achat des ménages accélère légèrement » et de la note de conjoncture du 9 juillet 2024 « Du PIB, des Jeux, des inconnues », comprenant des données plus récentes.

* 4 La consommation a augmenté de 0,9 % par rapport à son niveau antérieur mais, étant donné qu'elle ne constitue qu'une partie du PIB, elle n'a contribué qu'à hauteur de 0,5 point à la croissance du PIB.

* 5 Voir les chiffres de la note de conjoncture de juillet 2024 de l'Insee « Du PIB, des Jeux, des inconnues ».

* 6 Rapport général n° 128 (2023-2024) déposé le 23 novembre 2023 par M. Jean-François HUSSON, rapporteur général de la commission des finances. Tome I : le budget de 2024 et son contexte économique et financier.

* 7 Pour une analyse plus poussée des raisons ayant conduit à ce niveau de déficit, se reporter au rapport suivant : « Dégradation des finances publiques : entre pari et déni ». Rapport d'information n° 685 (2023-2024) du 12 juin 2024 de M. Jean-François HUSSON, rapporteur de la mission d'information sur la dégradation des finances publiques depuis 2023, son suivi par l'administration et le Gouvernement et les modalités d'information du Parlement sur la situation économique, budgétaire et financière de la France.

* 8 Voir, pour plus de détails, le II. A. de la deuxième partie du présent rapport.

* 9 Les derniers textes financiers de l'année 2023 - loi de finances pour 2024, loi de programmation des finances publiques 2023-2027 et loi de finances de fin de gestion pour 2023 - prévoyaient en revanche un déficit de 4,9 % du PIB pour 2023, soit 0,6 point en-dessous de l'exécution.

* 10 Ce qui représente 1,7 % du PIB.

* 11 Données du compte des administrations publiques de 2023 de l'Insee.

* 12 FMI, World Economic Outlook, avril 2024.

* 13 Projet de loi relatif aux résultats de la gestion et portant approbation des comptes de l'année 2023, exposé des motifs.

* 14 Cour des comptes, Note d'exécution budgétaire relative aux recettes fiscales en 2023.

* 15  Dégradation des finances publiques : entre pari et déni, rapport d'information n° 685 (2023-2024) fait par Jean-François Husson au nom de la mission d'information sur la dégradation des finances publiques depuis 2023, son suivi par l'administration et le Gouvernement et les modalités d'information du Parlement sur la situation économique, budgétaire et financière de la France, déposé le 12 juin 2024.

* 16 Exposé des motifs du présent projet de loi relatif aux résultats.

* 17 Cette situation du compte d'affectation spéciale « Participations financières de l'État » concerne les recettes et dépenses de l'année. Le compte a pu réaliser ses opérations grâce à des recettes perçues au cours des années précédentes et reportées, de sorte que son solde cumulé reste positif à hauteur de 4,4 milliards d'euros.

* 18 Ce déficit s'explique principalement par le maintien du bouclier tarifaire fiscal sur l'électricité, qui a conduit à maintenir les versements d'avance aux collectivités au titre de l'ancienne taxe intérieure de consommation sur la fourniture d'électricité (TICFE) alors que les recettes de celle-ci restaient nulles.

* 19 Les produits de fonctionnement, hors dotations et reprises, sont de 29,5 milliards d'euros en 2023. La hausse résulte notamment d'acomptes versés par la Grèce et la Croatie au titre de cessions d'avions de combat « Rafale » et de la revalorisation des barèmes des tarifs domaniaux au 1er janvier 2023.

* 20 Une dotation a notamment été comptabilisée en 2022 à hauteur de 7,9 milliards d'euros à la suite d'un recours indemnitaire de la société EDF portant sur l'attribution de volumes d'électricité supplémentaires pour 2022 au titre du dispositif d'accès régulé à l'électricité nucléaire historique (ARENH).

* 21 En effet, l'ouverture de ces crédits au titre de ce programme, sur le budget général, creuse mécaniquement le déficit et donc accroît la dette du montant exact qui est versé par ce programme à la Caisse de la dette publique, soit 6,6 milliards d'euros en 2023.

* 22 La « dette Covid » ne peut pas être techniquement distincte du reste de la dette de l'État : l'augmentation de la dette liée aux dépenses exceptionnelles et aux pertes de recettes constatées pendant la crise sanitaire n'a pas été réalisée par l'émission de titres de dette spécifiques, mais par l'augmentation des montants d'émissions de dettes réalisées à ce moment-là par l'Agence France Trésor.

* 23 Loi n° 2023-1059 du 20 novembre 2023 d'orientation et de programmation du ministère de la justice 2023-2027.

* 24 Loi n° 2023-22 du 24 janvier 2023 d'orientation et de programmation du ministère de l'intérieur.

* 25 Loi n° 2023-703 du 1er août 2023 relative à la programmation militaire pour les années 2024 à 2030 et portant diverses dispositions intéressant la défense.

* 26 Loi n° 2020-1674 du 24 décembre 2020 de programmation de la recherche pour les années 2021 à 2030 et portant diverses dispositions relatives à la recherche et à l'enseignement supérieur.

* 27 Plafonds de dépenses prévisionnels en vue de l'examen et du vote du projet de loi de finances pour 2025, projet de rapport pris en application de l'article 48 de la loi organique relative aux lois de finances, transmis au président et au rapporteur général de la commission des finances le 19 septembre 2024.

* 28 Réponse du Gouvernement aux réserves formulées par la Cour des comptes dans son acte de certification des comptes au titre de 2023.

* 29 Source : compte général de l'État 2018.

* 30 À partir de 2023, en application de la réforme de la loi organique relative aux lois de finances du 28 décembre 2021, les remboursements et dégrèvements d'impôts locaux sont considérés comme des dépenses et ne sont donc plus retirés des recettes fiscales nettes.

* 31 L'écart a été de - 37,2 milliards d'euros en 2022, + 39,0 milliards d'euros en 2021 et + 36,1 milliards d'euros en 2022.

* 32 Loi n° 2023-1114 du 30 novembre 2023 de finances de fin de gestion pour 2023.

* 33 Les remboursements et dégrèvements relatifs au prélèvement de solidarité font désormais l'objet d'une ligne distincte dans la catégorie des autres recettes fiscales nettes, alors qu'ils étaient auparavant intégrés aux recettes nettes d'impôt sur le revenu.

* 34 François Ecalle, L'impôt sur les sociétés, site Fipeco.

* 35 En outre, les remboursements et dégrèvements d'impôts locaux étaient, par convention, retirés des autres recettes fiscales nettes, ce qui diminuait encore leur niveau dans la présentation budgétaire.

* 36 Loi n° 2022-1726 du 30 décembre 2022 de finances pour 2023.

* 37 Sur les dix dernières années, l'écart entre prévision et exécution a varié de - 12,4 % en 2017 à + 10,3 % en 2020.

* 38 Le coût des emprunts de la Commission européenne est passé de 0,14 % au second semestre 2021 à 3,56 % au second semestre 2023.

* 39 Les prêts accordés au titre des mesures d'assistance macro-financière (AMF) à l'Ukraine comprennent l'AMF d'urgence (1,2 milliard d'euros, versés dès le printemps 2022), l'AMF exceptionnelle ou AMF 2 (6 milliards d'euros, versés en 2022) et l'AMF+ (18 milliards d'euros, versés en 2023).

* 40 Cour des comptes, Note d'exécution budgétaire relative au prélèvement sur recettes à destination de l'Union européenne, annexée au rapport sur le budget de l'État en 2023.

* 41 4,8 % pour l'indice des prix à la consommation hors tabac, en moyenne annuelle.

* 42 Exposé des motifs du projet de loi relatif aux résultats de la gestion pour 2023, p. 24.

* 43 Plus précisément, le solde exécuté est égal à la différence entre, d'une part, les recettes et, d'autre part, la somme des crédits ouverts par les lois de finances de l'année et des crédits reportés depuis l'exercice précédent, desquels sont retranchés les crédits annulés pendant l'exercice et les crédits reportés à l'exercice suivant.

* 44 C'est-à-dire les crédits ouverts par les lois de finances initiale, rectificative ou de fin de gestion, ou encore par fonds de concours (FDC) et attribution de produits (ADP).

* 45 Cour des comptes, rapport sur le budget de l'État en 2023, reprenant un constat déjà fait dans son rapport sur le budget de l'État en 2022.

* 46 Courrier au président et au rapporteur général de la commission des finances, en date du 10 mars 2023.

* 47 Programme 109 « Aide à l'accès au logement » de la mission « Cohésion des territoires », programme 156 « Gestion fiscale et financière de l'État et du secteur public local » de la mission « Gestion des finances publiques » et programme 304 « Inclusion sociale et protection des personnes » de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances ».

* 48 Il s'agit des programmes portant des crédits finançant la charge de la dette et des programmes des missions « Crédits non répartis », « Pouvoirs publics », « Plan de relance » et « Investir pour la France de 2030 ».

* 49 Cour des comptes, rapport sur le budget de l'État en 2023, p. 110.

* 50 Décret n° 2023-883 du 18 septembre 2023 portant annulation de crédits.

* 51 Rapport relatif au décret n° 2023-883 du 18 septembre 2023 portant annulation de crédits, présenté par le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

* 52 Loi n° 2023-1114 du 30 novembre 2023 de finances de fin de gestion pour 2023.

* 53 Projet de loi relatif aux résultats de la gestion et portant approbation des comptes de l'année 2023, exposé général.

* 54 Loi organique n°2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances.

* 55 Cour des comptes, novembre 2011, La mise en oeuvre de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF) : un bilan pour de nouvelles perspectives, p. 192.

* 56 Cour des comptes, décembre 2023, La préparation et le suivi du budget de l'État : redonner une place centrale à la maîtrise des dépenses, p. 48.

* 57 Réponses au questionnaire du rapporteur général.

* 58 Cour des comptes, novembre 2011, La mise en oeuvre de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF) : un bilan pour de nouvelles perspectives.

* 59 Sénat, commission des finances, n°220 (2004-2005), 2 mars 2005, Rapport d'information sur les objectifs et les indicateurs de performance de la LOLF, au rapport de M. Jean Arthuis.

* 60 Les données exploitées dans cette partie sont issues de la synthèse chiffrée publiée conjointement au projet de loi relatif aux résultats de la gestion et portant approbation des comptes de l'année 2023 sur le site de la direction du budget.

* 61 Circulaire n°6373/SG du Premier ministre relatif aux politiques prioritaires du Gouvernement du 19 septembre 2022.

* 62 Sénat, commission des finances, n°220 (2004-2005), 2 mars 2005, Rapport d'information sur les objectifs et les indicateurs de performance de la LOLF, au rapport de M. Jean Arthuis.

* 63 Cour des comptes, décembre 2023, La préparation et le suivi du budget de l'État : redonner une place centrale à la maîtrise des dépenses, p. 48.

* 64 Loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances.

* 65 Loi organique n° 2021-1836 du 28 décembre 2021 relative à la modernisation de la gestion des finances publiques.

* 66 À champ constant.

* 67 Au sens de la loi de programmation des finances publiques pour 2023-2027.

* 68 Loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances.

* 69 Les ressources mises à disposition du Fonds et retracées, à titre d'information uniquement, dans le compte de commerce « Opérations avec le Fonds monétaire international » sont assimilées à un prêt, dont la créance est rachetée par la Banque de France. En conséquence, le solde de ce compte de commerce n'est pas inclus dans le solde budgétaire et il n'a pas non plus d'effet sur la trésorerie de l'État.

* 70 Les états financiers et l'annexe sont publiés dans un même document, intitulé « Compte général de l'État » et accompagné de présentations plus synthétiques, sur : https://www.budget.gouv.fr/documentation/comptes-de-letat.

* 71 Loi organique n° 2021-1836 du 28 décembre 2021 relative à la modernisation de la gestion des finances publiques.

* 72 L'annexe 2 au projet de loi précise que deux opérations de remise de dettes sont concernées : une en faveur de la Côte d'Ivoire, pour un capital de 345,6 millions d'euros, et une autre en faveur de la Tunisie, pour un montant en capital de 32,0 millions d'euros.

* 73 L'annexe 2 précitée précise que cet abandon de créance d'un montant de 24,0 millions d'euros concerne un prêt octroyé par l'État à la société Air Austral sur le fonds de développement économique et social (FDES).

* 74 Un accord sur les actifs financiers nets autorise les banques centrales nationales de l'Eurosystème à accroître leurs portefeuilles non liés à la mise en oeuvre de la politique monétaire dans des limites définies et revues chaque année par le conseil des Gouverneurs.

* 75 Communiqué de l'Eurogroupe sur le programme d'ajustement pour la Grèce, 21 février 2012 ( https://www.consilium.europa.eu/media/25716/128075.pdf) ; communiqué de l'Eurogroupe sur la Grèce, 27 novembre 2012 ( https://www.consilium.europa.eu/uedocs/cms_Data/docs/pressdata/en/ecofin/133857.pdf).

* 76 Loi n° 2012-958 du 16 août 2012 de finances rectificative pour 2012.

* 77 Cette quote-part est calculée en s'appuyant sur la quote-part des banques centrales nationales au capital de la Banque centrale européenne, soit environ 20 % pour la Banque de France.

* 78 Loi n° 2019-1479 du 28 décembre 2019 de finances pour 2020.

* 79 Rapport annuel de performance annexé au projet de loi de règlement du budget et d'approbation des comptes pour 2015.

* 80 Rapport annuel de performance annexé au projet de loi de règlement du budget et d'approbation des comptes pour 2016.

* 81 Loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances.

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