- AVANT-PROPOS
- EXAMEN DES ARTICLES
- Article 1er
Contrôle du pluralisme dans les médias audiovisuels
- Article 2
Renforcement du régime de sanctions de l'Arcom
- Article 3
Renforcement du Comité relatif à l'honnêteté, à l'indépendance
et au pluralisme de l'information et des programmes (CHIPIP)
- Article 4
Renforcement des chartes déontologiques des journalistes
- Article 5
Secret des sources
- Article 6
Approbation du directeur de la rédaction par ses membres
- Article 7
Droits voisins des éditeurs et des agences de presse
- Article 7 bis (nouveau)
Application aux collectivités d'outre-mer
- Article 8
Gage
- Article 1er
- EXAMEN EN COMMISSION
- LISTE DES PERSONNES ENTENDUES
ET DES CONTRIBUTIONS ÉCRITES
- RÈGLES RELATIVES À L'APPLICATION DE
L'ARTICLE 45
DE LA CONSTITUTION ET DE L'ARTICLE 44 BIS
DU RÈGLEMENT DU SÉNAT (« CAVALIERS »)
- LA LOI EN CONSTRUCTION
N° 20
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 2024-2025
Enregistré à la Présidence du Sénat le 9 octobre 2024
RAPPORT
FAIT
au nom de la commission de la culture, de
l'éducation, de la communication et du sport (1) sur la proposition
de loi visant à renforcer
l'indépendance des
médias
et à mieux
protéger les
journalistes,
Par Mme Sylvie ROBERT,
Sénatrice
(1) Cette commission est composée de : M. Laurent Lafon, président ; MM. Jérémy Bacchi, Max Brisson, Yan Chantrel, Mme Laure Darcos, MM. Bernard Fialaire, Jacques Grosperrin, Martin Lévrier, Mmes Monique de Marco, Marie-Pierre Monier, M. Michel Savin, vice-présidents ; Mmes Colombe Brossel, Else Joseph, M. Pierre-Antoine Levi, Mme Anne Ventalon, secrétaires ; Mmes Marie-Jeanne Bellamy, Catherine Belrhiti, Annick Billon, Alexandra Borchio Fontimp, Sophie Briante Guillemont, M. Christian Bruyen, Mmes Samantha Cazebonne, Karine Daniel, Sabine Drexler, M. Aymeric Durox, Mmes Agnès Evren, Laurence Garnier, Béatrice Gosselin, MM. Jean Hingray, Patrick Kanner, Claude Kern, Mikaele Kulimoetoke, Mme Sonia de La Provôté, MM. Gérard Lahellec, Ahmed Laouedj, Michel Laugier, Jean-Jacques Lozach, Mmes Pauline Martin, Catherine Morin-Desailly, Mathilde Ollivier, MM. Pierre Ouzoulias, Jean-Gérard Paumier, Stéphane Piednoir, Bruno Retailleau, Mme Sylvie Robert, MM. David Ros, Pierre-Jean Verzelen, Cédric Vial, Adel Ziane.
Voir les numéros :
Sénat : |
741 (2023-2024), 16 et 21 (2024-2025) |
AVANT-PROPOS
La question de l'indépendance des médias occupe l'espace public depuis plusieurs années. Les controverses qui ont entouré certains mouvements capitalistiques récents, comme le rachat d'Itélé en 2016 ou du Journal du Dimanche (JDD) en 2023 ont en effet mis en lumière la question cruciale de la confiance en l'information délivrée, qui se surajoute aux difficultés structurelles de la presse dans son ensemble. Or cette confiance en des médias libres et transparents sur leurs modalités de fonctionnement apparait comme un préalable nécessaire à toute forme de débat public éclairé. Fondement essentiel de la démocratie, les médias sont désormais interrogés aussi bien sur les contenus délivrés (« Cette information est-elle vraie ? ») que sur leurs motivations (« Quels intérêts particuliers sert cette information ? »).
Si la presse écrite en France s'est dès le début du XIXe siècle distinguée par son caractère de presse d'opinion, encore perceptible aujourd'hui à travers la « couleur » politique bien connue des grands quotidiens nationaux, il a en effet toujours existé un consensus sur la qualité et la véracité des informations délivrées, que le journaliste, au-delà de l'interprétation, s'est employé à vérifier. Les médias audiovisuels, pour leur part, sont tenus par la loi du 30 septembre 1986 de pratiquer un « pluralisme interne » qui garantit l'expression de toutes les sensibilités sur les antennes.
Deux évolutions ont cependant marqué ces dernières années.
D'une part, alors que les médias écrits ou audiovisuels ont pendant longtemps exercé un monopole sur la vérification et la diffusion d'informations, ils sont désormais concurrencés par les grandes plateformes numériques et les réseaux sociaux, qui sont en mesure de diffuser instantanément toute forme d'information tout en asséchant les ressources économiques des médias traditionnels.
D'autre part, et pour faire face à cette concurrence liée à « l'instantanéité », les médias, notamment audiovisuels, ont adopté à leur tour un rythme plus soutenu, avec en particulier l'arrivée des chaînes d'information en continu et des émissions dites « de plateau » sur le modèle américain où l'actualité est analysée par des commentateurs, parfois au détriment de la recherche et de la vérification de l'information. Les frontières ont donc été brouillées entre l'information et le divertissement, avec le mot valise « d'infotainment ».
Ces deux mouvements ont abouti au paradoxe que jamais l'information n'a été disponible si rapidement, et jamais elle n'a paru aussi peu fiable et elle-même sujette à controverses et débats.
Comme le prévoit l'article 34 de la Constitution, depuis la révision de 20081(*), la loi fixe les règles concernant « la liberté, le pluralisme et l'indépendance des médias ». Le législateur a ainsi pris de nombreuses initiatives pour remplir cet objectif, comme la loi du 14 novembre 2016 visant à renforcer la liberté, l'indépendance et le pluralisme des médias ou la loi du 24 juillet 2019 tendant à créer un droit voisin au profit des agences de presse et des éditeurs de presse. Des travaux approfondis ont de surcroit été consacrés aux médias, comme le rapport de la commission d'enquête du Sénat sur les concentrations en 20222(*) ou encore ceux de la mission d'information de l'Assemblée nationale sur l'évaluation de la loi du 14 novembre 20163(*).
Dernièrement, enfin, des « États généraux de l'information » (EGI) se sont tenus d'octobre 2023 à juillet 2024 pour traiter l'intégralité des thématiques, des conditions de production de l'information à la lutte contre les fausses informations en passant par le financement.
Ces travaux ont tous souligné l'inadéquation de notre cadre législatif aux grands mouvements qui ont agité le monde de l'information ces vingt dernières années.
L'objet de la présente proposition de loi visant à renforcer l'indépendance des médias et à mieux protéger les journalistes est donc de tirer les premiers enseignements de l'ensemble des réflexions menées, afin de tracer un cadre législatif adapté au XXIe siècle.
Son article premier a pour objet de donner une valeur législative à la décision du Conseil d'État du 13 février 2024 sur la manière dont l'Arcom doit d'assurer le respect du pluralisme dans les médias audiovisuels.
L'article 2 vise à doter l'Arcom de nouveaux outils de régulation pour lui permettre d'agir plus efficacement face à des débordements répétés à l'antenne.
L'article 3 renforce les comités relatifs à l'honnêteté, à l'indépendance et au pluralisme de l'information et des programmes (CHIPIP).
L'article 4 complète la loi du 29 juillet 1881 en donnant une assise juridique aux chartes de déontologie issues de la loi du 14 novembre 2016.
L'article 5, qui traite du secret des sources, a été délégué au fond à la commission des lois.
L'article 6 vise à instituer un droit d'agrément des rédactions sur leur directeur.
L'article 7 améliore les dispositions de la loi du 24 juillet 2019 sur les droits voisins, adoptée à l'initiative du Sénat.
Ambitieuse, cette proposition de loi traite donc de plusieurs thématiques distinctes mais reliées par le souci de donner aux médias en France les moyens de revenir au centre du jeu démocratique.
I. LES DISPOSITIONS DE LA PROPOSITION DE LOI
Les quatre premiers articles de la proposition de loi visent à renforcer l'indépendance des médias.
A. UN RÔLE RÉNOVÉ POUR LE RÉGULATEUR
La régulation du secteur audiovisuel est assurée par l'Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (Arcom). Elle est chargée de faire respecter les dispositions de la loi du 30 septembre 1986.
1. Assurer le respect de l'obligation de pluralisme par les médias audiovisuels
L'article 13 de la loi du 30 septembre 1986 confie à l'Arcom le contrôle du respect par les antennes des éditeurs de services de télévision et de radio du pluralisme de l'expression politique. L'Autorité utilise comme indicateur le temps d'antenne des personnalités politiques, qui doit être « équitable au regard des éléments de leur représentativité ».
Cette interprétation « arithmétique » a prévalu jusqu'à la décision du Conseil d'État du 13 février 2024, dans une affaire opposant l'association Reporters sans frontières (RSF) à la chaîne CNews. La Haute juridiction a alors indiqué que le régulateur devait exercer son contrôle de manière plus large et structurelle, en tenant compte de l'ensemble des éléments qui constituent le temps d'antenne. L'Arcom a alors adopté une délibération le 17 juillet 2024, dont l'article 1er précise qu'elle « prend en compte dans cette appréciation les interventions de l'ensemble des participants aux programmes diffusés ».
L'article 1er de la présente proposition de loi vise à donner une valeur législative à cette décision du Conseil d'État.
2. Donner à l'Arcom les moyens juridiques d'exercer plus efficacement les procédures de sanction
En application de la loi du 30 septembre 1986, l'Arcom contrôle le respect par les éditeurs de leurs obligations. Elle met en oeuvre une procédure de sanction graduée et proportionnée, qui va de la mise en demeure à diverses sanctions en fonction de la gravité des manquements.
Depuis 1989, le CSA, devenu Arcom, a ainsi émis 208 sanctions pécuniaires. La procédure a été réformée avec la loi du 25 octobre 2021 pour mieux tenir compte des exigences de procès équitables et de la jurisprudence du Conseil constitutionnel. Cependant, la lourdeur et les délais nécessaires demeurent critiqués, notamment en cas de manquements avérés et graves et d'absence de prise en compte par l'antenne des mises en demeure. À l'occasion de l'examen du renouvellement des fréquences, l'Arcom a cependant retiré son autorisation d'émettre à la chaîne C8, en se fondant notamment sur les mises en garde répétées dont la chaîne avait fait l'objet.
L'article 2 de la proposition de loi vise à offrir au régulateur de nouveaux moyens juridiques, en autorisant les sanctions, pouvant aller jusqu'à la résiliation de l'autorisation d'émettre, quand deux ou trois mises en demeure ont été émises sur une période de trois ans. L'autorisation pourrait également être retirée sans mise en demeure préalable en cas « d'atteinte manifeste et grave à la vie démocratique de la Nation ».
B. CONFORTER L'INDÉPENDANCE DES RÉDACTIONS
1. Donner une meilleure visibilité aux comités d'éthique
Institués par la loi « Bloche » du 14 novembre 2016, les Comités relatifs à l'honnêteté, à l'indépendance et au pluralisme de l'information et des programmes (CHIPIP) sont chargés, au sein des médias audiovisuels, de faire respecter les grands principes éthiques et déontologiques. Composés de personnalités indépendantes, ils peuvent se saisir ou être saisis par toute personne.
Les CHIPIP ont fait l'objet de plusieurs analyses, notamment par la commission d'enquête du Sénat sur la concentration des médias4(*) ou par la mission d'évaluation de l'Assemblée nationale sur la loi du 14 novembre 20165(*). Ces différents travaux déplorent leur faible visibilité ainsi que l'inégalité dans les saisines entre les différents groupes de médias.
L'article 3 de la proposition de loi vise à les rendre plus visibles, en particulier en mettant en place un mécanisme de saisine facilement accessible et en rendant publics l'ensemble de leurs avis. Un membre du comité assisterait de plus aux réunions du conseil d'administration.
2. Des chartes de déontologie rénovées
La loi du 14 novembre 2016 a rendu obligatoire la rédaction de chartes déontologiques dans les titres de presse écrite et audiovisuelle. Elle permet de guider les journalistes dans l'exercice de leurs missions, notamment au regard de leurs prérogatives spécifiques comme les clauses de cession ou de conscience.
Ces chartes demeurent cependant encore trop peu utilisées, quand elles ont été rédigées. De plus, elles souffrent d'une absence de visibilité en interne comme vis-à-vis de l'extérieur.
L'article 4 de la proposition de loi a donc pour objet, d'une part, de donner à ces chartes une base de référence, en prenant comme fondement les trois grands textes du journalisme que sont la Charte d'éthique professionnelle des journalistes de 1918, remaniée en 1938 et 2011, la Déclaration des droits et devoirs des journalistes, dite « Déclaration de Munich » de 1971, enfin la Charte d'éthique mondiale des journalistes de la Fédération internationale des journalistes, adoptée en 2019 à Tunis, d'autre part, de mettre en place un contrôle de la conformité des chartes à ces grands principes exercé par le Conseil de déontologie journalistique et de médiation (CDJM).
3. Création d'un droit d'agrément des rédactions
La loi du 29 juillet 1881 a consacré la liberté de la presse en France. Cependant, si les journalistes bénéficient de garanties spécifiques, les entreprises de presse n'en demeurent pas moins des entités économiques au sein desquelles s'exerce le pouvoir des actionnaires.
Plusieurs affaires récentes ont mis en lumière la faculté d'un actionnaire à faire évoluer de manière significative la ligne éditoriale d'un titre suite à un rachat. À cette occasion, une partie de la profession de journalistes a exprimé le souhait d'une association plus directe des rédactions à la gestion des titres, en promouvant l'idée d'un « droit d'agrément » des journalistes pour le directeur de rédaction.
L'article 6 vise ainsi à asseoir ce droit dans la loi du 29 juillet 1881, dans la presse écrite et audiovisuelle. Le directeur de la rédaction serait ainsi proposé par l'actionnaire et devrait recueillir l'accord de 60 % d'au moins la moitié des membres de la rédaction.
C. ÉQUILIBRER LES NÉGOCIATIONS SUR LES DROITS VOISINS DES ÉDITEURS ET DES AGENCES DE PRESSE
À l'initiative du Sénat, la loi du 24 juillet 2019 a accordé aux éditeurs et aux agences de presse un « droit voisin » sur les publications mises en ligne sur les plateformes numériques. Ce droit est perçu en échange de l'usage qui est fait par ces services des contenus de presse.
Son application a cependant donné lieu à de multiples conflits juridiques, l'Autorité de la concurrence ayant dû notamment infliger des amendes pour un montant total de 750 millions d'euros à Google.
L'article 7 de la proposition de loi vise à établir les conditions d'un dialogue plus équilibré entre les parties prenantes, afin de conforter ce droit. Ainsi :
Ø les éléments nécessaires à la négociation seraient déterminés par décret, l'absence de communication étant sanctionnée ;
Ø un mécanisme de médiation serait mis en place et une rémunération en cas d'absence d'accord serait arrêtée par l'Autorité de la concurrence.
II. LES APPORTS DE LA COMMISSION
À l'initiative de la rapporteure, la commission a adopté 11 amendements sur la proposition de loi.
A. UNE PRISE EN COMPTE PLUS PRÉCISE DU RESPECT DU PLURALISME
Un amendement modifiant l'article 1er propose une rédaction plus fidèle à l'arrêt du Conseil d'État du 13 février 2024, afin de garantir une meilleure prise en compte des obligations de respect du pluralisme.
B. ASSURER UNE PLUS GRANDE TRANSPARENCE DANS LES MÉDIAS EN MATIÈRE DE DÉONTOLOGIE
Trois amendements adoptés par la commission à l'article 3 permettent d'affirmer l'indépendance des Comités d'éthique, en faisant valider leur nomination par l'Arcom et en garantissant la confidentialité des échanges entre eux et les demandeurs.
Dans la même logique d'une plus grande transparence, deux amendements modifiant l'article 4 assurent la visibilité des chartes de déontologie issues de la loi du 14 novembre 2016.
C. MIEUX ENCADRER LES OBLIGATIONS DE TRANSMISSION D'INFORMATIONS DES PLATEFORMES AUX ÉDITEURS
La commission a adopté quatre amendements à l'article 7. Ils sont destinés :
ü à préciser le contenu et le respect du décret prévu à cet article, qui doit établir la liste des éléments que les plateformes doivent fournir aux éditeurs pour assurer une négociation équilibrée ;
ü à supprimer la faculté pour l'Autorité de la concurrence de déterminer les modalités de fixation de la rémunération des éditeurs en cas d'échec des négociations, cette mission n'entrant pas dans les attributions de l'Autorité et en raison d'incertitudes juridiques.
La commission a enfin adopté un article additionnel permettant l'application de la loi dans les îles Wallis et Futuna, en Polynésie française, en Nouvelle-Calédonie et dans les Terres australes et antarctiques françaises.
EXAMEN DES ARTICLES
Article 1er
Contrôle du pluralisme dans
les médias audiovisuels
Cet article vise à sanctuariser la décision du Conseil d'État du 13 février 2024 qui précise la manière dont l'Arcom doit apprécier le respect de l'obligation de pluralisme interne des médias audiovisuels.
I. - Le dispositif de la proposition de loi
a) Le respect du pluralisme dans les médias audiovisuels
Le pluralisme des courants de pensées et d'opinions dans les médias repose sur deux ensembles complémentaires qui doivent rendre possible la vitalité du débat démocratique : le pluralisme externe, qui suppose que plusieurs médias peuvent exprimer plusieurs points de vue et le pluralisme interne, qui permet d'assurer les différentes expressions sur un même support.
Le pluralisme externe repose sur la pluralité des titres de presse écrite, dont la diversité est supposée garantir un débat public équilibré. Les journalistes qui rejoignent un titre de presse n'ignorent pas la ligne éditoriale et politique du journal, et agissent ainsi « en leur âme et conscience ». Aujourd'hui encore, les titres de presse écrite, en particulier la presse quotidienne nationale, disposent très souvent d'une « couleur » politique parfaitement connue des lecteurs et qui oriente d'ailleurs leur choix. Le pluralisme externe ne suppose donc aucun contrôle spécifique autre que les garanties propres au statut de journaliste.
Tout en visant le même objectif de diversité des opinions, le régime applicable à l'audiovisuel est par nature très différent.
La rareté des fréquences du spectre hertzien a en effet conduit à inscrire dans la loi du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication une forme différente de pluralisme dit interne réputé garantir la diversité des opinions sur chaque antenne. Il était en effet inenvisageable d'accorder un canal de communication si dominant à une entreprise privée qui aurait pu y traiter l'information sans aucune contrainte autre qu'économique.
L'Arcom est chargée de faire respecter le pluralisme interne des médias audiovisuels, sur la base de deux fondements :
Ø d'une part, l'article 13 de la loi du 30 septembre 1986 prévoit que « l'Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique assure le respect de l'expression pluraliste des courants de pensée et d'opinion dans les programmes des services de radio et de télévision, en particulier pour les émissions d'information politique et générale » ;
Ø d'autre part, les conventions passées entre les chaînes et le Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA) listent leurs engagements et responsabilités, définis de manière identique en préambule, entre autres, le respect de la dignité de la personne humaine, le caractère pluraliste des courants de pensée et d'opinion, la qualité et diversité des programmes. Elles sont publiques et font l'objet d'une attention particulière du régulateur.
Concrètement, le contrôle du respect du pluralisme est effectué suivant les modalités définies par la délibération du CSA du 22 novembre 2017 relative au principe de pluralisme politique dans les services de radio et de télévision6(*).
Le II de l'article 1er de ladite délibération précise ainsi que « les éditeurs veillent à assurer aux partis et groupements politiques qui expriment les grandes orientations de la vie politique nationale un temps d'intervention équitable au regard des éléments de leur représentativité, [...] ». L'article 2 indique que « le temps d'intervention mentionné à l'article 1er s'entend comme le seul temps pendant lequel une personnalité s'exprime. » L'Arcom peut ainsi contrôler le respect de l'équilibre politique des débats de manière relativement simple, en additionnant le temps de paroles des personnalités politiques affiliées à tel ou tel parti en le mettant en rapport avec leur représentativité.
b) Un champ de contrôle qui fait débat
Ce mécanisme a cependant suscité des critiques, dont s'est largement fait écho le rapport de la commission d'enquête du Sénat sur la concentration dans les médias, qui a rendu ses conclusions le 29 mars 20227(*).
Au-delà du strict respect des temps de parole, un média possède en effet une identité, que l'on peut qualifier de « ligne éditoriale ». Elle est le fruit de l'ensemble des choix rédactionnels effectués par les journalistes. Complexe à définir, elle ne peut pas être pleinement objectivée. Elle est connue, voire revendiquée dans la presse écrite, mais pas dans l'audiovisuel, qui est précisément supposé accueillir une pluralité d'opinions et de points de vue. En la matière, toute reconnaissance par les éditeurs d'une télévision « d'opinion » serait contraire à leurs engagements et entraînerait des conséquences pouvant aller jusqu'à suppression de l'autorisation d'émettre. La « ligne éditoriale » n'est en elle-même ni définie, ni contrôlée par l'Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (Arcom).
L'arrivée des chaînes d'information en continu et le développement des émissions dites de plateaux, où des éditorialistes, experts, journalistes, témoins sont invités à s'exprimer sur l'actualité, a cependant brouillé les frontières entre information et débats. Il est en effet complexe d'attribuer une opinion politique à des intervenants qui ne représentent pas ouvertement un parti politique. Roch-Olivier Maistre, président du CSA, devenu Arcom, lors de son audition le 7 décembre 2021 devant la commission d'enquête sur la concentration des médias, avait ainsi souligné : « Il faut bien peser ce que voudrait dire une autorité administrative indépendante qui commencerait à se faire le juge du beau et du bien, qui dirait quels journalistes ou quels éditorialistes ont leur place dans tel ou tel débat. Je ne connais pas de démocratie qui fonctionne ainsi. [...] Le CSA n'est donc pas défaillant, mais il ne contrôle pas la ligne éditoriale des chaînes. Il contrôle leur format, mais il ne compose pas les plateaux des émissions de télévision ni ne choisit les journalistes ou les éditorialistes. Nous intervenons quand nous constatons des manquements clairement identifiés, mais nous ne sommes pas les juges de la ligne éditoriale d'une chaîne. »
Certains médias ont été accusés, sous couvert de liberté d'expression, de développer une ligne éditoriale favorable à tel ou tel bord politique, ou mettant en avant des thématiques de nature à en promouvoir certains. Le rapport précité de la commission d'enquête du Sénat a ainsi largement analysé les enjeux autour de la chaîne d'information en continu CNews.
C'est précisément ce média qui allait être à l'origine d'une décision particulièrement novatrice du Conseil d'État.
c) La saisine de l'association Reporters sans frontières et la décision « révolutionnaire » du Conseil d'État
Par un courrier du 30 novembre 2021, l'association Reporters sans frontières (RSF) a demandé au CSA, désormais Arcom, d'adresser à la société d'exploitation de la chaîne CNews, diffusée par voie hertzienne terrestre en mode numérique, une mise en demeure, sur le fondement des dispositions de l'article 42 de la loi du 30 septembre 1986, de se conformer à ses obligations relatives à sa qualité de « service consacré à l'information » prévue par sa convention d'autorisation ainsi qu'aux principes d'honnêteté de l'information, de pluralisme et d'indépendance de l'information.
Par une décision du 5 avril 2022, l'Arcom a refusé de faire droit à cette demande, ce qui a entrainé une saisine du juge administratif par RSF.
Le Conseil d'État a rendu sa décision le 13 février 2024. Il condamne la pratique de l'Arcom de contrôle du respect du pluralisme sur la seule base du décompte des temps de parole :
« Pour refuser de mettre en demeure l'éditeur de ce service de se conformer à ses obligations en matière de pluralisme, l'Arcom s'est bornée à apprécier le respect du pluralisme au seul regard du temps d'antenne accordé aux personnalités politiques, en considérant, comme cela ressort de sa réponse à la demande de mise en demeure ainsi que de ses écritures en défense, que le non-respect allégué de la diversité des courants de pensée et d'opinion exprimés par l'ensemble des participants aux programmes diffusés n'était pas susceptible, par lui-même, de constituer un manquement à cette exigence. En s'en tenant ainsi à la seule prise en compte du temps d'antenne accordé aux personnalités politiques pour l'appréciation des obligations du service en matière de pluralisme de l'information, l'Arcom a fait une inexacte application des dispositions de la loi du 30 septembre 1986 ».
La décision du Conseil d'État, qui a suscité de très nombreuses réactions médiatiques, invitait le régulateur à faire évoluer ses modalités de contrôle, en abandonnant le strict décompte arithmétique du temps de parole au profit d'une approche plus large.
L'Arcom a acté son nouveau cadre dans sa délibération du 17 juillet 20248(*) relative au respect du principe de pluralisme des courants de pensée et d'opinion par les éditeurs de services. Son article 1er indique que l'Arcom « prend en compte dans cette appréciation les interventions de l'ensemble des participants aux programmes diffusés. » L'article 2 liste les éléments qui permettent d'éclairer le choix du régulateur.
Les critères d'appréciation de l'Arcom
« Dans son appréciation du respect du pluralisme de l'expression des courants de pensée et d'opinion, l'Arcom tient compte :
« a) de la variété des sujets ou thématiques abordés à l'antenne ;
« b) de la diversité des intervenants dans les programmes ;
« c) de l'expression d'une pluralité de points de vue dans l'évocation des sujets abordés à l'antenne.
« L'Arcom tient également compte :
« d) du respect de l'obligation d'assurer l'expression des différents points de vue dans la présentation des questions prêtant à controverse, conformément au dernier alinéa de l'article 1er de la délibération susvisée du 18 avril 2018 ;
« e) du respect de la délibération susvisée du 22 novembre 2017 relative au principe de pluralisme politique dans les services de radio et de télévision et, au cours des périodes électorales, de la délibération susvisée du 4 janvier 2011 relative au principe de pluralisme politique dans les services de radio et de télévision en période électorale.
II. - L'objectif du présent article : élever au niveau législatif la jurisprudence du Conseil d'État
L'article 1er de la présente proposition de loi vise à sanctuariser la décision du Conseil d'État.
L'article 3-1 de la loi précitée de 1986 serait ainsi complété par un paragraphe qui affirmerait la faculté de l'Arcom à apprécier le respect des courants de pensée et d'opinion, en tenant compte :
ü de la diversité des sujets et des points de vue exprimés ;
ü des interventions de l'ensemble des participants. Ils incluent deux catégories spécifiquement mentionnées :
· les personnalités politiques,
· et tout intervenant « dès lors qu'il influe sur le débat et la vie politique ».
L'Arcom serait libre de définir les modalités de son contrôle sur cette base.
Ce nouveau paragraphe est de facto compatible avec la délibération du 17 juillet 2024, dont il constituerait une forme de base législative prise a posteriori.
III. - La position de la commission
À l'initiative de la rapporteure, la commission a adopté un amendement COM-1 reprenant de manière plus fidèle la jurisprudence du Conseil d'État.
La commission a adopté cet article ainsi modifié.
Article 2
Renforcement du régime de
sanctions de l'Arcom
Cet article vise à renforcer les pouvoirs de l'Arcom dans le cadre de la procédure de mise en demeure pour les éditeurs de services de communication audiovisuelle qui ne respecteraient pas leurs obligations.
I. - La situation actuelle
L'attribution d'une fréquence hertzienne, bien public rare, est soumise à un certain nombre d'obligations, comme on a pu le voir dans le commentaire de l'article 1er de la présente proposition de loi.
Elles sont formulées, d'une part, aux articles 1er et 3-1 de la loi du 30 septembre 1986 et, d'autre part, dans les conventions passées par les éditeurs avec l'Arcom au moment de l'attribution de la fréquence. Le régulateur a développé un corpus de normes destiné à guider les éditeurs dans le respect des règles, avec par exemple la délibération du 4 janvier 2011 relative au principe de pluralisme politique dans les services de radio et de télévision en période électorale9(*).
Afin d'assurer le respect de ces obligations, l'Arcom dispose de pouvoirs propres qui lui permettent de sanctionner les éditeurs qui ne respecteraient pas leurs engagements.
L'article 42 de la loi précitée de 1986 précise ainsi que « les éditeurs et distributeurs de services de communication audiovisuelle, les personnes dont l'activité est d'offrir un accès à des services de communication au public en ligne et les opérateurs de réseaux satellitaires peuvent être mis en demeure de respecter les obligations qui leur sont imposées par les textes législatifs et réglementaires et par les principes définis aux articles 1er et 3-1. » L'éditeur mis en demeure a l'obligation de s'y conformer.
Dans le cas contraire, c'est-à-dire si l'éditeur choisit de ne pas appliquer la décision du régulateur, l'article 42-1 prévoit un arsenal de sanctions. Cette procédure a évolué suite à l'arrêt du Conseil d'État « Société Lebanese Communication Group » du 6 janvier 2006, au nom du droit à un procès impartial. La loi du 15 novembre 2013 a ainsi modifié l'article en précisant que la procédure de sanction devant le CSA ne pouvait être engagée qu'à raison de faits postérieurs à la mise en demeure : « [...] si la personne faisant l'objet de la mise en demeure ne se conforme pas à celle-ci, l'Arcom peut prononcer à son encontre, compte tenu de la gravité du manquement, une sanction reposant sur des faits distincts ou couvrant une période distincte de ceux ayant fait l'objet d'une mise en demeure ».
La mise en demeure apparait donc comme une forme de « premier avertissement » qui n'entraine pas immédiatement de conséquences pour l'éditeur.
Les conséquences d'une absence de prise en compte de la mise en demeure sont précisées dans la suite de l'article 42-1, avec la possibilité pour l'Arcom de suspendre l'antenne pour un mois, de réduire la durée de l'autorisation, d'infliger une sanction pécuniaire et enfin de résilier l'autorisation d'émettre.
En pratique, l'Arcom n'a usé du pouvoir de retrait de l'autorisation qu'une seule fois, pour la chaîne Numéro 23 en 2015, décision cependant annulée par le Conseil d'État en 2016.
La mise en demeure critiquée devant la
commission d'enquête
de l'Assemblée nationale
La commission d'enquête de l'Assemblée nationale sur l'attribution, le contenu et le contrôle des autorisations de services de télévision à caractère nationale sur la télévision numérique terrestre, qui a rendu ses conclusions le 7 mai 202410(*), s'est penchée sur l'effectivité de la procédure de mise en demeure.
« S'agissant de son pouvoir de sanction, Mme Agnès Granchet11(*), a fait valoir devant la commission d'enquête que qualifier l'Arcom de « gendarme de l'audiovisuel » était inadapté, face à une action répressive assez timorée et très peu lisible par le grand public : « ce gendarme fait un usage assez modéré de son pouvoir de sanction. Alors que la loi prévoit une mise en demeure préalable à toute sanction, le CSA puis l'Arcom ont ajouté la lettre simple, la lettre ferme et la mise en garde. Cette gradation offre une souplesse dans la mise en oeuvre du pouvoir de sanction, mais elle est source de confusion pour le public. Il arrive que des sanctions pécuniaires - d'un montant parfois élevé - soient prononcées. L'Arcom peut également demander l'insertion de communiqués au sein des programmes, une pratique fondée sur le principe de la mise au pilori ou name and shame, sans doute moins onéreuse mais plus efficace. Les autres sanctions possibles sont assez peu utilisées. C'est le cas notamment de la suspension du programme pour une durée maximale d'un mois, qui serait pourtant envisageable dans certains cas - sachant que le Conseil constitutionnel avait validé cette sanction, au regard de la séparation des pouvoirs comme de la liberté de communication. »
« Mme Camille Broyelle12(*) s'est pour sa part montrée plus nuancée en indiquant « je ne suis pas sûre que l'Arcom exerce son pouvoir de sanction de manière timorée. Il est vrai, en revanche, qu'il est amorti par cette exigence constitutionnelle de mise en demeure, laquelle doit être interrogée. En effet, elle n'est pas inscrite dans la Constitution mais elle a été posée par le Conseil constitutionnel afin de mieux expliciter les obligations pesant sur l'éditeur. Or, les mises en demeure ne disent rien de plus que ce qui est très précisément écrit dans les conventions. Elles sont supposées expliciter l'obligation pesant sur l'éditeur, en partant du principe que la loi était trop générale et que les comportements interdits n'étaient pas listés. Or, les délibérations et les conventions décrivent fort bien ces comportements. La mise en demeure n'a aucune plus-value, si ce n'est de retarder la sanction. De plus, l'Arcom ne peut ensuite sanctionner que ce qui a été explicitement visé dans la mise en demeure. »
« À la question de savoir si la stratégie de réponse graduée du régulateur était efficace pour inciter une chaîne à respecter ses obligations, M. Olivier Schrameck13(*) a déclaré sans ambages : « j'estime qu'elle est inefficace. Il s'agit tout d'abord d'une procédure extrêmement complexe, qui résulte en grande partie de son cadre constitutionnel et législatif [...] la période de mise en demeure, par ailleurs désormais limitée à cinq années, ne peut donner lieu à une sanction, en cas de récidive, que si le manquement est exactement de même nature que celui qui a été censuré par la mise en demeure. Il existe par conséquent, pour les juristes habiles qui conseillent les éditeurs, un éventail de possibilités pour y échapper [...] la lourdeur et la durée des procédures expliquent ainsi leur nombre réduit en comparaison du nombre de manquements observés. »
En matière audiovisuelle, depuis 1989, le CSA, devenu Arcom, a émis 208 sanctions pécuniaires, 94 pour les services de télévision et 114 pour les radios.
II. - Le dispositif de la proposition de loi
Alors que l'article 42-1 prévoit une forme de réponse « graduée », dans l'hypothèse où l'éditeur ne se conformerait pas à la première mise en demeure, l'article 2 de la présente proposition de loi envisage, d'une part, un nouveau cas de figure. L'éditeur pourrait ainsi être soumis à sanction s'il cumule les trois éléments suivants :
ü deux mises en demeure :
ü sur une période de trois ans ;
ü pour un manquement à ses obligations ou aux principes mentionnés aux articles 1er et 3-1 de la loi de 1986.
L'Arcom ne serait cependant pas tenue d'exercer le mécanisme de sanctions, qui demeure en tout état de cause une faculté.
L'article ouvre, d'autre part, la possibilité d'une forme aggravée de sanction en insérant un nouvel alinéa après le 4°. Cet ajout prévoit que si l'Arcom a prononcé :
ü trois mises en demeure ;
ü sur une période de trois ans ;
ü pour des manquements à ses obligations ou aux principes mentionnés aux articles 1er et 3-1 de la loi de 1986 ;
ü et qu'elle porte [la personne visée] manifestement et gravement atteinte à la vie démocratique de la Nation.
alors l'Arcom peut prononcer la résiliation de l'autorisation d'émettre.
Enfin, l'article prévoit l'automaticité de la publication de la sanction, qui n'apparait dans le droit en vigueur que comme une sanction complémentaire.
La commission a adopté cet article sans modification.
Article 3
Renforcement du Comité relatif à
l'honnêteté, à l'indépendance
et au pluralisme de
l'information et des programmes (CHIPIP)
Cet article vise à renforcer les comités relatifs à l'honnêteté, à l'indépendance et au pluralisme de l'information et des programmes (CHIPIP).
I. - La situation actuelle : des comités trop peu actifs
a) Les comités relatifs à l'honnêteté, à l'indépendance et au pluralisme de l'information et des programmes
L'article 11 de la loi du 14 novembre 2016, dite « loi Bloche », prévoit qu' « un comité relatif à l'honnêteté, à l'indépendance et au pluralisme de l'information et des programmes (CHIPIP), composé de personnalités indépendantes, soit institué auprès de toute personne morale éditrice d'un service de radio généraliste à vocation nationale ou de télévision qui diffuse, par voie hertzienne terrestre, des émissions d'information politique et générale ».
Ce comité est chargé du respect des principes énoncés au troisième alinéa de l'article 3-1 de la loi de 1986. Il peut être consulté à tout moment par les dirigeants de l'entreprise, un médiateur ou toute autre personne.
Ses membres sont indépendants, l'indépendance étant considérée comme l'absence d'un intérêt quelconque dans l'éditeur, à l'égard d'un de ses actionnaires ou dans une société avec laquelle ils sont liés financièrement ou commercialement. Les fonctions sont exercées à titre bénévole.
Les membres sont nommés par le conseil d'administration ou le conseil de surveillance de la personne morale ou, à défaut, pour les associations, par l'assemblée générale. La composition du comité est paritaire et doit être notifiée à l'Arcom. Les modalités de fonctionnement du comité sont fixées par la convention conclue entre l'Arcom et les éditeurs privés ou par le cahier des charges des sociétés nationales de programme. Ainsi, le nombre de membres du comité peut varier, de même que la fréquence des réunions (semestrielle à TF1, trimestrielle à France Télévisions...).
Les CHIPIP peuvent se saisir de n'importe quel sujet, ou être saisis par les organes dirigeants, le médiateur ou par toute personne.
Ces comités sont donc destinés à jouer au sein des groupes de médias un rôle de régulation interne, protecteur de l'indépendance des rédactions et en mesure de traiter les questions déontologiques.
b) Des résultats encore peu probants
Presque 10 ans après leur création, les CHIPIP peinent à trouver leur place au sein des médias. Dépourvus de moyens propres, peu connus y compris en interne, dénués de pouvoirs d'intervention, ils affichent un bilan encore modeste. En 2021 et 2022, seul le comité de Radio France semble avoir exercé une réelle activité, avec 13 réunions et 154 saisines. À titre de comparaison, celui de Canal Plus n'a pu se prononcer que sur deux saisines en 2022, et celui de TF1 n'a pas été saisi.
Le rapport précité de la commission d'enquête du Sénat sur la concentration dans les médias a analysé de manière approfondie leur rôle et leurs modalités de fonctionnement. Plusieurs de ses recommandations portaient sur leur renforcement, estimant que les objectifs de la loi de 2016, qui en avait fait des éléments essentiels de l'indépendance des médias, n'avaient pas été remplis.
Ce constat peu favorable a été confirmé par le rapport de la commission d'enquête précitée de l'Assemblée nationale sur la TNT. Elle a cependant estimé qu'ils n'étaient en l'état pas utiles et a en conséquence proposé de les supprimer14(*) « au profit d'un renforcement des capacités d'agir en matière de déontologie des institutions représentatives du personnel, des syndicats, des sociétés de journalistes et du Conseil de déontologie journalistique et de médiation. »
II. - Le dispositif de la proposition de loi
En cohérence avec les travaux du Sénat, l'article 3 de la présente proposition de loi vise à renforcer le rôle des CHIPIP par trois canaux distincts.
Tout d'abord, permettre une meilleure information et exposition des comités.
Ainsi, leur saisine par toute personne devrait pouvoir être réalisée « au moyen d'un mécanisme de saisine en ligne facilement accessible », par exemple, sous la forme d'un onglet dédié sur le site Internet du média. Afin d'améliorer leur reconnaissance, la liste des membres serait également rendue publique et facilement accessible. Ces modifications reprennent largement la proposition n° 6 du rapport de la commission d'enquête du Sénat, qui cherchait à « assurer une réelle visibilité aux comités, [...], en particulier par une exposition sur le site Internet des entités ».
Ensuite, les CHIPIP devraient compléter la publication de leur bilan annuel15(*) par celle de l'ensemble de leurs avis. Cette modification reprend la proposition n° 7 de la commission d'enquête du Sénat.
Enfin, un membre du comité assisterait au conseil d'administration, ce qui lui permettrait de faire état auprès des administrateurs des difficultés dont il aurait eu connaissance en matière d'éthique et de déontologie. Cette proposition constitue une forme de déclinaison des propositions 1, 2 et 3 de la commission d'enquête du Sénat, qui visaient à créer un poste d'administrateur indépendant en charge de l'éthique et doté d'un pouvoir d'évocation devant le conseil d'administration.
III. - La position de la commission
À l'initiative de la rapporteure, la commission a adopté trois amendements sur le présent article.
Un amendement COM-2 impose que le mécanisme de saisine du CHIPIP garantisse l'anonymat des personnes à l'origine de la demande ainsi que la confidentialité des échanges.
L'amendement COM-3 apporte une précision rédactionnelle.
L'amendement COM-4 vise à renforcer les garanties d'indépendance et de compétence des membres des CHIPIP, en confiant à l'Arcom le soin de valider la liste des membres qui lui sera adressée par l'entité. Cette mesure est de nature à conforter l'indépendance des comités et à créer les conditions d'un dialogue plus abouti avec le régulateur.
La commission a adopté cet article ainsi modifié.
Article 4
Renforcement des chartes
déontologiques des journalistes
Cet article vise à préciser et améliorer le contenu des chartes de déontologie des journalistes créées en application de la loi du 14 novembre 2016.
I. - Le droit en vigueur : des chartes déontologiques pour les journalistes
Garants de la qualité et de la diversité de l'information, éléments essentiels du débat démocratique, les journalistes exercent une profession parmi les plus exposées aux pressions et aux interrogations déontologiques.
Afin de mener à bien leurs missions, les journalistes bénéficient de protections spéciales, comme la clause de cession, qui permet de démissionner tout en bénéficiant de l'assurance chômage lorsque l'entreprise pour laquelle il travaille change d'actionnaires, ou la clause de conscience, qui applique le même dispositif dans les cas où le journaliste apporte la preuve d'un « changement notable dans le caractère ou l'orientation du journal » , ayant pour conséquence de créer « une situation de nature à porter atteinte à son honneur, à sa réputation ou, d'une manière générale, à ses intérêts moraux », selon les termes de l'article L. 7112-5 du code du travail.
L'exercice de ces protections, et de manière générale, de la profession de journaliste justifie donc la définition d'un cadre déontologique à même de guider les journalistes. Ces derniers ont d'ailleurs mené de longue date une réflexion, qui a pris la forme de trois textes fondateurs :
· la Charte d'éthique professionnelle des journalistes de 1918, remaniée en 1938 et 2011 ;
· la Déclaration des droits et devoirs des journalistes, dite « Déclaration de Munich » de 1971 ;
· la Charte d'éthique mondiale des journalistes de la Fédération internationale des journalistes, adoptée en 2019 à Tunis.
Au-delà de ces références, qui n'ont pas de valeur normative, plusieurs rédactions se sont dotées en interne de chartes, comme le quotidien Ouest France dans l'hebdomadaire Le Point dans les années 90.
Introduit par l'article 1er de la loi du 14 novembre 2016 visant à renforcer la liberté, l'indépendance et le pluralisme des médias, l'article 2 bis de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse a visé à généraliser cette pratique des chartes internes, en imposant la rédaction de chartes déontologiques dans chaque média, élaborées conjointement par la direction du titre et les journalistes. Cette charte doit être remise au journaliste lors de son embauche et servir de référence à son travail. À défaut, en cas de litige, les « déclarations et les usages professionnels relatifs à la profession de journaliste » peuvent être invoqués.
Selon le rapport de la mission d'évaluation de la loi du 14 novembre 2016 publié le 7 mars 202416(*), 75 chartes auraient été élaborées depuis la loi de 2016, même si elles demeurent pour beaucoup encore mal connues, y compris des principaux intéressés, et encore moins recensées avec précision.
II. - Donner un nouveau souffle aux chartes déontologiques
L'article 4 de la présente proposition de loi prévoit deux mécanismes destinés à améliorer le contenu et l'effectivité des chartes de déontologie.
D'une part, et suivant en cela les propositions de la mission d'information précitée de l'Assemblée nationale, il préciserait les fondements de ces chartes, en faisant référence aux trois grands textes fondateurs de 1971, 2019 et 2011 rappelés supra. La négociation, si elle n'a pas encore eu lieu, ou si elle venait à être renouvelée, pourrait ainsi reposer sur des bases explicites et largement partagées par la profession.
D'autre part, et en réponse à l'interrogation sur le contenu même de ces chartes, parfois accusées d'être moins protectrices que les textes reconnus par la profession, le 2° du présent article 4 prévoit que le Conseil de déontologie journalistique et de médiation (CDJM) en contrôle le contenu, au regard des trois grands textes fondateurs.
Le Conseil de déontologie journalistique et de médiation
La ministre de la culture Françoise Nyssen avait confié le 11 octobre 2018 à Emmanuel Hoog, ancien président de l'AFP, une mission visant à « la création d'une instance de déontologie de la presse et des médias ». Les conclusions de la mission « Confiance et liberté - Vers la création d'une instance d'autorégulation et de médiation de l'information »17(*), remise le 26 mars 2019, ont permis la constitution du Conseil de déontologie journalistique et de médiation (CDJM), créé le 2 décembre 2019 sous forme d'association reconnue d'intérêt général à vocation culturelle.
Selon son site Internet :
« Le conseil de déontologie journalistique a vocation à regrouper l'ensemble des éditeurs et des journalistes, tous médias confondus (presse écrite, radio, télévision, numérique, agences) à l'échelle nationale, ainsi que des représentants du public.
« Il est un organe professionnel d'autorégulation, indépendant de l'État, une instance de médiation et d'arbitrage entre les médias, les rédactions et leurs publics, enfin, une instance de réflexion et de concertation pour les professionnels et de pédagogie envers les publics.
« Ce n'est ni un conseil de l'ordre, ni un « tribunal de la pensée » ; il n'est pas une instance étatique ou administrative.
« Ce conseil est tripartite, composé de représentants des journalistes, des éditeurs et des publics. »
III. - La position de la commission
La commission soutient pleinement le principe de chartes négociées entre les éditeurs et les journalistes. Il est cependant essentiel que cet outil puisse prendre toute sa place, notamment grâce à une meilleure visibilité.
Dès lors, la commission a adopté à l'initiative de la rapporteure deux amendements.
Un premier amendement COM-5 vise à rendre accessible de manière aisée les chartes sur le site internet des éditeurs.
Un second amendement COM-6 tire les enseignements des auditions menées par la rapporteure. Il y est en effet apparu que le fait de confier la mission de contrôle de conformité des chartes au CDJM ne faisait pas l'unanimité, cette fonction étant de surcroit éloignée de ses attributions qui l'orientent vers des fonctions de médiation plus que de jugement.
Dès lors, la commission a adopté un amendement COM-6 qui remplace le contrôle de conformité par une transmission des chartes au CDJM, qui devra les rendre accessibles au public sur son site Internet. Cela devrait permettre de constituer une forme de « base de données » qui sera utile pour les rédactions comme pour le grand public.
La commission a adopté cet article ainsi modifié.
Article 5
Secret des sources
Cet article vise à réformer les protections dont bénéficient les journalistes et les collaborateurs dans l'exercice de leur profession, en renforçant le secret des sources.
L'examen de cet article a été délégué au fond à la commission des lois.
Lors de sa réunion, la commission des lois a adopté l'amendement COM-12 de Lauriane Josende, rapporteure pour avis.
La commission a adopté cet article ainsi modifié.
Article 6
Approbation du directeur de la rédaction par ses
membres
Cet article vise à instaurer, dans la presse écrite et audiovisuelle, l'approbation de la nomination du directeur de la rédaction par une majorité qualifiée de ses membres.
I. - Un débat ancien : comment assurer l'indépendance d'un média ?
Si l'article 1er de la loi du 29 juillet 1881 a consacré la liberté de la presse et de l'imprimerie, elle n'a pas pour autant souhaité aller jusqu'à créer un statut spécifique pour les entreprises de presse, qui sont donc des acteurs économiques à part entière, soumis à leur actionnariat et dont l'existence dépend des ressources qu'elles peuvent dégager.
La presse, qu'elle soit écrite ou audiovisuelle, joue cependant un rôle essentiel dans une démocratie, qui va bien au-delà de son poids économique.
Les pouvoirs publics ont cherché à tenir compte de cette ambiguïté fondamentale, et ce de trois manières :
- par des aides budgétaires spécifiques, estimées par le rapporteur pour avis de la commission de la culture, Michel Laugier, à 570 millions d'euros en 202418(*) ;
- par un dispositif contraignant en matière de concentration des médias, établi par la loi du 30 septembre 1986 ;
- enfin, par des protections spécifiques accordées aux journalistes, comme vu dans le commentaire de l'article 4 de la présente proposition de loi.
Il n'en reste pas moins que des interrogations demeurent sur l'indépendance du travail des rédactions, notamment au regard de leur actionnariat. Les travaux de la commission d'enquête du Sénat précitée sur la concentration des médias ont largement témoigné de débats nombreux à ce sujet.
Parmi les problèmes soulevés figure au premier rang la place centrale du directeur de la rédaction. Son rôle est essentiel dans la vie d'un média, à la fois pour organiser le travail de la rédaction, mais également pour sélectionner ou appuyer tel ou tel sujet. Cependant, nommé par l'actionnaire, il est parfois soupçonné d'être son « cheval de Troie », et d'intervenir pour orienter la ligne des journalistes, sous couvert de ligne éditoriale.
II. - Donner à la rédaction un droit d'agrément sur son directeur
Une solution envisagée et longuement débattue par la commission d'enquête sur la concentration des médias consisterait à instaurer une forme de contrôle de la rédaction sur son directeur.
Certains médias comme Le Monde ont ainsi instauré un mécanisme d'agrément du directeur de la rédaction par une majorité des membres de la rédaction. Cette pratique permet de garantir une confiance mutuelle entre le directeur et son équipe, et serait supposée éviter une mainmise d'un actionnaire désireux d'imposer, à travers le choix de son directeur, telle ou telle pensée politique. Elle traduit également une limitation des droits du propriétaire du média en question, qui devrait partager sa faculté à nommer qui il souhaite à ce poste.
Le présent article s'inscrit dans cette logique. Il propose de modifier la loi du 29 juillet 1881 pour la presse écrite et la loi du 30 septembre 1986 pour l'audiovisuel. Dans tous ces cas, la nomination du directeur de la rédaction devrait être approuvée par un vote d'au moins la moitié des membres de la rédaction et rassemblant 60 % des voix.
Le respect de cette obligation serait assuré de manière différenciée en fonction du média :
- pour la presse écrite et en ligne, le titre perdrait son inscription à la Commission paritaire des publications et des agences de presse (CPPAP), qui donne accès au régime économique favorable de la presse, notamment les aides et le taux réduit de TVA ;
- pour les médias audiovisuels qui bénéficient d'une autorisation d'émettre attribuée par l'Arcom, le retrait de l'autorisation ;
- pour les médias distribués sur les réseaux, par l'imposition d'une amende égale à 7 % du chiffre d'affaires de l'année précédente.
III. - La position de la commission
Les questions posées par le droit d'agrément sont nombreuses. Ce droit peut être vu, d'un côté, comme un gage de confiance et la garantie d'un travail serein au sein de l'entreprise, comme ont pu le souligner de nombreuses personnes entendues à l'occasion des travaux sur la proposition de loi. D'un autre côté, le droit d'agrément s'apparente à une limitation des droits de propriété et pourrait, pour d'autres personnes entendues, fragiliser l'équilibre économique des titres.
Un objectif partagé par tous est cependant de renforcer l'indépendance de l'information, condition nécessaire à la restauration de la confiance entre l'opinion publique et les médias.
La commission a adopté cet article sans modification.
Article 7
Droits
voisins des éditeurs et des agences de presse
Cet article vise à améliorer l'effectivité des droits voisins des éditeurs et des agences de presse.
I. - Les droits voisins : rémunérer justement les éditeurs et les agences de presse dans le monde numérique
a) Un dispositif ambitieux...
Le 24 janvier 2019, le Sénat adoptait à l'unanimité une proposition de loi de David Assouline prévoyant la création de droits voisins au profit des agences et des éditeurs de presse19(*). Cette initiative constituait alors un pari sur l'adoption, à l'époque loin d'être acquise, de la directive européenne du 17 avril 2019 sur les droits d'auteur. L'Assemblée nationale et le ministre de la culture ont appuyé cette position.
Le 23 juillet 2019, la proposition de loi a donc pu être définitivement adoptée en seconde lecture par l'Assemblée nationale et promulguée dans la foulée le 24 juillet.
La France est ainsi devenue le premier État de l'Union européenne à transposer dans son droit national l'article 15 de la directive sur les droits d'auteur, finalement adoptée le 17 avril 2019.
La loi est destinée à doter, enfin, les éditeurs et les agences de presse de la capacité juridique et des moyens de négocier avec les plateformes pour faire valoir leurs droits et parvenir à une répartition des revenus plus équilibrée pour eux, pour les journalistes et pour les photographes.
Le secteur de la presse souffre en effet depuis plusieurs années d'une captation massive de ses productions par les grands acteurs de l'Internet. Cette situation contribue à assécher ses sources de financement et a plongé le secteur entier dans une crise d'une ampleur sans précédent. Les seuls Google et Facebook s'accaparent ainsi près de 70 % des ressources publicitaires en ligne et 90 % pour le mobile, contre 13 % seulement pour tous les éditeurs de presse.
La loi du 24 juillet 2019 constitue une tentative de rééquilibrer le partage de la valeur entre les agences de presse, les éditeurs et les plateformes.
(i) L'élément déclencheur : la publication de presse
Les plateformes ne peuvent plus utiliser sans autorisation et rémunération les publications de presse produites par les agences et les éditeurs. Ainsi, l'article L. 218-2 du code de la propriété intellectuelle indique que « l'autorisation de l'éditeur de presse ou de l'agence de presse est requise avant toute reproduction ou communication au public totale ou partielle de ses publications de presse sous une forme numérique par un service de communication au public en ligne. »
La base des droits voisins est donc l'acte de publication par un service de communication au public en ligne. Il s'agit d'un droit, qui ne peut être ignoré par les plateformes concernées. Des exceptions limitées ont cependant été introduites pour préserver la liberté et l'attractivité de la navigation sur Internet.
(ii) Des critères de rémunération fruits d'un compromis
L'usage par les services de communication au public en ligne doit faire l'objet d'une rémunération, assise sur les recettes d'exploitation, ou, à défaut, évaluée forfaitairement.
Les critères de rémunération ont été l'objet de vifs débats entre les professionnels, la directive laissant aux États de larges marges de manoeuvre. L'idée la plus naturelle aurait été de prendre en compte le critère simple et objectif de la fréquentation des sites. Elle a cependant été écartée face à la crainte de privilégier les « usines à click », soit les publications de faible qualité aux titres volontairement « accrocheurs » ou des sites attractifs mais connus pour leur pratique biaisée de l'information.
La solution retenue reste donc volontairement large et résulte d'un compromis, fixé au deuxième alinéa de l'article L. 218-4 du code de la propriété intellectuelle (CPI), qui distingue sans les hiérarchiser trois catégories :
Ø les investissements humains, matériels et financiers réalisés par les éditeurs et les agences de presse ;
Ø la contribution des publications de presse à l'information politique et générale ;
Ø l'importance de l'utilisation des publications de presse par les services de communication au public en ligne.
Le critère « IPG20(*) » est donc explicitement mentionné, mais de manière non exclusive, ce qui permet de conserver dans le champ des droits voisins en particulier la presse magazine non IPG et la presse professionnelle.
La loi prévoit expressément que les journalistes et les photographes, à l'origine de la création de valeur, bénéficieraient d'une part « appropriée et équitable » des revenus générés par les droits voisins. Le montant de cette part doit être déterminé dans le cadre des accords collectifs.
(iii) Un mécanisme de négociation laissé aux acteurs
La loi encourage une gestion collective des droits voisins. Cependant, la possibilité évoquée en cours de discussion de la rendre obligatoire s'est avérée impossible à mettre en place pour des raisons juridiques, cette idée ne faisant au demeurant pas consensus entre les parties prenantes. En cas d'absence d'accord, les plateformes ne doivent plus diffuser de publications, mais aucune sanction n'est prévue dans ce cas.
b) ... qui peine à s'affirmer pleinement
Le rapporteur pour avis de la commission de la culture sur le programme « Presse » de la mission « Médias, livre et industries culturelles » réalise chaque année à l'occasion du budget la « chronique » de la mise en oeuvre des droits voisins. La commission de la culture a organisé le 14 avril 2021 une table ronde « Premier bilan » de l'application de la loi21(*), et le rapport précité de la commission d'enquête sur la concentration des médias de 2022 a lui-même consacré de larges développements, toujours d'actualité, à ce texte. Enfin, l'Assemblée nationale a rendu publiques cette même année les conclusions d'une mission d'information sur le sujet22(*). C'est donc peu dire que les droits voisins suscitent un engagement fort des pouvoirs publics.
Le bilan en 2024 est cependant encore insatisfaisant. La plupart des éditeurs de presse et l'AFP ont pu parvenir à un accord avec Google, mais les montants en demeurent confidentiels, ce qui interdit toute évaluation. Ces accords auraient eux-mêmes été littéralement arrachés à la société américaine, deux fois condamnée par l'Autorité de la concurrence.
Sans rentrer dans une évaluation exhaustive des difficultés rencontrées, trois sujets sont très régulièrement revenus dans les débats.
Tout d'abord, le manque de transparence des plateformes dans la communication d'informations destinées à donner une base solide à l'évaluation des droits voisins.
Ensuite, la question du droit à rémunération des agences de presse, qui, bien qu'explicitement prévu dans le texte de loi, peine à obtenir le règlement de leurs obligations par les plateformes. Ce sujet a suscité des interrogations lors des débats qui ont conduit à l'adoption de la directive européenne et à l'adoption de la loi de 2019. Les plateformes ont estimé que les agences de presse ne pouvaient prétendre à la perception d'un revenu sur les publications que dans la mesure où elles étaient directement responsables de la publication. Or, très largement, les agences de presse travaillent pour les rédactions, qui utilisent, et parfois reprennent in extenso les dépêches.
Dans sa décision du 9 avril 2020, l'Autorité de la concurrence a confirmé qu'une rémunération propre devait être accordée à tous les ayants droit, et ce proportionnellement à la contribution apportée par chacun à la production du contenu. Par une deuxième décision du 12 juillet 2021, l'Autorité a précisé que « l'existence de plusieurs ayants droit sur un contenu de presse n'implique pas que ces derniers soient rémunérés pour la même chose, mais qu'une rémunération propre leur soit accordée au titre de leur contribution respective, même si toutes ces contributions sont rassemblées au sein d'une même oeuvre journalistique ».
Il reste cependant encore à mieux déterminer les modalités de cette rémunération, par exemple en identifiant dans la publication de presse les éléments provenant du travail des agences. Si le mécanisme à mettre en oeuvre est complexe, il est pourtant permis de penser que les grands acteurs d'Internet, qui déploient actuellement pour des dizaines de milliards d'euros des technologies d'intelligence artificielle, auraient été en mesure, avec un peu de bonne volonté, de proposer des solutions techniques.
Enfin, l'application des droits voisins souffre de l'absence de mécanisme de médiation réellement efficace et « d'arbitre en dernier ressort » en cas d'échec des négociations. Cela a pu conduire à une multiplication des contentieux, alors même que les éditeurs et les grandes plateformes ne disposent à l'évidence pas des mêmes moyens financiers pour soutenir des procédures longues et coûteuses. L'Autorité de la concurrence a mis en place un complexe système de médiation, confié à un cabinet d'avocats privé, qui est chargé de rendre des arbitrages dans les nombreux cas litigieux. Ce mécanisme est cependant loin de faire l'unanimité dans la profession.
On peut in fine relever que, bien qu'une directive ait été adoptée au niveau européen et des lois votées dans les pays de l'Union, les plateformes ont longtemps, et pour certaines d'entre elles, persistent, à contester les droits voisins. L'Autorité de la concurrence a ainsi infligé à Google deux amendes, pour un montant cumulé de 750 millions d'euros. On peut s'étonner au passage de la disproportion manifeste entre cette somme et les montants des droits voisins dont aurait dû s'acquitter la société. Par ailleurs, comme de nombreux interlocuteurs de la rapporteure ont pu le faire remarquer, une fraction au moins des 750 millions d'euros aurait très avantageusement pu être affectée au secteur de la presse.
II. - Améliorer l'effectivité des droits voisins
L'article 7 vise à combler certaines lacunes révélées 5 ans après l'adoption de la loi de 2019. Deux modifications sont ainsi proposées.
La première (1°) consiste en une nouvelle rédaction de l'article L. 218-1 du code de la propriété intellectuelle, qui définit de manière plus large la publication de presse.
La seconde (2°) vise à créer les conditions d'une négociation plus équilibrée de la rémunération entre éditeurs, agences de presse et plateformes. Elle reprend en partie la proposition n° 18 des États généraux de l'information, qui ont rendu leurs conclusions le 12 septembre 2024.
Ce rééquilibrage serait opéré par deux canaux.
D'une part, et pour mettre un terme à l'absence de transparence des plateformes, qui a fait l'objet de deux condamnations par l'Autorité de la concurrence, le dernier alinéa de l'article 218-4 serait complété pour indiquer que serait fixée par décret, après consultation des éditeurs, des agences de presse et des services de communication en ligne, la liste des éléments devant faire l'objet d'une transmission par les plateformes pour permettre d'éclairer les négociations. Il serait ainsi mis un terme à l'asymétrie d'informations qui préside actuellement aux relations entre les parties, où l'une d'entre elles dispose de la totalité des informations et peut sélectionner les données qu'elle communique. Le refus de communication, même partiel, de ces éléments serait sanctionné d'une amende ne pouvant excéder 4 % du chiffre d'affaires mondial des services concernés.
D'autre part, en cas d'échec des négociations six mois après leur ouverture, les éditeurs ou les agences de presse peuvent saisir l'Autorité de la concurrence qui dispose à son tour de six mois pour trouver un accord, avant, en cas de nouvel échec, de fixer unilatéralement les modalités de rémunération.
La possibilité de fixer le montant des
droits voisins en l'absence d'accord
soumis à la justice
européenne
La Cour de Justice de l'Union européenne a été saisie le 12 décembre 2023 d'une demande de décision préjudicielle par la société Meta, propriétaire notamment de Facebook.
Parmi d'autres mesures, Meta conteste les dispositions de la décision du 19 janvier 2023 de Autorità per le Garanzie nelle Comunicazioni (Agcom), le régulateur italien des communications qui fixe les critères et les modalités d'application des droits voisins.
En particulier, la société Meta conteste la mise en place d'une procédure d'arbitrage à caractère obligatoire qui permettrait, en cas d'échec des négociations entre les éditeurs et les plateformes, de fixer le montant de la compensation.
La Cour n'a pas encore arrêté de date pour examiner cette requête.
III. - La position de la commission
La commission soutient pleinement toutes les mesures permettant d'améliorer, dans le respect du cadre européen, l'effectivité des droits voisins.
À l'initiative de la rapporteure, la commission a adopté trois amendements sur l'article 7 :
L'amendement COM-7 précise que le décret pris afin de déterminer les éléments nécessaires à la négociation doit être pris en Conseil d'État.
L'amendement COM-8 complète le contenu du décret en indiquant qu'il doit également comporter les éléments de nature à permettre de s'assurer de la fiabilité des données transmises. Cet audit, qui pourrait être exercé par un tiers de confiance, doit permettre de créer les conditions d'un dialogue plus confiant entre les parties prenantes.
L'amendement COM-9 vise enfin à mieux définir la procédure à suivre en cas d'absence de communication des éléments. Le suivi serait assuré par l'Autorité de la concurrence, qui a déjà eu à traiter de ces sujets dans le cadre du contentieux avec Google, et qui suivrait la procédure d'astreinte journalière prévue à l'article 464-2 du code de commerce.
Enfin, l'amendement COM-10 supprime la faculté donnée à l'Autorité de la concurrence de déterminer, en cas d'échec des négociations, les modalités de la rémunération des éditeurs. Il n'entre en effet pas dans les attributions de l'Autorité de fixer un prix. Pour autant, la commission estime essentiel de se pencher sur cette question, par exemple en mettent en place le mécanisme présenté dans les États généraux de l'information, qui repose sur la nomination d'un médiateur conjointement désigné par l'Autorité de la Concurrence et le ministère de la culture, et rémunéré par un financement indépendant et pérenne.
La commission a adopté cet article ainsi modifié.
Article 7 bis (nouveau)
Application aux
collectivités d'outre-mer
Le présent article additionnel vise à assurer l'application de la présente proposition de loi dans les collectivités d'outre-mer.
Introduit à l'initiative de la rapporteure, le présent article additionnel modifie l'article 108 de la loi du 30 septembre 1986 et l'article 69 de la loi du 29 juillet 1881 pour permettre l'application de la présente proposition de loi dans les îles Wallis et Futuna, en Polynésie française, en Nouvelle-Calédonie et dans les Terres australes et antarctiques françaises.
La commission a adopté cet article additionnel.
Article 8
Gage
Cet article fixe le montant du gage financier pour l'ensemble de la proposition de loi.
La commission a adopté cet article sans modification.
*
* *
La commission de la culture, de
l'éducation, de la communication
et du sport a adopté la
proposition de loi ainsi modifiée.
EXAMEN EN COMMISSION
9 OCTOBRE 2024
M. Laurent Lafon, président. - Nous examinons à présent le rapport de notre collègue Sylvie Robert sur sa proposition de loi visant à renforcer l'indépendance des médias et à mieux protéger les journalistes, texte dont nous débattrons en séance le jeudi 17 octobre prochain dans l'espace réservé de nos collègues du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
Mme Sylvie Robert, rapporteure. - Les médias occupent une place centrale dans les travaux de notre commission. Quand on parle de culture, d'éducation, de communication, même de sport, on parle de médias, c'est-à-dire de notre capacité à comprendre et appréhender le monde dans sa diversité.
Aujourd'hui, nous le savons tous, les médias vont mal - les médias « traditionnels », devrais-je dire, car les réseaux sociaux et autres plateformes se portent très bien. Des médias qui vont mal, ce sont des informations qui ne sont pas traitées ou reçues par les citoyens, c'est un débat qui n'a pas lieu, c'est une complexité qui n'est pas perçue. De cela nous sommes comptables, comme législateurs et acteurs engagés.
Pour inaugurer cette session ordinaire qui s'ouvre, mon groupe a inscrit à l'ordre du jour de notre assemblée, et je l'en remercie, ma proposition de loi visant à renforcer l'indépendance des médias et à mieux protéger les journalistes, deux objectifs qui sont indissociables. Nous avons ainsi souhaité que le Sénat, et singulièrement notre commission, puisse se saisir d'un texte ambitieux et large dont les aspirations sont, je le crois, partagées par chacun d'entre nous.
Les médias sont en crise, disais-je. Le rapporteur pour la presse, notre collègue Michel Laugier, établit pour nous chaque année un bilan éloquent et hélas ! jamais réjouissant, de la chute des ventes de la presse imprimée qui a tant compté dans notre histoire. Le monde audiovisuel résiste, mais souffre face aux nouveaux modes de consommation de l'information et des divertissements.
De quoi souffrent donc tant les médias, courroie de transmission essentielle, vitale, de notre démocratie ? Sans entrer dans une typologie exhaustive, je veux citer trois points, qui sont tous intimement liés.
Tout d'abord, la montée que l'on pourrait juger inexorable des plateformes, réseaux sociaux, en bref, d'un monde numérique dont nous serions devenus, je reprends les termes de Catherine Morin-Desailly, une « colonie ». Ceux que l'on qualifie encore de « nouveaux acteurs », mais qui ne sont plus si jeunes, s'ils offrent des services que nous apprécions tous, font peu de cas de la qualité de l'information et des ressources à y consacrer. Après avoir cannibalisé le marché publicitaire, ils pillent maintenant les contenus pour nourrir des modèles d'intelligence artificielle (IA) dont nous ignorons encore s'ils seront d'aimables auxiliaires ou de trop redoutables concurrents.
Ensuite, la polarisation extrême dans laquelle vivent maintenant nos sociétés. Pour m'éloigner un peu de l'Hexagone, je peux citer l'extraordinaire violence de la campagne électorale américaine qui livrera bientôt son verdict. On a vraiment l'impression que deux mondes cohabitent en se haïssant et ne se parlent plus que par injures et diffamations interposées. Quelle place pour un discours posé, construit, argumenté ? Quelle place, alors que chacun n'utilise plus que des canaux d'information partisans qui ne prennent même plus la peine de dissimuler le peu de cas qu'ils font de la vérité ?
Enfin, les difficultés économiques de la presse et des médias en général plongent les journalistes dans la précarité. Or nous avons besoin de professionnels correctement rémunérés, à la hauteur de leur engagement, pour que les faits soient vérifiés, sourcés, contextualisés, en un mot, pour passer du fait brut à l'information, ce qui n'est pas la même chose.
Le texte que je vous propose aujourd'hui est donc ambitieux, certes ; mais l'est-il assez au regard des enjeux que nous avons à traiter ? Je ne le crois pas, comme je ne crois pas que nous perdions notre temps et notre énergie à débattre et à marquer, depuis tant de temps que nous abordons ces sujets, la singularité de nos analyses.
J'ai donc souhaité, avec cette proposition de loi, mettre en avant quelques questions soulevées par les très nombreux travaux menés sur ce thème. Je pense bien entendu aux contributions de notre assemblée, avec la loi sur les droits voisins, le rapport de la commission d'enquête sur la concentration des médias, nos multiples rapports d'information, ou encore les débats que nous menons régulièrement. Je me suis également appuyée sur les travaux de l'Assemblée nationale ; je pense en particulier à l'évaluation de la loi du 14 novembre 2016 visant à renforcer la liberté, l'indépendance et le pluralisme des médias, dite « Bloche », menée par nos homologues de la commission de la culture.
Je le reconnais bien volontiers et m'en excuse par avance, les délais d'examen de cette proposition de loi ont été parmi les victimes des conséquences de la dissolution. Nous avons disposé de peu de temps, une semaine, pour mener nos travaux. Mais nous l'avons mise à profit, avec l'organisation de 16 auditions, toutes riches et passionnantes - je remercie sincèrement ceux de nos collègues qui ont trouvé le temps d'y assister.
Je retire de ce travail dans l'urgence trois convictions.
Première conviction, le sujet devant nous est tout entier à traiter, et oserais-je dire, rapidement. Il faut arrêter de renvoyer à des lendemains qui chantent ou à des textes magiques qui n'apparaissent pas. Les acteurs du monde médiatique que nous avons pris le temps d'entendre sont en souffrance : éditeurs, journalistes, chaînes de télévision.
Deuxième conviction, le sujet n'est pas qu'urgent, il est existentiel pour nous et nos démocraties. La violence dans le débat public est alimentée par la perte de sens de la réalité, ce que d'aucuns ont qualifié de « post-vérité ». Dans un monde de « faits alternatifs », il n'y a pas de débat public, il y a juste des opinions hystérisées. Or la démocratie, ce n'est pas cela, c'est même l'inverse. Le mal qui nous ronge, c'est bien la défiance, qui s'étend des médias au monde politique en passant malheureusement par toutes les institutions.
Troisième conviction, des solutions existent, elles sont même à portée de main si nous employons à bon escient nos prérogatives et notre conviction. Nous ne pouvons pas, nous, législateurs, nous confiner dans l'impuissance ou dans l'attente.
Je vais maintenant vous exposer rapidement les options que j'ai retenues dans ce texte. J'ai bien conscience qu'elles ne rencontreront pas in fine l'approbation de tous, et, oserais-je dire, tant mieux ! Débattons-en, prenons date, expertisons davantage, continuons les réflexions et les débats que nous avons eus en commission et en séance. Il y va de la responsabilité du Sénat en cette période si particulière !
L'article 1er de ma proposition de loi vise à sanctuariser dans la loi l'arrêt du Conseil d'État du 13 février 2024 qui a abouti à un changement de doctrine de l'Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (Arcom) dans son contrôle du respect du pluralisme. Je crois nécessaire que nous, législateurs, prenions la responsabilité de cette précision de la loi de 1986 qui ouvre la voie à une régulation plus équilibrée. Je vous proposerai par la suite un amendement travaillé avec l'Arcom prenant mieux en compte la jurisprudence du Conseil d'État.
L'article 2 tend à renforcer les pouvoirs de sanction de l'Arcom pour lui permettre d'agir plus rapidement et efficacement face à des manquements répétés sur les antennes.
L'article 3 s'inscrit directement dans les travaux de la commission d'enquête sur la concentration des médias, en donnant plus de visibilité et de légitimité aux comités d'éthique des chaînes de télévision. Je vous proposerai sur cet article trois amendements pour donner encore plus de force à ces comités, notamment en faisant valider leurs membres par l'Arcom.
L'article 4 tient compte des insuffisances dans l'application de la loi dite « Bloche » du 14 novembre 2016 sur les chartes de déontologie, là aussi pour leur permettre de mieux remplir leur rôle. Je vous proposerai deux amendements sur cet article, pour assurer une meilleure accessibilité des chartes et pour mieux calibrer l'intervention du Conseil de déontologie journalistique et de médiation.
Je ne dirai qu'un mot sur l'article 5, traitant du secret des sources, un dossier extrêmement important qui est pendant depuis des années. Nous l'avons délégué au fond à notre commission des lois, et je remercie vivement notre collègue Lauriane Josende d'y avoir consacré son expertise et d'avoir accueilli avec une grande ouverture cette démarche.
L'article 6 vise à instaurer dans les rédactions un droit d'agrément sur le choix du directeur. Il s'agit d'un vieux débat, dont je n'ignore pas les difficultés. Dans mon esprit, comme dans celui des journalistes que nous avons entendus, il faut y voir non pas une forme de défiance, mais au contraire un moyen de créer de la confiance entre l'actionnaire et la rédaction.
Enfin, l'article 7 tient compte des nombreux problèmes soulevés par la loi sur les droits voisins. Je peux vous assurer que les plateformes déploient une énergie et des moyens juridiques considérables, acceptent même de régler, pour Google, 750 millions d'euros d'amende, pour ne pas avoir à appliquer cette loi. Je veux quand même m'arrêter sur l'énormité du chiffre : 750 millions d'euros, c'est trois fois le montant des aides à la presse, et je ne compte pas les frais d'avocats très importants. Nous sommes face à des acteurs si puissants et si riches qu'ils peuvent contester sans limites et régler des amendes gigantesques pour ne pas appliquer une loi qui ne nécessite en réalité qu'un peu de bon sens et de bonne volonté partagée.
Je vous proposerai quatre amendements sur cet article, qui tiennent largement compte des échanges que nous avons eus la semaine dernière. En particulier, il me paraît utile de mieux assurer le respect du décret que je propose, lequel est destiné à fixer les éléments nécessaires à une négociation équilibrée entre les plateformes et les éditeurs, une initiative qui, je dois le dire, rassemble un large consensus des parties prenantes. Inversement je crois préférable, après réflexion, de ne pas confier à l'Autorité de la concurrence la possibilité de fixer les modalités de rémunération en cas d'échec des négociations. D'une part, cela s'avère encore juridiquement incertain sur le principe, et, d'autre part, l'Autorité n'a ni la compétence ni les moyens pour cette mission.
Comme vous le voyez, mes chers collègues, ma démarche est très ouverte. J'attends de nos débats en séance publique des prises de position et, surtout, des engagements de la ministre, qui semble envisager le dépôt d'un projet de loi sur l'indépendance des médias et la protection des journalistes inspiré des conclusions des états généraux de l'information (EGI).
Je crois profondément que nos échanges seront très utiles, nécessaires, et marqueront de la meilleure des manières l'entrée de notre commission dans cette nouvelle année parlementaire. En effet, nous sommes tous d'accord, ce sujet est essentiel pour notre démocratie !
M. Laurent Lafon, président. - J'invite notre rapporteure à nous présenter le périmètre de cette proposition de loi.
Mme Sylvie Robert, rapporteure. - Je vous propose maintenant de définir le périmètre pour l'application des irrecevabilités prévues par l'article 45 de la Constitution en réservant notre examen : au champ du contrôle mené par l'Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique ; au contrôle du respect par les titulaires des autorisations d'émettre de leurs engagements au titre de la loi du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication ; aux Comités relatifs à l'honnêteté, à l'indépendance et au pluralisme de l'information et des programmes (Chipip) ; aux chartes de déontologie prises en application de l'article 2 bis de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse ; au respect de la protection des sources des journalistes ; aux conditions de nomination des directeurs de rédaction dans la presse écrite et dans l'audiovisuel ; aux droits voisins des éditeurs et des agences de presse.
M. Laurent Lafon, président. - J'ouvre à présent la discussion générale en donnant la parole à notre collègue Lauriane Josende, rapporteure pour avis de la commission des lois, à laquelle l'article 5 du texte a été délégué au fond. À ce titre, je le rappelle, nous prendrons acte de la position retenue par nos collègues au moment de l'examen des articles.
Mme Lauriane Josende, rapporteure pour avis de la commission des lois. - Comme rappelé par Mme la rapporteure, l'article 5 de la présente proposition de loi est relatif à la protection du secret des sources. Il reprend pour partie les dispositions contenues dans la loi dite « Bloche » du 14 novembre 2016 et censurées par le Conseil constitutionnel dans une décision du 10 novembre 2016. Il vise à étendre le champ des immunités pénales en matière de secret des sources : aux journalistes non rémunérés et employés, y compris de manière ponctuelle, aux directeurs de publication et « à tout collaborateur d'une rédaction amené à prendre connaissance d'informations permettant de découvrir une source ». Il entend soumettre également tout acte de procédure tendant à lever le secret des sources au juge des libertés et de la détention (JLD) et propose d'aggraver les sanctions en cas d'atteinte au secret des sources.
Plusieurs de ces choix posent des difficultés. Dans sa décision précitée, le Conseil constitutionnel a considéré que l'extension de l'immunité prévue par l'article 2 de la loi du 29 juillet 1881, si elle devait être étendue aux collaborateurs de rédaction, concernerait des personnes dont la profession ne présente qu'un lien indirect avec la diffusion d'informations au public, ce qui rend douteuse la constitutionnalité de la disposition.
Par ailleurs, la commission des lois s'est opposée de manière constante au transfert au juge des libertés et de la détention de la compétence sur les actes de procédure relatifs au secret des sources. Cette mission, qui ne relève pas du coeur des compétences du JLD, est assurée de manière efficace aujourd'hui par les juges d'instruction, et il serait malvenu d'alourdir encore la procédure pénale.
Enfin, l'alourdissement des peines en matière d'atteinte au secret des sources n'améliorera pas la protection dont elles font l'objet.
Si ces points ne peuvent être conservés, l'extension de la protection du secret des sources à tous les journalistes exerçant la profession dans le cadre fixé par le code du travail et au directeur de publication paraît proportionnée, en ce qu'elle est déjà juridiquement consacrée et protégée, notamment par le juge européen.
L'amendement de réécriture adopté en commission des lois juste avant que je vienne vous rejoindre vise à ne conserver que ces seuls points.
M. Pierre-Antoine Levi. - J'interviens en remplacement de Michel Laugier, retenu par le congrès des maires de son département.
Je souhaite tout d'abord souligner la qualité du travail réalisé dans l'élaboration de cette proposition de loi, qui concerne un sujet central dans nos sociétés démocratiques : l'indépendance des médias.
Cependant, permettez-moi avant toute considération de fond de relever deux points liés au calendrier de la présentation de ce texte. Il a été déposé le 24 juillet dernier, soit le jour où l'Arcom a décidé de ne pas renouveler l'autorisation d'émettre sur la TNT de deux chaînes, dont C8, et avant le rendu des conclusions des états généraux de l'information, qui ont été connues en septembre. Très logiquement, le projet de texte, en intervenant à contretemps, ne peut tirer les enseignements de ces deux annonces. « Patience et longueur de temps font plus que force ni que rage », comme le disait La Fontaine...
Plusieurs des propositions émises dans le projet de texte sont néanmoins pertinentes. D'ailleurs, elles reprennent ou s'inspirent de recommandations parlementaires, telles que la disposition relative à la meilleure visibilité des comités d'éthique, à l'article 3, directement inspirée des recommandations de la commission d'enquête sénatoriale de 2022 sur la concentration des médias, de même que celle qui accorde plus de visibilité et de transparence, à l'article 4, aux chartes de déontologie, laquelle reprend les conclusions rendues en mars 2024 par la mission d'évaluation de l'Assemblée nationale ayant mesuré l'impact de la loi « Bloche » du 14 novembre 2016.
Par ailleurs, l'article 1er, qui a pour ambition de donner un cadre au contrôle au pluralisme exercé par l'Arcom, est intéressant.
Quant aux droits voisins, la publication d'un décret déterminant les éléments devant être transmis par les Gafa - Google, Apple, Facebook, Amazon - aux agences et titres de presse, prévue à l'article 7, me semble très opportune pour soutenir les titres dans leurs négociations.
En revanche, le droit d'agrément à la nomination du directeur de la rédaction, accordé aux rédactions par l'article 6, va à l'encontre du droit de propriété et de la liberté d'entreprendre de l'actionnaire, avec le risque inhérent de dévaloriser la valeur économique de l'entreprise de presse, sans oublier que les dispositifs existent déjà, à l'image du droit de veto, en vigueur dans plusieurs rédactions.
Je n'évoque pas ici l'article 5, qui a été délégué au fond à nos collègues de la commission des lois, mais il soulève également une problématique très intéressante et appellera probablement des débats nourris.
Pour finir, je veux une nouvelle fois rappeler l'attachement de notre groupe à l'indépendance de la presse. Celle-ci passe, selon nous, en premier lieu, par la solidité de son modèle économique.
M. Jérémy Bacchi. - Je tiens à mon tour à remercier et à féliciter le groupe SER ainsi que ma collègue Sylvie Robert pour ce texte.
Depuis plusieurs années, l'information tend à exploser, parfois dans tous les sens, pour le meilleur, mais aussi souvent pour le pire. Ces problématiques ont été soulevées lors des états généraux de l'information, et peut-être plus encore lors des états généraux de la presse indépendante.
En cela, la proposition de loi nous semble répondre aux défis qui sont devant nous. Mieux protéger et renforcer l'indépendance des journalistes nous paraît une nécessité absolue. Nous partageons ainsi bon nombre des préconisations de ce texte - pour ne pas dire l'ensemble d'entre elles.
À titre personnel, je m'interroge sur l'article 6, relatif au droit d'agrément à la nomination du directeur des rédactions. Je n'y vois pas un problème philosophique, bien au contraire ! Cela dit, le fait que les directeurs de publication restent responsables, au regard de la loi, de ce qui va sortir dans le journal, sans avoir de pouvoir de nomination du directeur de la rédaction, peut parfois poser quelques soucis supplémentaires ou faire naître des frictions ou des tensions au sein même des rédactions.
Nous n'avons pas fait de propositions d'amendement sur ce sujet, mais c'est l'un des angles morts que nous voyons, même si les deux fonctions de directeur de publication et de directeur de la rédaction sont parfois confondues.
M. Bernard Fialaire. - Je veux à mon tour féliciter Sylvie Robert et le groupe SER. Je regrette de n'avoir pu être disponible pour participer à ces travaux, car c'est un sujet important, à un moment où l'on peut s'interroger sur l'information en ligne, le rôle des réseaux sur ces flux d'informations...
On peut être rassuré sur la sensibilisation des jeunes à l'information : la majorité d'entre eux ont un certain esprit critique, comme le montre un sondage qui doit, me semble-t-il, être publié aujourd'hui dans Le Point. C'est plutôt rassurant, et je pense qu'il faut continuer à insister sur l'éducation aux médias et à l'information.
Le secret des sources, on le voit bien, pose problème. Je pense qu'il faut effectivement peut-être aller plus loin, être encore plus audacieux sur les comités d'éthique et les chartes de déontologie, qui sont à géométrie variable. Il faudra un jour oser dire qu'il faut un véritable code déontologique des journalistes, qui les protège vis-à-vis de leurs employeurs et rassure les citoyens destinataires de l'information, avec un ordre chargé de délivrer la carte de journaliste. Je ne vois pas pourquoi cette carte est uniquement délivrée sur des critères économiques. D'autres critères devraient être pris en compte, qui pourraient d'ailleurs avoir des effets sur le secret des sources - on peut être un journaliste performant qui a droit au secret des sources en ne tirant qu'une partie minime de ses revenus de la presse...
Il faut aller plus loin. Je continuerai toujours à défendre l'instauration d'un véritable code de déontologie, avec un ordre des journalistes qui permette de prononcer des mesures disciplinaires. Les journalistes sont bien les plus à même de repérer des dérives que commettraient leurs pairs...
M. Max Brisson. - Je veux d'abord poser un préalable. Certes, la proposition de loi de Sylvie Robert témoigne d'une volonté louable de renforcer l'indépendance des médias et de mieux protéger les journalistes. Certes, le texte que nous examinons contient de bonnes mesures : je pense, en particulier, aux articles 3, 4 et 7. Je souscris d'ailleurs à l'ouverture de Sylvie Robert sur ces trois articles.
Mais je vais plutôt parler de ce qui fâche...
Pour ce qui concerne d'abord le calendrier, ce texte n'est-il pas prématuré, comme l'a dit Pierre-Antoine Levi ? Il vient ou trop tôt, ou trop tard, puisque les États généraux de l'information viennent tout juste de rendre leur rapport et qu'il appartient au Gouvernement, à ce stade, de faire des propositions en tenant compte des consultations ayant eu lieu.
De fait, si cette proposition de loi contient quelques avancées, d'autres de ces dispositions remettent en cause des équilibres importants et appellent un certain nombre de réserves de notre part. Je les présenterai à partir des articles 1er, 2, 5 et 6.
À l'article 1er, vous nous proposez, madame la rapporteure, de sanctuariser la décision du Conseil d'État du 13 février 2024. À titre personnel, j'y suis plus que réticent. Si l'amendement que vous proposez réécrit pour partie cet article, il n'en modifie guère la portée : vous poursuivez dans l'idée d'étiqueter en courants de pensée chroniqueurs, animateurs et invités. Or je me rappelle que, en son temps, le président de l'Arcom avait exprimé devant cette commission sa réticence à comptabiliser les temps de parole des éditorialistes. Mais il est vrai que les temps ont changé...
Surtout, je ne comprends pas pourquoi vous souhaitez inscrire dans la loi la décision du Conseil d'État, puisque, pour la rendre, celui-ci s'est appuyé sur le droit existant, et c'est sur la base de ce droit qu'il a donné pour injonction à l'Arcom de prendre une nouvelle délibération, ce qui fut fait.
La situation est aujourd'hui apaisée - c'est bien la réalité - et les craintes qui ont pu être exprimées, y compris sur nos travées, n'ont plus de raison d'être. Dès lors, pourquoi rouvrir le débat ? Pourquoi s'attaquer à un équilibre de nouveau trouvé ? Ne visez-vous pas d'autres objectifs ?
À l'article 2, vous proposez de renverser le pouvoir de sanction de l'Arcom, en introduisant la notion d'atteinte grave et manifeste à la vie démocratique de la Nation. Mes chers collègues, quelle serait la légitimité d'une autorité publique indépendante à juger d'une atteinte à la vie démocratique de la Nation ? Sur quels critères ce jugement se fondera-t-il : une simple interprétation, un contexte politique ? J'ai, pour ma part, une certaine conception de l'État de droit et de la souveraineté nationale. Elle m'empêche de me résoudre à confier le pouvoir de suspendre le droit d'antenne d'un média sur la seule base d'une interprétation subjective et d'un contexte politique ambiant !
Votre article 5 relevant du champ de la commission des lois, je ne m'y attarderai pas. Je me contenterai d'exprimer mon accord avec la réécriture des articles entreprise par notre collègue Lauriane Josende.
Quant à l'article 6, qui propose de conférer aux journalistes des entreprises de presse et des médias audiovisuels un droit d'agrément à la nomination du directeur, je dois vous dire qu'il nous inspire un désaccord de fond.
D'abord, si le rapport issu des États généraux de l'information suggère de redessiner le fonctionnement des entreprises de média, il ne préconise pas un tel droit d'agrément. Il recommande simplement que l'actionnaire informe la rédaction sur son intention de procéder à un changement de direction et que le comité d'éthique puisse rendre son avis public. Cela me semble plus sage.
Ensuite, l'exigence d'un agrément a été rejetée en avril dernier par la commission des affaires culturelles de l'Assemblée nationale, examinant la proposition de loi de Sophie Taillé-Polian, qui conditionnait l'obtention d'aides publiques à la presse ainsi que la mise à disposition d'un canal TNT à l'effectivité d'un agrément des journalistes.
Par ailleurs, cet article pose un problème d'ordre constitutionnel, en portant atteinte au principe de la liberté d'entreprendre. Or, selon la jurisprudence du Conseil constitutionnel, le respect de cette liberté implique la liberté de choix par l'employeur de ses collaborateurs.
En outre, l'instauration d'un tel droit risquerait de dissuader les investisseurs, alors même que le secteur de la presse est fragile et que la survie de nos entreprises face au développement des géants internationaux est posée.
Enfin, il existe déjà un grand nombre de dispositifs et de pratiques garantissant la protection des rédacteurs à l'égard des pressions extérieures, les journalistes bénéficiant, à titre individuel, de la clause de conscience et de la clause de cession, qui garantissent l'autonomie de la rédaction vis-à-vis des propriétaires de l'entreprise éditrice.
Vous l'aurez compris, j'ai sur ce texte des réticences multiples. Et je peux déjà dire que nous nous opposerons aux articles 2 et 6, et que nous nous interrogeons sur le vote qui sera le nôtre sur l'article 1er.
Nous pensons surtout que ce texte prématuré n'apporte rien d'indispensable au bon fonctionnement du principe du pluralisme dans l'audiovisuel ni aucun apport juridique notable pour le renforcer. En revanche, nous craignons qu'il ne remette directement en cause la liberté éditoriale des médias audiovisuels et les équilibres scellés par la loi et la jurisprudence, y compris la plus récente.
Toutefois, en application de notre gentlemen's agreement, nous poursuivrons le débat en séance.
Mme Monique de Marco. - Je tenais à remercier le groupe SER d'avoir porté au débat ce sujet, qui nous semble crucial, du renforcement de l'indépendance des journalistes et d'une meilleure protection de ces derniers.
Je remercie particulièrement Sylvie Robert, qui, la semaine dernière, a mené des auditions à un rythme intense. Ces auditions ont été très instructives, et je puis dire que le retour des différents acteurs auditionnés était beaucoup plus nuancé et constructif que ce que je viens d'entendre.
Pour nous, membres du groupe Écologiste - Solidarité et Territoires, l'indépendance des médias, l'honnêteté, le pluralisme de l'information sont des sujets cruciaux. Ils apparaissent néanmoins menacés par la participation de groupes industriels à leur capital, mais également par de nouvelles pratiques liées à l'expansion du numérique et aux réseaux sociaux. Il convient, dans ce contexte, d'exercer une forte vigilance et de pouvoir anticiper ce qui va se passer très prochainement.
Contrairement à ce que j'ai entendu, cette proposition de loi arrive à point nommé. Ce n'est pas parce que les EGI n'avaient pas remis leur rapport au moment du dépôt du texte que nous ne savions pas dans quel sens iraient les propositions ! Ceux qui ont assisté aux auditions et qui lisaient la presse savaient qu'elles conforteraient les mesures présentées ici.
En outre, la présente proposition de loi reprend les recommandations de la commission d'enquête de 2022 sur la concentration des médias et tire les conséquences de ce qui s'est passé au Journal du Dimanche (JDD), des travaux menés par le Sénat ainsi que par la commission d'enquête sur la télévision numérique terrestre à l'Assemblée nationale au tout début de l'année 2024.
Elle vise à remédier aux lacunes du droit existant, en répondant aux principales inquiétudes que suscitent les menaces actuelles sur l'indépendance des médias, l'honnêteté de l'information et le pluralisme, mais également à améliorer la régulation audiovisuelle et la protection des journalistes et de leurs sources, dans l'attente d'une réforme d'adaptation plus approfondie à l'ère numérique et à l'intelligence artificielle.
Nous avons entendu que la ministre de la culture souhaitait produire un grand projet de loi, en s'inspirant des EGI. Dans l'attente, ce texte, large et ambitieux, permet de poser une première brique et de susciter le débat. Je me félicite de son inscription à notre ordre du jour.
Les auditions ont permis d'infléchir certaines de nos positions, d'où les amendements que j'ai déposés.
Je remercie une dernière fois Sylvie Robert et son groupe : ce texte marque une première étape dans une réflexion cruciale pour l'avenir de notre démocratie.
Mme Colombe Brossel. - Je remercie l'ensemble de la commission, qui a travaillé sur ce texte en un temps record. Je remercie de façon plus personnelle Sylvie Robert, qui, au sein du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, travaille sur ces sujets importants, dans la continuité des travaux antérieurs de David Assouline. Pour avoir assisté à une grande partie des auditions, je puis confirmer que cette proposition de loi, ainsi que certains des amendements déposés à l'issue des auditions, répondent aux enjeux démocratiques, économiques et juridiques qui sont devant nous.
Je souhaite insister sur deux sujets.
D'abord, d'où partons-nous ? De la loi dite « Bloche » du 14 novembre 2016, qui a été fondatrice sur ces sujets. Elle constitue encore à ce jour le cadre juridique de certaines conditions d'exercice des journalistes. Or, si le cadre juridique est resté le même depuis huit ans, le monde, lui, a changé : des médias ont disparu ou sont apparus, mais surtout les réseaux sociaux, les plateformes, le numérique ont pris une ampleur considérable. En outre, la diffusion de fausses nouvelles, de « vérités alternatives », a pris une place ahurissante dans le débat démocratique.
Ainsi, je ne suis pas sûre que la loi « Bloche », quelque fondatrice qu'elle soit, suffise encore à réguler ce secteur. Aussi sommes-nous, en tant que législateurs, devant l'obligation d'agir. Du reste, la nécessité d'une action fait l'objet d'un consensus au sein de l'ensemble des acteurs entendus, même s'ils pouvaient diverger quant aux solutions à proposer.
Ensuite, cette proposition de loi arrive-t-elle trop tôt ? Ou trop tard ? Dans le contexte de l'accélération des mécanismes que je décrivais, il me semble plus bénéfique pour notre démocratie d'avancer à petits pas mais de façon certaine, que d'attendre un avenir meilleur mais incertain. D'ailleurs, les propositions de notre groupe sur cette question, reprises dans la proposition de loi, correspondent aux recommandations des états généraux de l'information, car nous travaillons sur le sujet depuis longtemps.
Sans doute aurons-nous des sujets de divergence, mais je ne puis me résoudre à admettre que des propositions de loi sénatoriales n'arrivent jamais au bon moment, au motif qu'un grand projet de loi pourrait répondre peut-être, par magie, un jour, à tous les problèmes... Faisons notre travail de législateur ; je préfère quelques avancées très importantes à un hypothétique Grand Soir, auquel j'ai cessé de croire depuis longtemps.
M. Jean-Gérard Paumier. - Je ne méconnais pas l'importance de l'indépendance des médias et de la protection des journalistes. Mais, selon moi, la première urgence en matière de qualité, de pluralisme et de véracité de l'information est ailleurs que dans les médias classiques. Elle réside dans les réseaux sociaux, qui distillent sans contrôle et sans frontières le poison des fake news et des trolls, avec un recours croissant à l'intelligence artificielle. La campagne américaine actuelle en est une illustration caricaturale.
Le législateur doit de toute urgence traiter ce sujet, limiter le pouvoir de sociétés privées, comme celle d'Elon Musk, et lutter contre les ingérences étrangères émanant souvent de pays autoritaires, qui font peser un péril réel sur notre démocratie, notamment en interférant sur les processus électoraux. Selon moi, c'est là qu'est l'urgence en la matière.
M. Ahmed Laouedj. - Je veux insister sur une situation préoccupante relative à l'indépendance de certains médias, celle des chaînes C8 et CNews. Ces chaînes ont été sanctionnées récemment par l'Arcom, ce qui soulève des interrogations légitimes quant à la ligne éditoriale et l'objectivité de leurs contenus. L'épisode survenu entre le présentateur de l'émission Touche pas à mon poste !, Cyril Hanouna, et un député de La France insoumise a provoqué une vive polémique et a conduit à une amende record de 3 millions d'euros à l'encontre de la chaîne. À la suite de cet incident, cette émission semble avoir pris un tournant regrettable de dénigrement systématique des élus et candidats de ce parti, ce qui remet en cause la responsabilité éthique de ces médias.
Ce n'est pas tout. Le Journal du dimanche a diffusé, le dernier jour de la campagne des législatives, une fausse information susceptible d'influencer le processus électoral ; de même, la chaîne Europe 1 a été mise en cause par l'Arcom pour manquement à l'honnêteté et au pluralisme de l'information dans une émission créée spécialement pour cette campagne. Ces exemples ne sont que la partie émergée de l'iceberg, mais ils révèlent une tendance inquiétante, une dérive menaçant notre démocratie.
Ne l'oublions pas, une information de qualité est le socle sur lequel repose notre société ; or, les auteurs de cette proposition de loi l'ont rappelé, certains médias tendent à amalgamer information et opinion. Ces chaînes jouissent d'une large audience, notamment auprès des plus jeunes. Il est essentiel que les médias respectent les principes de pluralisme et l'indépendance afin de garantir une information de qualité et une démocratie saine, notamment pendant les campagnes électorales.
Le bilan d'activité du Conseil d'État publié le 18 juin 2024, intitulé Le Pluralisme de l'information, un impératif démocratique, rappelle opportunément que la garantie de « l'expression de l'ensemble des opinions et courants de pensée des médias est un objectif inscrit dans notre Constitution et une des conditions de notre démocratie ». Cette proposition de loi n'est sans doute qu'une première étape dans le renouveau médiatique auquel nous aspirons, mais il nous incombe de la soutenir pour intensifier le pluralisme et l'indépendance, mais également pour protéger les reporters et leurs sources. Soyons à la hauteur des enjeux !
Mme Laure Darcos. - Contrairement à d'autres, je pense qu'il est positif de « cranter » les choses dès maintenant, avant l'examen d'un futur grand projet de loi, au travers d'un texte comme celui-ci, qui reprend des recommandations des états généraux de l'information.
Je tiens à dire, et je regrette les propos de M. Ahmed Laouedj à ce sujet, que Sylvie Robert ne vise nullement, au travers de ce texte, certains médias en particulier. Je comprends que - appelons un chat un chat - le groupe Bolloré puisse en gêner certains, mais beaucoup de personnes me disent aussi que la pluralité des opinions n'est pas non plus respectée au sein de l'audiovisuel public. Il s'agit de traiter tous les organes de tout le spectre médiatique. Il faut que le grand public, qui ne peut être spécialiste de tout, puisse reprendre confiance dans les médias, dans les journalistes.
Mme Catherine Morin-Desailly. - Le Sénat s'est toujours préoccupé de l'indépendance et du pluralisme des médias.
Sans doute ressentons-nous un décalage entre ce texte et les conclusions des États généraux de l'information. Cela dit, beaucoup des préconisations de ceux-ci émanent de rapports parlementaires ; ce sont souvent des recommandations de bon sens, qui ne font pas toujours appel à la loi. On y retrouve nombre de nos travaux. Le Parlement a donc bien travaillé, même s'il est peut-être moins audible que certains collectifs.
Nous attendons d'examiner les amendements de la rapporteure, notamment sur l'article 1er. Il est positif d'avoir travaillé avec l'Arcom, qui a pris une place considérable, ses missions se multipliant dans des domaines complexes. Nous devons entretenir un lien permanent avec cette autorité et contrôler son action en l'entendant régulièrement.
De nombreux textes ont été cités, comme la loi « Bloche », le rapport d'information sur la concentration des médias et la loi relative aux droits voisins, mais n'oublions pas le droit européen, car une importante réflexion est en cours à cet échelon sur la liberté et l'indépendance des médias ; je pense par exemple à l'acte sur la liberté des médias, le Media Freedom Act. Il existe d'ailleurs, à côté de la loi sur les droits voisins, une directive sur les droits d'auteur et droits voisins. Les amendements proposés par Sylvie Robert à l'article 7 sont-ils compatibles avec la législation européenne ?
Notre rapporteure a raison de s'insurger contre les plateformes, qui préfèrent payer des amendes colossales qu'appliquer la loi. Depuis quinze ans que nous légiférons, pas à pas, petit à petit, les plateformes résistent toujours, recourant à tous les moyens pour exercer un lobbying puissant à Paris et à Bruxelles afin que les règles ne s'appliquent jamais à elles. Il faut être tenace ! En dépit de l'application des droits voisins, il restera toujours la situation particulière de ces plateformes, qui, en raison de leur modèle économique et de leurs algorithmes toxiques, font que certains de leurs contenus sont plus exposés que d'autres.
Ma dernière réflexion porte sur le financement de l'audiovisuel public, dont nous allons bientôt débattre, puisque nous avons déposé une proposition de loi sur le sujet. C'est là aussi un enjeu d'indépendance des médias, qui requiert un financement pérenne.
M. Laurent Lafon, président. - Je signale que nous entendrons en audition, la semaine prochaine, Roch-Olivier Maistre, président de l'Arcom. Il viendra nous présenter son rapport d'activité, mais nous pourrons également l'interroger sur tous les sujets évoqués ce matin.
Mme Sylvie Robert, rapporteure. - Je vais d'abord répondre aux questions portant sur le calendrier : est-ce le bon moment ? Mes chers collègues, si l'on ne s'empare pas nous-mêmes de cette thématique, ce ne sera jamais le bon moment ! Je serai personnellement ravie, si un projet de loi nous arrive un jour, de débattre de façon globale de la pluralité des médias et de la protection des journalistes, voire du secret des sources et de l'intelligence artificielle - toutes questions essentielles pour notre démocratie, qui souffre de la désinformation. Mais, à ce jour, nous n'avons aucune certitude à ce sujet.
Ce texte a pour objet de montrer que le Sénat a beaucoup travaillé sur la question. Vous avez d'ailleurs contribué vous-même, chère Catherine Morin-Desailly, à engager le débat au sein de la commission des affaires européennes. Nous pouvons certes céder la priorité à l'Assemblée nationale, mais je propose que le Sénat prenne l'initiative et pose d'emblée quelques briques.
Je connais certaines des positions exprimées, mais pourquoi faudrait-il ne pas en débattre ? Pour ma part, vu l'urgence démocratique, je crois que c'est nécessaire. D'ailleurs, les intervenants aux États généraux de l'information se retrouvent complètement dans ce texte ; j'ai même parfois été, sur certaines dispositions, un peu timorée à leurs yeux.
Pierre-Antoine Levi a évoqué le modèle économique de la presse ; il a raison, c'est un sujet important. Jean-Gérard Paumier a pour sa part mentionné les réseaux sociaux et l'intelligence artificielle ; dans ce domaine, les choses vont très vite et nous devrons réexaminer la question de la régulation numérique à l'heure de l'IA. D'ailleurs, monsieur le président, il serait intéressant que notre commission lance une mission de suivi sur la question des droits d'auteur et droits voisins à l'heure de l'IA.
M. Pierre Ouzoulias. - Tout à fait.
Mme Sylvie Robert, rapporteure. - Cela nous permettrait de faire un point sur l'évolution des textes. Les acteurs entendus en audition ont de grandes inquiétudes sur le sujet.
Vous soulevez, cher Jérémy Bacchi, la question du droit d'agrément. Je peux entendre vos propos sur la responsabilité pénale du directeur de la publication, mais pour ma part, je conçois ce dispositif comme une marque de confiance entre l'actionnaire et la rédaction. Tout le monde a intérêt à ce que les choses se passent bien, personne ne gagnera à revivre ce qu'il s'est passé au JDD. Les rédactions ont besoin de confiance. Poursuivons ce débat en séance.
Cher Bernard Fialaire, j'ai surtout voulu donner une meilleure visibilité au comité d'éthique. J'ai notamment souhaité améliorer le contenu et l'effectivité des chartes de déontologie. Il faut aller un peu plus loin en matière de transparence, même si je ne prévois pas d'aller aussi loin que ce que vous proposez. Quoi qu'il en soit, la question de la déontologie et des comités d'éthique, qui sont deux choses différentes, est bien traitée dans le texte.
Sans revenir sur les propos de Max Brisson au sujet du droit d'agrément, je dirai un mot sur l'article 1er pour vous éclairer sur l'état d'esprit qui m'a animée en mettant au rang législatif la jurisprudence du Conseil d'État. Selon moi, c'est au législateur d'interpréter la loi, non au Conseil d'État. Nous en avons parlé lors de l'audition du président de l'Arcom : non seulement il n'était pas contre, mais il a complété l'article pour le rendre complètement identique à la délibération de l'autorité de régulation, en y ajoutant - ce qui n'est pas rien - la liberté éditoriale et les programmes consacrés à l'information. Sa contribution me fait dire qu'il est plutôt heureux de notre initiative : c'est au législateur qu'il revient de préciser l'interprétation de la loi de 1986, non au Conseil d'État !
Concernant l'article 2, vous avez raison : ce texte a été déposé avant que nous connaissions la décision de l'Arcom sur C8. Pour autant, j'avoue que ce sont en réalité tous les médias qui sont concernés. Comme l'ont souligné certains de mes collègues, cette question, touchant la société entière, interroge sur la perception et l'interprétation qu'ont nos concitoyens de leur rapport aux médias. Nous devons dépasser un certain nombre de sujets pour pouvoir mieux réguler et encadrer, en tant que législateur, un aspect qui nous paraît essentiel depuis des années au Sénat, à savoir l'indépendance, le pluralisme et la protection des journalistes.
Tel est l'esprit qui m'animait en déposant ce texte !
EXAMEN DES ARTICLES
Mme Sylvie Robert, rapporteure. - L'amendement COM-1 propose une rédaction plus fidèle à la jurisprudence du Conseil d'État du 13 février 2024. Elle a été travaillée conjointement avec l'Arcom.
M. Max Brisson. - Nous allons nous abstenir. Je connais les convictions de Sylvie Robert, qui a su répondre à mes interrogations sur l'article 1er, mais j'ai aussi entendu les propos de notre collègue Ahmed Laouedj, qui parle sans fard. Je soumettrai tous ces éléments à mon groupe et nous prendrons une décision en séance, où nous aurons le débat.
M. Laurent Lafon, président. - Il existe au Sénat un gentlemen's agreement qui veut que lorsqu'un texte est déposé par un groupe de l'opposition, on ne puisse pas empêcher son examen dans l'hémicycle.
M. Max Brisson. - Nous nous abstenons, nous ne bloquons rien !
M. Laurent Lafon, président. - Certes, je le précise à l'intention des autres groupes.
L'amendement COM-1 est adopté.
L'article 1er est ainsi rédigé.
Mme Sylvie Robert, rapporteure. - L'amendement COM-16 vise à mettre en oeuvre une plus grande transparence des algorithmes des réseaux sociaux et à améliorer la visibilité des contenus d'information de la presse d'information politique et générale (IPG).
Il met en avant un vrai sujet, qui nous a beaucoup occupés ces dernières années, notamment avec la loi relative à la lutte contre la manipulation de l'information. Il reprend de plus des idées avancées par les états généraux de l'information.
Cependant, il ne me paraît pas entrer dans le champ du texte que nous examinons aujourd'hui. Aussi, je propose de le déclarer irrecevable au titre de l'article 45 de la Constitution.
L'amendement COM-16 est déclaré irrecevable en application de l'article 45 de la Constitution.
Article 2
L'article 2 est adopté sans modification.
Mme Sylvie Robert, rapporteure. - L'amendement COM-2 précise que la saisine des comités d'éthique au sein d'un groupe de médias doit être réalisée par un mécanisme de saisine en ligne facilement accessible.
Cet amendement s'inscrit dans la lignée de positions plusieurs fois exprimées par notre commission sur les comités d'éthique et de déontologie, les fameux « Chipip ». Je vous rappelle que n'importe qui peut saisir ces comités par des moyens que nous rendons plus facilement accessibles.
Cependant, le site internet ne peut être géré que par le détenteur de l'autorisation d'émettre. Aussi, afin de renforcer la confiance en ces comités, je vous propose d'inscrire dans la loi que la confidentialité des échanges et l'anonymat seront garantis.
L'amendement COM-3 est un amendement de précision pour être cohérent dans les renvois au sein de l'article 30-8 de la loi du 30 septembre 1986.
L'amendement COM-4 vise à confier à l'Arcom la mission de valider la liste des membres des Chipip désignés par le conseil d'administration ou le conseil de surveillance du détenteur de l'autorisation d'émettre.
L'accord du collège de l'Arcom constitue une garantie supplémentaire d'indépendance des membres de nature à conforter leurs missions. Cet amendement reprend l'idée avancée par la commission d'enquête sur la concentration des médias en France.
L'amendement COM-2 est adopté, de même que les amendements COM-3 et COM-4.
L'article 3 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.
Mme Sylvie Robert, rapporteure. - L'amendement COM-14 entend soumettre au contrôle de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP) les personnes physiques ou morales qui détiennent plus de 10 % du capital des titulaires d'autorisation d'émettre, les directeurs de publication et les personnes exerçant une activité d'influence en ligne.
Je comprends l'inspiration de cet amendement, mais outre des incertitudes juridiques, il ne me semble pas rentrer dans le cadre de cette proposition de loi. Je propose donc de le déclarer irrecevable au titre de l'article 45 de la Constitution.
L'amendement COM-14 est déclaré irrecevable en application de l'article 45 de la Constitution.
Mme Monique de Marco. - Mes amendements vont dans le sens du texte. Il s'agit uniquement de le conforter, tout en mettant certains sujets en débat.
Mme Sylvie Robert, rapporteure. - L'amendement COM-5 vise à rendre accessibles les chartes déontologiques sur le site internet des éditeurs de presse ou d'audiovisuelle.
L'amendement COM-6 propose de remplacer le contrôle de conformité des chartes déontologiques du Conseil de déontologie journalistique et de médiation (CDJM) par une transmission des chartes à cet organisme, qui en garantirait l'accès pour le public sur son site internet. Cette démarche de transparence s'inscrit dans la lignée des recommandations de la mission d'information de la commission des affaires culturelles de l'Assemblée nationale sur la loi du 14 novembre 2016. Je reprends au vol une suggestion qui nous a été faite durant les auditions de charger le CDJM d'une mission de « chartothèque », à savoir la compilation et la mise à disposition sur son site de l'ensemble des chartes.
L'amendement COM-5 est adopté, de même que l'amendement COM-6.
L'article 4 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.
Mme Sylvie Robert, rapporteure. - L'amendement COM-13 propose de modifier la loi du 1er août 1986 portant réforme du régime juridique de la presse en insérant une nouvelle condition pour la définition d'une « publication de presse » qui serait la proportion de journalistes professionnels, fixée à 75 %.
Je comprends bien l'inspiration de cet amendement, dont l'objet est en réalité de diminuer la proportion de pigistes dans les publications de presse. Cependant, il me paraît éloigné de l'objet de la proposition de loi, et je vous propose de le déclarer irrecevable au titre de l'article 45 de la Constitution.
L'amendement COM-13 est déclaré irrecevable en application de l'article 45 de la Constitution.
M. Laurent Lafon, président. - Je vous rappelle que l'article 5 a été délégué au fond à la commission des lois qui nous propose d'adopter l'amendement COM-12 et l'article 5 ainsi modifié.
L'amendement COM-12 est adopté.
L'article 5 est ainsi rédigé.
Après l'article 5
L'amendement COM-15 est déclaré irrecevable en application de l'article 45 de la Constitution.
Mme Sylvie Robert, rapporteure. - L'amendement COM-17 vise à doter les rédactions d'une personnalité juridique en lieu et place du droit d'agrément proposé à cet article.
Il s'agit là d'un vieux débat, qui a notamment beaucoup agité les travaux de notre commission d'enquête sur la concentration des médias en France. Le fait de doter les rédactions d'une personnalité juridique serait de nature à mieux assurer leur indépendance et à les mettre en position de négociation plus favorable avec les actionnaires. L'auteur de l'amendement estime cette solution plus réaliste et consensuelle que le droit d'agrément que je propose à cet article.
Je préférerais néanmoins que ce dernier puisse être débattu en séance publique, ce que nous ne pourrions pas faire si nous adoptions cet amendement. Notre collègue ne pourrait-elle pas redéposer cet amendement sous la forme d'un article additionnel ? Dans l'immédiat, j'émettrai un avis plutôt défavorable.
Mme Monique de Marco. - Je comprends tout à fait votre préoccupation. Pour autant, cet amendement tient compte des auditions menées dans le cadre de la commission d'enquête sur la concentration des médias en France. J'ai également été inspirée par Nathalie Goulet, qui a fait cette proposition tout à fait pertinente lors de l'examen d'une PPL voilà plus d'un an. J'ai donc pensé que la majorité sénatoriale me suivrait.
L'amendement COM-17 est retiré.
L'article 6 est adopté sans modification.
Mme Sylvie Robert, rapporteure. - Avec l'amendement COM-7, je vous propose que le décret fixant les éléments nécessaires à une négociation équilibrée entre les éditeurs, les agences de presse et les services de communication au public en ligne soit pris en Conseil d'État.
Je souhaite ainsi entourer des meilleures garanties juridiques le décret que je propose à l'article 7 et qui vise à fixer les éléments devant être transmis par les plateformes aux éditeurs lors de la négociation des droits voisins. Pour moi, le décret offre la possibilité de remettre tous les acteurs autour de la table pour négocier. C'est un point important.
Lors de son audition, la vice-présidente de l'Autorité de la concurrence a très bien souligné la complexité de l'exercice, à laquelle elle s'est déjà livrée dans le cadre des injonctions à la société Google. Il s'agit donc d'un amendement que je crois très utile pour éviter de potentiels contentieux, dans un secteur où ils ne manquent déjà pas.
L'amendement COM-8 a pour objet de mettre en place une plus grande confiance entre les éditeurs, les agences de presse et les services de communication au public en ligne, en instaurant dans le décret les conditions d'un réel contrôle de la fiabilité des données transmises.
Avec cet amendement, je vous propose un nouveau pas en direction d'une relation plus équilibrée et confiante entre les éditeurs de presse et les plateformes. Il me paraît important de permettre une bonne « auditabilité » de ces données afin de fonder les négociations sur des bases transparentes et partagées.
L'amendement COM-9 tend à préciser les sanctions en cas de refus des services de communication au public en ligne de se conformer aux obligations de transmission des éléments prévus dans le décret.
La procédure que j'avais initialement envisagée souffrait d'un certain manque de précision. Je propose donc de confier cette mission de manière explicite à l'Autorité de la concurrence et de la placer dans un cadre déjà maîtrisé par elle, à savoir les articles 464-1 et 464-2 du code de commerce. L'Autorité pourrait donc prononcer des astreintes journalières, comme elle n'a pas hésité à le faire pour Google, dans la limite de 5 % du chiffre d'affaires mondial journalier. Toutes les garanties seraient par ailleurs respectées.
S'agissant de l'amendement COM-10, les auditions ont montré qu'il n'entrait pas dans les attributions de l'Autorité de la concurrence de déterminer les modalités de la rémunération due par les services de communication en ligne aux éditeurs et agences de presse au titre des droits voisins. Je vous propose donc de supprimer les dispositions figurant dans le texte initial.
L'amendement COM-7 est adopté, de même que les amendements COM-8, COM-9 et COM-10.
L'article 7 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.
Mme Sylvie Robert, rapporteure. - L'amendement de coordination COM-11 vise à assurer l'application des mesures de la proposition de loi dans les îles Wallis-et-Futuna, en Polynésie française, en Nouvelle-Calédonie et dans les Terres australes et antarctiques françaises.
L'amendement COM-11 est adopté et devient article additionnel.
Article 8
L'article 8 est adopté sans modification.
La proposition de loi est adoptée dans la rédaction issue des travaux de la commission.
Le sort des amendements examinés par la commission est retracé dans le tableau suivant :
Proposition de loi visant à renforcer l'indépendance des médias et à mieux protéger les journalistes |
|||
Chapitre Ier : DU RENFORCEMENT DE L'INDÉPENDANCE DES MÉDIAS |
|||
Article 1er |
|||
Auteur |
N° |
Objet |
Sort de l'amendement |
Mme Sylvie ROBERT, rapporteure |
1 |
Le présent amendement propose une rédaction plus fidèle à la jurisprudence du Conseil d'État du 13 février 2024. |
Adopté |
Article(s) additionnel(s) après Article 1er |
|||
Mme de MARCO |
16 |
Cet amendement propose de mettre en oeuvre une plus grande transparence des algorithmes des réseaux sociaux et à améliorer la visibilité des contenus d'information de la presse IPG. |
Irrecevable art. 45, al. 1 C (cavalier) |
Article 3 |
|||
Mme Sylvie ROBERT, rapporteure |
2 |
Cet amendement précise que la saisine des comités d'éthique au sein d'un groupe de médias doit être réalisée par un mécanisme de saisine en ligne garantissant la confidentialité des échanges et l'anonymat. |
Adopté |
Mme Sylvie ROBERT, rapporteure |
3 |
Amendement de précision |
Adopté |
Mme Sylvie ROBERT, rapporteure |
4 |
Le présent amendement vise à confier à l'Arcom la mission de valider la liste des membres des comités relatifs à l'honnêteté, à l'indépendance et au pluralisme de l'information et des programmes (CHIPIP). |
Adopté |
Article(s) additionnel(s) avant Article 4 |
|||
Mme de MARCO |
14 |
Le présent amendement entend soumettre au contrôle de la HATVP les personnes physiques ou morales qui détiennent plus de 10 % du capital des titulaires d'autorisation d'émettre, les directeurs de publication et les personnes qui exercent une activité d'influence en ligne. |
Irrecevable art. 45, al. 1 C (cavalier) |
Article 4 |
|||
Mme Sylvie ROBERT, rapporteure |
5 |
Cet amendement vise à rendre accessibles les chartes déontologiques sur le site internet des éditeurs de presse ou d'audiovisuelle. |
Adopté |
Mme Sylvie ROBERT, rapporteure |
6 |
Le présent amendement propose de remplacer le contrôle de conformité des chartes déontologiques par le Conseil de déontologie journalistique et de médiation par une transmission des chartes à cet organisme, qui en garantirait l'accès pour le public sur son site Internet. |
Adopté |
Article(s) additionnel(s) après Chapitre II : DE LA PROTECTION DES JOURNALISTES |
|||
Mme de MARCO |
13 |
Le présent amendement propose de modifier la loi du 1er août 1986 portant réforme du régime juridique de la presse en insérant une nouvelle condition pour la définition d'une « publication de presse » qui serait la proportion de journalistes professionnels, fixée à 75 %. |
Irrecevable art. 45, al. 1 C (cavalier) |
Article 5 |
|||
Mme JOSENDE, rapporteure pour avis |
12 |
Amendement de réécriture |
Adopté |
Article(s) additionnel(s) après Article 5 |
|||
Mme de MARCO |
15 |
Sanction contre les procédures bâillons |
Irrecevable art. 45, al. 1 C (cavalier) |
Article 6 |
|||
Mme de MARCO |
17 |
Le présent amendement vise à doter les rédactions d'une personnalité juridique en lieu et place du droit d'agrément proposé à cet article. |
Retiré |
Article 7 |
|||
Mme Sylvie ROBERT, rapporteure |
7 |
Le présent amendement propose que le décret fixant les éléments nécessaires à une négociation équilibrée entre les éditeurs, les agences de presse et les services de communication au public en ligne soit pris en Conseil d'État. |
Adopté |
Mme Sylvie ROBERT, rapporteure |
8 |
Le présent amendement a pour objet d'instaurer dans le décret les conditions d'u contrôle de la fiabilité des données transmises. |
Adopté |
Mme Sylvie ROBERT, rapporteure |
9 |
Le présent amendement propose de préciser les modalités d'établissement des sanctions en cas de refus des services de communication au public en ligne de se conformer aux obligations de transmission des éléments prévus dans le décret. |
Adopté |
Mme Sylvie ROBERT, rapporteure |
10 |
Cet amendement supprime la faculté pour l'Autorité de la concurrence d'établir les modalités de fixation de la rémunération au titre des droits voisins en cas d'échec des négociations. |
Adopté |
Article(s) additionnel(s) après Article 7 |
|||
Mme Sylvie ROBERT, rapporteure |
11 |
Le présent article additionnel vise à assurer l'application de la présente loi dans les îles Wallis et Futuna, en Polynésie française, en Nouvelle-Calédonie et dans les Terres australes et antarctiques françaises. |
Adopté |
LISTE DES PERSONNES ENTENDUES
ET DES CONTRIBUTIONS
ÉCRITES
Lundi 30 septembre 2024
Table ronde des chaînes privées :
. Canal+ : Mmes Laetitia MÉNASÉ, secrétaire générale, et Amélie MEYNARD, responsable des affaires publiques,
. RMC BFM : MM. Jean-Philippe BAILLE, directeur général délégué chargé de l'information et du sport, et Alix de MONTESQUIEU, responsable des affaires publiques,
. TF1 : Mmes Julie BURGUBURU, secrétaire générale, et Peggy LE GOUVELLO, directrice des relations extérieures,
. M6 : Mme Karine BLOUËT, secrétaire générale.
- Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique : M. Roch-Olivier MAISTRE, président.
Mardi 1er octobre 2024
Audition commune des comités d'éthique :
. TF1 : M. Michel VAQUIN, membre du comité d'éthique et déontologie de l'information,
. M6-RTL : M. Louis DE BROISSIA, président du comité éthique.
Audition commune :
. France Télévisions : M. Christophe TARDIEU, secrétaire général,
. Radio France : M. Charles-Emmanuel BON, secrétaire général.
Mercredi 2 octobre 2024
Audition commune :
. SNJ-CGT : MM. Pablo AIQUEL, secrétaire général, et Emmanuel VIRE, membre du bureau national,
. Syndicat national des journalistes (SNJ) : M. Alexandre BUISINE, secrétaire général, et Mme Agnès BRIANÇON-MARJOLLET, co-première secrétaire générale,
. CFDT-Journalistes : Mme Stéphanie FREEDMAN, secrétaire générale adjointe, M. Bertrand GRECO, membre actif, et Mme Marie-Madeleine SÈVE, membre du bureau et du conseil national.
Jeudi 3 octobre 2024
- Organisme de gestion collective Droits voisins de la presse (DVP) : M. Jean-Marie CAVADA, président, et Mmes Mélanie LOUBRESSAC, directrice, et Anne-Sophie COULON, responsable des discussions avec les plateformes.
- Meta France : M. Anton'Maria BATTESTI, directeur des politiques publiques, et Mmes Capucine TUFFIER, responsable affaires publiques Meta, et Elisa BORRY-ESTRADE, responsable d'affaires publiques.
- X France : Mme Claire DILÉ, directrice des affaires publiques.
- Google France : M. Sébastien MISSOFFE, vice-président, directeur général, Mme Sarah CLEDY, Government Affairs & Public Policy Senior Analyst, Mme Maria GOMRI, Legal Director, Southern Europe (France, Spain, Italy, Portugal, Greece), M. Nathan KLEIN, Senior Counsel, et Mme Faten DUBARRY, Director, News Partnerships, France, Middle East, and Africa - Paris.
Table ronde éditeurs :
. Syndicat des éditeurs de la presse magazine (SEPM) : Mmes Claire LÉOST, vice-présidente, et Julie LORIMY, directrice générale,
. Syndicat de la presse indépendante d'information en ligne (SPIIL) : Mme Cécile DUBOIS, coprésidente,
. Alliance de la presse d'information générale (APIG) : M. Pierre PETILLAULT, directeur général, et Mme Solène TAGHEU, juriste,
. Fédération nationale de la presse d'information spécialisée (FNPS) : M. Jean-Christophe RAVEAU, président, M. Laurent BÉRARD-QUÉLIN, vice-président de la FNPS, et Mme Catherine CHAGNIOT, directrice générale.
- Reporters sans frontières : M. Thibaut BRUTTIN, directeur général, M. Paul POUCHOUX, chargé de plaidoyer senior.
Vendredi 4 octobre 2024
- Autorité de la concurrence : Mme Fabienne SIREDEY-GARNIER, vice-présidente.
- Conseil de déontologie journalistique et de médiation (CDJM) : Mme Kathleen GROSSET, présidente, M. Yann GUÉGAN, vice-président, M. Bernard ANGAUD, délégué général.
Audition commune :
. Agence France-Presse (AFP) : M. Christophe WALTER-PETIT, directeur juridique,
. Fédération française des agences de presse (FFAP) : M. Christian GERIN, président, et Mme Florence BRAKA, directrice générale.
- États généraux de l'information : Mme Anne PERROT, membre du comité de pilotage, M. Maxence LANGLOIS-BERTHELOT, rapporteur général des EGI, et Mme Morgane LE POUL, responsable de la communication.
Lundi 7 octobre 2024
- M. David ASSOULINE, ancien sénateur.
CONTRIBUTION ÉCRITE
Comité d'éthique de BFM
Proposition de loi n° 741 (2023-2024) visant à renforcer l'indépendance des médias et à mieux protéger les journalistes
RÈGLES RELATIVES
À L'APPLICATION DE L'ARTICLE 45
DE LA CONSTITUTION ET DE L'ARTICLE
44 BIS
DU RÈGLEMENT DU SÉNAT
(« CAVALIERS »)
Si le premier alinéa de l'article 45 de la Constitution, depuis la révision du 23 juillet 2008, dispose que « tout amendement est recevable en première lecture dès lors qu'il présente un lien, même indirect, avec le texte déposé ou transmis », le Conseil constitutionnel estime que cette mention a eu pour effet de consolider, dans la Constitution, sa jurisprudence antérieure, reposant en particulier sur « la nécessité pour un amendement de ne pas être dépourvu de tout lien avec l'objet du texte déposé sur le bureau de la première assemblée saisie » 23(*).
De jurisprudence constante et en dépit de la mention du texte « transmis » dans la Constitution, le Conseil constitutionnel apprécie ainsi l'existence du lien par rapport au contenu précis des dispositions du texte initial, déposé sur le bureau de la première assemblée saisie24(*).
Pour les lois ordinaires, le seul critère d'analyse est le lien matériel entre le texte initial et l'amendement, la modification de l'intitulé au cours de la navette restant sans effet sur la présence de « cavaliers » dans le texte25(*). Pour les lois organiques, le Conseil constitutionnel ajoute un second critère : il considère comme un « cavalier » toute disposition organique prise sur un fondement constitutionnel différent de celui sur lequel a été pris le texte initial26(*).
En application des articles 17 bis et 44 bis du Règlement du Sénat, il revient à la commission saisie au fond de se prononcer sur les irrecevabilités résultant de l'article 45 de la Constitution, étant précisé que le Conseil constitutionnel les soulève d'office lorsqu'il est saisi d'un texte de loi avant sa promulgation.
En application du vademecum sur l'application des irrecevabilités au titre de l'article 45 de la Constitution, adopté par la Conférence des Présidents, la commission de la culture, de l'éducation, de la communication et du sport a arrêté, lors de sa réunion du 9 octobre 2024, le périmètre indicatif de la proposition de loi visant à renforcer l'indépendance des médias et mieux protéger les journalistes.
Elle a considéré que ce périmètre incluait les dispositions relatives :
- au champ du contrôle mené par l'autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique ;
- au contrôle du respect par les titulaires des autorisations d'émettre de leurs engagements au titre de la loi du 30 septembre 1986 ;
- aux Comités relatifs à l'honnêteté, à l'indépendance et au pluralisme de l'information et des programmes ;
- aux chartes de déontologie prises en application de l'article 2 bis de la loi du 29 juillet 1881 ;
- aux dispositions relatives à la protection du secret des sources des journalistes ;
- aux conditions de nomination des directeurs de rédaction dans la presse écrite et dans l'audiovisuel ;
- aux droits voisins des éditeurs et des agences de presse.
LA LOI EN CONSTRUCTION
Pour naviguer dans les rédactions successives du texte, visualiser les apports de chaque assemblée, comprendre les impacts sur le droit en vigueur, le tableau synoptique de la loi en construction est disponible sur le site du Sénat à l'adresse suivante :
https://www.senat.fr/dossier-legislatif/ppl23-741.html
* 1 À l'initiative du Sénat.
* 2 https://www.senat.fr/travaux-parlementaires/structures-temporaires/commissions-denquete/commissions-denquete/commission-denquete-concentration-des-medias-en-france.html
* 3 https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/16/organes/commissions-permanentes/affaires-culturelles/missions-de-la-commission/me-pluralisme-independance-liberte-medias
* 4 https://www.senat.fr/travaux-parlementaires/structures-temporaires/commissions-denquete/commissions-denquete/commission-denquete-concentration-des-medias-en-france.html#:~:text=Le%20S%C3%A9nat%20a%20cr%C3%A9%C3%A9%20une%20commission%20d'enqu%C3%AAte
* 5 https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/16/organes/commissions-permanentes/affaires-culturelles/missions-de-la-commission/me-pluralisme-independance-liberte-medias
* 6 https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000036115146/
* 7 https://www.senat.fr/rap/r21-593-1/r21-593-1_mono.html#toc793
* 8 https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000050029025
* 9 https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000023492991
* 10 https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/16/rapports/cetnt/l16b2610_rapport-enquete#.
* 11 Maître de conférences à l'Institut français de presse (IFP) de l'université Paris-Panthéon-Assas.
* 12 Professeure de droit public à l'université Paris-Panthéon-Assas.
* 13 Ancien président du Conseil supérieur de l'audiovisuel.
* 14 Proposition n° 28.
* 15 La commission d'enquête du Sénat n'avait jamais trouvé trace de ces bilans.
* 16 https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/16/rapports/cion-cedu/l16b2295_rapport-information#_Toc256000012
* 17 https://www.culture.gouv.fr/espace-documentation/Rapports/Confiance-et-liberte-Vers-la-creation-d-une-instance-d-autoregulation-et-de-mediation-de-l-information
* 18 https://www.senat.fr/rap/a23-133-42/a23-133-421.pdf
* 19 https://www.senat.fr/dossier-legislatif/ppl17-705.html
* 20 Critère d'information politique et générale.
* 21 https://videos.senat.fr/video.2251700_60768eec9efcb.table-ronde--premier-bilan-sur-l-application-en-france-de-la-loi-relative-aux-droits-voisins-des-a
* 22 https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/rapports/dv/l15b4902_rapport-information.pdf
* 23 Cf. commentaire de la décision n° 2010-617 DC du 9 novembre 2010 - Loi portant réforme des retraites.
* 24 Cf. par exemple les décisions n° 2015-719 DC du 13 août 2015 - Loi portant adaptation de la procédure pénale au droit de l'Union européenne et n° 2016-738 DC du 10 novembre 2016 - Loi visant à renforcer la liberté, l'indépendance et le pluralisme des médias.
* 25 Décision n° 2007-546 DC du 25 janvier 2007 - Loi ratifiant l'ordonnance n° 2005-1040 du 26 août 2005 relative à l'organisation de certaines professions de santé et à la répression de l'usurpation de titres et de l'exercice illégal de ces professions et modifiant le code de la santé publique.
* 26 Décision n° 2020-802 DC du 30 juillet 2020 - Loi organique portant report de l'élection de six sénateurs représentant les Français établis hors de France et des élections partielles pour les députés et les sénateurs représentant les Français établis hors de France.