EXAMEN EN COMMISSION

Réunie le 15 mai 2024, sous la présidence de M. Cédric Perrin, président, la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées a procédé à l'examen du rapport de M. Akli Mellouli sur le projet de loi n° 426 (2023-2024) autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République fédérale d'Allemagne relatif à l'apprentissage transfrontalier.

M. Cédric Perrin, président. - Notre ordre du jour appelle maintenant l'examen du rapport de M. Akli Mellouli sur le projet de loi autorisant l'accord entre le gouvernement de la République française et le gouvernement de la République fédérale d'Allemagne relatif à l'apprentissage transfrontalier.

M. Akli Mellouli, rapporteur. - Nous examinons aujourd'hui le projet de loi autorisant l'approbation de l'accord entre le gouvernement de la République française et le gouvernement de la République fédérale d'Allemagne relatif à l'apprentissage transfrontalier.

Cet accord s'inscrit dans le cadre de la politique de coopération avec l'Allemagne, qui a été particulièrement marquée par le traité de l'Élysée de 1963, puis, plus récemment, par le traité d'Aix-la-Chapelle sur la coopération et l'intégration franco-allemandes du 22 janvier 2019. Un approfondissement des liens bilatéraux en matière transfrontalière, d'éducation, de recherche, de climat ou encore de politique étrangère y est prévu.

C'est dans ce cadre que la région Grand Est a mis en place un dispositif d'apprentissage transfrontalier avec certains territoires frontaliers allemands. D'abord réalisé sur la base d'expérimentation dès 2010, le dispositif a été formalisé par deux accords-cadres : l'accord-cadre relatif à l'apprentissage transfrontalier dans le Rhin supérieur du 12 septembre 2013, puis celui pour la coopération transfrontalière en formation professionnelle et continue Sarre-Lorraine du 20 juin 2014.

Ces deux accords-cadres étaient déjà fragiles dans la mesure où le droit ne prévoyait pas la possibilité de réaliser la partie pratique ou théorique de sa formation dans un autre pays que la France.

Surtout, la loi du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel a retiré aux régions françaises la compétence d'organisation et de financement principal des formations par apprentissage. Alors que, depuis la loi du 7 janvier 1983 relative à la répartition de compétences entre les communes, les départements, les régions et l'État, ces dernières occupaient une place centrale dans la définition de la politique d'apprentissage, désormais, l'État et France Compétences en sont les pivots politique et financier.

Les accords ont donc pris fin. Une procédure dérogatoire a été toutefois mise en place afin de maintenir provisoirement le dispositif. Ce sont les opérateurs de compétences, organismes agréés par l'État créés par la loi de 2018, qui prennent en charge les contrats d'apprentissage jusqu'à l'entrée en vigueur du présent accord, et au plus tard le 31 décembre 2024.

Depuis les accords-cadres de 2013 et 2014, plus de 500 jeunes ont bénéficié du dispositif, essentiellement du côté français.

Comme l'a souligné le Comité franco-allemand de coopération transfrontalière, institué par le traité d'Aix-la-Chapelle, dans un avis du 31 mai 2021, une solution pérenne devait être trouvée.

Les acteurs locaux ont joué un rôle prépondérant pour que l'apprentissage transfrontalier trouve enfin un cadre légal, en introduisant dans la loi dite 3DS du 21 février 2022 de nouvelles dispositions dans le code du travail relatives au développement de l'apprentissage transfrontalier. C'est plus précisément dans le chapitre V du titre III du livre II de la sixième partie du code du travail.

Mme Brigitte Klinkert, ministre déléguée chargée de l'insertion lors de l'examen du projet de loi et ancienne présidente du conseil départemental du Haut-Rhin, a déposé un amendement visant à encadrer l'apprentissage transfrontalier. Cet amendement a été élaboré sur la base des recommandations d'un rapport de l'inspection générale des affaires sociales (Igas). M. Sylvain Waserman, député, a également déposé un amendement relatif à l'apprentissage transfrontalier lors de l'examen du projet de loi, avec le soutien de la majorité présidentielle. Il a plus largement soutenu l'insertion dans le projet de loi d'un chapitre entier dédié à la coopération transfrontalière.

La loi 3DS prévoit expressément que « l'apprentissage transfrontalier permet à un apprenti d'effectuer une partie de sa formation pratique ou théorique dans un pays frontalier de la France » et que « les modalités de mise en oeuvre de l'apprentissage transfrontalier sont précisées dans le cadre d'une convention conclue entre la France et le pays frontalier dans lequel est réalisée la partie pratique ou la partie théorique de la formation par apprentissage ».

La loi autorisait le Gouvernement à prendre par voie d'ordonnance toute mesure relevant du domaine de la loi afin de définir les modalités d'organisation, de mise en oeuvre et de financement de l'apprentissage transfrontalier. Elle a été publiée le 22 décembre 2022.

C'est donc sur la base de ces dispositions législatives que le présent accord a été conclu. Il s'agit du premier accord signé dans ce cadre légal.

Dès le printemps 2022, des contacts ont été pris entre les ministères français et allemands concernés. La signature de l'accord a eu lieu à Lauterbourg, le 21 juillet 2023, par les ministres des affaires étrangères des deux parties. Il s'inspire largement des précédents accords-cadres de 2013 et 2014 qui donnaient satisfaction aux deux parties.

Le groupe SER a demandé un retour à la procédure normale pour l'examen de ce projet de loi. À mon sens, deux aspects du texte pourraient être améliorés : l'évaluation du dispositif, notamment sur les entrées et sorties, et la question de la langue, qui pourrait être un levier essentiel de la coopération entre nos deux pays et permettre aux jeunes Français de bénéficier de plus d'opportunités d'emplois.

Sous réserve de ces observations, je préconise l'adoption de ce projet de loi.

M. Cédric Perrin, président. - En tant qu'élu d'un département frontalier de la Suisse et de l'Allemagne, je peux vous assurer que ces questions de coopération transfrontalière en matière d'apprentissage sont absolument fondamentales, sachant qu'il y a une vraie culture de l'apprentissage en Allemagne dont nous pourrions nous inspirer.

Je suis heureux de pouvoir avancer sur ces questions avec ce texte.

Mme Michelle Gréaume. - Je suis également élue d'un département frontalier de la Belgique. Il me semble que nous devrions faire une analyse plus poussée, car je crains que nos forces vives ne soient attirées par l'Allemagne ou la Belgique, où les salaires sont supérieurs, notamment dans certains secteurs où nous avons besoin d'une main-d'oeuvre très spécialisée. Cela ne va-t-il pas entraîner la fermeture de structures d'enseignement public en France ?

M. Akli Mellouli, rapporteur. - C'est déjà un phénomène que nous observons dans le monde professionnel. Aujourd'hui, beaucoup de villages français vivent grâce aux travailleurs transfrontaliers employés en Suisse ou au Luxembourg. Mais ce texte porte sur l'apprentissage. Il s'agit pour nos jeunes d'obtenir un bagage plus complet. Avec ces échanges en matière d'apprentissage, il me semble que nous apportons notre pierre à la construction européenne.

Nous sommes en retard par rapport au système éducatif allemand. Ces échanges nous permettraient d'évoluer dans le bon sens. Le risque est plus du côté de l'Allemagne en l'occurrence.

M. Cédric Perrin, président. - Je souscris complètement à ces propos. J'ai toujours du mal à convaincre les préfets de mon département de travailler sur cette question. Par exemple, Swatch, et ses plus de 1 000 emplois, est installée à deux kilomètres de chez moi, de l'autre côté de la frontière : 80 % des salariés sont Français ; 100 % des apprentis sont suisses. Nos villes et villages vivent essentiellement de la richesse apportée par ce travail frontalier. Malgré tout, mon département est l'un des plus industrialisés de France, avec 43 % d'emplois industriels. Il faut travailler davantage sur ce sujet avec les organisations patronales et salariales.

Mme Hélène Conway-Mouret. - Je suis d'accord également. Il y a un vrai consensus aujourd'hui sur les bienfaits d'Erasmus pour les universités françaises. Pendant, trop longtemps, l'apprentissage a été délaissé en France. Ce type d'accord est l'occasion d'y remédier. Il est temps de nous inspirer de l'Allemagne pour ce qui est des structures technologiques et professionnelles. Nos jeunes ont actuellement trop de mal à trouver des stages pour valider leurs diplômes.

M. Cédric Perrin, président. - C'est gagnant-gagnant pour les territoires. Si les entreprises de part et d'autre de la frontière ne trouvent pas de main-d'oeuvre qualifiée, elles s'en iront.

M. Akli Mellouli, rapporteur. - Il y a une valeur ajoutée pour nos apprentis. Notre main-d'oeuvre va gagner en qualité.

Le projet de loi est adopté sans modification.

Partager cette page