N° 595
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 2023-2024
Enregistré à la Présidence du Sénat le 15 mai 2024
RAPPORT
FAIT
au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale (1) sur la proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, visant à prévenir les ingérences étrangères en France,
Par Mme Agnès CANAYER,
Sénateur
(1) Cette commission est composée de : M. François-Noël Buffet, président ; M. Christophe-André Frassa, Mme Marie-Pierre de La Gontrie, MM. Marc-Philippe Daubresse, Jérôme Durain, Philippe Bonnecarrère, Thani Mohamed Soilihi, Mme Cécile Cukierman, MM. Dany Wattebled, Guy Benarroche, Mme Nathalie Delattre, vice-présidents ; Mmes Agnès Canayer, Muriel Jourda, M. André Reichardt, Mme Isabelle Florennes, secrétaires ; MM. Jean-Michel Arnaud, Philippe Bas, Mme Nadine Bellurot, MM. Olivier Bitz, François Bonhomme, Hussein Bourgi, Ian Brossat, Christophe Chaillou, Mathieu Darnaud, Mmes Catherine Di Folco, Françoise Dumont, Jacqueline Eustache-Brinio, Françoise Gatel, Laurence Harribey, Lauriane Josende, MM. Éric Kerrouche, Henri Leroy, Stéphane Le Rudulier, Mme Audrey Linkenheld, MM. Alain Marc, Hervé Marseille, Michel Masset, Mmes Marie Mercier, Corinne Narassiguin, M. Paul Toussaint Parigi, Mme Olivia Richard, M. Pierre-Alain Roiron, Mmes Elsa Schalck, Patricia Schillinger, M. Francis Szpiner, Mmes Lana Tetuanui, Dominique Vérien, M. Louis Vogel, Mme Mélanie Vogel.
Voir les numéros :
Assemblée nationale (16ème législ.) : |
2150, 2343 et T.A. 269 |
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Sénat : |
479, 593 et 596 (2023-2024) |
L'ESSENTIEL
La proposition de loi visant à prévenir les ingérences étrangères en France déposée par le député Sacha Houlié, adoptée par l'Assemblée nationale le 27 mars 2024, entend renforcer le dispositif de lutte contre un phénomène avéré et potentiellement déstabilisateur pour notre pays : l'action hostile d'États destinée à peser sur les décisions publiques ou l'opinion publique française au service de leurs propres intérêts.
Estimant justifiée l'intervention législative proposée, la commission des lois a approuvé les dispositifs adoptés par l'Assemblée nationale, en les complétant et en les précisant. À l'initiative de son rapporteur, Agnès Canayer, la commission a adopté 11 amendements, 3 amendements identiques du rapporteur pour avis de la commission de la défense et des affaires étrangères et un amendement déposé par le groupe Socialiste, écologiste et républicain.
I. LES INGÉRENCES ÉTRANGÈRES : UNE MENACE PROTÉIFORME EN CONSTANTE ÉVOLUTION, APPELANT UNE INTERVENTION FORTE DU LÉGISLATEUR
A. UNE MENACE DURABLE ET EN MUTATION
Comme le soulignait le rapport de la délégation parlementaire au renseignement d'octobre 2023, si les ingérences étrangères ont toujours existé, la menace qu'elles représentent « est devenue protéiforme, omniprésente et durable »1(*). Plurielles, les ingérences étrangères peuvent prendre trois formes distinctes :
· classiques : relevant de l'espionnage - y compris économique, ces opérations d'ingérence sont généralement conduites par les services de renseignement extérieur des États concernés « et visent principalement à la captation d'informations stratégiques ou sensibles »2(*) ;
· modernes : l'espace cyber ou le domaine spatial constituent à cet égard de nouveaux domaines dans lesquels des États étrangers particulièrement offensifs dans leur stratégie d'ingérence peuvent conduire des opérations ;
· hybrides : des opérations d'influence - ou de « sharp power » - et de manipulation de l'information peuvent viser à terme l'affaiblissement des institutions démocratiques des États victimes, en particulier en période électorale, dont la France fait partie, comme l'ont montré les Macron leaks en 2017.
* 1 Rapport n° 810 (2022-2023) relatif à l'activité de la délégation parlementaire au renseignement pour l'année 2022-2023.
* 2 Ibidem.