EXAMEN DES ARTICLES

CHAPITRE IER
RENFORCER LES POUVOIRS DES AGENTS DES SERVICES INTERNES DE SÉCURITÉ DES OPÉRATEURS DE TRANSPORT

Article 1er
Extension des prérogatives des agents de sûreté de la SNCF et de la RATP en matière de palpations et de saisies

L'article 1er vise, en premier lieu, à étendre les prérogatives des agents de sûreté de la SNCF et de la RATP en matière de palpations de sécurité. Il tend ainsi à leur permettre de procéder à de telles palpations en dehors de toute autorisation préfectorale, dès lors que des éléments objectifs laisseraient à penser qu'une personne pourrait détenir des objets susceptibles de présenter un risque pour la sécurité des personnes ou des biens.

En second lieu, il vise à conférer à ces agents un pouvoir de saisie des objets dangereux, gênants ou incommodants pour les voyageurs découverts à l'occasion de fouilles ou de palpations.

Tout en partageant le constat des auteurs du texte sur les difficultés rencontrées par les acteurs de terrain imputables au régime juridique d'autorisation préfectorale des palpations de sécurité, la commission des lois a constaté que les dispositifs proposés à l'article 1er ne répondent pour autant pas aux exigences constitutionnelles applicables aux prérogatives des acteurs de la sûreté dans les transports. Pour cette raison, elle leur a substitué un dispositif visant à rationaliser ce régime d'autorisation sur le territoire de la région Île-de-France, où l'enchevêtrement des acteurs rend sa gestion particulièrement complexe.

La commission a adopté cet article ainsi modifié.

1. Le droit existant : la faculté pour les agents de sûreté de la SNCF et de la RATP de procéder à des palpations de sécurité est fortement encadrée

L'article 1er de loi dite « Le Roux - Savary » du 22 mars 20162(*), codifié à l'article L. 2251-9 du code des transports, a consacré la faculté pour les services de la Sûreté ferroviaire de la SNCF (dite « Suge ») et du Groupe de protection et de sécurité des réseaux (GPSR) de la RATP de recourir à des mesures préventives d'inspection visuelle ou de fouilles des bagages ainsi que des palpations de sécurité, dans les conditions prévues à l'article L. 613-2 du code de la sécurité intérieure.

Le recours à des palpations de sécurité est soumis à un encadrement spécifique. Il est possible dans deux cas de figure :

- un périmètre de protection a été institué par le représentant de l'État dans le département en application de l'article L. 226-1 du même code ;

- des circonstances particulières liées à l'existence de menaces graves pour la sécurité publique ont été constatées par arrêté du représentant de l'État dans le département.

Ainsi, dans tous les cas, le recours aux palpations de sécurité par les agents de la Suge et du GPSR est conditionné à une autorisation préfectorale. À Paris et dans les départements des Hauts-de-Seine, de la Seine-Saint-Denis et du Val-de-Marne, celle-ci relève de la compétence du Préfet de police. Celui-ci est également compétent dans le reste de la région Île-de-France pour ce qui concerne les transports en commun de voyageurs par voie ferrée. Dans le département des Bouches du Rhône, la compétence relève du préfet de police des Bouches-du-Rhône3(*).

Des garanties spécifiques sont également prévues en cas de palpations de sécurité, qui doivent être opérées :

- avec le consentement exprès de la personne qui en fait l'objet ;

- par une personne de même sexe que celle qui en fait l'objet.

Si la personne refuse de se soumettre aux palpations de sécurité, elle peut se voir interdire l'accès au véhicule de transport, même munie d'un titre de transport valide4(*).

En 2023, les agents de la Suge ont procédé à 58 500 palpations de sécurité (contre 39 650 en 2022). Ces mesures permettent notamment de révéler des cas de port d'arme prohibée5(*). 1 342 personnes ont ainsi été remises aux forces de sécurité intérieure au titre de cette infraction.

Elles peuvent également révéler le port ou le transport de matières ou objets qui, par leur nature, leur quantité ou l'insuffisance de leur emballage, peuvent être dangereux, gêner ou incommoder les voyageurs, ce qui constitue une infraction aux règles de la police du transport6(*).

2. Le dispositif proposé : une extension des cas d'autorisation de recourir à des palpations de sécurité et l'institution d'une nouvelle faculté de saisie d'objets

a) Une extension des cas d'autorisation de recourir à des palpations de sécurité par les agents de la Suge et du GPSR, y compris en l'absence d'autorisation préfectorale

Le 1° du présent article tend à modifier l'article L. 2251-9 précité du code des transports pour prévoir un nouveau cas de recours à des palpations de sécurité pour les agents de la Suge et du GPSR.

Ainsi, si des éléments objectifs laissent à penser qu'une personne pourrait détenir des objets susceptibles de présenter un risque pour la sécurité des personnes ou des biens, ces agents pourraient procéder, avec le consentement exprès de la personne, à des palpations de sécurité en l'absence de circonstances particulières liées à l'existence de menaces graves pour la sécurité publique ou de l'institution d'un périmètre de protection.

b) Une nouvelle faculté de saisie d'objets dangereux, gênants ou incommodants pour les voyageurs

Le 2° du présent article tend quant à lui à créer un article L. 2251-10 du même code prévoyant que, lorsque des objets autres que des armes qui, par leur nature, leur quantité ou l'insuffisance de leur emballage, peuvent être dangereux, gêner ou incommoder les voyageurs sont découverts à l'occasion des inspections, fouilles et palpations de sécurité réalisées par les agents de la Suge et du GPSR, ces derniers peuvent retirer lesdits objets avec le consentement de leur propriétaire.

Le cas échéant, il serait rendu compte à l'officier de police judiciaire compétent de la saisie des objets.

En cas de refus de la personne, celle-ci pouvait se voir interdire l'accès aux véhicules dans les conditions prévues à l'article L. 2241-6 précité du même code.

3. La position de la commission : privilégier un dispositif de rationalisation du régime d'autorisation des palpations de sécurité sur le territoire région Île-de-France

Les dispositifs proposés par le présent article se heurtent à des obstacles juridiques importants.

a) La faculté de recourir à des palpations de sécurité continuerait d'être conditionnée à une autorisation préfectorale

En matière de palpations de sécurité, le dispositif ne paraît pas répondre aux exigences posées par la jurisprudence du Conseil constitutionnel et applicables à ce type de mesures.

En particulier, la nécessité d'un accord préfectoral préalable avait été expressément relevée par ce dernier comme un élément permettant d'assurer la conformité à la Constitution des dispositions aujourd'hui codifiées à l'article 613-2 précité du code de la sécurité intérieure7(*). À ce titre, et en l'absence de disposition permettant de s'assurer que soit continûment garantie l'effectivité du contrôle exercé sur les agents de la Suge et du GPSR par les officiers de police judiciaire, le dispositif se heurte à l'interdiction de déléguer à des personnes privées des compétences de police administrative générale inhérentes à l'exercice de la « force publique » nécessaire à la garantie des droits découlant de l'article 12 de la Déclaration des droits de l'Homme et du Citoyen de 17898(*).

La mesure a en outre pour effet de confier aux agents de la Suge et du GPSR, en dehors de toute autorisation préfectorale, un pouvoir d'appréciation non seulement autonome, mais également permanent et très large pour décider de la mise en oeuvre palpations de sécurité.

Or la jurisprudence du Conseil constitutionnel a expressément posé l'exigence d'un bornage strict de l'application de ce type de mesures comme condition d'une conciliation qui ne soit pas disproportionnée entre, d'une part, l'objectif de valeur constitutionnelle de prévention des atteintes à l'ordre public et, d'autre part, la liberté d'aller et de venir et le droit au respect de la vie privée. À ce titre, la constitutionnalité des dispositions permettant au préfet de département d'instituer des périmètres de protection permettant notamment la mise en oeuvre de palpations par des services de sécurité privés agréés, n'avait par exemple été admise qu'au regard du fait que les arrêtés instituant ces périmètres avaient une durée de validité limitée et que leur renouvellement était soumis à des conditions strictes9(*).

Au surplus, le dispositif n'intègre pas la garantie, prévue en l'état du droit, selon laquelle la palpation doit être effectuée par une personne de même sexe que la personne qui en fait l'objet.

Pour autant, les travaux conduits par la rapporteure ont mis en évidence que la mise en oeuvre opérationnelle du dispositif d'autorisation pouvait poser des difficultés pratiques. En fonction des départements concernés, ces arrêtés sont délivrés à des fréquences diverses, avec des portées divergentes et pour des durées parfois trop brèves au regard de la stabilité des situations opérationnelles auxquelles sont confrontés les agents de sûreté.

C'est tout particulièrement le cas en région Île-de-France, qui implique, au vu de la taille et de la densité importantes du réseau, l'intervention d'un grand nombre d'acteurs préfectoraux, alors même que les enjeux de sûreté y sont particulièrement prégnants. Pour mémoire en effet, selon le ministère de l'intérieur, ce territoire concentrait 62 % des vols et violences recensés dans les transports à l'échelle nationale en 2023.

C'est la raison pour laquelle l'amendement COM-11 de la rapporteure adopté par la commission a prévu une solution alternative consistant, sans remettre en cause les prérogatives de l'autorité préfectorale, de renforcer son efficacité en confiant à une autorité unique, le préfet de police, qui dispose d'une vision globale des enjeux de sûreté dans la région, le soin de délivrer l'autorisation aux agents de la Suge et du GPSR de recourir à des palpations dans cette région. En cela, elle rejoint pleinement les constats de la mission conduite par la commission du développement durable et de l'aménagement du territoire de l'Assemblée nationale chargée d'évaluer la mise en oeuvre de la loi « Le Roux - Savary »10(*), qui recommandait de confier cette compétence au préfet de la région Île-de-France ou au préfet de police.

Elle s'inscrit en cohérence avec l'extension temporaire des compétences du préfet de police à l'ensemble du territoire régional prévue à l'article 14 de la loi n° 2023-380 du 19 mai 2023 relative aux Jeux Olympiques et Paralympiques de 2024 et portant diverses autres dispositions.

b) La suppression de la faculté nouvelle de saisie d'objets dangereux, prérogative exclusive de l'autorité judiciaire

Enfin, le même amendement a prévu la suppression du dispositif permettant aux agents de sûreté de la SNCF et de la RATP de saisir des objets au seul motif qu'ils pourraient présenter un caractère dangereux, gênant ou incommodant pour les voyageurs et ce indépendamment de la légalité de leur port ou de leur transport.

Tout en prenant acte des légitimes besoins opérationnels de sûreté auxquels le dispositif entend répondre, la saisie et la confiscation d'objets constituent, en effet, des prérogatives exclusives de l'autorité judiciaire. En particulier, la confiscation constitue une peine régie par l'article 131-21 du code pénal. Il convient, dès lors, d'amorcer une réflexion plus approfondie sur les évolutions des prérogatives des agents précités confrontés au quotidien aux risques induits par le port d'objets dangereux dans les transports.

La commission a adopté l'article 1er ainsi modifié.

Article 2
Faculté pour les agents de sûreté de la SNCF et de la RATP d'intervenir sur la voie publique

L'article 2 tend à étendre les facultés d'intervention des agents de sûreté de la SNCF et de la RATP aux abords immédiats de leurs emprises immobilières lorsque le caractère inopiné ou urgent de la situation le justifie.

Dans un souci de sécurisation juridique du dispositif, la commission des lois a restreint son champ à la poursuite des infractions commises au sein de ces emprises.

La commission a adopté cet article ainsi modifié.

1. Le droit existant : la faculté pour les agents de sûreté de la SNCF et de la RATP d'intervenir sur la voie publique est fortement limitée

Le champ des missions des services de la Sûreté ferroviaire de la SNCF (dite « Suge ») et du Groupe de protection de sécurité des réseaux (GPSR) de la RATP est clairement délimité dans l'espace.

S'agissant en particulier de la Suge, en application de l'article L. 2251-1 du code des transports, celles-ci s'exercent dans les emprises immobilières nécessaires à l'exploitation des services de transport ferroviaire et routier pour les services de transport d'intérêt régional de personnes et de marchandises et dans les véhicules de transport public de personnes qui y sont affectés.

S'agissant du GPSR, en application de l'article L. 2251-1-2 du même code, celles-ci s'exercent :

- dans les emprises immobilières de l'infrastructure du réseau express régional et du réseau de métropolitain, ainsi que des infrastructures du Grand Paris ;

- dans les véhicules de transport public de personnes nécessaires à l'exploitation ou à la gestion de ces réseaux.

En ce qui concerne les lignes de tramway et de transport routier régulier ou à la demande, cette mission s'exerce dans les véhicules de transport public et, le cas échéant, dans les emplacements correspondant aux arrêts et stations desservis par ces véhicules pour les services que la RATP exploite.

Les dérogations à ces règles sont strictement encadrées.

Sur les sites d'interconnexion des réseaux de la SNCF et de la RATP11(*), la Suge ou le GPSR peuvent ponctuellement intervenir dans les emprises immobilières et véhicules relevant de la compétence de l'autre service lorsque cette intervention est nécessaire à la constatation d'une infraction relevant de la police du transport12(*) ou pour assurer, avec l'autorisation de l'autorité administrative, leurs missions de prévention13(*).

Leur faculté d'intervention sur la voie publique est encore plus contrainte.

En principe, les agents exerçant des missions de sécurité privée ne peuvent exercer leurs fonctions sur la voie publique sur autorisation préfectorale et dans le seul cadre de la surveillance contre les vols, dégradations, effractions et actes de terrorisme visant les biens dont ils ont la garde14(*).

Les agents de la Suge et du GPSR font à cet égard l'objet d'un régime juridique spécifique prévu par le code des transports. Leurs facultés d'intervention sur la voie publique sont ainsi soumises aux conditions suivantes, posées par décret en Conseil d'État15(*) :

- leur présence sur la voie publique est indispensable à la bonne exécution de leur mission ;

- leur présence a été préalablement autorisée par un responsable du service, qui lui délivre un ordre de mission indiquant la date, la durée, le lieu et l'objet de la mission, porté avant le début de la mission à la connaissance des services de la police et des unités de la gendarmerie nationales territorialement compétents ;

- la constatation d'une infraction à la police du transport ne peut être faite depuis la voie publique à l'exception des emplacements correspondant aux arrêts et stations desservis par les véhicules de transport de voyageurs.

2. Le dispositif proposé : une extension des facultés d'intervention aux abords immédiats des emprises immobilières

Le présent article tend à créer un nouvel article L. 2251-1-4 du code des transports prévoyant que les agents de la Suge et du GPSR, pour assurer leur mission de prévention, peuvent intervenir momentanément sur la voie publique, aux abords immédiats des emprises immobilières relevant de leur compétence, dès lors que le caractère inopiné ou urgent de la situation le justifie.

3. La position de la commission : la nécessité de mieux encadrer le dispositif, pour le limiter à un « droit de poursuite » des infractions à la police du transport

Le dispositif proposé par le présent article se heurte à des difficultés juridiques importantes.

Certes, la limitation de la faculté ouverte d'intervention aux « abords immédiats » des emprises de transport est conforme aux limites posées par la jurisprudence du Conseil constitutionnel quant aux compétences des agents de sécurité privés pour intervenir sur la voie publique16(*).

Toutefois, la seule condition posée, relative au « caractère inopiné ou urgent de la situation », sans référence aux compétences des agents de la police du transport, s'avère très large et laisse un important pouvoir d'appréciation aux agents de la Suge et du GPSR. Le dispositif pourrait être regardé comme ayant pour effet d'investir ces agents d'une mission de « surveillance générale de la voie publique », ce qui devrait permettre la délégation à une personne privée des compétences de police administrative générale inhérentes à l'exercice de la « force publique », soit une méconnaissance des exigences posées à l'article 12 de la Déclaration des droits de l'Homme et du Citoyen de 178917(*).

Il résulte néanmoins des travaux conduits par la rapporteure que le cadre d'intervention sur la voie publique des agents du GPSR et de la Suge demeure trop rigide. En ce qu'il implique une autorisation et une information préalables des forces de sécurité intérieure, il ne permet pas de faire face à certains besoins opérationnels très concrets et découlant directement de l'exercice de leurs missions. En particulier, il ne permet pas l'appréhension des contrevenants ayant commis une infraction au sein des emprises et ayant réussi à fuir les agents des services de sécurité jusqu'à trouver « refuge » sur la voie publique.

La rapporteure a par conséquent jugé légitime de donner à ces agents, qui appartiennent à une catégorie spécifique d'agents de sécurité privée eu égard aux compétences et prérogatives spéciales qui leur sont conférées par la loi et aux exigences de formation renforcées qui leur sont applicables, des moyens renforcés pour agir dans un cadre juridique clair.

Afin que le dispositif ne puisse être interprété comme étant de nature à leur conférer une compétence de surveillance générale de la voie publique, la commission des lois a adopté l'amendement COM-12 de sa rapporteure visant à circonscrire cette faculté à la seule poursuite d'infractions à la police du transport commises au sein des emprises de transport.

Afin de tirer les conséquences de cette mesure, la commission a en outre adopté à l'article 8 de la présente proposition de loi un amendement COM-16 de sa rapporteure et un amendement identique COM-28 du rapporteur pour avis de la commission du développement durable et de l'aménagement du territoire visant à autoriser l'usage de caméras-piétons dans le cadre de telles interventions, dès lors que l'enregistrement a débuté au sein des emprises (voir le commentaire de l'article 8).

La commission a adopté l'article 2 ainsi modifié.

Article 3
Interdiction d'entrée des emprises des espaces, gares et stations

L'article 3 tend à instituer une faculté pour les agents compétents en matière de police du transport d'interdire l'accès aux emprises des espaces, gares et stations gérées par les exploitants du service.

Cette nouvelle prérogative est bienvenue en ce qu'elle complète utilement les moyens d'action existants de ces agents en matière d'éviction et d'interdiction d'accès aux emprises et véhicules de certains contrevenants aux règles de la police du transport. Les modifications au dispositif apportées par la commission des lois sont d'ordre purement rédactionnel.

La commission a adopté cet article ainsi modifié.

1. Le droit existant : une faculté d'éviction des véhicules et emprises de transport et une faculté d'interdiction d'accès limitée aux seuls véhicules

L'article L. 2241-6 du code des transports confère certaines prérogatives aux agents chargés de la police du transport en matière d'éviction et d'interdiction d'accès.

Pour mémoire, ces agents, limitativement énumérés par la loi18(*), sont :

- les fonctionnaires ou agents de l'État assermentés missionnés à cette fin et placés sous l'autorité du ministre chargé des transports ;

- les agents assermentés missionnés de l'établissement public de sécurité ferroviaire ;

- les agents assermentés missionnés du gestionnaire d'infrastructures de transport ferroviaire et guidé ;

- les agents assermentés de l'exploitant du service de transport ou les agents assermentés d'une entreprise de transport agissant pour le compte de l'exploitant ;

- les agents assermentés missionnés des services internes de sécurité de la SNCF (dite « Suge ») et du Groupe de protection et de sécurité des réseaux (GPSR) de la RATP ;

- les agents de police municipale ;

- les agents assermentés de SNCF Réseau.

Ces mesures sont de deux ordres :

- les mesures d'éviction, qui consistent pour ces agents à enjoindre à une personne de descendre d'un véhicule - le cas échéant, en descendant au prochain arrêt - ou de quitter une emprise de transport ;

- les mesures d'interdiction d'accès, qui ne concernent que les véhicules et non les emprises.

Trois cas de figure peuvent justifier la mise en oeuvre d'une mesure d'éviction ou d'interdiction d'accès :

- la personne contrevient aux dispositions tarifaires, et à l'obligation corrélative d'être en mesure de justifier leur identité en l'absence de titre de transport valide ;

- la personne concernée contrevient à des dispositions dont l'inobservation est susceptible soit de compromettre la sécurité des personnes ou la régularité des circulations, soit de troubler l'ordre public ;

- la personne refuse de se soumettre à une l'inspection ou à la fouille de ses bagages ou à une palpation de sécurité19(*).

La loi prévoit également qu'en cas de refus d'obtempérer, les agents spécialement désignés par l'exploitant peuvent interdire à l'intéressé l'accès du véhicule ou le contraindre à en descendre ou à quitter sans délai les espaces, gares ou stations et, en tant que de besoin, requérir l'assistance de la force publique. Le cas échéant, ils sont tenus d'informer de cette mesure, sans délai et par tout moyen, un officier de police judiciaire territorialement compétent. Il est précisé que la mesure doit être mise en oeuvre de façon proportionnée en tenant compte de la vulnérabilité éventuelle de la personne, en fonction de son âge ou de son état de santé. Lorsque la personne vulnérable est sans domicile fixe, elle ne peut faire l'objet des mesures d'éviction ou d'interdiction d'accès qu'à la condition qu'une solution d'hébergement d'urgence lui ait été trouvée.

2. Le dispositif proposé : une nouvelle faculté pour les agents compétents en matière de police du transport d'interdire l'accès aux emprises des espaces, gares et stations

Le 1° du présent article, modifiant l'article L. 2241-6 du code des transports, tend à instituer une nouvelle faculté, pour les agents compétents en matière de police du transport, d'interdire l'accès aux emprises des espaces, gares et stations.

Cette mesure pourrait concerner :

- toute personne qui trouble l'ordre public et dont le comportement est de nature à compromettre la sécurité des personnes ou la régularité des circulations ;

- toute personne qui refuse de se soumettre à une l'inspection ou à la fouille de ses bagages ou à une palpation de sécurité.

Il convient de noter que, contrairement au dispositif prévu par le droit existant en matière d'éviction et d'interdiction d'accès, le seul fait de troubler l'ordre public, sans présenter de comportement de nature à compromettre la sécurité des personnes ou la régularité des circulations, ne constitue pas un motif suffisant pour justifier une mesure d'interdiction d'accès aux espaces, gares et stations.

Par coordination, le 2° vise à ce que le recours à la contrainte ou, le cas échéant, à la force publique, pour la mise en oeuvre de cette mesure puisse s'opérer dans les mêmes conditions que pour les dispositifs déjà existants.

3. La position de la commission : une initiative bienvenue, qui complète utilement les moyens d'action existants de ces agents en matière d'éviction et d'interdiction d'accès

La rapporteure considère que le dispositif proposé constitue une initiative bienvenue, qui complète utilement les moyens d'action existants des agents de la police du transport.

Il y a en effet quelque chose de paradoxal à ce que, face à des comportements identiques, un agent puisse enjoindre à une personne de quitter la gare, mais pas lui interdire d'y entrer, ce qui peut contraindre les agents à laisser pénétrer dans les emprises des personnes visiblement violentes ou ivres. La mesure pourrait également s'appliquer en cas d'émeute sur le seuil des gares.

Comme le souligne la RATP dans ses échanges avec la rapporteure et le rapporteur pour avis, une telle faculté permettrait d'éviter aux équipes de sûreté certaines mesures d'éviction contraintes à l'intérieur des emprises, notamment sur les quais ou dans les rames, avec la dangerosité que représente la proximité des voies électrifiées, notamment au moment du passage des rames et aux heures d'affluence.

Également interrogée par la rapporteure et le rapporteur pour avis, la direction des libertés publiques et des affaires juridiques du ministère de l'intérieur a indiqué qu'une telle mesure ne semble pas soulever de difficulté d'ordre constitutionnel.

Pour ces raisons, la commission des lois a adopté le présent article tel que modifié par l'amendement COM-13 de la rapporteure pour des raisons d'ordre rédactionnel.

La commission a adopté l'article 3 ainsi modifié.

Article 4
Conditions du recours aux équipes cynotechniques par les opérateurs de sûreté dans les transports

Prenant acte des difficultés rencontrées par la SNCF et la RATP quant à la certification de leurs équipes cynotechniques suite aux récentes évolutions réglementaires à l'approche des jeux Olympiques et Paralympiques de Paris 2024, la commission a substitué le dispositif proposé qui visait à confier un droit d'initiative particulièrement élargi aux équipes de la SNCF d'intervention sans demande expresse des autres opérateurs ou des exploitants, par une mesure de prolongation jusqu'au 30 septembre 2024 des certifications obtenues préalablement au 1er mai 2023 des équipes cynotechniques des opérateurs de sûreté dans les transports.

Elle a adopté cet article ainsi modifié.

1. Le souhait de la SNCF de se voir confier un droit d'initiative dans le déploiement, au bénéfice des exploitants et gestionnaires d'infrastructures, d'équipes cynotechniques

D'après l'exposé des motifs de la proposition de loi, l'article 4 permet aux opérateurs ferroviaires, agissant en qualité d'opérateurs de sûreté, de recourir, de leur propre initiative, à des équipes cynotechniques.

Pour ce faire, il est proposé de compléter l'article L. 1632-3 du code des transports, relatif aux équipes cynotechniques intervenant dans le cadre de la prévention des risques explosifs dans les emprises immobilières et véhicules de transports, en ajoutant au titre des bénéficiaires de ces moyens cynophiles « la SNCF et autres opérateurs alternatifs ferroviaires agissant en qualité d'opérateurs de sûreté ».

Pour mémoire, la détection d'explosifs à l'aide de chiens est autorisée en application de deux régimes juridiques distincts : d'une part, le code des transports pour les opérateurs « historiques » de transports que sont la SNCF et la RATP et, d'autre part, le code de la sécurité intérieure (CSI) pour les autres acteurs. Le régime particulier dont bénéficient la SNCF et la RATP se justifie, outre par des raisons historiques, par les règles spécifiques régissant leurs services de sécurité.

Interrogée sur ce point par la rapporteure, la SNCF a confirmé son souhait de se voir doter de nouvelles prérogatives lui permettant, à son initiative, de recourir à de telles équipes, en particulier au bénéfice d'un exploitant ou d'un gestionnaire d'infrastructures ou de gare. En application des articles L. 2251-1-1 et R. 1632-1 du code des transports, la SNCF comme la RATP ne peuvent dépêcher des équipes cynotechniques qu'en réponse à une demande préalablement formulée par un de ses clients « exploitants de services de transport public collectifs de personnes » ou « gestionnaires d'infrastructures ou de gares », procédure que l'opérateur souhaite compléter par un droit d'initiative dans l'utilisation de ces équipes.

2. Davantage qu'un assouplissement des conditions d'engagement des équipes cynophiles des opérateurs, la commission a souhaité résoudre les difficultés de certification de ces équipes dans la perspective des jeux Olympiques et Paralympiques de Paris

D'un constat partagé avec la DLPAJ, la commission a considéré qu'il n'était pas justifié d'étendre le régime spécifique applicable à la SNCF et à la RATP, notamment du fait des effets de bord induits par la rédaction initiale de la proposition de loi. En effet, la modification proposée aurait, en l'état, pour effet de soustraire au contrôle du Conseil national des activités privées de sécurité (CNAPS) les agents exerçant cette activité pour le compte d'autres opérateurs de transports publics, aujourd'hui prévu par le code de sécurité intérieure, sans pour autant que ceux-ci soient soumis aux règles spécifiques applicables aux services internes des opérateurs historiques.

Au surplus, la commission n'a pas pu établir avec certitude le besoin opérationnel justifiant un assouplissement aussi significatif des conditions d'engagement d'équipes cynotechniques de la SNCF pour le compte d'autres bénéficiaires. En effet, la condition existante d'une demande préalable d'un opérateur de transports ou d'un exploitant d'infrastructure ne parait pas, compte tenu de l'absence de formalise exigé, obérer inutilement l'action des brigades cynophiles.

Néanmoins, la commission a souhaité, à l'initiative de la rapporteure, substituer au dispositif initial de la proposition de loi, une disposition permettant, pour la durée des Jeux Olympiques et Paralympiques, de prolonger la durée de validité de la certification nécessaire pour assurer la détection d'explosifs au sein des emprises de la SNCF et de la RATP.

Alertée sur ce point par les deux principaux opérateurs franciliens au cours de ses travaux, la rapporteure n'a pu que regretter qu'en raison d'une récente évolution des critères fixés par le pouvoir réglementaire visant à élargir les types de produits pouvant être détectés ainsi que la nature des environnements de tests, plus de 60 % des chiens de la SNCF et 75 % des chiens de la RATP aient perdu leur certification20(*). Une telle situation, à moins de trois mois des Jeux Olympiques et Paralympiques, apparait grandement préjudiciable à la sécurisation de cet évènement d'une ampleur inégalée et dont la majorité des épreuves se tiendront sur des sites desservis par ces deux opérateurs de transport collectif.

Pour répondre à cette difficulté, la commission, par l'adoption d'un amendement COM-14 de la rapporteure aux seules fins de sécuriser les Jeux Olympiques et Paralympiques, a décidé de prolonger jusqu'au 30 septembre 2024 l'ensemble des certifications obtenues avant le 1er mai 2023, date d'entrée en vigueur du nouvel arrêté fixant les nouvelles exigences de certification. Au-delà de la sécurisation de cet évènement, la rapporteure souhaite qu'une solution durable soit trouvée compte tenu des bénéfices nombreux de l'utilisation de telles équipes cynotechniques pour garantir la sécurité dans les transports en commun.

La commission a adopté l'article 4 ainsi modifié.

Article 5
Extension des compétences de la Suge
aux transports routiers dits « de substitution »

La commission a, à l'initiative du rapporteur, adopté sans modification cet article proposant une extension particulièrement bienvenue des compétences de la Suge aux transports routiers dits « de substitution » qu'il s'agisse des véhicules ou des emprises immobilières afférentes, corrigeant ainsi un vide juridique particulièrement préjudiciable.

1. L'impossibilité pour la Suge de sécuriser les transports routiers dits de « substitution »

L'article 5 de la proposition de loi vise à élargir le champ d'intervention du service interne de sécurité de la SNCF, qui peut réaliser des missions pour le compte d'autres personnes morales utilisatrices des réseaux ferrés ou des emprises immobilières affectées au transport de voyageurs.

Régie par les dispositions de l'article L. 2251-1-1 du code des transports, la mission de prévention assurée par le service interne de la SNCF- la sureté ferroviaire (Suge) - peut être réalisée « au profit des gestionnaires d'infrastructure, des exploitants d'installations de service, des autorités organisatrices de transport ferroviaire, des entreprises ferroviaires utilisatrices du réseau ferré national ainsi que de leurs personnels, à leur demande et dans un cadre formalisé, dans le respect des principes d'équité et de non-discrimination mais également au profit des transports routiers dits de « substitution » organisés en application du 2° de l'article L. 2121-3 du code des transports. »

C'est à la suite de la loi n° 2014-872 du 4 août 2014 portant réforme ferroviaire , que la Suge a été autorisée à assurer des prestations pour l'ensemble des entreprises ferroviaires du réseau ferré national, élargissant ainsi son périmètre d'intervention aux gestionnaires d'infrastructures, aux exploitants d'installations de service et aux autorités organisatrices de transports ferroviaire .

Afin de remplir leur mission, les agents de la Suge sont habilités à établir des procès-verbaux de constat des infractions à la police des transports en application des dispositions de l'article L. 2241-1 du code des transports.

Toutefois, la Suge, en l'état du droit, ne peut intervenir au bénéfice des opérateurs de transport routier de substitution et ne peuvent, pas davantage, intervenir au sein des véhicules et emprises nécessaires à l'exploitation des bus de substitution en Ile-de-France. À titre d'exemple, les véhicules et emprises nécessaires à l'exploitation des bus de substitution et exploités par SNCF Transilien en substitution de ses trains n'entrent pas, contrairement aux bus de substitution de l'ensemble des régions hors Ile-de-France, dans le champ de compétences confié à la Suge pour l'exercice de la mission de prévention précitée. Le continuum de sécurité dans les transports et sur les emprises immobilières nécessaires à l'exploitation des services de transports manque donc d'opérationnalité.

Pour ce faire, l'article 5 de la proposition de loi propose de compléter, à l'article L. 2251-1-1 du code des transports, la liste des personnes morales ou physiques pouvant engager les missions que peut réaliser la Suge, d'une part, au profit de l'ensemble des exploitants de transport public routier dits de substitution et, d'autre part, dans l'ensemble des emprises immobilières nécessaires à leur exploitation, y compris pour les transports routiers interurbains - à savoir les bus franciliens.

2. La position de la commission : une extension bienvenue des missions de la Suge à la sécurisation des transports routiers dits de « substitution »

D'un constat partagé avec l'ensemble des acteurs auditionnés, la commission a estimé que cette évolution était indispensable en ce qu'elle permettait à l'ensemble des opérateurs de services routiers dits de substitution de confier, s'ils le souhaitaient, des missions de sécurisation de leurs véhicules et emprises immobilières à la Suge.

En effet, si la sécurisation ponctuelle des gares routières accueillant des transports routiers de substitution est possible par l'application croisée de dispositions du code des transports, elle est aujourd'hui incomplète et ce, malgré des besoins identiques de sûreté dans l'ensemble des gares routières.
Constatant le bien-fondé du dispositif prévu à l'article 5 et compte tenu de l'extension très limitée du périmètre géographique de compétences de la Suge, la commission a adopté, à l'initiative de la rapporteure, l'article 5 sans modification.

La commission a adopté l'article 5 sans modifications.


* 2 Loi n° 2016-339 du 22 mars 2016 relative à la prévention et à la lutte contre les incivilités, contre les atteintes à la sécurité publique et contre les actes terroristes dans les transports collectifs de voyageurs.

* 3 Article L. 2251-8 du code des transports.

* 4 Article 2241-6 du code des transports.

* 5 Articles 222-52 et suivants du code pénal.

* 6 Article R. 2241-24 du code des transports.

* 7 Décision n° 2003-467 DC du 13 mars 2003, Loi pour la sécurité intérieure.

* 8 Décision n° 2017-695 QPC du 29 mars 2018, M. Rouchdi B. et autre.

* 9 Décision n° 2017-695 QPC du 29 mars 2018, M. Rouchdi B. et autre.

* 10 Rapport d'information sur la mise en oeuvre de la loi n° 2016-339 du 22 mars 2016 relative à la prévention et à la lutte contre les incivilités, contre les atteintes à la sécurité publique et contre les actes terroristes dans les transports collectifs de voyageurs, fait par Mme Aude Luquet et M. Michel Vialay, députés, au nom de la commission du développement durable et de l'aménagement du territoire de l'Assemblée nationale, 7 février 2018.

* 11 Article L. 2251-1-3 du code des transports.

* 12 Sont visées les infractions mentionnées à l'article L. 2241-1 du code des transports.

* 13 Cette mission de prévention est définie à l'article L. 2251-1 du code des transports.

* 14 Article L. 613-1 du code de la sécurité intérieure.

* 15 Dispositions codifiées aux articles R. 2251-28 à R. 2251-30 du code des transports.

* 16 Décision n° 2021-817 DC du 20 mai 2021, Loi pour une sécurité globale préservant les libertés.

* 17 Décision n° 2011-625 DC du 10 mars 2011, Loi d'orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure.

* 18 Article L. 2241-1 du code des transports.

* 19 Ces mesures peuvent être mises en oeuvre par les agents de sûreté de la SNCF et de la RATP dans les conditions prévues à l'article L. 2251-9 du code des transports.

* 20 Pour plus de précisions, voir l'arrêté du 31 mars 2023 portant organisation de la certification technique des équipes cynotechniques privées en recherche des explosifs.

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