II. UNE DÉCISION DU CONSEIL D'ÉTAT DE 2020 À L'ORIGINE D'UNE PÉRIODE D'INCERTITUDES ET DE FORTES INTERROGATIONS
En novembre 20202(*), le Conseil d'État a jugé que la compétence de l'État se limite à la prise en charge des situations de handicap sur le seul temps scolaire. La responsabilité de l'organisation du temps de restauration scolaire ou des activités complémentaires aux activités d'enseignement et de formation incombe par conséquent aux collectivités territoriales.
Cette décision du Conseil d'État a constitué un tournant dans l'accompagnement des élèves handicapés sur le temps méridien, à rebours de la pratique qui existait jusque-là. Elle a ouvert une période de questionnements et eu des conséquences importantes.
Les AESH ont ainsi vu leur emploi du temps réorganisé au sein des pôles inclusifs d'accompagnement localisés, le temps périscolaire n'étant plus décompté. Pour ceux recrutés par la commune pour les temps périscolaires en complément du temps scolaire, la dualité d'employeurs a entraîné dans certains cas une dégradation de leurs conditions de travail, le rectorat et la collectivité territoriale estimant l'un et l'autre que le temps de pause, pourtant obligatoire, incombe à l'autre employeur.
Quant aux communes, elles ont dû assumer une charge financière supplémentaire, dans un contexte budgétaire contraint. Selon Delphine Labails, maire de Périgueux et co-présidente de la commission éducation de l'Association des maires de France, en fonction des relations entre les DASEN et les communes, l'arrêt de cette prise en charge par l'État a été brutal ou fait l'objet d'un accompagnement de la collectivité locale.
Enfin, certains élèves en situation de handicap sont sans accompagnement sur le temps méridien malgré des besoins en ce sens.
Signe des conséquences lourdes de cette décision du Conseil d'État, les services de l'éducation nationale ont eu pour consigne de ne pas remettre en cause les situations existantes afin d'éviter une mise en difficulté des élèves alors accompagnés pendant la pause méridienne.
Plus largement, cette décision entraîne des différences de traitement pour les élèves entre :
- ceux scolarisés dans le premier et le second degrés. Béatrice Annereau, conseillère régionale spéciale au handicap, auprès de la présidente de région Pays de la Loire, a confirmé à la rapporteure le maintien, par le rectorat, de la prise en charge des lycéens en situation de handicap sur le temps périscolaire. À l'exception d'une, toutes les régions sont actuellement dans « une position d'attente » et estiment ne pas avoir à se substituer à l'État dans la prise en charge des lycéens handicapés pendant la pause méridienne ;
- ceux scolarisés dans les écoles publiques et ceux scolarisés dans les établissements privés sous contrat. En effet, il revient aux établissements privés sous contrat de trouver les financements nécessaires. Les fonds perçus au titre du forfait scolaire ne peuvent pas servir à couvrir des dépenses qui interviennent sur le temps périscolaire. Ces établissements se trouvent confrontés à un choix : augmenter les tarifs de cantine pour l'ensemble des élèves ou faire porter cette charge financière directement sur les familles concernées.
La rapporteure a été alertée sur le cas des classes ULIS (unité locale d'inclusion scolaire), accueillant dans le premier degré près d'un quart des élèves en situation de handicap scolarisés en milieu ordinaire. Les élèves concernés peuvent être affectés par l'éducation nationale dans un établissement scolaire situé dans une autre commune que celle où ils habitent. Certains maires, au motif qu'ils n'ont pas donné leur accord à cette scolarisation en dehors de la commune de résidence, refusent de prendre en charge l'accompagnement humain sur le temps périscolaire, notamment méridien. Cette situation est source de tensions entre les élus. Des communes refusent désormais la création d'une classe ULIS dans leurs écoles en raison du reste à charge financier qu'elle entraîne.
* 2 Conseil d'État, décision n° 422248 du 20 novembre 2020.