III. LES POLITIQUES DU HANDICAP EN FRANCE ONT ÉTÉ RÉCEMMENT DÉNONCÉES POUR LEURS INSUFFISANCES
Le 17 avril 2023, le Comité européen des droits sociaux, organe dépendant du Conseil de l'Europe, a rendu une décision sur le bien fondé d'une réclamation par les associations de défense des droits des personnes handicapées22(*). La France y était notamment dénoncée comme manquant aux obligations imposées par la Charte sociale européenne en matière d'accès aux personnes handicapées à leurs droits fondamentaux, aux services d'aide sociale et aux prestations financières.
Les rapporteurs spéciaux souhaitent ici évoquer, au titre des politiques portées par le programme 157, quelques points sur lesquels notre pays manquent à ses obligations.
A. L'EXIL FRANÇAIS VERS LA BELGIQUE SE POURSUIT, AGGRAVÉ PLUS QU'ATTÉNUÉ PAR LE MORATOIRE DE 2021
1. Faute de places en France, de nombreux « départs forcés » vers la Belgique
Entendues par les rapporteurs spéciaux, les associations de défense des droits des personnes handicapées ont évoqué la persistance de « l'exil belge » des porteurs de handicap français, faute d'accompagnement en France.
De nombreuses personnes françaises en situation de handicap sont en effet accueillies en Belgique, notamment en raison d'un manque de structures adaptées en France. C'est notamment le cas des instituts médico-éducatifs (IME), qui accueillent des jeunes handicapés de moins de 20 ans. Faute de place dans d'autres structures spécialisées pour les adultes en France, de nombreux jeunes adultes ont été autorisés, par ce qu'il est convenu d'appeler « l'amendement Creton », à rester dans les IME, occupant des places en principe réservées aux enfants porteurs de handicap.
Sans solution, nombre de nos compatriotes ont ainsi été contraints de solliciter un accueil en Belgique, où il existe davantage de places. Un rapport de l'inspection générale des affaires sociales (Igas) de 2016 parlait à ce propos de « départs forcés »23(*). En 2018 plus de 500 Français porteurs de handicaps seraient partis en Belgique faute d'avoir trouvé une place en France. Il s'agit souvent de personnes ayant des handicaps « complexes et lourds », dont une proportion « conséquente » est atteinte spécifiquement d'autisme.
2. Dans l'attente des « 50 000 solutions » promises lors de la Conférence nationale du handicap de 2023, le moratoire du 21 janvier 2021 ne semble qu'avoir aggravé la situation
Jusqu'en 2021, l'Assurance maladie et les départements prenaient en charge les personnes accueillies en Belgique, ce qui a suscité les critiques des associations de défense des personnes handicapées, pour qui ce dispositif constituaient un moyen pour la puissance publique de « se défausser sur son voisin de l'accueil de ses propres ressortissants ». Le 21 janvier 2021, les Gouvernements français et wallons ont annoncé un moratoire sur la capacité d'accueil des adultes handicapés français en Belgique, qui a pris effet le 28 janvier 202124(*).
Depuis, les nouveaux accueils en Belgique ne sont plus pris en charge par l'Assurance maladie, ce qui place les familles des personnes handicapées concernées dans une situation plus difficile encore qu'auparavant : non seulement la France ne peut les accueillir, mais encore ne prend elle plus en charge leur accueil en Belgique.
Si, dans le cadre de la Conférence nationale du handicap du 26 avril 2023, le Président de la République a annoncé « 50 000 nouvelles solutions » accompagnées d'un financement de 2 milliards d'euros d'ici 2030 afin de « garantir une réponse aux personnes sans solutions », cette promesse doit encore se matérialiser. Les rapporteurs spéciaux déplorent en tout état de cause qu'aucune réponse, parmi ces 50 000 solutions, n'ait été encore apportée à la question de « l'exil belge ».
* 22 Comité européen des droits sociaux, décision du 17 avril 2023, Forum européen des personnes handicapées (EDF) et Inclusion Europe contre France, réclamation n° 168/2018.
* 23 Igas, Appui au dispositif visant à mettre un terme aux « départs forcés » de personnes handicapées vers la Belgique, décembre 2016.
* 24 Communiqué de presse, Moratoire des places en Belgique et accélération de la création de solutions d'accueil de proximité pour les personnes en situation de handicap en France, 21 janvier 2021.