N° 128

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2023-2024

Enregistré à la Présidence du Sénat le 23 novembre 2023

RAPPORT GÉNÉRAL

FAIT

au nom de la commission des finances (1) sur le projet de loi de finances, considéré comme adopté par l'Assemblée nationale en application de l'article 49, alinéa 3, de la Constitution, pour 2024,

Par M. Jean-François HUSSON, 

Rapporteur général,

Sénateur

TOME III

LES MOYENS DES POLITIQUES PUBLIQUES ET DISPOSITIONS SPÉCIALES

(seconde partie de la loi de finances)

ANNEXE N° 30

SOLIDARITÉ, INSERTION ET ÉGALITÉ DES CHANCES

Rapporteurs spéciaux : MM. Arnaud BAZIN et Éric BOCQUET

(1) Cette commission est composée de : M. Claude Raynal, président ; M. Jean-François Husson, rapporteur général ; MM. Bruno Belin, Christian Bilhac, Jean-Baptiste Blanc, Emmanuel Capus, Thierry Cozic, Bernard Delcros, Thomas Dossus, Albéric de Montgolfier, Didier Rambaud, Stéphane Sautarel, Pascal Savoldelli, vice-présidents ; M. Michel Canévet, Mmes Marie-Claire Carrère-Gée, Frédérique Espagnac, M. Marc Laménie, secrétaires ; MM. Arnaud Bazin, Grégory Blanc, Mme Florence Blatrix Contat, M. Éric Bocquet, Mme Isabelle Briquet, M. Vincent Capo-Canellas, Mme Marie-Carole Ciuntu, MM. Raphaël Daubet, Vincent Delahaye, Vincent Éblé, Rémi Féraud, Mme Nathalie Goulet, MM. Jean-Raymond Hugonet, Éric Jeansannetas, Christian Klinger, Mme Christine Lavarde, MM. Antoine Lefèvre, Dominique de Legge, Victorin Lurel, Hervé Maurey, Jean-Marie Mizzon, Claude Nougein, Olivier Paccaud, Mme Vanina Paoli-Gagin, MM. Georges Patient, Jean-François Rapin, Teva Rohfritsch, Mme Ghislaine Senée, MM. Laurent Somon, Christopher Szczurek, Mme Sylvie Vermeillet, M. Jean Pierre Vogel.

Voir les numéros :

Assemblée nationale (16ème législ.) : 1680, 1715, 1719, 1723, 1745, 1778, 1781, 1805, 1808, 1820 et T.A. 178

Sénat : 127 et 128 à 134 (2023-2024)

L'ESSENTIEL

La mission « Solidarité, insertion et égalité des chances » porte les politiques publiques de solidarité et de cohésion sociale de l'État en faveur des personnes les plus fragiles. Elle finance notamment la prime d'activité et l'allocation aux adultes handicapés (AAH).

I. UNE MISSION TRÈS SOLLICITÉE, DONT LA TRAJECTOIRE À VENIR SERA DÉPENDANTE D'ALÉAS CONJONCTURELS

Les crédits demandés au titre de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances » pour 2023 s'élèvent à 30,7 milliards d'euros en autorisations d'engagement (AE) et en crédits de paiement (CP). Plus des trois quarts de ce total est consacré respectivement au financement de la prime d'activité (10,5 milliards d'euros) et de l'AAH (13,7 milliards d'euros).

La mission est marquée par la mise en oeuvre, au 1er octobre, de la « déconjugalisation » de l'AAH. Pour mémoire, cette mesure implique d'exclure les revenus du conjoint des ressources prises en compte pour déterminer l'éligibilité et le cas échéant le montant de l'AAH. La déconjugalisation devrait permettre à 40 000 bénéficiaires en couple de voir le montant de leur allocation augmenter, de manière très variable et en moyenne de 320 euros par mois. Elle permet également à 80 000 nouvelles personnes de bénéficier effectivement de l'allocation, alors qu'elles en étaient antérieurement exclues. Le coût de la mesure a été évalué par la CNAF à 83,3 millions d'euros en 2023, et 500 millions d'euros par an à partir de 2024.

Principaux chiffres relatifs à la déconjugalisation de l'AAH

 
 
 

Nouveaux bénéficiaires

Augmentation moyenne de l'allocation

Coût du dispositif
en année pleine

Source : commission des finances du Sénat, d'après les réponses de l'administration au questionnaire des rapporteurs

Les crédits de la mission se caractérisent par une dynamique importante sur la période récente, liée à sa mobilisation face aux crises. Cette situation s'est traduite, ces dernières années, par l'augmentation pérenne de la prime d'activité décidée en réponse à l'urgence sociale exprimée par le mouvement des « gilets jaunes » (+ 4,4 milliards d'euros annuels), par le versement d'aides exceptionnelles de solidarité (AES) en 2020 dans le contexte de la crise sanitaire (1,9 milliard d'euros), et par l'indemnité inflation (3,2 milliards d'euros) et l'aide exceptionnelle de rentrée (1,2 milliard d'euros ) visant à aider les ménages modestes à faire face à la hausse des prix.

Évolution des crédits de la mission à périmètre courant
entre 2018 et 2024 (CP)

(en milliards d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

L'Assemblée nationale a également ouvert, dans le cadre du projet de loi de finances de fin de gestion pour 2023, près de 100 millions d'euros de crédits à destination des associations d'aide alimentaire et des familles monoparentales précaires.

Enfin, il convient de rappeler que le projet de loi de programmation des finances publiques prévoit une évolution de 5 % en euros constants pour les crédits de la mission. L'expérience des derniers exercices invite à la prudence quant au respect de cette trajectoire, au vu des nombreuses incertitudes qui entourent l'évolution de la situation économique et sociale. Un regard rétrospectif montre que l'évolution des crédits de la mission peut être très dynamique dans les périodes troublées (+ 22,3 % en euros courants entre 2019 et 2022). La réalisation de la trajectoire prévue dépendra donc largement de facteurs exogènes.

II. TROIS POINTS DE VIGILANCE POUR 2024 : LA CONTRACTUALISATION AVEC LES COLLECTIVITÉS, L'AIDE ALIMENTAIRE ET LE LANCEMENT DE L'AIDE UNIVERSELLE D'URGENCE POUR LES VICTIMES DE VIOLENCES

A. LE « PACTE DES SOLIDARITÉS » : UN PARTENARIAT ÉTAT-DÉPARTEMENTS RENOUVELÉ ?

La Stratégie nationale de prévention et de lutte contre la pauvreté engagée depuis 2018 a, selon l'Association des Départements de France (ADF), impulsé une nouvelle démarche partenariale au plan national, régional et départemental. Le Pacte des solidarités qui en prend aujourd'hui le relai entend approfondir la dynamique d'investissement social impulsée depuis cinq ans. Dans ce cadre, l'État prévoit de poursuivre la pratique de contractualisation avec les collectivités territoriales, et notamment les départements, via des contrats d'appui à la lutte contre la pauvreté et d'accès à l'emploi (Calpae).

Principaux chiffres relatifs au Pacte des Solidarités

 
 
 

Montant budgété sur la mission pour 2024

Part des crédits
du Pacte destinés
à la contractualisation avec les collectivités

mesures du Pacte

Source : commission des finances du Sénat, d'après les réponses de l'administration au questionnaire des rapporteurs

Lors de leur rapport sur le PLF 2023, les rapporteurs spéciaux avaient proposé trois principes directeurs à appliquer à une éventuelle nouvelle génération de contrats : 1) mieux anticiper et concerter ; 2) assouplir la gestion des contrats et respecter l'initiative locale et 3) simplifier le paysage contractuel.

À ce titre, il est satisfaisant que l'administration ait souhaité tirer les enseignements des précédentes conventions et que la nouvelle nouvelle génération de contrats prévue, à travers les « pactes locaux des solidarités », ne prévoit aucune mesure obligatoire, les actions à déployer étant déterminées à la suite d'un diagnostic territorial pour identifier les besoins prioritaires du territoire concerné.

Il est également heureux que les pactes locaux des solidarités soient à l'avenir conclus pour une durée de 4 ans, sur la période 2024-2027, avec un engagement financier pluriannuel. Toutefois, les indicateurs paraissent toujours aussi nombreux et peu concertés, à rebours de leurs recommandations de l'année dernière.

B. L'AIDE ALIMENTAIRE : UNE SITUATION CRITIQUE, UN SOUTIEN NÉCESSAIRE

Si les rapporteurs spéciaux ne peuvent que se féliciter de l'important effort national et européen dans le cadre du FSE + annoncé en faveur de l'aide alimentaire pour la programmation 2022-2027, force est de constater que la dotation annuelle diminuerait, en termes réels, de 12 % à l'horizon 2027 du fait de l'inflation, réduisant donc d'autant les quantités de denrées pouvant être achetées.

La situation des associations est toutefois inquiétante. En effet, l'augmentation de l'insécurité alimentaire, principalement due au renchérissement du coût de la vie durant la crise inflationniste, place les associations d'aide alimentaire dans une situation qu'elles qualifient parfois « d'équation insoluble », du fait de trois facteurs. D'une part, un accroissement des besoins en matière d'aide alimentaire : les Restos du Coeur ont ainsi connu une hausse de 25 % des demandeurs. D'autre part, la hausse continue du coût des denrées : avec l'inflation, le budget d'achats des Restos du Coeur a ainsi été multiplié par deux entre 2023 et 2024. Enfin, la baisse des dons, principalement des dons de denrées en provenance de la grande distribution.

Principaux chiffres relatifs à l'aide alimentaire

 
 
 

nouvelles personnes accueillies

taux d'inflation sur les produits alimentaires sur un an en juin 2023

part des demandeurs titulaires d'un CDI

Source : commission des finances du Sénat, d'après les réponses des associations entendues

Or, la hausse des crédits dédiés à l'aide alimentaire est insuffisante. Elle est en effet principalement due à l'augmentation de la prise en charge par l'État des refus d'apurement à FranceAgriMer et de l'accroissement des moyens du programme « Mieux manger pour tous ». Si ce programme constitue une initiative positive pour transformer structurellement et sur le long-terme l'offre d'aide alimentaire, elle est inadaptée pour répondre à l'urgence, ne serait-ce que parce que les produits locaux sont chers.

Des montants plus conséquents doivent être alloués à l'aide alimentaire afin d'aider les associations à résoudre leurs sérieuses difficultés conjoncturelles.

C. LA POLITIQUE EN FAVEUR DES DROITS DES FEMMES : LA PRINCIPALE AVANCÉE DUE À UNE INITIATIVE SÉNATORIALE

Les crédits du programme 137 « Égalité entre les femmes et les hommes » s'élèvent à 76,0 millions d'euros en AE et en CP, soit une augmentation de 22,8 % en AE et 16,26 % en CP par rapport à la LFI pour 2023.

Évolution des crédits du programme 137
« Égalité entre les femmes et les hommes » entre 2017 et 2024

(en milliards d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

L'augmentation des crédits constatée à périmètre courant sur un an est presque entièrement absorbée par la mise en oeuvre d'une initiative sénatoriale de notre collègue Valérie Létard : l'aide exceptionnelle d'urgence pour les victimes de violences conjugales. Il s'agit de la création d'une aide financière rapidement versée, donnant également droit à des prestations annexes et à un accompagnement social, et dont le remboursement peut, le cas échéant, être acquitté par le conjoint violent à l'issue de la procédure judiciaire. Elle s'inspire directement d'expérimentations menée dans nos territoires, en particulier dans le département du Nord.

Si cette initiative doit être saluée, il convient de rester vigilant quant à sa mise en oeuvre par le Gouvernement. Les associations de lutte contre les violences faites aux femmes ont relevé que le montant budgété - 13 millions d'euros - risquait de n'être pas suffisant pour assurer une appropriation large de cette aide par les victimes.

Réunie le mardi 14 novembre 2023, sous la présidence de M. Claude Raynal, président, la commission des finances a décidé de proposer au Sénat l'adoption, sans modification, des crédits de la mission. Elle a également décidé de proposer d'adopter les articles 64 et 65 sans modification.

Réunie à nouveau le jeudi 23 novembre 2023, sous la présidence de M. Claude Raynal, président, la commission a confirmé ses décisions.

Au 10 octobre 2023, date limite, en application de l'article 49 de la loi organique relative aux lois de finances, pour le retour des réponses du Gouvernement aux questionnaires budgétaires concernant le présent projet de loi de finances, 42 % des réponses portant sur la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances » étaient parvenues aux rapporteurs spéciaux.

PREMIÈRE PARTIE :

LES GRANDS ENJEUX BUDGÉTAIRES
DE LA MISSION « SOLIDARITÉ, INSERTION
ET ÉGALITÉ DES CHANCES » EN 2024

I. LES CRÉDITS DEMANDÉS POUR 2023 S'ÉLÈVENT À PLUS DE 30 MILLIARDS D'EUROS, PRINCIPALEMENT AU TITRE DE LA PRIME D'ACTIVITÉ ET DE L'ALLOCATION AUX ADULTES HANDICAPÉS

A. UNE MISSION PERMETTANT LE FINANCEMENT DE DIVERSES POLITIQUES DANS LE DOMAINE DE L'INCLUSION SOCIALE, DU HANDICAP ET DE L'ÉGALITÉ ENTRE LES FEMMES ET LES HOMMES

La mission « Solidarité, insertion et égalité des chances » porte les politiques publiques de solidarité et de cohésion sociale de l'État en faveur des personnes les plus fragiles.

Les autorisations d'engagement (AE) demandées s'élèvent à 30,7 milliards d'euros en projet de loi de finances (PLF) pour 2024 contre 29,8 milliards d'euros en loi de finances initiale (LFI) pour 2023, soit une hausse de 4,7 %.

Les crédits de paiement (CP) demandés s'élèvent quant à eux à 30,8 milliards d'euros en PLF 2024 contre 29,9 milliards d'euros en LFI 2023, soit une hausse de 4,7 %.

Pour mémoire, la mission se décompose en quatre programmes :

le programme 304 « Inclusion sociale et protection des personnes » porte notamment les crédits de la prime d'activité. Il permet de financer les politiques d'aide alimentaire, les actions relatives à la qualification en travail social, les mesures de protection juridique des majeurs, des actions de protection et d'accompagnement des enfants, des jeunes et des familles vulnérables, ainsi que l'aide à la vie familiale et sociale des anciens migrants dans leur pays d'origine. Il concourt entre autres au financement du « Pacte des solidarités », qui fait suite à la stratégie interministérielle de prévention et de lutte contre la pauvreté. Les crédits demandés s'élèvent à 14,0 milliards d'euros en AE et en CP, soit une hausse de 0,34 % par rapport à la LFI 2023 ;

le programme 157 « Handicap et dépendance » porte notamment les crédits de l'allocation aux adultes handicapés (AAH). Il assure également le financement de l'aide au poste versée aux établissements et services d'aide par le travail (ESAT) ainsi que le dispositif d'emploi accompagné. Le programme finance en outre des actions de lutte contre la maltraitance des personnes dépendantes. Les crédits demandés pour 2024 s'élèvent à 15,4 milliards d'euros en AE comme CP, soit une hausse de 9,2 % par rapport à la LFI 2023 ;

le programme 137 « Égalité entre les femmes et les hommes » vise notamment à financer des actions d'accès au droit, de lutte contre les violences faites aux femmes et destinées à favoriser l'émancipation économique des femmes. Les crédits demandés pour 2024 s'élèvent à 76,0 millions d'euros en AE et en CP, soit une nette hausse de 22,3 % en AE et 16,3 % en CP à périmètre courant ;

- enfin, le programme 124 « Conduite et soutien des politiques sanitaires et sociales » constitue le programme d'appui et de soutien aux politiques du ministère des solidarités et de la santé, portant l'ensemble des emplois de la mission. Il finance également la subvention pour charges de service public allouée aux agences régionales de santé (ARS). Les crédits demandés pour 2024 s'élèvent à 1,25 milliard d'euros en AE, soit une hausse de 0,91 %, et 1,35 milliard d'euros en CP, soit une hausse de 1,0 % par rapport à la LFI 2023 à périmètre courant.

Les crédits des programmes de la mission « Solidarité, insertion
et égalité des chances » en LFI 2023 et en PLF 2024 à périmètre courant

(en milliers d'euros et en pourcentage)

Programme

LFI 2023

PLF 2024

Variation 2024/2023

AE

CP

AE

CP

AE

CP

Programme 304 « Inclusion sociale et protection des personnes »

13 987 377,2

13 987 377,2

14 034 617,9

14 035 779,2

+ 0,34 %

+ 0,35 %

Programme 157 « Handicap et dépendance »

14 085 171,4

14 086 467,9

15 381 767,0

15 381 767,0

+ 9,21 %

+ 9,20 %

Programme 137 « Égalité entre les femmes et les hommes »

62 158,0

65 378,8

76 008,7

76 008,7

+ 22,28 %

+ 16,26 %

Programme 124 « Conduite et soutien des politiques sanitaires et sociales »

1 243 799,1

1 338 493,1

1 255 086,1

1 351 814,9

+ 0,91 %

+ 1,00 %

TOTAL

29 378 505,7

29 477 717,0

30 747 479,7

30 845 369,9

+ 4,66 %

+ 4,64 %

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

1. Des évolutions de périmètre à la marge, sauf concernant l'aide d'urgence pour les victimes de violences conjugales

La mission est affectée à la marge par des mouvements de périmètre et de transferts. Seul le programme 157 ne fait l'objet d'aucune mesure de périmètre dans le PLF 2024.

Le programme 304 comporte une « fausse » mesure de périmètre, l'action 23 « Pacte des solidarités » se substituant en fait à l'action 19 qui portait les crédits de la stratégie nationale de lutte contre la pauvreté. Il reçoit également un transfert entrant de 501 507 euros au titre du financement du groupement d'intérêt public (GIP) France enfance protégée.

Le programme 137 a fait l'objet d'une unique modification avec l'ajout de l'action 26, dédiée à l'aide d'urgence aux victimes de violences conjugales, budgétée à hauteur de 13,0 millions d'euros.

Le programme 124 comporte deux transferts sortants et un transfert sortant de titre 2, pour un montant total de - 581 549 euros, ainsi que trois mesures de transferts sortants représentant un total de 34 691 euros, au titre de l'adhésion de l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux (Oniam) à l'action sociale ministérielle, et au titre du transfert du GIP France enfance protégée.

Évolution à périmètre constant des crédits de la mission
« Solidarité, insertion et égalité des chances »

(en millions d'euros et en pourcentage)

   

LFI 2023

PLF 2024 courant

PLF 2024 constant

Evolution
PLF 2024 / LFI 2023 (volume)

Evolution
PLF 2024 /
LFI 2023
(%)

FDC et ADP attendus en 2024

304 - Inclusion sociale et protection des personnes

AE

13 987,4

14 034,6

14 035,1

+ 47,7

+ 0,3

0

CP

13 987,4

14 035,8

14 036,3

+ 48,9

+ 0,3

0

157 - Handicap et dépendance

AE

14 085,2

15 381,8

15 381,8

+ 1 296,6

+ 9,2

0

CP

14 086,5

15 381,8

15 381,8

+ 1 295,3

+ 9,2

0

137 - Égalité entre les femmes et les hommes

AE

62,2

76,0

63,0

+ 0,9

+ 1,4

0,1

CP

65,4

76,0

63,0

- 2,4

- 3,6

0,1

124 - Conduite et soutien des politiques sanitaires et sociales

AE

1 243,8

1 255,1

1 254,5

+ 10,7

+ 0,9

0

CP

1 338,5

1 351,8

1 351,2

+ 12,7

+ 1,0

0

Total mission

AE

29 378,5

30 747,5

30 734,4

+ 1 355,9

+ 11,8

0,1

CP

29 477,7

30 845,4

30 832,3

+ 1 354,6

+ 6,9

0,1

FDC et ADP : fonds de concours et attributions de produits. La différence entre les montants courants et constants correspond aux évolutions de périmètre présentées dans le PAP et détaillées ci-dessus. Les différences et pourcentages correspondent à l'évolution en termes constants.

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

Comme le montre le tableau supra, si les crédits du programme 137 « Égalité entre les femmes et les hommes » connaitraient une hausse de 13,8 millions d'euros à périmètre courant entre 2023 et 2024, cette augmentation est entièrement absorbée par la création de la nouvelle action 26 « Aide universelle d'urgence pour les personnes victimes de violences conjugales », dotée de 13,0 millions d'euros en AE et en CP.

À périmètre constant, les dépenses de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances » en faveur de l'égalité entre les femmes et les hommes n'augmenteraient donc que de 0,9 million d'euros en AE, et connaitraient même une diminution de 2,4 millions d'euros en CP entre 2023 et 2024.

2. Des ouvertures de crédits demandées dans le projet de loi de finances de fin de gestion, signe d'une budgétisation à fiabiliser

En 2023, la mission connaitrait une augmentation de 461,1 millions d'euros en AE et de 460,7 millions d'euros en CP, parallèlement à une annulation de 15,1 millions d'euros en AE et de 21,1 millions d'euros en CP au titre de son programme 124 « Conduite et soutien des politiques sanitaires et sociales ».

Au total, la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances » ferait l'objet d'une ouverture nette de 446,0 millions d'euros en AE et 439,7 millions d'euros en CP.

a) Une hausse des dépenses de la prime d'activité et du RSA recentralisé, du fait de l'inflation et du ralentissement de la dynamique de l'emploi

Les crédits ouverts sur le programme 304 « Inclusion sociale et protection des personnes », à hauteur de 330,9 millions d'euros en AE et en CP, doivent permettre de financer des dépenses de prime d'activité et de RSA recentralisé plus importantes que prévu.

En ce qui concerne la prime d'activité, le montant ouvert en LFI 2023 s'élevait à 10,3 milliards d'euros ; or l'administration indique en réponse au questionnaire budgétaire des rapporteurs spéciaux que l'impact anticipé de la revalorisation des prestations intervenue au 1er avril 2023 s'élève à 248 millions d'euros.

Quant à l'enveloppe allouée au financement du RSA recentralisé, elle était de 1,6 milliard d'euros dans le PLF 2023 alors que l'impact de la revalorisation des prestations intervenue au 1er avril 2023 s'élève à 39 millions d'euros. En outre, l'embellie de la situation de l'emploi dans les départements concernés est moindre qu'anticipée, portant le montant ouvert au titre du RSA recentralisé à 43 millions d'euros.

b) Une sur-exécution de l'AAH, liée à une anticipation perfectible de sa « déconjugalisation »

Les crédits ouverts, à hauteur de 130,2 millions d'euros en AE et 129,8 millions d'euros en CP sur le programme 157 « Handicap et dépendance », doivent permettre de financer des dépenses relatives à l'allocation pour adulte handicapé (AAH) plus importantes que prévu.

La « déconjugalisation » de l'AAH est en effet entrée en vigueur au 1er octobre 2023. Ce changement du mode de calcul de la prestation et l'augmentation du nombre de bénéficiaires qui en résulte se traduit par une hausse des dépenses d'AAH de 6,6 % par rapport à 2022 - alors qu'une hausse de 3,4 % seulement était prévue dans la LFI 2023.

c) Des questions restant en suspens quant à la fiabilité de la budgétisation pour 2024

Seul le programme 124 « Conduite et soutien des politiques sanitaires et sociales » connaitrait des annulations de crédits, correspondant à une partie de la mise en réserve de précaution.

Les difficultés du Gouvernement pour prévoir avec fiabilité les dépenses de la prime d'activité et de l'AAH, qui conditionnent l'évolution des crédits de la mission toute entière, interrogent quant à la prévision pour 2024. Il est en effet difficile de croire que, comme l'illustre le tableau infra, les dépenses des programmes 304 et 157 diminuent ou se maintiennent au même niveau qu'à fin 2023, a fortiori connaissant leur dynamique naturelle.

Évolution des crédits de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances »
par rapport aux prévision de la LFI et à l'exécution attendue pour 2023

(en millions d'euros et en pourcentage)

   

LFI 2023

PLFG 2023

PLF 2024
constant

Evolution
PLF 2024 / LFI 2023 (volume)

Evolution
PLF 2024 /
LFI 2023
(%)

Evolution
PLF 2024 / PLFG 2023
(volume)

Evolution
PLF 2024 /
PLFG 2023
(%)

304 - Inclusion sociale et protection des personnes

AE

13 987,4

14 318,2

14 035,1

+ 47,7

+ 0,3

- 283,1

- 2,0

CP

13 987,4

14 318,2

14 036,3

+ 48,9

+ 0,3

- 281,9

- 2,0

157 - Handicap et dépendance

AE

14 085,2

14 215,4

15 381,8

+ 1 296,6

+ 9,2

+ 1 166,4

+ 8,2

CP

14 086,5

14 216,3

15 381,8

+ 1 295,3

+ 9,2

+ 1 165,5

+ 8,2

137 - Égalité entre les femmes et les hommes

AE

62,2

62,2

63,0

+ 0,9

+ 1,4

+ 0,9

+ 1,4

CP

65,4

65,4

63,0

- 2,4

- 3,6

- 2,4

- 3,6

124 - Conduite et soutien des politiques sanitaires et sociales

AE

1 243,8

1 228,7

1 254,5

+ 10,7

+ 0,9

+ 25,8

+ 0,0

CP

1 338,5

1 317,4

1 351,2

+ 12,7

+ 1,0

+ 33,8

+ 0,0

Total mission

AE

29 378,5

29 824,4

30 734,4

+ 1 355,9

+ 4,6

+ 910,0

+ 3,1

CP

29 477,7

29 917,2

30 832,3

+ 1 354,6

+ 4,6

+ 915,1

+ 3,1

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaire et le PLFG pour 2023

B. LES CRÉDITS DÉDIÉS À LA PRIME D'ACTIVITÉ ET L'AAH, QUI REPRÉSENTENT L'ESSENTIEL DES CRÉDITS DE LA MISSION, SONT MARQUÉS PAR UN FORT DYNAMISME EN 2024

À elles seules, la prime d'activité (10,5 milliards d'euros) et l'AAH (13,7 milliards d'euros) représentent à elles seules plus des trois quarts des crédits demandés pour la mission en PLF 2024 (78,6 %).

Part de la prime d'activité et de l'AAH
dans les crédits demandés pour la mission en PLF 2024 (CP)

(en %)

Source : commission des finances du Sénat

1. Le coût de la prime d'activité, qui permet de soutenir le pouvoir d'achat des travailleurs modestes, dépasse le seuil des 10 milliards d'euros
a) La prime d'activité avait constitué un puissant instrument de pouvoir d'achat pour répondre à diverses urgences sociales

La prime d'activité, créée par la loi n° 2015-994 du 17 août 2015 relative au dialogue social et à l'emploi, a remplacé au 1er janvier 2016 la part « activité » du revenu de solidarité active (RSA) ainsi que la prime pour l'emploi (PPE). Cette prime est versée aux personnes en activité professionnelle dont les ressources sont inférieures à un certain montant garanti - pour une personne célibataire sans enfant, ce montant est égal à environ 1 885 euros net par mois fin 2022. Son montant est revalorisé automatiquement au 1er avril de chaque année en application de l'article L. 161-25 du code de la sécurité sociale.

Formule de calcul de la prime d'activité

Le montant de la prime d'activité est calculé sur la base d'un montant forfaitaire variable en fonction de la composition du foyer (dont le nombre d'enfants à charge), auquel s'ajoutent les revenus professionnels pris en compte à hauteur de 61 % afin de favoriser l'activité. Pour mémoire, le montant forfaitaire de la prime d'activité s'élève à 586,23 euros (depuis le 1er juillet 2022) pour un foyer composé d'une personne seule sans enfant.

Le montant forfaitaire de la prime d'activité peut être bonifié selon le salaire mensuel de chaque membre du foyer (moyenne sur les 3 derniers mois), à condition que ces revenus soient supérieurs à 653,13 euros. Le montant de la bonification est croissant à partir de ce montant. Il s'échelonne entre quelques euros, comme 26,30 euros pour un salaire net mensuel de 700 euros, et plus d'une centaine d'euros, comme 170,60 euros pour un salaire moyen supérieur à 1 328,40 euros. Au-delà de ce salaire, le montant de la bonification demeure constant.

La prime d'activité est ouverte aux jeunes actifs dès 18 ans, ainsi qu'aux étudiants et aux apprentis ayant perçu, au cours des trois derniers mois, un salaire mensuel supérieur à 78 % du SMIC. Elle a également été ouverte à compter du 1er juillet 20161(*) aux bénéficiaires de l'allocation aux adultes handicapés (AAH) qui travaillent en établissements et services d'aide par le travail (ESAT) ou en milieu ordinaire.

Les dépenses liées à la prime d'activité ont fortement augmenté à compter de 2019, le dispositif ayant constitué l'un des principaux vecteurs utilisés par le Gouvernement pour répondre à l'urgence sociale exprimée par le mouvement des « gilets jaunes ». Par ailleurs, la communication qui a entouré la mise en oeuvre de cette réforme a conduit à augmenter le taux de recours de personnes déjà éligibles mais qui n'avaient pas sollicité la prime d'activité. Les effectifs ont connu une croissance très dynamique à partir de janvier 2019 et ce, jusqu'à mars 2020, sous l'effet de la mise en oeuvre de la revalorisation exceptionnelle de la prime d'activité en application de la loi n° 2018-1213 du 24 décembre 2018 portant mesures d'urgence économiques et sociales.

Les revalorisations de prime d'activité décidées en 2018 et 2019

La prime d'activité a été revalorisée afin de soutenir le pouvoir d'achat des travailleurs modestes et particulièrement ceux rémunérés au Smic :

- le montant forfaitaire de la prime d'activité a été revalorisé de 20 euros à compter du 1er août 2018 ;

- le montant maximal de la composante individuelle de la prime d'activité, le bonus, a été revalorisé de 90 euros à compter du 1er janvier 2019, passant de 70,49 euros à 160,49 euros, en application du décret n° 2018-1197 du 21 décembre 2018 relatif à la revalorisation exceptionnelle de la prime d'activité. Versé à chaque membre du foyer dont les revenus sont supérieurs à 0,5 Smic, le montant du bonus est croissant jusqu'à 1 Smic où il atteint son point maximal. Il reste stable au-delà ;

Tableau : Impact des mesures réglementaires de revalorisation de la prime d'activité
en masses financières, tous régimes

(en millions d'euros)

Source : réponse au questionnaire budgétaire

A la fin du troisième trimestre 2022, plus de 4,6 millions de foyers sont bénéficiaires de la prime d'activité, tous régimes confondus. Selon les dernières prévisions de la caisse nationale des allocations familiales (CNAF), les effectifs des bénéficiaires se stabiliseraient à partir de 2022.

Effectifs des bénéficiaires de la prime d'activité depuis 2016

(nombre de bénéficiaires)

Source : réponse au questionnaire budgétaire

Il est à noter, au 1er juillet 2022, une revalorisation anticipée des prestations (dont la prime d'activité) à hauteur de 4 % dans le cadre de la loi du 16 août 2022 portant mesures d'urgence pour la protection du pouvoir d'achat. Le montant forfaitaire est passé de 563,68 euros à 586,23 euros. Les premiers travaux engagés entre la direction du budget et la DGCS indiquent une hausse de dépenses de prime d'activité de 190 millions d'euros en 2022 et de 660 millions d'euros en 2023 du fait des mesures de revalorisation à l'inflation.

b) Un montant prévisionnel de 10,5 milliards d'euros en 2024, qui interroge au vu de la prévision d'exécution pour 2023

À sa mise en place en 2016, la prime d'activité présentait un bilan légèrement supérieur à 5 milliards d'euros de dépenses. En 2019, la hausse du nombre d'allocataires liée aux revalorisations du montant forfaitaire de la prime d'activité a conduit à une augmentation de la dépense à près de 9,8 milliards d'euros. Depuis 2019, les dépenses de la prime d'activité ont connu un taux de croissance annuel moyen de 3,6 %. Les masses financières versées au titre de la prime d'activité atteindraient ainsi plus de 10,7 milliards d'euros en 2023, soit une hausse de 4,3 % par rapport à 2022.

En PLF 2024, 10,5 milliards d'euros en AE et CP sont prévus au titre de ce dispositif, soit une hausse de seulement 0,7 % par rapport à la prévision 2023.

Évolution des crédits prévus et consommés au titre de la prime d'activité (CP)

(en milliards d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

Plus inhabituel, la prévision pour 2024 s'inscrirait en baisse (de 200 millions d'euros, soit - 2,3 %) par rapport à l'exécution attendue en 2023. Une diminution de la prime d'activité apparaît difficilement concevable au regard de la tendance observée lors des exercices antérieurs, a fortiori dans un contexte de revalorisations régulières dues à l'inflation. Cet élément fait planer un doute sur la fiabilité de la budgétisation pour 2024 (cf supra).

2. L'AAH, qui garantit un revenu minimum aux personnes en situation de handicap, connaît une progression soutenue du fait de sa « déconjugalisation »
a) Une dépense structurellement dynamique

L'allocation aux adultes handicapés (AAH) est un minimum social versé, sous conditions de ressources, aux personnes handicapées de plus de vingt ans2(*). Elle est subsidiaire par rapport à d'autres prestations, comme les pensions d'invalidité, les rentes d'accident du travail ou les avantages vieillesse.

Elle peut se cumuler avec des ressources personnelles, y compris des revenus d'activité3(*), dans la limite d'un plafond annuel, fixé à 11 480 euros pour une personne seule sans enfant depuis le 1er juillet 20224(*) (soit 956 euros par mois en tenant compte des revalorisations de 2022). Son montant est revalorisé automatiquement au 1er avril de chaque année en application de l'article L. 161-25 du code de la sécurité sociale.

Afin de bénéficier de cette allocation, la personne handicapée doit être atteinte, soit d'un taux d'incapacité permanente d'au moins 80 % (« AAH- 1 »), soit d'un taux d'incapacité compris entre 50 % et 80 %, et présenter une restriction substantielle et durable5(*) pour l'accès à l'emploi (RSDAE) ne pouvant être compensée par des mesures d'aménagement du poste du travail (« AAH- 2 »).

Ces conditions sont appréciées par les commissions départementales des droits et de l'autonomie des personnes handicapées (CDAPH) après instruction par les maisons départementales des personnes handicapées (MDPH).

Les dépenses d'AAH sont structurellement orientées à la hausse. Depuis 2018, la dépense aurait ainsi connu une progression de 44 % pour s'établir à 12,7 milliards d'euros en 2023 selon les dernières estimations de la CNAF, avec un taux de croissance annuelle moyen de 6,3 %. Cette tendance haussière structurelle résulte principalement :

- des évolutions démographiques, avec le vieillissement de la population. Le risque de survenance d'un handicap et le taux de prévalence de l'AAH augmentent avec l'âge ;

- du faible taux de sortie du dispositif pour l'AAH : seuls 7,7 % des bénéficiaires sont sortis en 2017 ;

- de l'extension du champ et de la reconnaissance du handicap, qui a joué un rôle non négligeable dans l'augmentation des dépenses d'AAH.

Croissance de la dépense d'AAH depuis 2018

(en milliards d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les réponses au questionnaire budgétaire

S'agissant des bénéficiaires, l'effectif de bénéficiaires de l'AAH est de 1 297 455 personnes au 31 décembre 2022, (France entière, y compris Mayotte, mais hors Saint-Pierre-et-Miquelon), tous régimes confondus. Cet effectif est en hausse de 3,4 % par rapport à fin 2021. Dans le détail, fin décembre 2022, 648 770 bénéficiaires l'étaient au titre de l'AAH- 1 (soit + 1,8 % en un an) et 648 296 au titres de l'AAH- 2 (une progression de 5,0 % sur une année).

Si l'on réalise un suivi de tendance, environ 1,32 million de personnes seraient bénéficiaires de l'AAH à fin 2023 et 1,35 million à fin 2024. Les effectifs de bénéficiaires de l'AAH dépasseraient sans doute les 1,4 million de bénéficiaires en 2027.

Au vu des dépenses déjà constatées par la Caisse nationale d'allocations familiales (CNAF) et la Caisse centrale de la Mutualité sociale agricole (CCMSA), une ouverture de crédits à hauteur de 137 millions d'euros est inscrite dans le projet de loi de finance de fin de gestion 2023 au titre de l'AAH. Selon l'administration, l'ouverture de crédits sur l'AAH résulte d'une hausse du nombre de bénéficiaires de l'AAH plus importante qu'initialement prévue. Du fait du calendrier, il est probable que cette hausse supplémentaire soit le fruit de la campagne de communication à destination des allocataires de l'AAH, leur signalant la mise en oeuvre de la déconjugalisation au 1er octobre.

Les crédits inscrits en PLF 2024 au titre de l'AAH s'élèvent à 13,7 milliards d'euros.

b) Un exercice marqué par la mise en oeuvre de la « déconjugalisation » de l'AAH

L'exercice 2023 est effectivement marqué par la mise en oeuvre de la « déconjugalisation » de l'AAH en application de l'article 10 de la loi du 16 août 2022 portant mesures d'urgence pour la protection du pouvoir d'achat. Cette mesure implique d'exclure les revenus du conjoint des ressources prises en compte pour déterminer l'éligibilité et le cas échéant le montant de l'AAH.

Demandée de longue date par les associations de défense des droits des personnes en situation de handicap - mais également par le Sénat6(*), la mesure est pleinement soutenue par les rapporteurs spéciaux qui relevaient dans leur rapport relatif au PLF pour 2022 qu'elle « témoignerait de la pleine reconnaissance de la spécificité du public ciblé par l'AAH, qui, en raison de son montant et de ses conditions d'accès plus favorables, ne saurait être regardée comme un minimum social comme un autre. Elle permettrait de clarifier la nature du dispositif en faisant de l'AAH une véritable prestation de compensation de l'éloignement de l'emploi provoqué par le handicap, et d'accès à l'autonomie. En risquant d'accroître la dépendance de la personne handicapée aux revenus de son conjoint, la conjugalisation constitue en effet un frein à cette logique d'autonomie »7(*).

La longue marche vers la déconjugalisation de l'AAH

L'AAH est une allocation individuelle, toutefois son calcul prenait en compte les éventuels revenus du conjoint du bénéficiaire, une situation que déploraient de nombreuses associations de défense des personnes handicapées.

Depuis le 1er janvier 2022, un abattement forfaitaire de 5 000 euros par an, majoré de 1 400 euros par enfant à charge, s'applique sur les revenus du conjoint du bénéficiaire de l'AAH pris en compte pour le calcul du montant de l'allocation. Cet abattement forfaitaire est venu remplacer l'abattement proportionnel de 20 % qui s'appliquait auparavant, et s'applique sur les mêmes revenus, avec un impact en année pleine de 185 millions d'euros.

Cependant, l'article 10 de la loi n° 2022-1158 du 16 août 2022 portant mesures d'urgence pour la protection du pouvoir d'achat est venu modifier en profondeur ce dispositif en prévoyant une mesure de déconjugalisation de l'AAH, avec une entrée en vigueur au 1er octobre 2023. La déconjugalisation correspond à la suppression de la prise en compte des revenus du conjoint et à l'application du plafond applicable aux personnes seules pour le calcul de la prestation des bénéficiaires en couple.

Toutefois, le décret n° 2022-1694 du 28 décembre 2022 prévoit un maintien du calcul conjugalisé de la prestation pour les bénéficiaires qui seraient perdants à la déconjugalisation.

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

La déconjugalisation devrait permettre à 40 000 bénéficiaires en couple de voir le montant de leur allocation augmenter, pour des montants très variables et en moyenne pour un montant de 320 euros par mois. Elle permet également à 80 000 nouvelles personnes de bénéficier effectivement de l'allocation, alors qu'elles en étaient antérieurement exclues en raison du niveau de ressources trop élevé de leur conjoint, pour des montants également variables, et en moyenne pour un montant de 370 euros par mois.

La réforme est sans impact pour 210 000 bénéficiaires en couples. Le nouveau mode de calcul induirait enfin une baisse du montant de leur allocation pour 30 000 bénéficiaires. Ces personnes bénéficieront d'une mesure de maintien du mode de calcul antérieur, c'est-à-dire prenant en compte les revenus de leur conjoint, tant que le nouveau mode de calcul ne leur sera pas plus favorable financièrement.

Le coût de la mesure a été évalué par la CNAF à 83,3 millions d'euros en 2023, et 500 millions d'euros par an à partir de 2024. Sans le dispositif de maintien du calcul antérieure pour les « perdants » de la réforme, la mesure aurait coûté 410 millions d'euros sur une année pleine. La mesure de déconjugalisation est entrée en vigueur au 1er octobre 2023. Le premier versement d'une AAH déconjugalisée est intervenu début novembre.

II. UNE MISSION TRÈS SOLLICITÉE CES DERNIÈRES ANNÉES, DONT LA TRAJECTOIRE À VENIR SERA DÉPENDANTE D'ALÉAS CONJONCTURELS

A. UNE MISSION FORTEMENT MOBILISÉE CES DERNIÈRES ANNÉES POUR RÉPONDRE À L'URGENCE SOCIALE

Les crédits de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances » se caractérisent par un taux de croissance annuel moyen très élevé (11,1 % entre 2018 et 2022). Comme l'illustre le graphique ci-après, cette dynamique est largement liée à la mobilisation de la mission pour financer la réponse à des situations d'urgence économique et sociale. Entre les années 2019 et 2022, les crédits de la mission ont augmenté de 22,3 %, au rythme des crises sociales.

La hausse à 90 euros du bonus individuel de la prime d'activité avait ainsi constitué en 2019 l'un des principaux vecteurs utilisés par le Gouvernement pour répondre à l'urgence sociale exprimée par le mouvement des « gilets jaunes ». Cette mesure représente un coût annuel pérenne d'environ 4,4 milliards d'euros.

L'exercice 2020 avait ensuite été marqué par le financement d'une série de mesures d'urgence en réponse à la crise sanitaire, avec l'ouverture de 2,7 milliards d'euros en lois de finances rectificatives, au premier rang desquelles les aides exceptionnelles de solidarité (AES) en faveur des ménages modestes (1,9 milliard d'euros), ainsi qu'un plan d'urgence en faveur de l'aide alimentaire (94 millions d'euros), de l'aide sociale à l'enfance (50 millions d'euros) et de lutte contre les violences conjugales dans le contexte des confinements (4 millions d'euros).

La seconde loi de finances rectificative pour 20218(*) a d'abord prévu une indemnité inflation de 100 euros devant être versée à toute personne percevant moins de 2 000 euros de revenu net mensuel9(*). Cette indemnité exceptionnelle a concerné 38 millions de personnes et représenté un coût de 3 milliards d'euros sur le périmètre de la mission durant l'exercice 2021.

Durant l'année 2022, de nouveaux crédits ont été ouvert par la loi n° 2022-1157 du 16 août 2022 de finances rectificative pour 2022, afin de financer une aide exceptionnelle de rentrée destinée aux ménages les plus modestes bénéficiaires des minima sociaux et de la prime d'activité, représentant un coût de 1 350 millions d'euros. Mise en oeuvre par le décret n° 2022-1234 du 14 septembre 2022, bénéficiant aux allocataires des minima sociaux10(*), celle-ci a été fixée à 100 euros, auxquels s'ajoutent 50 euros par enfant à charge effective et permanente. Elle a concerné environ 10 millions de foyers. Pour les bénéficiaires de la seule prime d'activité, le montant de l'aide s'élève à 28 euros, majoré de 14 euros par enfant à charge.

Évolution des crédits de la mission à périmètre courant entre 2018 et 2024 (CP)

(en milliards d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

Du fait de sa sollicitation en contexte inflationniste, les crédits du programme 304 sont également amenés à augmenter, même sans mise en place de dispositifs exceptionnels.

La revalorisation des minima sociaux de 4 % au 1er juillet 2022, en complément de la revalorisation légale intervenue le 1er avril 2022 (+ 1,8 %), ont ainsi amené une ouverture de crédits de 387,2 millions d'euros en 2022. De même, en raison du soutien accru apporté par l'État en matière d'aide alimentaire, 95 millions d'euros ont été ouverts cette même année, notamment pour les étudiants et les Outre-mer.

Cette tendance à la sollicitation de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances » se poursuit d'ailleurs jusqu'en 2023. En effet, lors de l'examen du projet de loi de finances de fin de gestion pour 2023, l'Assemblée nationale a adopté trois amendements de crédits majorant les crédits du programme 304 à hauteur de près de 100 millions d'euros, répartis entre :

- 20 millions d'euros sur l'action 14 « Aide alimentaire » ;

- 70 millions d'euros au titre d'une prime exceptionnelle de Noël pour les familles monoparentales ;

- 3 millions d'euros pou étendre la prime Ségur à certains métiers du secteur médico-social jusqu'alors exclus.

B. LE RESPECT DE LA TRAJECTOIRE PRÉVUE PAR LA LOI DE PROGRAMMATION DES FINANCES PUBLIQUES DÉPENDRA PROBABLEMENT DE FACTEURS EXOGÈNES

Hors contribution au CAS Pensions (104,6 millions d'euros en PLF 2024), le budget demandé pour la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances » représente un total de 30,6 milliards d'euros, soit le montant du plafond des crédits alloués à cette mission pour 2024 par l'article 12 de la loi de programmation des finances publiques pour les années 2023-2027.

Trajectoire prévue pour la mission par la loi de programmation
des finances publiques pour les années 2023 à 2027

(en milliards d'euros)

Source : commission de finances du Sénat, d'après l'article 12 du projet de loi de programmation des finances publiques 2023-2027

En 2024, 2025 et 2026, les plafonds de crédits alloués à la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances », hors contribution du budget général au compte d'affectation spéciale « Pensions », ne peuvent, à périmètre constant, excéder 30,6 milliards d'euros pour 2024, 31,7 milliards d'euros pour 2025 et 32,8 milliards d'euros pour 2026. Cette trajectoire représenterait donc une hausse notable des crédits par rapport à 2023 en euros courants (+ 12 %).

La trajectoire retenue lors de l'examen du projet de loi de programmation des finances publiques en première lecture à l'Assemblée nationale était plus modérée. Il y était prévu, pour la mission, des dépenses établies à 30,3 milliards d'euros pour 2024 et 31,1 milliards d'euros pour 2025, soit + 2 % à euros constants. Or la nouvelle trajectoire fixe une augmentation à + 5 % en euros constants. On peut en déduire que la trajectoire prévue en première lecture visait principalement à financer l'indexation automatique à l'inflation de la prime d'activité et de l'AAH pour les années à venir, alors que celle récemment adoptée prévoit d'autres augmentations de crédits.

Enfin, l'expérience des derniers exercices invite à la prudence quant au respect de cette trajectoire, au vu des nombreuses incertitudes qui entourent l'évolution de la situation économique et sociale. Un regard rétrospectif montre que l'évolution des crédits de la mission peut être très dynamique dans les périodes troublées (+ 22,3 % en euros courants entre 2019 et 2022), ou moins soutenue (+ 4,6 % entre 2021 et 2024).

DEUXIÈME PARTIE :
LES PRINCIPALES OBSERVATIONS DES
RAPPORTEURS SPÉCIAUX

I. UN PARTENARIAT ÉTAT-DÉPARTEMENTS À CONSOLIDER

Les rapporteurs spéciaux avaient consacré une partie de leur rapport sur le PLF 202311(*) à la contractualisation entre l'État et les départements dans le cadre de la Stratégie pauvreté. En conclusion de leurs travaux, ils relevaient, malgré des moyens limités, de premiers résultats encourageants. Ils recommandaient également de tirer les enseignements de la première génération de conventions d'appui à la lutte contre la pauvreté et d'accès à l'emploi (Calpae) en cas de poursuite de cette démarche. Ils préconisaient ainsi :

- de mieux anticiper afin de laisser toute sa place à la concertation sur les modalités concrètes d mise en oeuvre des contrats.

- d'assouplir la gestion des contrats à partir d'un engagement pluriannuel sur les montants financiers faisant l'objet de la contractualisation ;

- de laisser plus de place aux initiatives locales, qui ne représentaient que 26 % des crédits dédiés au Calpae ;

- de rationnaliser le paysage contractuel, l'exécution des Calpae ayant été marquée par la multiplication des dispositifs intervenant dans un champ similaire, en harmonisant des calendriers et des clauses administratives et financières, et en articulant entre eux les contrats passés avec d'autres collectivités.

A. UN PARTENARIAT RENOUVELÉ ENTRE L'ÉTAT ET LES DÉPARTEMENTS DANS LE CADRE DU « PACTE DES SOLIDARITÉS » ?

1. De la « Stratégie pauvreté » au « Pacte des solidarités »

La Stratégie nationale de prévention et de lutte contre la pauvreté engagée depuis 2018 a, selon l'Association des Départements de France (ADF), impulsé une nouvelle démarche partenariale au plan national, régional et départemental. Le Pacte des solidarités qui en prend aujourd'hui le relai entend approfondir la dynamique d'investissement social impulsée depuis cinq ans.

Selon la direction générale de la cohésion sociale (DGCS), le Pacte des Solidarités « incarne une approche interministérielle de la lutte contre la pauvreté en s'inscrivant sur la durée, via l'engagement du gouvernement sur la période 2024-2027. »

Le « Pacte des solidarités »

Quatre orientations ont été affirmées dès le lancement de la concertation en 2022. Elles sont déclinées en 25 mesures, qui s'inscrivent dans les grandes réformes du quinquennat :

- Axe 1 « Prévenir la pauvreté et lutter contre les inégalités dès l'enfance » : poursuivre et amplifier la politique de prévention de la pauvreté en s'appuyant notamment sur le service public de la petite enfance et en agissant aux âges clés pour prévenir les inégalités touchant les personnes précaires et modestes ;

- Axe 2 « Amplifier la politique d'accès à l'emploi pour tous » : garantir le dernier kilomètre de France travail en touchant les personnes les plus éloignées de l'emploi et développer un choc d'offre pour lever les freins périphériques à l'emploi ;

- Axe 3 « Lutter contre la grande exclusion grâce à l'accès aux droits » : compléter le chantier de la Solidarité à la source, en déployant massivement les démarches d'aller vers et les accueils sociaux pour lutter contre le nonrecours, et du Logement d'abord pour prévenir les expulsion ;

- Axe 4 « Construire une transition écologique solidaire » : lutter contre les dépenses contraintes en matière de logement, de mobilité, d'eau et d'énergie en facilitant l'accès aux aides et permettre l'accès à une alimentation de qualité. Cet axe s'inscrit en cohérence avec la mise en place du fonds vert, le développement de MaPrimeRénov' ou encore le relèvement des obligations du Certificat d'économies d'énergie-précarité.

Source : réponses de la DGCS, entendue par les rapporteurs spéciaux

Toujours selon la direction général de la cohésion sociale (DGCS), le « Pacte » engage une augmentation de 50 % des crédits dédiés à la lutte contre la pauvreté d'ici 2027 par rapport à la stratégie pauvreté en 2023, finançant 25 mesures. Il mobilise des crédits de la Sécurité Sociale et des crédits de l'État sur plusieurs programmes budgétaires12(*), dont le programme 304 « Inclusion sociale et protection des personnes » de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances ». Le Pacte des Solidarités représenterait ainsi 190 millions d'euros sur le programme 304 au titre du Pacte des Solidarités en 2024.

La contractualisation avec les conseils départementaux et les métropoles bénéficiera d'un financement à hauteur de 102,5 millions d'euros dès 2024 sur le programme budgétaire 304, soit 53,9 % des crédits dédiés au « Pacte », 90 millions d'euros étant destinés à la contractualisation avec les départements et 12,5 millions d'euros pour les métropoles.

Les rapporteurs spéciaux relèvent que le Pacte des Solidarités ne correspond pas à la nomenclature budgétaire, ses actions étant financées sur sept programmes budgétaires différents, appartenant à trois missions différentes, en plus des crédits de la Sécurité sociale. Des actions déjà financées y sont par ailleurs reprises, dans une perspective de valorisation discutable : ainsi, le programme « Mieux manger pour tous » qui existait avant l'annonce du Pacte des Solidarités et qui s'impute sur une autre action du programme 304, est plusieurs fois mentionné au titre du « Pacte ».

Les rapporteurs spéciaux relèvent enfin, en ce qui les concerne, que les crédits dédiés au Pacte des Solidarités sur le programme 304 est en diminution de 25,8 % par rapport aux crédits qui y étaient budgétés au titre de la Stratégie pauvreté en PLF 2023.

2. Les points de vigilance des rapporteurs spéciaux sur la mise en oeuvre de la deuxième génération de contrats État-départements
a) Un meilleur respect des initiatives locales

La DGCS a indiqué aux rapporteurs spéciaux avoir souhaité tirer les enseignements des précédentes conventions. Une nouvelle génération de contrats est prévue, à travers les « pactes locaux des solidarités » - les contrats avec les régions, déjà peu nombreux, ayant été abandonnés.

Cette nouvelle génération de contrats se veut plus respectueuse des initiatives locales que la précédente. La DGCS a ainsi indiqué « qu'il n'y aura plus de mesures obligatoires, les actions à déployer étant déterminées à la suite du travail de diagnostic territorial qui aura permis d'identifier des besoins prioritaires sur le territoire concerné et en conformité avec les référentiels de cadrage nationaux. »

Cette évolution est accueillie avec satisfaction par les rapporteurs spéciaux, qui seront vigilants à sa mise en oeuvre effective. Elle semble également rejoindre les souhaits des départements, à savoir le caractère volontaire de la contractualisation et son adaptation au plus près des réalités locales, selon les priorités définies par les élus locaux.

b) Des mécanismes de contractualisation qui peuvent être encore assouplis

La DGCS a également indiqué que « chaque action définie localement devra faire l'objet d'indicateurs de réalisation et de performance définis entre les services déconcentrés de l'État et la collectivité cocontractante » ; l'administration maintient que, de manière complémentaire, « quelques indicateurs nationaux obligatoires » sont prévus.

Les rapporteurs spéciaux s'interrogent sur la mise en oeuvre concrète de cette mécanique contractuelle. Ils avaient en effet appelé de leurs voeux des indicateurs « rationnalisés » et faisant l'objet d'un « diagnostic partagé sur les finalités de l'action et les cibles crédibles ». Le maintien, en plus des indicateurs négociés au sein des conventions État-départements, d'indicateurs nationaux, apparaît comme en contradiction avec les objectifs recherchés.

Les rapporteurs sont en revanche satisfaits que les pactes locaux des solidarités soient à l'avenir conclus pour une durée de 4 ans, sur la période 2024-2027, avec un engagement financier pluriannuel qui rejoint leurs recommandations de l'année dernière. De même le suivi annuel de la convention et des actions sera allégé en contrepartie d'une évaluation approfondie faite à mi-parcours et pouvant donner lieu à des reprises de crédits ultérieurs.

B. LA RECENTRALISATION EXPÉRIMENTALE DU RSA : UN RENVERSEMENT INHABITUEL, MAIS TEMPORAIREMENT ACCEPTÉ, DE LA DÉCENTRALISATION

1. Une conséquence de l'insuffisance des compensations des transferts de charges

Tant les dépenses sociales des départements que leurs recettes sont soumises à la conjoncture, d'où les risques souvent identifiés d'« effet ciseaux ».

D'une part, un retournement de la conjoncture économique entraîne logiquement une hausse durable des besoins d'assistance aux publics les plus en difficulté.

D'autre part, la majorité des recettes fiscales des départements sont également corrélées à la conjoncture, à l'instar des droits de mutation à titre onéreux (DMTO), qui dépendent de la situation du marché immobilier, mais également de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) et de la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE). Depuis 2021, s'ajoute à cette liste la TVA, qui est elle aussi fortement sensible à la conjoncture, contrairement à la taxe foncière sur les propriétés bâties (TFPB) dont elle compense la perte pour les départements. La fiscalité liée à la conjoncture économique représenterait ainsi 55 % des dépenses de fonctionnement et 78 % des recettes fiscales des départements en 202113(*).

Outre la problématique de l' « effet ciseaux », les départements sont confrontés, notamment en matière de revenu de solidarité active (RSA), à un « reste à charge » croissant. Ainsi, la forte progression des dépenses de RSA contraste avec la stabilité des compensations « historiques », qui entraînent un reste à charge passé de 3,7 milliards d'euros en 2016 à 4,8 milliards d'euros en 2020. Ce constat n'a pu qu'être aggravé par les récentes revalorisations du RSA pour faire face à l'inflation, qui n'ont pas donné lieu à une revalorisation des compensations, la jurisprudence du Conseil constitutionnel ne l'imposant pas14(*). La revalorisation intervenue en 2023, qui était loin d'être la plus importante, s'est par exemple traduite par une augmentation de 43 millions d'euros du coût pour l'État du RSA recentralisé.

Le nécessité de financer les allocations du RSA de moins en moins bien compensées a en outre abouti à une forte contraction des dépenses en faveur de l'insertion des bénéficiaires, qui sont passées de 760 millions d'euros en 2014 à 670 millions d'euros en 2020.

2. Un modus vivendi transitoire, mais qui ne pourra se poursuivre indéfiniment

Face aux difficultés rencontrées par certains départements, il a été fait le choix d'une recentralisation partielle du financement du RSA par l'État. Ainsi, les départements de Guyane et de Mayotte15(*), puis celui de La Réunion16(*) ont vu leur compétence relative à l'attribution et au financement du RSA définitivement recentralisée.

Une expérimentation a également été initié par la loi de finances pour 2022 pour une recentralisation du RSA dans les départements volontaires, pour une durée de cinq ans, les candidatures de départements de Seine-Saint-Denis et des Pyrénées-Orientales ayant été retenues. En 2023, le département de l'Ariège s'est joint à l'expérimentation.

La recentralisation du RSA
en Seine-Saint-Denis et dans les Pyrénées-Orientales

L'article 43 de la loi de finances initiale pour 2022 permet aux départements qui le souhaitent d'expérimenter, pendant cinq ans, une recentralisation du RSA. L'État assure alors le financement du RSA ainsi que l'instruction, l'attribution et le service de cette prestation qui seront exercés par délégation par les caisses d'allocations familiales (CAF) et les caisses de mutualité sociale agricole (MSA). Les départements conservent donc la compétence liée à l'orientation ainsi que celle liée à l'insertion. En contrepartie, l'État bénéficie d'un droit à compensation calculé sur la base de la moyenne des dépenses de RSA sur la période 2018-2020, financée par la reprise aux départements des ressources qui avaient été transférées en compensation du transfert de compétence RSA, complétées par certaines ressources tirées du produit des droits de mutation à titre onéreux, de la dotation globale de fonctionnement et le cas échéant de la fraction de TVA perçue en compensation de la perte de la taxe foncière sur les propriétés bâties.

Au moment de l'élaboration de la loi de finances pour 2022, seul le département de la Seine-Saint-Denis avait officiellement manifesté sa volonté de participer à cette expérimentation. Ainsi, le montant de l'enveloppe budgétaire en PLF 2022 était de 564,9 millions d'euros.

La première loi de finances rectificative pour 2022 a quant à elle prévu une ouverture de crédits à hauteur de 149,4 millions d'euros pour financer l'entrée dans l''expérimentation du département des Pyrénées-Orientales.

L'objectif de l'expérimentation est d'analyser si, sans supporter la gestion et le financement du RSA, les départements pourront accroitre l'efficacité de l'orientation et de l'insertion des bénéficiaires du RSA dans l'emploi. Ils s'engagent ainsi à renforcer leur politique d'insertion, au travers d'une convention signée avec l'État qui fixe les modalités de suivi ainsi que les engagements du département en matière d'accompagnement des bénéficiaires du RSA.

Les accords conclus avec les départements de Seine-Saint-Denis et des Pyrénées-Orientales fixent les engagements des parties en matière d'insertion en mettant en place des indicateurs de suivi ainsi qu'une gouvernance au niveau départemental. Ceux-ci doivent permettre d'apprécier de façon concertée les résultats atteints et les mesures correctrices éventuellement nécessaires.

Grâce aux moyens financiers dégagés par la recentralisation du financement du RSA, les départements se sont engagés à augmenter leurs dépenses d'insertion (+ 23 millions d'euros à horizon 2026 en Seine-Saint-Denis et + 24 millions d'euros dans les Pyrénées-Orientales).

En 2023, le financement du RSA recentralisé dans ces deux départements représenterait une dépense brute de 1,5 milliard d'euros pour l'État.

Source : réponses au questionnaire budgétaire

La Cour des comptes, dans son rapport sur le RSA17(*) de janvier 2022, avait déploré que les pouvoirs publics aient renoncé au principe du « financeur-décideur », qui avait présidé à la philosophie de la décentralisation en 2023.

Si cette recentralisation a pu aider les départements bénéficiaires, notamment en leur permettant de retrouver des marges de manoeuvre pour financer l'insertion et l'accompagnement des bénéficiaires du RSA, elle est également perçu par de nombreux départements comme un « abandon » de leur compétence en matière d'attribution et de financement du RSA. Pour ces raisons, la participation à cette expérimentation doit demeurer un choix des départements bénéficaires.

II. L'AIDE ALIMENTAIRE : UNE SITUATION CRITIQUE, UN SOUTIEN NÉCESSAIRE

A. LES ASSOCIATIONS D'AIDE ALIMENTAIRE FACE À UNE « ÉQUATION INSOLUBLE » ALORS QUE LA FRANCE CONNAÎT UNE HAUSSE PRÉOCCUPANTE DE L'INSÉCURITÉ ALIMENTAIRE

Dans la période récente, on assiste à une forte aggravation de la précarité alimentaire en France. Dès 2017, l'Agence nationale de sécurité sanitaire, de l'alimentation, de l'environnement et du travail (Anses) estimait que 11 % de la population se trouvait en situation d'insécurité alimentaire, soit 7 à 8 millions de personnes18(*).

Insécurité alimentaire, lutte contre la précarité alimentaire
et aide alimentaire

L'insécurité alimentaire est une notion utilisée dans les enquêtes statistiques. Elle renvoie au manque de moyens pour acheter de la nourriture, pour faire des repas équilibrés, pour manger à sa faim, ou encore à l'obligation de sauter des repas ou de manger moins par manque d'argent. Toutes les personnes en situation d'insécurité alimentaire ne font pas systématiquement appel à l'aide alimentaire.

La lutte contre la précarité alimentaire, au sens de l'article L. 266-1 du code de l'action sociale et des familles, vise à favoriser l'accès à une alimentation sûre, diversifiée, de bonne qualité et en quantité suffisante aux personnes en situation de vulnérabilité économique ou sociale. Elle mobilise l'État et ses établissements publics, les collectivités territoriales, les acteurs économiques, les associations, dans le cadre de leur objet ou projet associatif, ainsi que les centres communaux et intercommunaux d'action sociale, en y associant les personnes concernées. L'aide alimentaire constitue le principal dispositif de lutte contre la précarité alimentaire.

L'aide alimentaire, au sens de l'article L. 266-2 du même code a pour objet la fourniture de denrées alimentaires aux personnes en situation de vulnérabilité économique ou sociale, assortie de la proposition d'un accompagnement. Elle est principalement mise en oeuvre par des associations habilitées ainsi que par les épiceries sociales. Le fonctionnement de ces structures repose sur des moyens privés (dons en nature et numéraires des particuliers et entreprises), des financements publics (aides européennes, dépenses budgétaires de l'État et des collectivités territoriales, dépenses fiscales), et l'action bénévole de leurs membres.

Source : commission des finances du Sénat

L'augmentation de l'insécurité alimentaire, principalement due au renchérissement du coût de la vie durant la crise inflationniste, place les associations d'aide alimentaire dans une situation qu'elles qualifient parfois « d'équation insoluble »19(*).

Ce véritable noeud gordien résulte de la confluence de trois facteurs.

Tout d'abord, on constate un accroissement des besoins en matière d'aide alimentaire. L'inflation sur les dépenses alimentaires touchant davantages les ménages les plus modestes20(*), un nombre plus important d'entre eux peut basculer dans la précarité alimentaire et recourir plus fortement à l'aide alimentaire. Cette situation a été confirmée par les associations « têtes de réseau » entendues par les rapporteurs spéciaux : les Restaurants du Coeur ont ainsi enregistré une augmentation de 25 % de leurs files actives, et la Fédération française des banques alimentaires (FFBA) enregistre de son côté une hausse de la demande d'aide alimentaire avec plus de 200 000 personnes supplémentaires accueillies par les associations.

Ensuite, le coût des denrées ne cesse de croître. Selon l'Insee, les prix de l'alimentation ont augmenté sur un an de 13,7 % en juin 2023, après avoir atteint + 14,3 % en mai 2022. Cette évolution impacte particulièrement les associations dont l'approvisionnement s'appuie sur une part d'achat importante, ce qui est particulièrement le cas des Restos du coeur dont le budget d'achats alimentaires, qui était de moins de 54 millions d'euros sur l'exercice budgétaire 2021-2022 est quasiment multiplié par deux pour la période 2023-2024.

Enfin, on observe également une attrition des ressources collectées par les associations d'aide alimentaire par l'intermédiaire du don, en particulier auprès de la grande distribution qui dispose de moins de surplus en conséquence des actions de lutte contre le gaspillage. On constate en l'espèce une baisse drastique des quantités de produits frais disponibles au don, due en partie à la mise en place de stratégies d'optimisation des stocks et de vente de produits à bas prix.

Plus inquiétant encore, alors que l'augmentation des besoins affectait auparavant les plus fragiles -jeunes, familles monoparentales, travailleurs précaires - le dernier baromètre de la FFBA indique que parmi les actifs demandant le bénéfice de l'aide alimentaire, 60 % sont des salariés en contrat à durée indéterminée (CDI). De plus, alors que l'alimentation était encore récemment le quatrième poste de dépenses des ménages, il est aujourd'hui le deuxième, traduisant, selon les rapporteurs spéciaux, une précarisation inédite des nos concitoyens.

B. ALORS QUE LA PROBLÉMATIQUE DE MARCHÉS INFRUCTUEUX PASSE AUJOURD'HUI AU SECOND PLAN, L'URGENCE DEMEURE DE SOUTENIR LES ASSOCIATIONS

1. Les fonds européens : une infructuosité des marchés de denrées désormais maîtrisée
a) Une progression des crédits européens toujours rognée par l'inflation

Pour la programmation 2022-2027, le fonds européen d'aide aux plus démunis (FEAD) a été intégré au nouveau Fonds social européen plus (FSE +). La France a ainsi reçu une dotation de 647 millions d'euros dans le cadre du nouveau FSE +, contre 587 millions d'euros pour la campagne 2014-2020 du FEAD.

Entre 2020 et 2022, le FEAD français s'est également vu allouer 132 millions d'euros de crédits financés à 100 % par l'UE, dans le cadre de l'initiative React-EU, permettant à l'opérateur FranceAgriMer (FAM), en charge de la passation des marchés d'achats publics de denrées pour le compte des associations d'aide alimentaire éligibles au FSE +, d'effectuer des achats complémentaires de denrées.

Les rapporteurs spéciaux ne peuvent que se féliciter de l'important effort national et européen annoncé en faveur de l'aide alimentaire pour la programmation 2022-2027. Toutefois, la programmation a été adoptée avant la poussée inflationniste qui a débuté fin 2021.

Programmation 2022-2027 du FSE + pour l'aide alimentaire

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat

En termes réels, la dotation annuelle diminuerait donc de 12 % à l'horizon 2027 d'après les hypothèses d'inflations figurant au rapport économique, social et financier (RESF) annexé au présent projet de loi de finances, diminuant donc d'autant les quantités de denrées pouvant être achetées.

b) L'action contre les marchés infructueux a globalement porté ses fruits

Entendu par les rapporteurs spéciaux, l'opérateur FranceAgriMer a cependant précisé que l'inflation n'était pas le principal facteur de risque auquel il était exposé. La principale inquiétude de FranceAgriMer concernent en effet les tensions très importantes observables sur les marchés agricoles, en particulier du fait d'aléas climatiques ou de conflits internationaux comme la guerre en Ukraine.

En 2022, ces aléas conjoncturels ont provoqué plusieurs marchés infructueux - soit des marchés n'ayant fait l'objet d'aucune offre ou ayant fait l'objet de demandes de résiliation pour force majeure par les fournisseurs sélectionnés, finalement dans l'incapacité d'honorer leurs livraisons. Cette situation est particulièrement préoccupante pour les associations qui, en l'absence de compensation, se verraient ainsi privées des denrées sur lesquelles elles comptaient. Afin de lutter contre l'infrucuosité des lots de denrée, FranceAgriMer a mis en oeuvre plusieurs leviers :

- la passation de marchés pluriannuels assortis de clauses de révision annuelles, destinés à donner de la visibilité aux fournisseurs comme à l'ensemble des réseaux associatifs ;

la dissociation entre les marchés d'achat et de logistique, qui ont permis, avec des résultats salués par l'ensemble des parties prenantes, de renforcer la sécurité juridique de ces marchés - avec l'appui d'un logisticien recruté grâce à la hausse de la subvention pour charges de service public versée à l'opérateur en vertu de la LFI pour 2022 ;

- le renforcement de ses capacités de sourcing des produits : le recrutement attendu n'a pas pu être réalisé à ce jour du fait de la rareté de la compétence recherchée sur le marché du travail et d'une attractivité du poste vraisemblablement insuffisante - FranceAgriMer a depuis indiqué aux rapporteurs spéciaux être en passe de constituer un service dédié.

Grâce aux mesures prises par l'ensemble des parties prenantes, il est possible de constater - et c'est heureux - que le montant des lots infructueux est en nette diminution depuis la nouvelle programmation FSE +. En effet, tandis que le montant des lots infructueux et résiliés a représenté un total de 50 millions d'euros pour le marché « REACT 2020 » et le marché « FEAD-REACT 2021 », il est réduit désormais à 3,4 millions d'euros pour le marché « FSE+ 2022 ».

Cette trajectoire semble se confirmer puisque la DGCS a indiqué aux rapporteurs spéciaux que les lots infructueux sont estimés à 2 millions d'euros au titre de la campagne 2023.

c) Des contrôles de conformité aux normes européennes parfois tatillons, qui rendent difficile l'achat de certaines denrées

Enfin, l'accès aux fonds européens est encore trop souvent obéré par un cadre normatif excessivement contraignant. À cet égard, les constats formulés par les rapporteurs spéciaux dans le rapport qu'ils avaient consacré au sujet en 2018 restent malheureusement toujours valables21(*).

Les contrôles de conformité aux normes européennes, assurés par la commission interministérielle de coordination des contrôles (CICC), qui opère pour le compte de la Commission européenne comme autorité de certification nationale des marchés passés par FranceAgriMer, sont encore excessivement tatillons, voire drastiques. Ces contrôles aboutissent à ce que d'importants montants engagés par FranceAgriMer soient rendus inéligibles au financement FSE +, devant en conséquence faire l'objet d'une compensation par l'État. Ces situations, dites « d'auto-apurement », sont d'ailleurs en hausse, puisque les montant compensés par l'État passeraient de 10,2 millions d'euros en 2023 à 24,5 millions d'euros en 2024 (+ 140,2 %). Les irrégularités en cause sont généralement imputables à des erreurs d'ordre logistique.

Exemple d'une denrée normée : les oeufs

Pour les achats d'oeufs, le cahier des charges défini par le ministère des finances prend en compte, notamment, la couleur, le diamètre et le poids des oeufs. Résultat : agréer ce produit au regard de la règlementation européenne requiert de véritables compétences techniques - pour ne pas dire technocratiques.

Une expérimentation avait été menée par FranceAgriMer afin de former les bénévoles des associations récipiendaires pour agréer ces produits. Cette solution a cependant été écartée comme trop risquée, toute irrégularité dans l'agrément pouvant résulter en un refus d'apurement.

Source : commission des finances du Sénat, d'après FranceAgriMer

2. Une hausse des crédits nationaux insuffisante au regard des besoins
a) Une hausse conséquente des crédits prévus pour 2024, qui se concentre toutefois sur des actions qui n'apportent pas de réponse à l'urgence de l'aide alimentaire

Le projet de loi de finances pour 2024 prévoit d'ouvrir 142,5 millions d'euros de crédits sur l'action n° 14 « Aide alimentaire » du programme 304, soit une progression de 21,6 % par rapport à la LFI 2023.

Évolution des crédits nationaux en faveur de l'aide alimentaire
entre la LFI 2023 et le PLF 2024

(en millions d'euros)

 

LFI 2023

PLF 2024

Évolution

P.304 - Action 14

117,2

142,5

+ 21,6 %

dont contribution nationale au FSE +

11,5

11,7

+ 1,7 %

dont prise en charge des dépenses inéligibles au titre des exercices précédents

10,2

24,5

+ 140,2 %

(exercices 2020 et 2021)

(exercices 2021 et 2022)

 

dont épiceries sociales

9,1

9,1

-

dont subventions aux têtes de réseau associatives nationales

4,8

5,0

+ 4,2 %

dont aide alimentaire déconcentrée

18,7

19,3

+ 3,2 %

dont subvention pour charge de service public à FranceAgriMer

2,9

2,9

-

dont Fonds pour les nouvelles solidarités alimentaires et Programme "Mieux manger pour tous"

60,0

70,0

+ 16,7 %

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

Toutefois, l'augmentation des crédits est concentrées sur deux postes de dépenses qui ne sont pas mobilisables pour répondre à l'urgence.

L'augmentation des crédits est particulièrement sensible en ce qui concerne la participation de l'État aux refus d'apurement au titre du FEAD (+ 14,3 millions d'euros) : ces dépenses ne visent qu'à permettre à FranceAgriMer de rembourser ses emprunts non couvert par les fonds européens, faute de certification.

En outre, les crédits dédiés au programme « Mieux manger pour tous », qui succède au Fonds pour les nouvelles solidarités alimentaires, augmentent de + 10 %. Si son exécution en 2023 a été relativement satisfaisante, il ne répond qu'imparfaitement à l'urgence de la situation.

b) La mise en oeuvre du Fonds pour les nouvelles solidarités alimentaires, devenu le programme « Mieux manger pour tous », est satisfaisante mais n'apparaît pas en prise avec l'urgence

Le programme « Mieux manger pour tous », qui s'inscrit dans le « Pacte des solidarités », a été doté de 60 millions d'euros en 2023, distribué en deux volets : un volet national doté de 40 millions d'euros et un volet local doté de 20 millions d'euros.

Le volet national, ouvert aux associations « têtes de réseau », a pour objectif la réalisation d'achats de denrées afin d'accroître l'offre de l'aide alimentaire de qualité et de favoriser l'accès des personnes en situation de précarité alimentaire à des denrées plus saines, plus durables, et privilégiant les approvisionnements locaux.

Le volet local, mis en oeuvre par les services déconcentrés sur la base d'un appel à projets, a vocation à traduire cette ambition sur les territoires, en favorisant le développement d'alliances locales de solidarité alimentaire « producteurs-associations-collectivités » ou en améliorant la couverture des zones blanches, actuellement peu couvertes en aide alimentaire.

Pour 2024, la direction générale de la cohésion sociale (DGCS) a indiqué aux rapporteurs spéciaux que les crédits supplémentaires prévus dans le Pacte des solidarités, à hauteur de 10 millions d'euros, ont vocation à accroître le volet local du programme « Mieux manger pour tous ».

Si les associations ont uniformément jugé que le bilan du programme « Mieux manger pour tous » est, à ce stade, satisfaisant, elles ont également confirmé deux pronostics formulés par les rapporteurs spéciaux dans le cadre de deux précédents rapports. Ainsi, l'attribution de nombreuses subventions au titre du programme « Mieux manger pour tous » par le biais d'appels à projets (AAP), a plus fait l'objet de critiques de la part des acteurs associatifs.

Comme l'avaient écrit les rapporteurs dans leur rapport sur le projet de loi de finances pour 2023, la logique d'appels à projet conduit à alourdir la charge d'ingénierie des associations alors même qu'elles exercent déjà dans un contexte très tendu. Ce sont au contraire les situations où l'attribution des fonds se fait en dialogue de gestion que les associations semblent plébisciter.

De même, les acteurs associatifs ont relevé l'inadéquation de ce programme avec les besoins conjoncturels très forts du secteur : de l'avis général - et aux yeux des rapporteurs spéciaux - il s'agit là d'une initiative louable et positive pour transformer structurellement et sur le long-terme l'offre d'aide alimentaire, mais inadapté pour répondre à l'urgence, ne serait-ce que parce que les produits « bio » et locaux sont chers - a fortiori en période de forte inflation.

c) Un renforcement du soutien aux associations, qui doit être rapidement mis en oeuvre, apparaît à nouveau nécessaire

Les rapporteurs spéciaux réitèrent donc leurs recommandation de l'année précédente : il serait préférable d'utiliser ces nouveaux moyens de façon pragmatique, sur le modèle de l'enveloppe prévue par la première loi de finances rectificative pour 2022, pour soutenir directement le fonctionnement des associations et leurs projets déjà existants.

La loi de finances rectificative du 16 août 2022 avait en effet ouvert, sur proposition de la commission des finances du Sénat, 40 millions d'euros de crédits supplémentaires pour compenser les associations des marchés infructueux intervenus et pour les soutenir financièrement face à la hausse des prix. Cette enveloppe a été répartie entre un volet national de 28,5 millions d'euros, destiné à compenser les lots infructueux pour les têtes de réseau, et un volet local de 11,5 millions d'euros géré par les services déconcentrés pour soutenir localement le tissu associatif local.

Les rapporteurs spéciaux considèrent que face à la situation inextricable des associations, ayant même amené une enseigne emblématique, les Restos du Coeur, à prévoir des restrictions inédites des critères d'éligibilité à leur aide alimentaire, il revient à l'État de trancher le noeud gordien.

L'administration, entendue par les rapporteurs spéciaux, a elle-même convenu qu'au vu des consommations constatées précédemment, le niveau du financement actuel de l'aide alimentaire était insuffisant.

III. LES POLITIQUES DU HANDICAP EN FRANCE ONT ÉTÉ RÉCEMMENT DÉNONCÉES POUR LEURS INSUFFISANCES

Le 17 avril 2023, le Comité européen des droits sociaux, organe dépendant du Conseil de l'Europe, a rendu une décision sur le bien fondé d'une réclamation par les associations de défense des droits des personnes handicapées22(*). La France y était notamment dénoncée comme manquant aux obligations imposées par la Charte sociale européenne en matière d'accès aux personnes handicapées à leurs droits fondamentaux, aux services d'aide sociale et aux prestations financières.

Les rapporteurs spéciaux souhaitent ici évoquer, au titre des politiques portées par le programme 157, quelques points sur lesquels notre pays manquent à ses obligations.

A. L'EXIL FRANÇAIS VERS LA BELGIQUE SE POURSUIT, AGGRAVÉ PLUS QU'ATTÉNUÉ PAR LE MORATOIRE DE 2021

1. Faute de places en France, de nombreux « départs forcés » vers la Belgique

Entendues par les rapporteurs spéciaux, les associations de défense des droits des personnes handicapées ont évoqué la persistance de « l'exil belge » des porteurs de handicap français, faute d'accompagnement en France.

De nombreuses personnes françaises en situation de handicap sont en effet accueillies en Belgique, notamment en raison d'un manque de structures adaptées en France. C'est notamment le cas des instituts médico-éducatifs (IME), qui accueillent des jeunes handicapés de moins de 20 ans. Faute de place dans d'autres structures spécialisées pour les adultes en France, de nombreux jeunes adultes ont été autorisés, par ce qu'il est convenu d'appeler « l'amendement Creton », à rester dans les IME, occupant des places en principe réservées aux enfants porteurs de handicap.

Sans solution, nombre de nos compatriotes ont ainsi été contraints de solliciter un accueil en Belgique, où il existe davantage de places. Un rapport de l'inspection générale des affaires sociales (Igas) de 2016 parlait à ce propos de « départs forcés »23(*). En 2018 plus de 500 Français porteurs de handicaps seraient partis en Belgique faute d'avoir trouvé une place en France. Il s'agit souvent de personnes ayant des handicaps « complexes et lourds », dont une proportion « conséquente » est atteinte spécifiquement d'autisme.

2. Dans l'attente des « 50 000 solutions » promises lors de la Conférence nationale du handicap de 2023, le moratoire du 21 janvier 2021 ne semble qu'avoir aggravé la situation

Jusqu'en 2021, l'Assurance maladie et les départements prenaient en charge les personnes accueillies en Belgique, ce qui a suscité les critiques des associations de défense des personnes handicapées, pour qui ce dispositif constituaient un moyen pour la puissance publique de « se défausser sur son voisin de l'accueil de ses propres ressortissants ». Le 21 janvier 2021, les Gouvernements français et wallons ont annoncé un moratoire sur la capacité d'accueil des adultes handicapés français en Belgique, qui a pris effet le 28 janvier 202124(*).

Depuis, les nouveaux accueils en Belgique ne sont plus pris en charge par l'Assurance maladie, ce qui place les familles des personnes handicapées concernées dans une situation plus difficile encore qu'auparavant : non seulement la France ne peut les accueillir, mais encore ne prend elle plus en charge leur accueil en Belgique.

Si, dans le cadre de la Conférence nationale du handicap du 26 avril 2023, le Président de la République a annoncé « 50 000 nouvelles solutions » accompagnées d'un financement de 2 milliards d'euros d'ici 2030 afin de « garantir une réponse aux personnes sans solutions », cette promesse doit encore se matérialiser. Les rapporteurs spéciaux déplorent en tout état de cause qu'aucune réponse, parmi ces 50 000 solutions, n'ait été encore apportée à la question de « l'exil belge ».

B. LES TRAVAILLEURS EN ESAT : UN RAPPROCHEMENT AMBIVALENT AVEC LES TRAVAILLEURS EN MILIEU ORDINAIRE

1. L'ESAT, un « milieu protégé » d'accompagnement du handicap par le travail

Le programme 157 porte, outre les crédits dédiés à l'allocation adulte handicapé (AAH), les crédits alloués à l'aide aux postes des établissements et services d'aide par le travail (ESAT) au titre de la garantie de rémunération des travailleurs handicapés (GRTH). Cette enveloppe, budgétée sur la même action que l'AAH, s'élèverait à 1 614 millions d'euros pour 2024, soit une hausse de 7 % par rapport à 2023.

Cette aide au poste, versée à l'ESAT, permet à ces établissements de couvrir les charges, cotisations sociales, contributions au compte personnel de formation et de la prévoyance des travailleurs en ESAT. L'autre part de la GRTH est financée par l'ESAT. Plus de 14 000 ESAT accompagnent ainsi quelque 120 000 personnes.

L'ESAT est en effet un milieu de travail particulier et protecteur : les travailleurs n'y sont pas des salariés, mais des usagers d'une structure médico-sociale ; de même, ils sont titulaires d'un contrat qui n'a pas la nature d'un contrat de travail : les travailleurs en ESAT ne sont pas sous la subordination juridique de l'ESAT et ils sont protégés contre le licenciement.

2. Une transformation des ESAT déjà engagée

Depuis 2021, le Gouvernement a mis en oeuvre un plan de transformation des ESAT, visant à réduire la spécificité du modèle de l'ESAT au regard du « milieu ordinaire ».

Sur le volet des droits fondamentaux, le plan de transformation des ESAT a permis d'ouvrir aux travailleurs en ESAT des droits individuels et collectifs : l'extension du droit à congé ou encore l'élection d'un délégué des travailleurs. Ces droits, entrés en vigueur au 15 décembre 2022, sont progressivement mis en oeuvre depuis début 2023.

Quant au rapprochement entre le milieu protégé - l'ESAT - et le milieu ordinaire, la mesure phase du « plan ESAT » consiste en la mise en oeuvre d'un parcours renforcé en emploi, visant à favoriser les « sorties » d'ESAT tout en sécurisant de potentiels « retours ». Afin de favoriser ces allers-retours entre le milieu protégé et le milieu ordinaire de travail, une mesure d'annulation du calcul de l'aide au poste est entrée en vigueur au 1er janvier 2022. Elle permet à l'ESAT de lisser les fluctuation ponctuelles de ses effectifs, en lui garantissant le paiement des aides au poste auxquelles il a droit.

Enfin, depuis le 1er janvier 2023, les travailleurs en ESAT peuvent également travailler à mi-temps en milieu ordinaire, et ce sans perdre le bénéfice de l'AAH. Le mode de calcul de l'allocation a d'ailleurs été aménager de telle sorte qu'il incite les bénéficiaires à s'orienter vers le milieu ordinaire ou une activité mixte.

3. Une assimilation trop étroite des travailleurs en ESAT avec des salariés fait courir le risque d'une profonde transformation du modèle des ESAT

Lors de la Conférence nationale du handicap du 26 avril dernier, le Président de la République a annoncé de nouvelles mesures pour renforcer les droits sociaux des travailleurs en ESAT et les faire converger vers ceux reconnus aux salariés par le code du travail. Ces mesures, adoptées dans le projet de loi pour le plein emploi, devraient entrer en vigueur en 2024. Aux yeux des rapporteurs spéciaux, ce rapprochement doit faire l'objet d'une vigilance particulière, dans la mesure où il pourrait se traduire par l'amenuisement du caractère protecteur de l'ESAT, qui n'est pas une entreprise mais un établissement médico-social.

Les nouveaux droits couvrent un large champ, des droits collectifs fondamentaux (droit de grève, droit d'alerte, droit de retrait) aux droits individuels (prise en charge des frais de transport, ticket restaurants, et chèques vacances, accès à la complémentaires santé, etc.). Dans le même temps, il est prévu de permettre l'accompagnement des personnes en situation de handicap par le service public de l'emploi : ainsi, les commissions des droits et de l'autonomie des personnes handicapées (CDAPH) se prononceront en matière d'orientation vers le milieu protégé (ESAT) et vers les établissements et services de réadaptation professionnelle sur la base de propositions établies par l'opérateur France Travail et les cap emploi. Cette immixtion du service public de l'emploi dans l'orientation des personnes handicapées paraît quelque peu baroque aux rapporteurs spéciaux, qui s'inquiètent de voir s'amenuiser le caractère protecteur de l'accompagnement en ESAT.

C'est donc avec une certaine vigilance que les rapporteurs spéciaux attendront les travaux de la mission des inspections générales des finances et des affaires sociales évaluant l'impact de ces nouveaux droits. Les résultats de ces travaux devraient être publiées au début de l'année 2024.

IV. LA POLITIQUE DE L'ÉGALITÉ ENTRE LES FEMMES ET LES HOMMES : DES CRÉDITS EN AUGMENTATION DEPUIS 2020, MAIS DE NOMBREUSES CAUSES D'INSATISFACTION QUI DEMEURENT

Les politiques de l'égalité entre les femmes et les hommes et de la lutte contre les violences faites aux femmes sont retracées, pour ce qui relève de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances », sur le programme 137. Ce programme intervient principalement par des subventions versées à des associations assurant des missions de service public ou d'intérêt collectif, qui interviennent tant en matière de lutte contre les violences sexistes que pour promouvoir l'égalité entre les femmes et les hommes.

Dans un rapport publié en juillet 2020 et intitulé : « Le financement de la lutte contre les violences faites aux femmes : une priorité politique qui doit passer de la parole aux actes »25(*), les rapporteurs spéciaux avaient dressé deux principaux constats :

- d'abord celui d'une politique publique budgétairement contrainte, souffrant d'un morcellement des crédits, qui nuit à la lisibilité et à l'efficacité de mesures mises en oeuvre ;

- ensuite, celui d'une politique insuffisamment portée et inégalement appliquée sur le territoire, l'administration et les associations, véritables pivots de cette politique, n'étant pas assez outillées ni dotées pour mener à bien une politique dont les demandes et les enjeux sont grandissants et qui requiert une capacité d'action interministérielle.

A. L'AUGMENTATION DES CRÉDITS DEPUIS 2020 NE PEUT CACHER LA DISTANCE QUI NOUS SÉPARE ENCORE DE L'OBJECTIF

1. Les crédits destinés à la politique des droits des femmes ont fortement augmenté depuis 2020, bien qu'ils restent d'un montant modeste

Les rapporteurs spéciaux relèvent la poursuite de l'augmentation des crédits en 2024 à périmètre courant. Les crédits demandés s'élèvent en effet à 76,0 millions d'euros en AE et en CP, soit une augmentation de 22,8 % en AE et 16,26 % en CP par rapport à la LFI pour 2023.

Évolution des crédits du programme 137 entre 2017 et 2024

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

Si la budgétisation pour 2024 comporte la nouvelle « aide universelle d'urgence » (voir infra), les crédits du programme 137 sont toujours majoritairement composés de subventions à divers organismes ou associations pour le développement de l'accès aux droit ou la lutte contre les volences, et, marginalement, de dépenses de communication ou favorisant la culture de l'égalité.

Au sein du programme 137, les financements spécifiquement alloués aux politiques de lutte contre les violences faites aux femmes s'élève en PLF 2024 à 38 millions d'euros en AE en CP. Les crédits auraient ainsi connu une progression de presque 180 % entre 2019 et 2024.

Évolution des crédits destinés spécifiquement à la lutte
contre les violences faites aux femmes

(en millions d'euros)

 

2019

2020

2021

2022

2023

2024

 

AE

CP

AE

CP

AE

CP

AE

CP

AE

CP

AE

CP

Crédits ouverts en LFI

13,7

13,5

13,5

13,8

29,5

22,3

24,9

28

35,2

38,4

38

38

Crédits consommés

13,9

13,3

19,9

20,1

32,1

25,5

30

33,2

       

Source :commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires et les réponses au questionnaire des rapporteurs spéciaux

Cette hausse des crédits, particulièrement sensible entre 2020 et 2021 (+ 115,3 % en AE et + 65,2 % en CP) s'explique notamment par le financement de deux mesures du Grenelle de lutte contre les violences conjugales du 25 novembre 2019 :

l'ouverture de 30 centres de prise en charge psychologique et sociale des auteurs de violences conjugales (CPCA), financés à hauteur de 5,9 millions d'euros par le programme 137 en PLF 2024. En termes d'affichage, les associations entendues par les rapporteurs dans le cadre du PLF 2024 ont regretté que son financement soit assuré par le programme 137 - qui devrait être dédié uniquement aux victimes - et non par la mission « Justice », dans la mesure où le placement dans ces structures relève dans la majorité des cas de décisions judiciaires (92 %) ;

- le financement du passage, depuis 2021, à un fonctionnement 24h/24 et 7j/7 de la plateforme d'écoute « 39.19 - Violences femmes infos » gérée par la Fédération nationale solidarité femmes FNSF), à laquelle serait attribuée une dotation dédiée de 2,9 millions d'euros en 2024, au même niveau qu'en 2023. Cette extension a notamment permis de renforcer son accessibilité pour les femmes victimes outre-mer.

2. Les constats dressés par les rapporteurs spéciaux en 2020 sont, malheureusement, toujours d'actualité
a) Les moyens alloués, s'ils sont en augmentation, sont toujours aussi morcellés

Comme les rapporteurs spéciaux l'ont déjà souligné supra, l'augmentation des crédits du programme 137 qui peut être constatée à périmètre courant entre 2023 et 2024 est presque entièrement absorbée par l'aide exceptionnelle d'urgence pour les victimes de violences conjugales (voir infra).

Entendue par les rapporteurs spéciaux, la direction générale de la cohésion sociale a indiqué « maintenir » le niveau de financement pour les autres actions du programme 137 - donc, par prétérition, ne pas augmenter ces financements - à l'exception des crédits de communication, qui connaissent même une diminution d'un peu plus de 600 000 euros.

Surtout, le financement de la politique de l'égalité entre les femmes et les hommes est toujours aussi morcellé. Sur ce point, les associations de défense des droits des femmes entendues par les rapporteurs spéciaux ont notamment évoqué l'évolution du document de politique transverse (DPT) « Politique de l'égalité entre les femmes et les hommes », dont les rapporteurs spéciaux avaient, lors d'un précédent rapport, souligné le caractère « artisanal » et peu fiable, prompt à opérer des « choix de valorisation sujets à caution ».

Il convient également de noter au titre de l'exercice 2024, la fin programmée des versements, par fonds de concours, de la contribution de l'agence de gestion et de recouvrement des avoirs saisis et confisqués (AGRASC), qui permettait jusqu'à présent de soutenir les mesures de prévention de la prostitution et de la traite des êtres humains aux fins d'exploitation sexuelle, ainsi que l'accompagnement social et professionnel des personnes prostituées, victimes de proxénétisme et de traite. Déjà réduite par le passé - elle représentait 3,4 millions d'euros en 2022 et 3,8 millions d'euros en 2023 -, cette contribution serait nulle en 2024.

b) Les associations sont toujours aussi peu outillées et dotées pour jouer leur rôle de « bras armé » de cette politique publique

Comme l'avaient également écrit les rapporteurs spéciaux à l'occasion de leur dernier contrôle budgétaire sur le conventionnement des associations sur le périmètre de la mission « Solidarité, insertione et égalité des chances »26(*), les conventions permettant le versement des subventions aux associations constituent à bien des égards un dispositif « peu sécurisant pour l'action associative ».

C'est en particulier le cas pour les associations de défense des droits des femmes, qui indiquent régulièrement éprouver des difficultés importantes pour se voir verser les subventions obtenues, du fait de la complexité des procédures et des nombreux retards pris pour la signature des conventions.

Il en résulte une véritable « précarisation de l'action associative » : du fait des retards de versement, toute l'action de l'association se trouve affectée, les mesures de recrutement devant en particulier être repoussées ou réalisées par le biais de contrats à durée déterminée (CDD) courts, source de précarité pour les salariées et de manque d'attractivité pour les emplois correspondants.

B. L'AIDE UNIVERSELLE D'URGENCE EN FAVEUR DES VICTIMES DE VIOLENCES CONJUGALES : UNE INITIATIVE LOUABLE, QUI DOIT DÉSORMAIS S'INSCRIRE DANS UNE STRATÉGIE PLUS GLOBALE

1. « L'aide universelle d'urgence », une initiative sénatoriale qui doit être saluée

La nouveauté du programme 137 dans la budgétisation pour 2024 se trouve dans la création d'une nouvelle action 26, portant les crédits alloués à une nouvelle « aide universelle d'urgence » en faveur des victimes de violences conjugales. Il s'agit de l'aboutissement d'une proposition de loi déposée par la sénatrice Valérie Létard, alors vice-présidente du Sénat, et rapportée par notre collègue Jocelyne Guidez.

Cette initiative sénatoriale, que les deux rapporteurs spéciaux ont pleinement soutenue, est devenue la loi n° 2023-140 du 28 février 2023 créant une aide universelle d'urgence pour les victimes de violences conjugales27(*).

L'aide universelle d'urgence pour les victimes de violences conjugales

Art. L. 214-8. - Toute personne victime de violences conjugales, entendues au sens de l'article 132-80 du code pénal, peut bénéficier d'un accompagnement adapté à ses besoins.

Art. L. 214-9. - La personne mentionnée à l'article L. 214-8 bénéficie, à sa demande, d'une aide financière d'urgence sous réserve d'être victime de violences commises par son conjoint, son concubin ou le partenaire lié à elle par un pacte civil de solidarité et attestées par une ordonnance de protection délivrée par le juge aux affaires familiales en application du titre XIV du livre Ier du code civil, par un dépôt de plainte ou par un signalement adressé au procureur de la République, notamment en application du premier alinéa de l'article 132-80 du code pénal.

(...)

Art. L. 214-10. - L'aide financière mentionnée à l'article L. 214-9 prend la forme d'un prêt sans intérêt ou d'une aide non remboursable, selon la situation financière et sociale de la personne, en tenant compte, le cas échéant, de la présence d'enfants à charge.

Son montant peut être modulé selon l'évaluation des besoins de la personne, notamment sa situation financière et sociale ainsi que, le cas échéant, la présence d'enfants à charge, dans la limite de plafonds.

Le versement de l'aide ou d'une partie de l'aide intervient dans un délai de trois jours ouvrés à compter de la réception de la demande. Par dérogation, ce délai peut être porté à cinq jours ouvrés si le demandeur n'est pas allocataire.

Pendant six mois à compter du premier versement de l'aide mentionnée à l'article L. 214-9, la victime recevant l'aide financière peut bénéficier des droits et des aides accessoires au revenu de solidarité active accessoires à cette allocation, y compris l'accompagnement social et professionnel mentionné à l'article L. 262-27.

(...)

Art. L. 214-12. - Dans le cas où l'aide a été consentie sous la forme d'un prêt et lorsque les faits prévus au premier alinéa de l'article L. 214-9 ont donné lieu à une procédure pénale, son remboursement ne peut être demandé au bénéficiaire tant que cette procédure est en cours. Ce remboursement est demandé à l'auteur des violences lorsque celui-ci a été définitivement condamné (...). Cette demande est possible même si la créance correspondante n'est pas encore exigible auprès du bénéficiaire.

Source : Légifrance

Cette initiative doit être saluée. En effet, comme le relevait le rapport en première lecture au Sénat de notre collègue Jocelyne Guidez, « en dépit des mesures prises depuis 2019 dans le sillage du Grenelle des violences conjugales, les chiffres du ministère de l'Intérieur rendent compte d'une augmentation des violences conjugales : 145 homicides au sein du couple ont été recensés en 2021 (+ 14 % par rapport à 2020), dont 122 femmes victimes. Les plaintes pour violences conjugales suivent également une tendance à la hausse (+ 10 % en 2020) atteignant 159 400. »

Toujours selon le rapport, l'analyse des données issues des appels au « 39.19 - Violences Femmes Infos » au cours de l'année 2020 montre que 59 % des victimes souhaitent quitter le domicile conjugal. L'une des raisons pour lesquelles ces victimes renoncent parfois à se protéger en quittant leur domicile est leur précarité et leur dépendance financière : 19 % des femmes déclarent subir des violences économiques dans leur appel au « 39.19 ».

Cette situation a suscité, au plus près du terrain, plusieurs initiatives locales, dans le Var ou dans le Nord, qui ont nourri le débat parlementaire. La création d'une aide financière rapidement versée, donnant également droit à des prestations annexes et à un accompagnement social, et dont le remboursement peut, le cas échéant, être acquitté par le conjoint violent à l'issue de la procédure judiciaire, s'inspire directement de ces expérimentations.

2. Une mise en oeuvre qui risque de ne pas tenir toutes ses promesses

Cette initiative, pour louable qu'elle soit, ne saurait constituer à elle seule une panacée contre les violences conjugales. Ce fait a été reconnu par son auteure même, durant les débats au Sénat. De plus, et bien qu'elles enreconnaissent les apports potentiels, les associations de lutte contre les violences faites aux femmes, entendues par les rapporteurs spéciaux, leur ont fait part de plusieurs de leurs réserves.

a) Une réponse partielle, qui omet l'impact psychologique du départ et la situation de certains victimes

Les associations ont tenu à rappeler un fait reconnu lors du débat sur la proposition de loi créant l'aide universelle d'urgence : le principe premier en droit, tant pénal que civil, demeure l'éviction de l'auteur des violences du domicile conjugal. En l'état, la loi du 28 février 2023 témoigne, par son existence même, d'une triste réalité : la victime doit trop souvent fuir son domicile pour assurer sa propre sécurité.

Les associations ont également souligné le caractère très partiel de la solution apportée par l'aide universelle d'urgence, à deux titres principaux :

- pour les victimes, l'impact psychologique du départ de leur domicile est une cause importante du retour avec le conjoint violent - un cas qui se présente 7 fois sur 10. Or le traitement de cet impact est, selon certaines associations, un impensé du dispositif ;

- les femmes sans titre de séjour, qui sont particulièrement vulnérables aux violences et constitue la principale population touchée par la traite des êtres humains, risque d'être de facto exclue du dispositif, a fortiori lorsque leur accès au droit au séjour dépend de leur conjoint violent.

b) Le montant budgété pour 2024 paraît insuffisant pour une aide dont l'ambition est d'être universelle

Les associations de lutte contre les violences faites aux femmes ont également fait part aux rapporteurs spéciaux de leurs interrogations quant au montant prévu au titre de l'aide universelle d'urgence pour 2024. Elles ont en cela été rejointes par Mme Ernestine Ronai, responsable de l'Observatoire des violences envers les femmes de Seine-Saint-Denis et présidente du comité de pilotage national de l'ordonnance de protection.

Dans une contribution écrite adressée aux rapporteurs spéciaux, Mme Ronai rappelle que 176 980 femmes victimes de violences conjugales ont été enregistrées par les services de police et de gendarmerie en 2021 (plaintes, signalements, constatations transmises à l'autorité judiciaire), et 3 532 femmes bénéficiaient d'une ordonnance de protection en 2021. Ce rapide calcul, qui peut souffrir de quelques approximations mais qui a le mérite de rendre tangible une réalité chiffrée, porterait le nombre des potentielles bénéficiaires de l'aide universelle d'urgence à 177 227.

La Caisse nationale d'allocations familiales (CNAF) aurait indiqué que le montant de l'aide universelle, pour une personne sans enfant ni grossesse, pourrait, par cohérence avec le montant du RSA, être fixée à 607 euros par mois. Dans cette optique, le montant budgété pour 2024 apparaît insuffisant. Une simple division permet en effet de constater que, si le montant de 607 euros par mois devait être retenu, seules un peu plus de 21 000 femmes pourraient bénéficier de l'aide « universelle » d'urgence avec l'enveloppe prévue au PLF. Avec une hypothèse de montant à 400 euros par mois pour une personne seule, le nombre de bénéficiaires serait de 32 571.

Hypothèses du nombre de bénéficiaires et du taux de non-recours
en fonction des montants de l'aide à enveloppe constante

Montant budgété

13 028 547 euros

Montant mensuel de l'aide pour une personne seule

Nombre de bénéficiaires à enveloppe constante

Taux de non-recours

607 euros

21 464

87,89 %

400 euros

32 571

81,63 %

Source : commission des finances du Sénat

Au vu de la faiblesse du montant budgété, il semblerait que le Gouvernement table, soit sur un important taux de non-recours, soit sur la fixation d'un montant trop faible pour « l'aide universelle d'urgence ».

En l'absence d'entrée en vigueur de la loi, prévue pour le 28 novembre 2023, les rapporteurs spéciaux comme les associations restent dans l'attente des mesures réglementaires d'application. En particulier, la possibilité de moduler le montant de l'aide universelle d'urgence selon la situation de chaque bénéficiaire, ou encore la proportion attendue entre les dons et des prêts, pourrait expliquer la faiblesse apparente du montant budgété. Les rapporteurs espèrent que leur publication permettra d'éclairer le fonctionnement de cette aide et de dissiper les inquiétudes sur sa mise en oeuvre.

3. Les initiatives parlementaires ne peuvent indéfiniement pallier l'absence de boussole stratégique du Gouvernement

Le 8 mars 2023, à l'occasion de la journée internationale de lutte pour les droits des femmes, la Première ministre a annoncé une plan interministériel pour l'égalité entre les femmes et les hommes pour les années 2023 à 2027, censé orienter l'action du Gouvernement pour les années à venir.

Le plan interministériel pour l'égalité entre les femmes et les hommes (2023-2027)

Annoncé par la Première ministre et par la ministre chargée de l'Égalité entre les femmes et les hommes, de la Diversité et de l'Égalité des chances, à l'occasion de la journée internationale des droits des femmes, le 8 mars dernier, ce plan se décline en 161 mesures réparties en quatre axes prioritaires, qui orientent l'action des ministères sur les prochaines années :

Axe 1 : La lutte contre les violences faites aux femmes

Ce premier axe est articulé autour de trois grands objectifs stratégiques : assurer une protection intégrale et immédiate des femmes sur l'ensemble du territoire ; mieux traiter les violences conjugales et leurs spécificités ; sanctionner les auteurs de violences sexuelles de manière plus effective.

Axe 2 : La santé des femmes

L'objectif de ce deuxième axe est de proposer une stratégie globale sur ce champ. Il est articulé autour de trois grands objectifs stratégiques : améliorer la santé sexuelle et reproductive, mieux prendre en compte les spécificités de la santé des femmes, renforcer l'accès des femmes à la santé.

Axe 3 : L'égalité professionnelle et économique

Cet axe vise à garantir l'accès des femmes aux mêmes opportunités professionnelles et aux mêmes niveaux de rémunération que les hommes pour atteindre l'égalité réelle. Ces mesures visent à renforcer le rôle des entreprises et de la fonction publique dans l'atteinte de l'égalité salariale et l'égal accès à des postes à responsabilité. Elles ont aussi pour objectif de soutenir les publics les plus fragiles dans la parentalité et l'accès à l'emploi, et engager les femmes dans les métiers d'avenir et les soutenir dans leur projet de création ou de reprise d'entreprise.

Axe 4 : La culture de l'égalité

L'enjeu est d'agir sur les représentations afin de faire reculer les stéréotypes sexistes et d'éduquer à l'égalité dès le plus jeune âge.

Source : réponse au questionnaire budgétaire des rapporteurs spéciaux

Les associations entendues par les rapporteurs spéciaux leut ont fait part de leur scepticisme quant à ce plan interministériel, dont l'ambition apparaît relativement faible au regard des enjeux.

En tout état de cause, il semble nécessaire de ne pas s'arrêter à l'aide universelle d'urgence, qui devrait être intégrée à une stratégie plus globale, et notamment au « Pack nouveau départ » annoncé par le Gouvernement - dont elle demeure, en dehors d'une expérimentation récemment débutée dans le département du Val d'Oise, le premier et unique dispositif.

Cette articulation au sein d'une stratégie de politique publique cohérente nécessite néanmoins, pour citer une association entendue, de « penser l'urgence dans le temps long » - ce à quoi il n'est pas sûr que Gouvernement soit prêt à s'engager.

LES MODIFICATIONS CONSIDÉRÉES COMME ADOPTÉES PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE EN APPLICATION DE L'ARTICLE 49, ALINÉA 3, DE LA CONSTITUTION

Le Gouvernement, dans le cadre du texte sur lequel il a engagé sa responsabilité en application de l'article 49, alinéa 3 de la Constitution, a retenu les amendements suivants :

l'amendement n° II- 4230 de la députée Perrine Goulet, du groupe Démocrate (MoDem et Indépendants), et plusieurs de ses collègues, qui vise à majorer de 917 000 euros le titre 2 du programme 124 « Conduite et soutien des politiques sanitaires et sociale » aux fins de financer les moyens des services déconcentrés chargés de la cohésion sociale pour permettre la création d'une fonction de référent départemental de la protection de l'enfance dans certains départements.

l'amendement n° II- 3692 de la députée Christine Le Nabour, du groupe Renaissance, et plusieurs de ces collègues, qui vise à majorer de 15 millions d'euros les crédits de l'action 23 « Pacte des solidarités » du programme 304 « Insertion sociale et inclusion des personnes » dédiés à la contractualisation entre l'État et les collectivités locales. Cet amendement est gagé par une diminution à due concurrence des crédits de l'action 11 du programme 124.

l'amendement n° II- 4430 de la députée Julie Delpech, du groupe Renaissance, et plusieurs de ses collègues, qui vise à abonder de 800 000 euros les crédits dédiés aux espaces de vie affective, relationnelle et sexuelle (EVARS) sur l'action 24 du programme 137 « Égalité entre les femmes et les hommes ». Cet amendement est gagé par une diminution à due concurrence des crédits de l'action 11 du programme 124.

l'amendement n° II- 4431 de la députée Julie Delpech, du groupe Renaissance, et plusieurs de ses collègues, qui vise à majorer de 600 000 euros les dépenses d'information et de communication en faveur de l'égalité femmes-hommes portées par l'action 23 du programme 137 « Égalité entre les femmes et les hommes ». Cet amendement est gagé par une diminution à due concurrence des crédits de l'action 11 du programme 124.

Le Gouvernement a également retenu son propre amendement n° II- 4107, qui vise à majorer de 1,67 million d'euros les crédits du programme 124 afin de rehausser de 5 ETPT le plafond d'emplois dédié à la politique pour les droits des femmes (action 18 du programme 124), et à tirer les conséquences d'une mesure de périmètre prévoyant le retour de 7 ETPT dans le champ de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances » (action 20 du programme 124).

Evolution des crédits de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances »
entre le texte déposé à l'Assemblée nationale et le texte transmis au Sénat

(en millions d'euros)

   

PLF 2024 déposé

Modifications AN

PLF 2024 transmis

304 - Inclusion sociale et protection des personnes

AE

14 034,6

15,0

14 049,6

CP

14 035,8

15,0

14 050,8

157 - Handicap et dépendance

AE

15 381,8

0,0

15 381,8

CP

15 381,8

0,0

15 381,8

137 - Égalité entre les femmes et les hommes

AE

76,0

1,4

77,4

CP

76,0

1,4

77,4

124 - Conduite et soutien des politiques sanitaires et sociales

AE

1 255,1

- 13,7

1 241,4

CP

1 351,8

- 13,7

1 338,1

Total mission

AE

30 747,5

2,7

30 750,2

CP

30 845,4

2,7

30 848,1

Source : commission des finances du Sénat

EXAMEN DES ARTICLES RATTACHÉS

ARTICLE 64 (nouveau)

Articulation du bénéfice de l'AAH avec la liquidation des droits à la retraite des allocataires

Le présent article vise à permettre aux bénéfificiaires de l'AAH de continuer à percevoir l'allocation s'ils décident de poursuivre leur activité après leur âge d'ouverture des droits à la retraite. En l'état du droit, l'AAH ne peut être cumulé avec les revenus d'activité passé cet âge, ce qui restreint considérablement le libre choix des allocataires.

La commission propose d'adopter cet article sans modification.

I. LE DROIT EXISTANT : L'ALLOCATION AUX ADULTES HANDICAPÉS NE PEUT ÊTRE PERÇUE PAR LES BÉNÉFICIAIRES QUI DÉCIDENT DE CONTINUER À TRAVAILLER APRÈS LEUR ÂGE DE DÉPART À LA RETRAITE

Les personnes handicapées peuvent bénéficier de l'allocation aux adultes handicapés (AAH) à deux titres : elles doivent être atteintes, soit d'un taux d'incapacité permanente d'au moins 80 % (« AAH-1 »), soit d'un taux d'incapacité compris entre 50 % et 80 %, et présenter une restriction substantielle et durable pour l'accès à l'emploi (RSDAE) ne pouvant être compensée par des mesures d'aménagement du poste du travail (« AAH-2 »).

L'articulation entre le bénéfice de l'AAH et la liquidation des droits à la retraite varie selon le cas.

A. LES BÉNÉFICIAIRES DE L'AAH PERDENT EN PRINCIPE LE BÉNÉFICE DE L'ALLOCATION EN ATTEIGNANT L'ÂGE DE LA RETRAITE

L'allocation aux adultes handicapés (AAH) est un minimum social, versé sous conditions de ressources, aux personnes handicapées de plus de vingt ans.

Elle est subsidiaire par rapport à d'autres prestations, comme les pensions d'invalidité, les rentes d'accident du travail ou les avantages vieillesse, c'est-à-dire qu'elle n'est plus versée si l'allocataire potentiel bénéficie d'une autre prestation d'un montant au moins égal à celui de l'AAH soit 971,37 euros (alinéa 8 de l'article L. 821-1 du code de la sécurité sociale).

Deux tempéraments existent toutefois : d'une part, lorsque la prestation versée à l'allocataire est inférieure au montant de l'AAH, l'allocation s'ajoute à la prestation « sans que le total des deux avantages puisse excéder le montant de l'AAH » (alinéa 9 de l'article L. 821-1 du code de la sécurité sociale) ; d'autre part, l'AAH continue d'être versée, temporairement, aux bénéficiaires qui se voient ouvrir leurs droits à la retraite automatiquement en vertu de l'article L. 351-7- 1 A du code de la sécurité sociale, jusqu'au premier versement de leur pension (alinéa 11 de l'article L. 821-1 du code de la sécurité sociale).

B. LES BÉNÉFICIAIRES DE L'AAH- 2 EN PERDENT IMMÉDIATEMENT LE BÉNÉFICE DÈS 62 ANS

Pour les bénéficiaires de l'AAH- 2, le versement de l'allocation prend fin, automatiquement et dans tous les cas, lorsque l'allocataire atteint l'âge de 62 ans (dernier alinéa de l'article L. 821-2 du code de la sécurité sociale).

II. LE DISPOSITIF CONSIDÉRÉ COMME ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE EN APPLICATION DE L'ARTICLE 49, ALINÉA 3, DE LA CONSTITUTION : LA POSSIBILITÉ DONNÉE AUX BÉNÉFICIAIRES DE L'AAH DE CONTINUER À PERCEVOIR L'ALLOCATION SANS LIQUIDER LEUR RETRAITE

Le présent article retenu par le Gouvernement dans l'élaboration du texte sur lequel il a engagé sa responsabilité, en application de l'article 49, alinéa 3, de la Constitution, reprend un amendement de Mme Christine Le Nabour, du groupe Renaissance, et plusieurs de ses collègues28(*), afin de permettre aux bénéfificiaires de l'AAH de continuer à percevoir l'allocation s'ils décident de poursuivre leur activité après leur âge d'ouverture des droits à la retraite (I).

Le  du I ouvre la possibilité, pour une personne bénéficiaire de l'AAH- 1, de continuer à percevoir l'allocation si elle décide de poursuivre son activité professionnelle après leur âge légal d'ouverture des droits à la retraite et au plus tard jusqu'à l'âge de 67 ans.

Le  du I ouvre la possibilité, pour une personne bénéficiaire de l'AAH- 2, de continuer à percevoir l'allocation si elle décide de poursuivre son activité professionnelle après l'âge de 62 ans et au plus tard jusqu'à l'âge de 67 ans.

Conformément au II, le présent article entrerait en vigueur à une date fixée par décret, au plus tard le 1er décembre 2024.

III. LA POSITION DE LA COMMISSION DES FINANCES : UNE MESURE DE COHÉRENCE QUI AFFIRME LE LIBRE CHOIX DE DÉPART À LA RETRAITE POUR LES PERSONNES HANDICAPÉES COMME POUR LE RESTE DE LA POPULATION

Comme l'illustre le tableau ci-dessous, les volumes constatés par âge de bénéficiaires de l'AAH en activité connaissent une division par trois ou quatre entre les personnes âgées de 61 et 62 ans, selon les exercices. Cette situation résulte d'une application stricte des dispositions législatives par l'administration et la Caisse nationale d'allocations familiales (CNAF).

Nombre de bénéficiaires de l'AAH en activité par âge ou tranche d'âge

Source : Inspection générale des affaires sociales, Les départs en retraite au titre de l'inaptitude - octobre 2022

Comme le rélève un rapport de l'Inspection générale des affaires sociales (Igas) remis en 202229(*), cette situation apparaît incohérente avec les objectifs d'inclusion professionnelle des personnes handicapées et de libre choix dans leur parcours de vie. De même, la Cour des comptes a relevé que l'entrée à la retraite des personnes handicapées vieillissantes, lorsqu'elles exerçaient auparavant une activité professionnelle, est l'occasion de trop nombreuses ruptures du parcours d'accompagnement, notamment du fait de la perte de certains droits tels que l'AAH30(*).

Décision de la commission : la commission des finances propose d'adopter cet article sans modification.

ARTICLE 65 (nouveau)

Maintien de la majoration pour la vie autonome et du complément
de ressources pour les personnes perdant le bénéfice de l'AAH
à la suite de la réforme des retraites

Le présent article prévoit le maintien, pour les bénéficiaires de l'allocation adulte handicapé (AAH) qui perdraient le bénéfice de cette allocation du fait de la revalorisation de leur pension de retraite à la suite de la récente réforme des retraites, des prestations liées à l'AAH que sont la majoration pour la vie autonomie (MVA) et le complément de ressources (CR).

La commission propose d'adopter cet article sans modification.

I. LE DROIT EXISTANT : LES BÉNÉFICIAIRES DE L'ALLOCATION ADULTE HANDICAPÉ, LORSQU'ILS DISPOSENT DE PRESTATIONS ACCESSOIRES, POURRAIENT EN PERDRE LE BÉNÉFICE AVEC LA MAJORATION DES PETITES PENSIONS DÉCIDÉE PAR LA RÉFORME DES RETRAITES EN 2023

Créée par la loi n° 75-534 du 30 juin 1975 d'orientation en faveur des personnes handicapées, l'allocation aux adultes handicapés (AAH) est destinée aux personnes handicapées disposant de faibles revenus.

La loi n° 2005-102 du 11 février 2005 pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées a supprimé le complément d'AAH préexistant et créé deux compléments qui ne sont pas cumulables : la majoration pour la vie autonome (MVA) et le complément de ressources (CR).

A. LA MAJORATION POUR LA VIE AUTONOME VISE À FAVORISER L'ACCÈS DES BÉNÉFICIAIRES DE L'AAH À UN LOGEMENT AUTONOME

La majoration pour la vie autonome (MVA), prévue à l'article L. 821-1-2 du code de la sécurité sociale, permet de favoriser leur accès à un logement autonome pour les personnes en situation de handicap. Afin de percevoir la MVA d'un montant de 104,7 euros mensuels, il convient de remplir les conditions suivantes :

percevoir l'AAH à taux plein ou en complément d'un avantage vieillesse ou d'invalidité ou d'une rente accident du travail, ou percevoir l'allocation supplémentaire d'invalidité (ASI) ;

- avoir un taux d'incapacité au moins égal à 80 % ;

- disposer d'un logement indépendant et percevoir une aide au logement ;

- ne pas percevoir de revenu d'activité.

B. LE COMPLÉMENT DE RESSOURCES, SUPPRIMÉ PAR LA LOI DE FINANCES POUR 2019, A ÉTÉ MAINTENU À TITRE TRANSITOIRE PENDANT DIX ANS POUR LES TITULAIRES DE DROITS DÉJÀ OUVERTS

Le complément de ressources, prévu à l'article L. 821-1- 1 du code de la sécurité sociale, a pour objectif de compenser l'absence durable de revenus d'activité si une personne est dans l'incapacité de travailler. Il forme, avec l'AAH ce que l'on appelle la garantie de ressources. Son montant est fixé à 179,31 euros mensuels ; il est ouvert pour chacun des membres du couple, bénéficiaire de l'AAH et remplissant toutes les conditions d'attribution suivantes :

- avoir un taux d'incapacité d'au moins 80 % ;

- avoir une capacité de travail, appréciée par la CDAPH, inférieure à 5 % du fait du handicap ;

percevoir l'AAH à taux plein ou un complément d'un avantage vieillesse ou d'invalidité ou d'une rente d'accident du travail, et ne pas avoir perçu de revenu à caractère professionnel depuis 1 an à la date du dépôt de la demande de complément ;

- vivre dans un logement indépendant.

L'article 266 de la loi de finances initiale pour 2019 a supprimé le complément de ressources (I). Le bénéfice de ce complément a toutefois été maintenu, à titre transitoire et pendant dix ans, pour les bénéficiaires de l'AAH qui avait déjà des droits ouverts au titre du complément de ressources au 1er novembre 2019 (V).

C. LA RÉFORME DES RETRAITES A PRÉVU DES REVALORISATIONS DES PETITES PENSIONS, CE QUI A EU POUR EFFET DE FAIRE PERDRE À CERTAINS ALLOCATAIRES LE BÉNÉFICE DE L'AAH

Le V de l'article 18 de la loi de financement rectificative de la sécurité sociale (LFRSS) pour 2023 portant réforme des retraites31(*) dispose que les pensions de retraites ayant pris effet avant le 31 août 2023 sont assortie d'une majoration, pour un montant de 1 200 euros par an32(*), jsuqu'à un certain plafond. Seule les petites retraites sont donc visées. Le II de l'article 19 prévoit les mêmes dispositions pour le régime mahorais.

Or, l'AAH ne peut se cumuler avec une pension de retraite que dans certaines conditions. En particulier, aux termes de l'article L. 821-1 du code de la sécurité sociale, « le droit à l'allocation aux adultes handicapés est ouvert lorsque la personne ne peut prétendre à un avantage de vieillesse [...] d'un montant au moins égal à cette allocation. »

En d'autres termes, l'AAH ne peut faire l'objet d'un cumul avec une pensions de retraite que si cette pension est inférieure au montant de l'allocation. En outre, l'AAH n'est alors versée « sans que le total des deux avantages puisse excéder le montant de l'allocation aux adultes handicapés. » Ainsi, pour certains allocataires, la majoration de leur pension de retraite a pu conduire à excéder le montant de l'AAH, fixé à 971,37 euros par mois, et ainsi à perdre le bénéfice de la MVA et du complément de ressources.

II. LE DISPOSITIF CONSIDÉRÉ COMME ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE EN APPLICATION DE L'ARTICLE 49, ALINÉA 3, DE LA CONSTITUTION : ATTÉNUER L'IMPACT DE L'AUGMENTATION DES PETITES PENSIONS SUR L'ÉLIGIBILITÉ À LA MAJORATION POUR LA VIE AUTONOME ET AU COMPLÉMENT DE RESSOURCES

Le présent article retenu par le Gouvernement dans l'élaboration du texte sur lequel il a engagé sa responsabilité, en application de l'article 49, alinéa 3, de la Constitution, reprend un amendement de Mme Perrine Goulet, rapporteur spéciale, et plusieurs de ses collègues33(*), afin de maintenir le versement de la majoration pour la vie autonome et le complément de ressources pour certains bénéficiaires de l'AAH qui pourraient s'en trouver privés à la suite de la majoration des petites pensions intervenue avec la réforme des retraites de 2023.

Son I prévoit le maintien du versement de la majoration pour la vie autonome aux bénéficiaires de l'AAH qui l'aurait perdu du fait de la majoration prévue à l'article 18 de la LFRSS pour 2023 ou, à Mayotte, du fait de la majoration prévue à l'article 19 (alinéa 1), à condition de toujours remplir les autres critères d'éligibilité (alinéa 2).

Son II modifie l'article 266 de la loi de finances pour 2019 précitée, qui avait supprimé le complément de ressources. Il prévoit le maintien de son versement aux bénéficiaires de l'AAH qui en ont perdu le droit du fait de la majoration prévue à l'article 18 de la LFRSS pour 2023 ou, à Mayotte, du fait de la majoration prévue à l'article 19 (alinéa 1), à condition de toujours remplir les autres critères d'éligibilité et jusqu'à l'échéance de la période de dix ans à compter du 1er décembre 2019 (alinéa 2).

Son III vise à corriger une erreur matérielle.

III. LA POSITION DE LA COMMISSION DES FINANCES : UNE MESURE BIENVENUE QUI ÉVITE LES EFFETS DE SEUILS POUR LES PERSONNES HANDICAPÉES RETRAITÉES DONT LA PENSION EST FAIBLE

La majoration des petites pensions de retraites peut aisément aboutir à d'importants effets de seuils, que le présent article permettrait de limiter. En effet, la majoration d'une petite pension de retraite pourrait conduire à une perte de l'AAH. Si cette perte n'est, en soi, pas dirimante, elle peut entrainer avec elle le bénéfice de la MVA ou du complément de ressources.

Dans ce cas, les personnes auparavant bénéficiaire de l'AAH subirait un effet de seuil important, la majoration de la pension de retraites se traduisant par une perte de revenu pour le pensionné.

Impact de la réforme des retraites sur l'éligibilité à l'AAH
et aux prestations associées (MVA et CR)

(en euros)

 

Montant de la pension (max ASPA)

Montant de l'AAH

Montant de la MVA

TOTAL

Avant la réforme

961,08

10,29

104,7

1076,07

Après la réforme

1061,08

0

0

1061,08

Après la réforme (maintien MVA)

1161,08

0

104,7

1265,78

Note : hypothèse d'un retraité bénéficiaire de l'allocation de solidarité pour les personnes âgées (ASPA), perçue à son montant maximal (961,08 euros par mois), et de la majoration pour la vie autonome (MVA), perçue au montant forfaitaire de 104,7 euros.

Source : commission des finances du Sénat

Cette situation concerne un nombre potentiellement important d'assurées : 148 875 bénéficiaires de l'AAH percevaient la MVA en 2017 (13,5 % de l'ensemble des allocataires) et 66 587 bénéficiaires de l'AAH bénéficiaient d'un complément de ressources (6 % de l'ensemble). Cette mesure, qui évite des effets de seuils iniques, apparaît donc bienvenue, et même nécessaire.

Décision de la commission : la commission des finances propose d'adopter cet article sans modification.

EXAMEN EN COMMISSION

Réunie le mardi 14 novembre 2023, sous la présidence de M. Claude Raynal, président, la commission des finances a procédé à l'examen du rapport de MM. Arnaud Bazin et Éric Bocquet, rapporteurs spéciaux, sur la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances » (et articles 64 et 65).

M. Arnaud Bazin, rapporteur spécial de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances ». - Les crédits de la mission demandés pour 2024 s'élèvent à 30,7 milliards d'euros en autorisations d'engagement (AE) et en crédits de paiement (CP).

Ces crédits, qui augmentent de 4,6 % par rapport à la loi de finances pour 2023, continuent de suivre une trajectoire dynamique. En effet, la mission a été fortement mobilisée ces dernières années. Ainsi, 4,4 milliards d'euros de dépenses pérennes ont été alloués en 2019 à la prime d'activité, pour répondre à la crise des « gilets jaunes ». Ensuite, une enveloppe d'environ 2 milliards d'euros a été consacrée au financement d'aides exceptionnelles durant la crise sanitaire. Enfin, la mission a financé l'indemnité inflation en 2021, à hauteur de 3,2 milliards d'euros. Cette année encore, la mission a été sollicitée dans le cadre du projet de loi de finances de fin de gestion, puisque près de 100 millions d'euros seraient dédiés au soutien des associations d'aide alimentaire et des familles monoparentales.

Ce dynamisme jette le doute sur la crédibilité de la trajectoire définie par le projet de loi de programmation des finances publiques, selon laquelle les crédits de la mission ne doivent augmenter que de 5 % en termes réels à l'horizon 2027. Compte tenu des exercices passés, le respect de cette trajectoire dépendra probablement d'aléas conjoncturels.

Je commencerai par l'aide alimentaire qui, financée à hauteur de 142 millions d'euros, ne représente qu'une faible part des crédits de la mission, alors qu'elle constitue une politique vitale pour nombre de nos concitoyens, particulièrement en période inflationniste.

Cette année, la situation des associations d'aide alimentaire est particulièrement inquiétante. En effet, plus de 200 000 nouveaux bénéficiaires ont été accueillis alors que l'inflation alimentaire continue de peser sur les capacités des associations. À titre d'exemple, le budget d'achat de denrées des Restos du Coeur a doublé depuis début 2022. Or, les moyens mis à disposition par les pouvoirs publics ne sont pas suffisants. Pour 2024, la principale augmentation des crédits d'aide alimentaire résulte d'une hausse de 10 millions d'euros des crédits du programme « Mieux manger pour tous ! ». Or, si ce programme permet de mener des actions positives en termes d'amélioration de la qualité des denrées servies, il ne constitue pas un bon instrument de soutien conjoncturel. Des moyens supplémentaires devraient être alloués aux associations.

Ce budget témoigne aussi d'un renouvellement du partenariat, dans le champ des politiques sociales, entre l'État et les collectivités, en particulier les départements. Le pacte des solidarités, qui prend le relais en 2024 de la stratégie nationale de prévention et de lutte contre la pauvreté de 2018, comporte un volet contractualisé avec les collectivités au moyen des pactes et contrats locaux des solidarités. Pour 2024, 190 millions d'euros sont budgétés à ce titre dans la mission, dont 53 % sont destinés à la contractualisation, au premier chef avec les départements. Certaines des recommandations que nous avions formulées l'an dernier sur le sujet en matière de contrôle budgétaire ont été suivies. Une place plus grande sera donc laissée aux initiatives locales et un financement pluriannuel est prévu pour améliorer la visibilité des départements.

Je suis loin de partager l'ensemble des orientations suivies par le Gouvernement dans sa politique de cohésion sociale et de solidarité. À titre d'exemple, je déplore que le soutien de l'État aux départements pour l'accueil des mineurs non accompagnés (MNA) diminue en 2024, comme tous les ans.

Néanmoins, en responsabilité et afin d'assurer le financement de la prime d'activité et de l'allocation aux adultes handicapés (AAH), je propose d'adopter les crédits de la mission.

M. Éric Bocquet, rapporteur spécial de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances ». - L'évolution de la mission comporte des points positifs, comme l'entrée en vigueur de la déconjugalisation de l'AAH début octobre 2023. Je salue à ce titre la belle mobilisation des associations. Nous avions appelé de nos voeux cette mesure et, désormais, les revenus utilisés pour calculer l'AAH ne prendront plus en compte ceux du conjoint. Ainsi, plus de 40 000 bénéficiaires verront leur allocation augmenter d'un montant moyen de 320 euros et 80 000 personnes exclues du bénéfice de l'AAH pourront la percevoir, à hauteur d'un montant moyen de 370 euros. De plus, aucun allocataire ne verra son AAH diminuer, grâce à une mesure de maintien du mode de calcul le plus favorable. Au total, le coût de la mesure serait de 83 millions d'euros en 2023 et de 500 millions d'euros en année pleine.

Les crédits destinés à financer la politique d'égalité entre les femmes et les hommes augmenteront également en 2024. Cette hausse résulte principalement de la création d'une aide universelle d'urgence pour les victimes de violences conjugales, qui fait suite à une initiative sénatoriale de Valérie Létard et s'inspire d'expérimentations locales menées notamment dans le département du Nord. La création de cette aide est très positive et nous l'avions soutenue. En effet, elle permet d'apporter une réponse aux femmes qui ne peuvent quitter leur conjoint violent faute de moyens financiers suffisants.

L'enveloppe de 13 millions d'euros prévue pour 2024 paraît faible et risque de ne pas suffire pour financer une aide de 607 euros par femme éligible. Le Gouvernement semble tabler sur un taux de non-recours important ou sur un faible montant de l'aide.

Toutefois, l'aide pourrait être modulée selon la situation des bénéficiaires. Surtout, elle pourrait prendre la forme d'un prêt remboursable par le conjoint violent, une fois que celui-ci est définitivement condamné. Si cette modalité de financement devait prédominer, cette aide pourrait se révéler utile, même avec des moyens modérés.

Les mesures d'application de la loi n'étant pas encore entrées en vigueur, il nous faut attendre pour porter un jugement définitif.

Si mon analyse et celle d'Arnaud Bazin convergent sur l'essentiel, j'opterai néanmoins pour un rejet des crédits de la mission, qui sont encore loin d'être à la hauteur des enjeux et restent en décalage avec la situation sociale du pays, dans le contexte d'inflation alimentaire persistante.

M. Jean-François Husson, rapporteur général. - Je souhaiterais revenir sur le sujet de l'aide alimentaire. J'ai échangé avec des représentants des Restos du Coeur au début du mois d'août et je dois encore m'entretenir avec les membres d'autres associations ce soir. Avez-vous recueilli des éléments expliquant les difficultés rencontrées ? Il ne s'agit pas seulement de l'inflation. En termes d'organisation, je crains que nous ne rencontrions des problèmes similaires à ceux qu'a posés la délivrance des titres sécurisés : nous sommes confrontés à des difficultés en matière de moyens. Il faut bien identifier les causes pour imaginer des solutions qui iront au-delà d'un premier abondement. Quelles pourraient-elles être ?

M. Rémi Féraud. - En dehors de ce qui est prévu pour l'AAH ou l'aide universelle d'urgence, la situation sociale du pays ne semble pas prise en compte. La politique de l'offre ne ruisselle pas dans cette mission et vous partagez tous les deux ce constat, même si vous n'adoptez pas la même position. Envisagez-vous de proposer un amendement d'abondement budgétaire pour l'aide alimentaire, l'augmentation prévue ne permettant pas de faire face aux besoins ?

M. Marc Laménie. - D'abord, je reviendrai sur la capacité des établissements accueillant des personnes en situation de handicap, notamment les établissements et services d'aide par le travail (Ésat). Dans mon département frontalier des Ardennes, on doit travailler en lien avec la Belgique pour faire face au manque de capacités.

Par ailleurs, avez-vous une idée approximative du nombre d'associations d'aide alimentaire travaillant aux niveaux national et local ?

Enfin, dans les territoires, on trouve des délégués aux droits des femmes dans chaque département, des centres d'information sur les droits des femmes et des familles (CIDFF) et quelques salariés se consacrant à ce sujet. Cependant, la tâche est immense et tout le monde n'est pas informé de la présence de ces relais, qui assurent aussi un lien avec la justice, la sécurité intérieure, les travailleurs sociaux, les collectivités territoriales et les associations. Le budget du programme 137 « Égalité entre les femmes et les hommes » s'élève à 76 millions d'euros, ce qui semble peu au regard de la tâche. Par ailleurs, il faut évoquer le volet important qui concerne les violences intrafamiliales, envers les conjointes, mais aussi les enfants. Quelles mesures financières pourraient-être déployées à ce titre ?

Mme Nathalie Goulet. - Il faut fournir un effort sur l'information relative aux diverses prestations et aides, y compris alimentaires, le taux de non-recours étant très important et préoccupant. Quelles sont vos propositions en la matière ? Comment utiliser ce budget pour améliorer l'information et réduire ce taux ?

M. Pascal Savoldelli. - La façon dont la question du financement du revenu de solidarité active (RSA) par les départements est traitée dans le cadre du pacte des solidarités me conduira à ne pas voter ces crédits.

En ce qui concerne les Restos du Coeur, ce que mentionne le rapport est juste : nous rencontrons un problème de subventionnement malgré l'engagement important de la France et de l'Union européenne (UE). Le problème semble irrésoluble : le coût des denrées pèse et, dans certains départements, il devient impossible d'être bénévole compte tenu du coût de l'énergie pour les déplacements des denrées. Sait-on combien de bénévoles sont encore engagés auprès des associations d'aide alimentaire ?

M. Didier Rambaud. - J'aimerais aussi comprendre le problème rencontré par les Restos du Coeur. J'ai visité la banque alimentaire de l'Isère qui fonctionne, même si la demande augmente. Pourquoi les Restos du Coeur font-ils face à ces difficultés de financement quand d'autres organismes de collecte n'y semblent pas confrontés ?

M. Grégory Blanc. - J'aurai deux questions concernant la transformation de la stratégie nationale de prévention et de lutte contre la pauvreté au travers de la mise en place du pacte des solidarités.

D'abord, la stratégie nationale comprenait la prise en charge des jeunes majeurs, avec une accentuation pour les départements qui le souhaitaient. Il s'agit d'un enjeu important, car il ne faut pas tuer les efforts fournis par les services de protection de l'enfance et éviter les mises à la rue. Comment est-ce intégré ? Un bilan a-t-il été réalisé auprès des départements ayant engagé cette démarche ?

Ensuite, la stratégie nationale comportait une carence puisqu'elle ne concernait que les personnes âgées entre 18 et 65 ans. Serait-ce possible d'envisager des actions en faveur des personnes âgées précaires ?

M. Arnaud Bazin, rapporteur spécial. - Je commencerai par les causes des difficultés rencontrées par les associations d'aide alimentaire.

D'abord, l'inflation s'impose à tous et concerne les aliments, mais aussi l'énergie et les coûts logistiques. Ensuite, le nombre de bénéficiaires augmente fortement. Enfin, on observe une baisse des dons, puisque la loi anti-gaspillage pour une économie circulaire incite les grandes surfaces à vendre à des prix plus bas les denrées proches de leur date de péremption. Les Restos du Coeur ont médiatisé leurs demandes, mais leurs difficultés sont partagées par les autres associations oeuvrant dans ce domaine. Un abondement sera probablement nécessaire et inévitable. L'Assemblée nationale a déjà voté quelques crédits supplémentaires et il n'est pas exclu que nous vous proposions un amendement avant la séance. Si l'abondement n'est pas prévu en loi de finances initiale, il adviendra en cours d'année, comme en 2023 et comme nous l'avions annoncé en 2022.

Les crédits de la mission augmentent tout de même de 4,6 %, ce qui est notamment dû aux 500 millions d'euros alloués à la déconjugalisation de l'AAH. Cette somme sera-t-elle suffisante ? Il nous faudra suivre ces dépenses pendant l'année. Il s'agit d'une mesure de justice, qui est très dépensière.

En ce qui concerne les Ésat, j'attire votre attention sur les mesures souhaitées par le Gouvernement, qui visent à rapprocher ces établissements du milieu ordinaire, dans le cadre d'une sorte de professionnalisation, ce qui présente des risques par rapport auxquels nous serons attentifs. Je ne suis pas certain que les travailleurs des Ésat pouvant rêver du milieu ordinaire soient très nombreux. S'agissant de la Belgique, un moratoire a été prononcé sur les orientations. Le Président de la République a évoqué 50 000 « solutions » nouvelles pour décongestionner les établissements français et dégager des places, mais rien ne s'est encore concrétisé. La situation est donc de plus en plus tendue. La condamnation des orientations en Belgique pour des motifs idéologiques et non pragmatiques peut s'avérer dangereuse, ce qui pourrait être en train de se vérifier. Pour les habitants du nord de la France ou de Paris, une orientation de leurs enfants en Belgique ne constituait pas forcément une mauvaise solution.

J'en viens à la question portant sur le nombre d'associations présentes sur le territoire et je serai bien en peine de répondre, tant elles sont nombreuses dans toutes les communes. Dans le premier rapport d'information que nous avions consacré à l'aide alimentaire avec Éric Bocquet en 2018, nous avions mentionné que l'apport financier représenté par tous les bénévoles oeuvrant à l'aide alimentaire s'élevait à environ 500 millions d'euros. Il s'agit d'un modèle typique de notre pays, particulièrement efficace, qui repose sur un engagement de nombreux citoyens dans un lien social précieux. Nous sommes très attentifs à la préservation de ce modèle.

Enfin, je ne peux répondre à la question de savoir si l'aide alimentaire donne lieu à un taux de non-recours particulier, puisqu'il s'agit de prestations diffuses, présentes sur tout le territoire. Cependant, la distribution de l'aide s'effectuant au plus près des communes, en lien avec les centres communaux d'action sociale (CCAS), elle est plutôt bien connue de nos compatriotes. Certains, par fierté, pudeur ou dignité, se refusent à solliciter cette aide le plus longtemps possible, mais, sous la pression de la nécessité, ils sont nombreux à franchir le pas. Ainsi, nous comptons 200 000 bénéficiaires supplémentaires et en tout 7 millions de personnes sont concernées.

M. Éric Bocquet, rapporteur spécial. - En ce qui concerne l'aide alimentaire, l'Assemblée nationale a effectivement voté un abondement de 20 millions d'euros, à l'occasion de l'examen du projet de loi de finances de fin de gestion. Cependant, je rejoins Arnaud Bazin sur l'idée qu'il nous faut soutenir ici un amendement ; cela semble indispensable.

J'en viens à la notion de non-recours, qui concerne de nombreuses prestations et n'est pas spécifique à cette mission. L'aide universelle d'urgence apparaît comme une bonne idée, mais on semble compter sur les non-recours pour calibrer le montant des crédits. Il nous faudra nous montrer vigilants sur la mise en place de cette disposition. De façon plus générale, les taux de non-recours ne diminuent pas, ce que certains pourraient interpréter comme un non-besoin, alors qu'il s'agit d'un problème d'information, de complexité des dossiers et parfois de dignité. Il nous faut avancer sur ce sujet.

L'expression 50 000 « solutions » reprises par le Président de la République ne me convient pas vraiment ; ce sont des places qui manquent. Certes, on peut aussi avoir recours à l'accompagnement en milieu scolaire, mais nous connaissons les difficultés que rencontrent les communes pour recruter les accompagnants d'élèves en situation de handicap (AESH) et le nombre d'heures qu'il faut pour intégrer les élèves en situation de handicap en milieu ordinaire.

Les différents dispositifs couverts par cette mission s'appuient beaucoup sur les bénévoles. Pour n'en citer que quelques-unes, les Restos du Coeur en comptent 73 000, l'Association nationale de développement des épiceries solidaires (Andes) 10 000 et la Croix-Rouge 21 000, ce qui représente plus de 100 000 bénévoles engagés au quotidien pour permettre le fonctionnement de ces associations.

Nous avons du mal à avancer sur le droit des femmes. On ressent dans les associations oeuvrant dans ce domaine un certain sentiment de faiblesse par rapport à l'administration centrale et des difficultés à se faire entendre.

Enfin, en ce qui concerne le RSA, le pacte des solidarités ne saurait remplacer une compensation juste des charges transférées par l'État aux départements depuis des années. L'Assemblée des départements de France (ADF) a demandé que les revalorisations récentes du RSA soient compensées pour le département. À ce jour, elles n'ont pas été entendues. Pour le département du Nord, très sensible à cette situation, ces dépenses représentent des centaines de millions d'euros et déstabilisent les budgets.

M. Arnaud Bazin, rapporteur spécial. - Je voudrais répondre à Didier Rambaud sur la question des Restos du Coeur : ils sont un peu plus touchés que les autres associations parce qu'ils achètent une grande partie de leurs denrées, alors que les autres se reposent davantage sur les aides européennes ou les dons. Cependant, toutes rencontrent des difficultés du même ordre.

En outre, l'augmentation du nombre de bénéficiaires de l'aide alimentaire concerne de plus en plus les classes moyennes et, dans certaines associations, 60 % des demandeurs sont titulaires d'un contrat à durée indéterminée (CDI).

Enfin, l'augmentation du budget pour le droit des femmes est uniquement due à l'aide universelle d'urgence. Le montant de 13 millions d'euros est tout à fait insuffisant pour la France entière et la mise en place de la mesure se traduira probablement par des expérimentations menées dans quelques départements, à moins qu'un abondement ne soit prévu en cours d'année.

La commission a décidé de proposer au Sénat d'adopter, sans modification, les crédits de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances ».

EXAMEN DES ARTICLES RATTACHÉS

Article 64

M. Éric Bocquet, rapporteur spécial. - L'article 64 vise à permettre aux personnes bénéficiant de l'AAH de ne pas cesser de percevoir cette allocation s'ils décident de continuer à travailler après l'âge de la retraite.

Comme les autres minima sociaux, l'AAH est attribuée sur conditions de ressources et constitue une prestation « subsidiaire ». Ainsi, l'allocation n'est pas versée si la personne concernée bénéficie d'un autre revenu plus élevé. À ce titre, les allocataires prenant leur retraite en perdent le bénéfice au moment où ils perçoivent leur pension, sauf si le montant de cette dernière est plus faible que celui de l'allocation, soit 971 euros par mois. Dans ce dernier cas, ils reçoivent une fraction de l'AAH pour compléter leur pension dans la limite de 971 euros mensuels.

En l'état du droit, le bénéfice de l'AAH est perdu au moment de l'âge d'ouverture des droits à la retraite. Si l'allocataire souhaite continuer à travailler plutôt que de liquider ses droits, il perd le bénéfice de l'AAH, même si ses revenus professionnels sont très faibles. Ainsi, la législation actuelle ne laisse pas aux personnes handicapées le même libre choix dans leur parcours de vie qu'au reste de la population.

Cette situation ne paraît pas acceptable et le présent article prévoit que le bénéfice de l'AAH puisse être maintenu pour les personnes qui continueraient à travailler. Il s'agit donc d'une mesure incontestablement positive. Toutefois, il nous paraîtrait utile de l'étudier de manière plus approfondie afin d'en améliorer la rédaction, le cas échéant. Nous proposons d'adopter cet article sans modification, sachant que nous proposerons peut-être un amendement rédactionnel.

La commission a décidé de proposer au Sénat d'adopter, sans modification, l'article 64.

Article 65

M. Arnaud Bazin, rapporteur spécial. - L'article 65 vise à maintenir le versement de la majoration pour la vie autonome (MVA) et du complément de ressources pour les personnes perdant le bénéfice de l'AAH à la suite de la réforme des retraites.

Depuis 2005, les bénéficiaires de l'AAH peuvent prétendre dans certaines conditions à deux allocations complémentaires, qui ne sont pas cumulables. Il s'agit de la MVA d'une part, dont le montant est de 104 euros mensuels et qui permet de favoriser l'accès à un logement autonome pour les personnes en situation de handicap et, d'autre part, du complément de ressources de 179 euros mensuels, qui vise à compenser l'absence durable de revenus d'activité si une personne est dans l'incapacité de travailler du fait de son handicap. Ce complément de ressources a été supprimé dans la loi de finances pour 2019, mais les titulaires de droit ouverts avant cette date en conservent le bénéfice pendant dix ans ; certaines personnes handicapées bénéficient donc encore du complément de ressources.

L'état du droit est le suivant : l'AAH étant une allocation subsidiaire perçue sur conditions de ressources, lorsque la pension de retraite d'une personne en situation de handicap est inférieure au montant mensuel de l'AAH, soit 971 euros, cette personne perçoit une fraction de l'AAH pour compléter sa retraite, dans la limite de 971 euros par mois. Or un allocataire qui se voit verser ne serait-ce qu'un euro d'AAH conserve le droit aux prestations complémentaires que sont la MVA et le complément de ressources. Si le montant d'AAH passe à zéro, l'allocataire perd le bénéfice de ces prestations.

Dans ses articles 18 et 19, la loi de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2023 portant réforme des retraites dispose que les petites retraites sont majorées de 1 200 euros par an, soit 100 euros par mois. Cette revalorisation a eu pour effet de majorer certaines petites pensions au-delà du montant de l'AAH, privant ainsi les personnes concernées de cette allocation, mais aussi de la MVA et du complément de ressources.

L'objet du présent article est de permettre aux personnes handicapées retraitées ayant ainsi perdu le bénéfice de l'AAH de continuer à bénéficier de la MVA ou du complément de ressources. Il s'agit d'une mesure bienvenue, qui évite les effets de seuil pour les personnes en situation de handicap dont la pension de retraite est faible. Nous recommandons à la commission de proposer l'adoption de cet article sans modification.

La commission a décidé de proposer au Sénat d'adopter, sans modification, l'article 65.

*

* *

Réunie à nouveau le jeudi 23 novembre 2023, sous la présidence de M. Claude Raynal, président, la commission a confirmé sa décision de proposer au Sénat d'adopter, sans modification, les crédits de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances », de même que d'adopter, sans modification, les articles 64 et 65.

LISTE DES PERSONNES ENTENDUES

Direction générale de la cohésion sociale (DGCS)

- M. Jean-Benoît DUJOL, directeur général ;

- Mme Catherine MORIN, adjointe au service du droit des femmes et de l'égalité entre les femmes et les hommes ;

- Mme Katarina MILETIC-LACROIX, adjointe au sous-directeur des affaires financières et de la modernisation ;

- M. Andrea FERRARI, chargé de questions parlementaires, sous-direction des affaires financières et de la modernisation.

FranceAgriMer

- M. Sébastien COUDERC, directeur général adjoint ;

- M. Christophe DASSIÉ, chef de service Marchés, certificats et qualité.

Table ronde - associations d'aide alimentaire

Les Restos du Coeur

- M. Yves MÉRILLON, bénévole, membre du conseil d'administration.

Fédération française des banques alimentaires

- Mme Laurence CHAMPIER, directrice fédérale ;

- Mme Barbara MAUVILAIN, responsable du service des relations institutionnelles.

Secours populaire français

- Mme Mathilde COURCY, responsable du service des dotations et financements publics ;

- M. Michaël POZO, directeur des solidarités en France.

Croix-Rouge française

- Mme Charlotte GUIFFARD, directrice de l'inclusion.

Association nationale de développement des épiceries solidaires (ANDES)

- M. Yann AUGER, directeur général.

Table ronde - associations de défense des droits des femmes

Fédération nationale solidarité femmes (FNSF)

- Mme Françoise BRIÉ, directrice générale.

Fondation des femmes

- Mme Floriane VOLT, directrice des affaires publiques et juridiques.

Collectif féministe contre le viol (CFCV)

- Mme Élodie COZIC, coordinatrice ;

- Mme Alexandra MARTEL, coordinatrice ;

- Mme Gabriela BRAVO, coordinatrice administrative.

Table ronde - associations de défense des droits des personnes handicapées

APF France handicap

- Mme Carole SALERES, conseillère nationale Travail, emploi, formation et ressources.

APAJH (Association pour Adultes et Jeunes Handicapés)

- M. Jean-Christian SOVRANO, directeur général de la fédération.

Union nationale des associations de parents, de personnes handicapées mentales, et de leurs amis (Unapei)

- M. Luc GATEAU, président ;

- Mme Lina NATHAN, chargée de plaidoyer.

Association des accidentés de la vie - Fédération nationale des accidentés du travail et des handicapés (FNATH)

- M. Raphaël LENOIR, assistant en charge du plaidoyer.

Assemblée des départements de France (ADF)

- M Olivier RICHEFOU, vice-président et président du conseil départemental de la Mayenne.

Contributions écrites

- Observatoire départemental des violences envers les femmes de Seine-Saint-Denis

- UNICEF.

LA LOI EN CONSTRUCTION

Pour naviguer dans les rédactions successives du texte, le tableau synoptique de la loi en construction est disponible sur le site du Sénat à l'adresse suivante :

http://www.senat.fr/dossier-legislatif/pjlf2024.html


* 1 À compter rétroactivement du 1er janvier 2016.

* 2 Ou plus de 16 ans pour un jeune qui n'est plus considéré à la charge des parents pour le bénéfice des prestations familiales.

* 3 Les modalités de cumul de l'allocation avec des revenus d'activité sont précisées par le décret n° 2010-1403 du 12 novembre 2010, et visent à encourager l'accès durable à l'emploi : pendant six mois au maximum à compter de la reprise d'un emploi, puis partiel sans limite dans le temps.

* 4 Ce plafond est multiplié par 1,81 pour un couple et majoré de 50 % par enfant à charge.

* 5 Elle est durable dès lors qu'elle est d'une durée prévisible d'au moins un an à partir du dépôt de la demande.

* 6 La proposition de déconjugalisation de l'AAH avait fait l'objet de la première pétition à recueillir plus de 100 000 signatures sur la plateforme dédiée du Sénat en février 2021. L'atteinte de ce seuil avait ainsi entraîné l'inscription à l'ordre du jour du Sénat de la proposition de loi portant diverses mesures de justice sociale des députés Jeanine Dubié, Charles de Courson, Yannick Favennec et plusieurs de leurs collègues, adoptée par l'Assemblée nationale en première lecture. À cette occasion, le Sénat a adopté une disposition tendant à la déconjugalisation de l'AAH en première lecture le 9 mars 2021.

* 7 MM. Arnaud Bazin et Éric Bocquet, Annexe n° 30 « Solidarité, insertion et égalité des chances » au Rapport général n° 163 (2021-2022) - 18 novembre 2021.

* 8 Article 13 de la loi n° 2021-1549 du 1er décembre 2021 de finances rectificative pour 2021.

* 9 Conformément à l'article 13 de la loi n° 2021-1549 du 1er décembre 2021 de finances rectificative pour 2021 et au décret n° 2021-1623 du 11 décembre 2021.

* 10 Bénéficiaires d'une aide personnelle au logement (APL), de l'allocation de solidarité spécifique (ASS), de la prime forfaitaire pour reprise d'activité, de l'allocation équivalent retraite (AER), du revenu de solidarité active (RSA), du revenu de solidarité (RSO), de l'allocation aux adultes handicapés (AAH), de l'allocation de solidarité aux personnes âgées (ASPA) et des anciennes allocations du minimum vieillesse, de l'aide à la vie familiale et sociale des anciens migrants dans leur pays d'origine (AVFS), de l'aide financière à l'insertion sociale et professionnelle (AFIS) et de l'allocation simple pour personnes âgées.

* 11 MM. Arnaud Bazin et Éric Bocquet, Annexe n° 30 « Solidarité, insertion et égalité des chances » au Rapport général n° 115 (2022-2023) - 17 novembre 2022.

* 12 D'autres programmes concernés sont les programmes 137 et 124 sur la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances », 102 et 103 sur la mission « Travail et emploi » et 174 et 177 sur la mission « Cohésion des territoires ».

* 13 Source : Cour des comptes, Les finances publiques locales 2021, juin 2021.

* 14 Conseil constitutionnel, décision n° 2011-142/145 QPC du 30 juin 2011, Département de Seine-Saint-Denis.

* 15 Loi n° 2018-1317 du 28 décembre 2018 de finances pour 2019, article 81.

* 16 Loi n° 2019-1479 du 28 décembre 2019 de finances pour 2020, article 771.

* 17 Cour des comptes, Le revenu de solidarité active, janvier 2022.

* 18 Anses, Étude individuelle nationale des consommations alimentaires 3 (INCA 3), juillet 2017.

* 19 « Conventions entre l'État et les associations : des relations à rééquilibrer », rapport d'information fait par MM. Arnaud Bazin et Eric Bocquet, n° 757 (session 2022-2023) - 21 juin 2023.

* 20 Note de conjoncture INSEE : « L'alimentation - comme l'ensemble des dépenses peu compressibles - pèse davantage dans le budget des ménages les plus modestes (18 à 19 % du budget pour les 40 % des ménages les plus modestes) que dans celui des plus aisés (14 % du budget pour les 20 % des ménages les plus aisés), et ce quelles que soient leurs autres caractéristiques sociodémographiques. »

* 21 « Aide alimentaire : un dispositif vital, un financement menacé ? Un modèle associatif fondé sur le bénévolat à préserver », rapport d'information d'Arnaud Bazin et Éric Bocquet, fait au nom de la commission des finances du Sénat octobre 2018.

* 22 Comité européen des droits sociaux, décision du 17 avril 2023, Forum européen des personnes handicapées (EDF) et Inclusion Europe contre France, réclamation n° 168/2018.

* 23 Igas, Appui au dispositif visant à mettre un terme aux « départs forcés » de personnes handicapées vers la Belgique, décembre 2016.

* 24 Communiqué de presse, Moratoire des places en Belgique et accélération de la création de solutions d'accueil de proximité pour les personnes en situation de handicap en France, 21 janvier 2021.

* 25 Rapport d'information de MM. Arnaud Bazin et Éric Bocquet, fait au nom de la commission des finances, n° 602 (2019-2020) - 8 juillet 2020.

* 26 « Conventions entre l'État et les associations : des relations à rééquilibrer », rapport d'information fait par MM. Arnaud Bazin et Eric Bocquet au nom de la commission des finances, n° 757 (session 2022-2023) - 21 juin 2023.

* 27 Loi n° 2023-140 du 28 février 2023 créant une aide universelle d'urgence pour les victimes de violences conjugales.

* 28 Amendement n°  II-4760, couvert par l'amendement II-4759 du Gouvernement.

* 29 Inspection générale des affaires sociales, Les départs en retraite au titre de l'inaptitude - octobre 2022.

* 30 Cour des comptes, L'accompagnement des personnes en situation de handicap vieillissante, Rapport public thématique - septembre 2023.

* 31 Loi n° 2023-270 du 14 avril 2023 de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2023.

* 32 Décret n° 2023-754 du 10 août 2023 et décret n° 2023-966 du 20 octobre 2023.

* 33 Amendement n°  II-4373, couvert par l'amendement n°  II-4105 du Gouvernement.

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