TROISIÈME
PARTIE :
LES OBSERVATIONS DES RAPPORTEURS SPÉCIAUX
I. L'EMPLOI DES FONDS DES INVESTISSEMENTS STRATÉGIQUES POURRAIT ÊTRE MIS EN MEILLEURE ADÉQUATION AVEC LEUR CADRE DE GESTION EXTRABUDGÉTAIRE
A. LE RENFORCEMENT DE LA CAPACITÉ DE TRANSFORMATION DU PLAN FRANCE 2030 SUPPOSE DE MIEUX CIBLER LES PROJETS SOUTENUS EN PRIORITÉ
1. Les projets soutenus par le plan France 2030 doivent bénéficier d'une aide publique assez substantielle pour faire effet de levier
Dans le sillage de l'objectif consacré par le rapport Investir pour l'avenir43(*), les dépenses publiques engagées dans le cadre du PIA 3 et du plan France 2030 poursuivent un objectif de transformation du tissu productif français. La légitimité de leur gestion extrabudgétaire repose sur la nécessité de préserver la capacité des pouvoirs publics de consacrer une partie de la dépense publique à des projets de long terme qui permettront de renforcer la croissance potentielle et d'accélérer la transition vers des modes de production plus durables.
La possibilité pour une aide publique d'avoir un effet de transformation d'une entreprise, d'une filière ou d'un écosystème repose à la fois sur le ciblage du bénéficiaire de l'aide et sur le montant de l'aide qui doit être suffisamment importante pour produire la transformation recherchée et la diffuser vers d'autres agents économiques qui interagissent avec le bénéficiaire de l'aide.
Il existe à cet égard un risque de dispersion de l'intervention publique qui se traduit par une répartition entre un nombre trop important de bénéficiaires et des montants d'aide qui deviennent insuffisants. Ce risque doit naturellement être mis en perspective avec le risque inverse, qui consisterait à exclure trop de projets du champ d'intervention publique et de ne pas aider ceux qui seraient les plus risqués tout en étant porteurs d'importants effets de transformation.
La détermination d'une doctrine d'intervention équilibrée qui permette un ciblage suffisant pour maximiser l'effet de transformation des investissements est un des enjeux déterminants du succès du plan France 2030.
2. La priorisation et la concentration des aides du plan France 2030 peuvent être améliorées pour éviter le risque de dispersion
Le ciblage des aides publiques versées dans le cadre des investissements stratégiques intervient à plusieurs niveaux.
En premier lieu, pour le volet « dirigé » du plan France 2030, le ciblage repose sur le travail préalable d'identification des objectifs et leviers du plan. Si le dispositif du plan France 2030 distingue dix objectifs et sept leviers, il n'a pas eu pour effet de remettre en cause le ciblage sectoriel sous-jacent qui avait été établi par le SGPI en 2020 à l'occasion du PIA 4 et qui repose sur 23 stratégies nationales d'accélération.
En dépit du fait que le SGPI a mené un travail de correspondance entre les objectifs et les leviers du plan France 2030, d'une part, et les stratégies nationales d'accélération, d'autre part, le nombre de secteurs économiques inclus dans le périmètre du plan est très élevé et soulève des questions sur la capacité réelle du plan à se concentrer exclusivement sur les secteurs susceptibles de produire des effets de transformation du tissu productif. Le fait que le Comité de surveillance des investissements d'avenir (CSIA) estime que 23 % des interventions du plan ont une portée de transformation limitée illustre les risques de dispersion sectorielle des investissements stratégiques44(*).
Source : commission des finances, d'après les données du CSIA
En second lieu, le ciblage des investissements stratégiques suppose également, en ce qui concerne les dispositifs du volet structurel, ou non-dirigé, de concentrer les aides publiques sur un nombre d'acteurs suffisamment restreint pour atteindre les objectifs du plan France 2030, c'est-à-dire de les positionner « non pas seulement en acteur, mais bien en leader de l'économie de demain ».
Or l'analyse des interventions menées par le CSIA illustre le fait que la grande majorité des aides du plan France 2030 correspondent à des montants limités, ce qui est de nature à réduire leur capacité à entraîner un effet de transformation à l'échelle de l'économie française. Il est par exemple à relever que les aides d'un montant inférieur à un million d'euros représente plus de la moitié des lauréats, alors qu'elles correspondent en valeur à moins de 10 % de la capacité d'investissement du plan.
Source : commission des finances, d'après les données du CSIA.
Par conséquent, le ciblage et la concentration des aides versées par le plan France 2030 pourraient être renforcés dans le but d'optimiser l'effet de transformation des dépenses associées.
* 43 cf. Alain Juppé, Michel Rocard, novembre 2009, Investir pour l'avenir. Priorités stratégique d'investissement et emprunt national.
* 44 cf. CSIA, juin 2023, France 2030. Lancement maîtrisé d'un plan d'investissements à impacts majeurs.