EXAMEN EN COMMISSION
Réunie le mercredi 18 octobre 2023, la commission a examiné le rapport de Mme Anne-Catherine Loisier sur le projet de loi n° 20 (2023-2024) portant mesures d'urgence pour lutter contre l'inflation concernant les produits de grande consommation.
Mme Dominique Estrosi Sassone, présidente. - Mes chers collègues, nous passons à l'examen du rapport de Mme Anne-Catherine Loisier sur le projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, portant mesures d'urgence pour lutter contre l'inflation concernant les produits de grande consommation.
Mme Anne-Catherine Loisier, rapporteure. - Madame la présidente, mes chers collègues, nous examinons aujourd'hui, pour la quatrième fois en cinq ans, un texte relatif aux négociations commerciales entre industriels et distributeurs et, déjà, le Gouvernement évoque une réforme de plus grande ampleur pour l'année prochaine ! Ce n'est plus de l'inflation législative, c'est une instabilité juridique permanente à laquelle nous soumettons les entreprises. Or, nous sommes censés vivre dans un ordre juridique fondé sur le triptyque « clarté, stabilité et prévisibilité », que le Conseil Constitutionnel et les acteurs économiques appellent régulièrement de leurs voeux.
Le texte que nous étudions a fait l'objet de nombreuses annonces, souvent contradictoires de la part de l'exécutif. Revente à perte des carburants, moratoire sur l'encadrement des promotions de produits d'hygiène, voire limitation des marges de la grande distribution : les annonces et les rétropédalages se sont succédé.
Aujourd'hui, loin d'opérer une refonte ambitieuse du cadre des négociations commerciales en s'attaquant aux vrais problèmes identifiés de longue date par notre commission, ce texte se borne à avancer de six semaines la date limite de clôture de ces négociations, au nom de la lutte contre l'inflation et du soutien au pouvoir d'achat des Français. Il s'agit de mesures purement dérogatoires, n'ayant vocation à être appliquées qu'un an, pour le prochain cycle de négociations.
Comment ne pas partager l'ambition de desserrer l'étau de l'inflation dans lequel se trouvent nos concitoyens ? Il est vrai que nous sommes dans une situation inédite : alors que l'inflation n'avait dépassé les 2 % qu'à quatre reprises depuis quinze ans, elle a atteint 6 % en février dernier et oscille depuis entre 4 % et 5 %.
Le Gouvernement ne sait donc pas comment s'attaquer à l'inflation et à la baisse du pouvoir d'achat des Français. Nous voici face à un texte modeste, qui, de l'aveu même du Gouvernement, n'agit que de manière très indirecte sur le pouvoir d'achat des Français, en reportant une fois de plus sur nos industriels, pour beaucoup des PME, la responsabilité de baisses de prix qui tardent à arriver.
Au terme des auditions que j'ai menées, avec la participation de mes collègues Antoinette Guhl et Daniel Gremillet, se dégage, une fois n'est pas coutume, un consensus entre industriels et distributeurs quant aux effets modestes, voire, pour les plus pessimistes, contre-productifs, de l'avancement des dates de négociations commerciales sur l'inflation.
Je partage leurs réserves.
Pour justifier sa mesure, le Gouvernement se fonde sur une baisse récente du cours des matières premières. Ce constat doit être nuancé.
Si, de manière globale, le prix des matières premières agricoles tend à décroître, toutes ne connaissent pas cette baisse, à l'instar du prix du lait, de l'huile d'olive, du sucre ou du cacao, qui constituent l'essentiel de la matière première de nombreux produits du quotidien des Français.
Du côté des matières premières industrielles, on observe également de nombreuses baisses, mais, là aussi, le constat est à nuancer, puisque les prix de l'énergie sont de nouveau en augmentation depuis le mois d'août, tandis que les salaires sont aussi en hausse, portés par l'augmentation bien légitime du Smic de près de 10 % depuis début 2022.
À cela devrait s'ajouter un effet de rattrapage sur les matières premières, agricoles comme industrielles : lors des derniers cycles de négociations, toutes les hausses de coûts agricoles et industriels n'avaient pas été répercutées dans les tarifs octroyés aux fournisseurs. Le Gouvernement semble en avoir conscience, puisque l'exposé des motifs du projet de loi initial mentionne que les baisses de prix pourraient être minorées par « la dynamique des coûts salariaux et par de probables comportements de reconstitution des marges des distributeurs ».
Enfin, il faut garder en tête que nous sommes désormais dans un contexte d'inflation structurelle et exogène, où la forte volatilité des cours des intrants est alimentée par des crises internationales.
Au-delà des incertitudes pesant sur les effets de ce texte, je m'interroge : est-il tenable, et souhaitable, de modifier le calendrier des négociations commerciales à chaque variation du cours des matières premières ?
Nous le savons, l'instabilité législative est source de complexités et d'insécurité pour nos entreprises : dans le cas présent, il leur a fallu se préparer dans l'urgence à l'envoi de leurs conditions générales de vente de manière anticipée, sans certitude sur le calendrier exact qui sera finalement retenu par le législateur. Je pense notamment à nos coopératives agricoles, entreprises du temps long, qui ne peuvent se soumettre à des logiques de court terme basées sur la fluctuation de marchés mondiaux ne reflétant pas la structuration de leurs coûts.
Plus largement, le contexte inflationniste actuel, caractérisé par la volatilité des cours, met notre système de négociations, unique en Europe, face à ses limites. Certes, nous disposons d'instruments censés lutter contre l'obsolescence des prix négociés : ce sont les clauses de révision et de renégociation automatiques du prix, dont le Sénat avait d'ailleurs étendu le champ lors de l'examen de la loi Egalim 3 en mars dernier. Malheureusement, ces clauses sont insuffisamment appliquées : c'est pour cela qu'à l'été 2022, puis à l'été 2023, lorsque le cours des matières premières a connu une forte hausse, puis une forte baisse, les industriels et les distributeurs ont été invités par le Gouvernement à revenir à la table des négociations. C'est aussi en partie pour cela que nous examinons aujourd'hui ce texte.
Toutes ces réserves auraient pu justifier un rejet. Toutefois, dans notre procédure parlementaire, un rejet donne carte blanche à l'Assemblée nationale pour reprendre son texte. C'est pourquoi, dans le souci de protéger les entreprises de notre territoire - très petites entreprises (TPE), PME et entreprises de taille intermédiaire (ETI) - contraintes de mener des négociations dans l'urgence dans un contexte de rapport de force qui ne leur est pas favorable si le texte reste en l'état, je vous propose plutôt de l'amender.
Le projet de loi initial prévoyait en effet d'avancer la date butoir des négociations commerciales au 15 janvier, seulement pour les entreprises de plus de 150 millions d'euros de chiffre d'affaires. Cela revenait à laisser nos PME négocier après les grands groupes. Or, chaque année, les plus petites entreprises négocient de manière anticipée, souvent avant le 31 décembre, sur la base de chartes négociées avec la grande distribution. Ces négociations anticipées leur garantissent un accès au « linéaire », c'est-à-dire un bon référencement, en évitant de « se partager les miettes » des grands groupes qui emplissent les rayons de multiples références.
Les députés ont partiellement rectifié cette erreur en créant une première salve de négociations se terminant le 31 décembre pour les entreprises dont le chiffre d'affaires est inférieur à 350 millions d'euros, et une seconde jusqu'au 15 janvier pour les entreprises dont le chiffre d'affaires est supérieur à 350 millions d'euros.
J'ai souhaité conserver le principe d'une différenciation des périodes de négociation, gage de protection pour nos PME. Toutefois, il est indispensable de modifier les dates figurant dans le texte actuel : la date butoir du 31 décembre 2023 constitue un véritable goulot d'étranglement. Elle est intenable pour les distributeurs, sommés de conclure plus de 4 000 contrats à faible échéance : cela nuit à la qualité même des négociations. Elle pourrait également être lourde de conséquences pour les PME et ETI qui encourent des amendes jusqu'à un million d'euros en cas de non-respect de la date limite de clôture des négociations.
En résumé, je vous propose un certain nombre d'améliorations.
Tout d'abord, afin d'éviter un phénomène d'engorgement, très préjudiciable aux PME que nous entendons justement protéger, je vous propose un amendement remplaçant les dates du 31 décembre et du 15 janvier par, respectivement, celles du 15 janvier et du 31 janvier. Cela permettra à nos nombreuses PME et ETI de négocier avec la grande distribution dans des délais plus courts, mais plus réalistes, qui n'obèrent pas la qualité de ces négociations. Je sais que certains d'entre vous, et c'est d'ailleurs aussi l'avis du Gouvernement, souhaiteraient un système de chartes, à l'image de ce qui fonctionne actuellement, mais uniquement pour les PME jusqu'à 50 millions de chiffre d'affaires. Selon la Fédération des entrepreneurs de France (FEEF), seuls 24 % de leurs adhérents clôturent leurs négociations au 31 décembre sur la base de ces chartes chaque année. Autrement dit, ce système de chartes laisse de côté de nombreuses PME et ETI de nos territoires. Dans le contexte actuel de tension, le projet de loi tend à sécuriser cette phase de négociation en inscrivant cette différenciation de dates dans la loi.
Outre les dates, le seuil de chiffre d'affaires introduit à l'Assemblée nationale crée également une incertitude pour nos PME. Je vous propose donc de préciser ce seuil afin que seul soit pris en compte le chiffre d'affaires consolidé, lorsqu'il existe. Cette précision vise à éviter que de grandes multinationales réalisant en France un chiffre d'affaires inférieur à 350 millions d'euros ne se glissent parmi nos PME et ETI lors de la phase anticipée de négociations.
Par ailleurs, ce projet de loi entend lutter contre l'inflation des produits de grande consommation « dans la grande distribution ». Or, en l'état, il s'applique à une multitude de magasins spécialisés proposant des produits de grande consommation, comme les parfumeries ou les salons de coiffure, ce qui n'est pas la vocation du texte. Je vous propose donc de recentrer l'avancement des négociations commerciales sur les grandes surfaces, tout en y réintroduisant les officines de pharmacie, retirées à tort du texte par l'Assemblée nationale, car elles sont effectivement en situation de concurrence directe avec la grande distribution pour des produits comme les pansements, les cosmétiques, les produits d'hygiène, etc. En effet, les enseignes disposent aujourd'hui de larges rayons « parapharmacies ».
Enfin, je vous propose un amendement visant à redonner la main aux préfets dans le cadre des négociations du bouclier qualité-prix dans nos territoires ultramarins. Un amendement de l'Assemblée nationale appliquait l'avancement de la date butoir au bouclier qualité-prix, alors que la date limite de conclusion de ce bouclier est fixée par un décret. Cela relève donc du domaine réglementaire. La négociation de ce bouclier suit par ailleurs un processus spécifique, qui passe par une saisine de l'observatoire des prix et des revenus territorialement compétent, puis par un dialogue entre préfet, distributeurs et fournisseurs. Je pense qu'il serait risqué de transposer le dispositif que nous examinons actuellement pour le territoire hexagonal à nos territoires ultramarins sans prendre en compte leurs spécificités et sans laisser le temps aux acteurs locaux de mener les consultations nécessaires. En revanche, le Gouvernement doit modifier le décret fixant la date butoir ou prendre attache avec les préfets afin qu'ils mettent tout en oeuvre pour que ces négociations soient menées rapidement, de sorte que les baisses de tarifs, s'il y en a, se traduisent rapidement dans les prix en rayon dans l'outre-mer comme dans l'hexagone.
En guise de conclusion, je souhaite vous rappeler un principe simple : comme le disait le président du Sénat lors de l'ouverture de la session ordinaire, « méfions-nous des lois de pulsion ». Pour moi, ce projet de loi entre dans cette catégorie, mais il fait aussi courir des risques aux entreprises de nos territoires, ce qui justifie que notre commission s'en saisisse pleinement. Ce texte ne répond aucunement aux véritables enjeux, qui demeurent et même grandissent en matière de négociations commerciales entre fournisseurs et distributeurs.
Les centrales d'achat basées à l'étranger, de plus en plus nombreuses, permettent aux distributeurs de s'affranchir du cadre des lois Egalim, protecteur pour l'amont agricole, et d'adopter des pratiques abusives à l'égard de fournisseurs français. Or, nous l'avons rappelé lors de l'examen de la loi Egalim 3 en mars dernier : tout contrat visant des produits commercialisés sur le sol français doit se voir appliquer le cadre français des négociations commerciales et les sanctions qu'il prévoit.
Par ailleurs, les marges des industriels comme des distributeurs doivent faire l'objet d'une évaluation. À ce sujet, les attaques et les invectives sont nombreuses. D'un côté, les industriels sont critiqués pour avoir reconstitué leurs marges après dix années de déflation. De l'autre, les distributeurs sont accusés d'avoir augmenté leurs marges sur les produits de marque nationale pour compenser les baisses de prix sur les produits de « marque de distributeur » (MDD). Sur tous ces points, l'opacité règne encore et exige un engagement plus ferme de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) pour nous éclairer sur la formation des prix.
À cet égard, l'article 2 de ce projet de loi, introduit par amendement additionnel des députés, commande un rapport au Gouvernement sur l'effet de l'avancement des négociations commerciales sur les prix et les marges dans la grande distribution, ainsi que sur le partage de la valeur. Je vous propose de conserver cette demande de rapport, qui nous permet de rappeler au Gouvernement que le Parlement n'a toujours pas reçu le rapport sur les effets du seuil de revente à perte + 10 %, qui devait être remis le 1er octobre dernier.
Ce sont des pratiques sur lesquelles nous devons faire la lumière avant de mener une éventuelle refonte plus structurelle de l'organisation des négociations commerciales, que le Gouvernement semble appeler de ses voeux. Notre comité de suivi Egalim, présidé par Daniel Gremillet, est déjà largement engagé dans ce travail. Nous sommes une exception en Europe et nous n'avons toujours pas trouvé la bonne recette pour aboutir à des négociations apaisées malgré un cadre certes protecteur, mais aussi rigide et complexe.
Ce projet de loi n'apporte pas de solutions et n'apportera vraisemblablement pas ou peu d'améliorations dans la lutte contre l'inflation. Toutefois, j'ose espérer qu'avec les modifications que nous lui apporterons, nous éviterons qu'il ne fasse échec à la protection de nos PME, qui sont les emplois et l'attractivité de nos territoires.
M. Jean-Claude Tissot. - Pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, ce texte devrait être présenté comme une loi Egalim 4, afin d'insister sur les échecs répétés du Gouvernement en la matière.
Nous pensons qu'il s'agit d'une rustine législative qui n'a aucune ambition de réformer en profondeur les négociations commerciales. La principale mesure est l'avancement des dates butoirs, ce qui n'aura aucun effet. Dans le contexte inflationniste que nous connaissons, il risque même de renforcer la pression sur les prix agricoles au détriment de nos agriculteurs.
En revanche, nous sommes favorables aux amendements de Mme la rapporteure sur la différenciation et le décalage des dates en fonction du chiffre d'affaires, ainsi que sur la prise en compte du chiffre d'affaires consolidé dans ce cadre.
Enfin, nous estimons également que l'application de ce texte au bouclier qualité-prix dans les outre-mer serait un bien mauvais message envoyé à nos compatriotes ultramarins.
M. Franck Menonville. - Nous partageons l'essentiel du rapport de Mme la rapporteure. Ce texte nous paraît inutile tant ses effets semblent aléatoires. Nous craignons même qu'il ne soit défavorable à nos TPE, PME et ETI.
En tout état de cause, il a peu de chances d'avoir un quelconque effet sur l'inflation, surtout dans le contexte géopolitique actuel. En fait, il ne semble avoir été fait que pour servir la communication personnelle du ministre de l'économie.
L'instabilité juridique permanente perturbe fortement les acteurs économiques. Elle est même contre-productive.
Mme Antoinette Guhl. - Nous avons le sentiment d'une dissonance entre le titre du projet de loi et son contenu. Le titre ne peut que nous satisfaire : « projet de loi portant mesures d'urgence pour lutter contre l'inflation concernant les produits de grande consommation ». En effet, les Français ne peuvent plus se nourrir, se chauffer, partir en vacances. En revanche, le contenu du texte ne peut que susciter une immense déception. On aurait pu s'attendre à la mise en place d'un encadrement des marges, d'une taxation des superprofits, d'une sécurité sociale alimentaire. Au lieu de cela, on nous propose juste une modification de dates qui n'aura qu'un effet nul, voire négatif.
Le seul point intéressant à nos yeux réside dans la différenciation entre petites et grandes entreprises. Le fait de négocier avant les multinationales permettra aux TPE, PME et ETI d'accéder plus facilement au linéaire.
Nous ne sommes pas non plus contre le raccourcissement du temps de négociation. C'est autant de temps de gagné pour les petits patrons, qui ont bien d'autres choses à faire au quotidien pour faire tourner leur entreprise.
Enfin, nous sommes évidemment favorables à la prise en compte du chiffre d'affaires consolidé, même si nous savons bien que les grandes entreprises arrivent toujours à filouter.
Mme Marianne Margaté. - Nous attendions beaucoup de ce texte, qui accouche finalement d'une souris. C'est dommage vu le contexte actuel, dans lequel la précarité alimentaire est une angoisse permanente pour nos concitoyens. L'aspect dérisoire de ce projet de loi pourrait même apparaître comme une insulte qui leur est faite...
Quid de la transparence des marges, de la déréglementation ? Que fait l'État ? Il est dans le laissez-faire.
Nous soutiendrons les amendements de Mme la rapporteure.
M. Laurent Duplomb. - Ce projet de loi est l'oeuvre d'un ministre de l'économie qui communique pour rattraper son retard sur le ministre de l'intérieur.
Si ce texte est voté, il y aura non pas de la déflation, mais bel et bien une poursuite du phénomène inflationniste. Il faut savoir que les entreprises n'ont pu récupérer que 67 % des hausses de charges qu'elles ont eu à subir au cours des deux dernières années. Comment croire qu'elles vont travailler à perte pour faire plaisir au ministre de l'économie ?
Ensuite, j'y vois des injonctions contradictoires : d'un côté, on noie les entreprises avec des normes, des formulaires, des règles, et, de l'autre, on leur demande de négocier plus vite. À cet égard, je propose de fixer la date butoir au 31 janvier pour tout le monde.
À mon sens, la différenciation est une fausse bonne idée. Les distributeurs s'efforceront d'être durs dans leurs premières négociations avec les PME pour garder des marges de manoeuvre pour leurs négociations, plus difficiles, avec les grands groupes comme Coca-Cola ou Nestlé. On aboutira au résultat inverse de celui qui est recherché. Madame la rapporteure, j'accepterai de retirer mon amendement si nous décidons de laisser le choix de la date à nos PME.
M. Daniel Gremillet. - Ce texte est vraiment un piège, mais nous sommes obligés de l'adopter, tout en le modifiant, pour ne pas laisser toute l'initiative à l'Assemblée nationale.
Le mois de décembre représente 30 % du chiffre d'affaires annuel dans certains secteurs : les chefs d'entreprise auront autre chose à faire que d'aller négocier pendant cette période.
Aujourd'hui, j'ai l'impression de ne pas pouvoir faire correctement mon travail de législateur au service de nos concitoyens et de nos producteurs.
Le Gouvernement nous éloigne du sujet principal : l'assiette des Français est de moins en moins remplie avec des produits français et de plus en plus avec des produits importés. Il faut aussi savoir que ce texte ne concerne que 50 % de ce qui entre dans la composition de nos assiettes : il ne concerne que les produits de marques nationales et non les produits de marques de distributeur (MDD) ! Depuis la première loi Egalim, nous n'avons cessé de renforcer les MDD au détriment des marques issues de nos territoires.
Comme l'a dit un orateur précédent, on a l'impression d'un Egalim 4, et le ministre nous annonce déjà pour les prochains mois un Egalim 5, un Egalim 6... mais j'avais prédit tout cela lors de l'examen de la loi Egalim 1 !
Je rejoins Laurent Duplomb sur la différenciation. Jusqu'alors il n'y en avait pas et tout se passait bien. Je ne suis pas sûr que cette mesure soit protectrice.
Enfin, les nouveaux prix s'appliqueront au 1er février, contre le 1er mars auparavant. Cela complique la vie des entreprises.
M. Alain Chatillon. - Le problème de l'agroalimentaire est l'énergie, dont le coût a été multiplié par huit ou neuf en deux ans.
De grandes entreprises internationales qui ne paient pas d'impôts en France proposent des MDD aux distributeurs. C'est autant de chiffre d'affaires que les TPE, PME et ETI ne font pas. Il faut faire en sorte qu'elles le récupèrent.
M. Olivier Rietmann. - Ce texte est la manifestation du bon vouloir du ministre de l'économie, qui lance depuis des mois des idées qui ne fonctionnent pas, comme la revente à perte.
Je suis convaincu que ce projet de loi va entraîner une hausse des prix. D'ailleurs, où est l'étude d'impact ?
Les entreprises ne recherchent rien d'autre qu'un cadre juridique stable et ce type d'initiative les perturbe.
J'étais hier avec des industriels de la viande qui m'ont expliqué que les coûts du porc baissaient, par exemple, mais que les distributeurs allaient faire en sorte de reconstituer leurs marges, même en vendant un peu moins cher. Les perdants seront les consommateurs et les producteurs.
Les industriels tiennent quand même à la différenciation, même s'ils ne sont pas emballés par ce projet de loi.
Mme Evelyne Corbière Naminzo. - Le bouclier qualité-prix fonctionne très bien à La Réunion depuis 2012. Nous connaissons un phénomène préoccupant de vie chère, même si l'inflation est moins forte. Le bouclier est maintenu à 348 euros depuis trois ans. Nous ne voulons pas que ce changement de date vienne fragiliser un dispositif qui fonctionne.
L'observatoire des prix, des marges et des revenus (OPMR) d'outre-mer pointe surtout un manque de transparence sur les prix et les marges.
Enfin, n'oublions pas que l'inflation ne touche pas que l'alimentation.
M. Vincent Louault. - En découvrant ce texte, à peine deux semaines après mon arrivée au Sénat, j'ai pensé qu'il s'agissait d'un bizutage. Le ministre de l'économie ferait mieux de s'occuper du prix de l'énergie. Je ne manquerai pas de le lui faire savoir en séance publique.
Mme Dominique Estrosi Sassone, présidente. - Effectivement, ce projet de loi n'est ni fait ni à faire. Il illustre bien la politique erratique du Gouvernement en matière de soutien au pouvoir d'achat.
Mme Anne-Catherine Loisier, rapporteure. - Le Sénat dans son ensemble doit dénoncer cette initiative inopportune du Gouvernement.
Rappelons que le bouclier qualité-prix est du domaine réglementaire et doit le rester.
Nous partageons ce sentiment d'être pris au piège, mais il faut que le Sénat mette sa patte sur ce texte pour essayer de limiter les dégâts.
En ce qui concerne la différenciation, plusieurs hypothèses sont sur la table, comme l'a dit Laurent Duplomb. Néanmoins, le choix que vous appelez de vos voeux, c'est-à-dire une date facultative, serait à mon sens un nouvel outil de pression des distributeurs sur les petites entreprises. Faisons confiance à la créativité de tous les acteurs de la chaîne pour contourner les dispositifs. Je pense que le rapport sollicité dans le texte nous permettra de faire un bilan assez rapidement, ce texte ne devant s'appliquer que pendant un an. C'est une forme d'expérimentation.
EXAMEN DES ARTICLES
Mme Anne-Catherine Loisier, rapporteure. - Mon amendement COM-5 vise à modifier le champ d'application du texte en le restreignant à la grande distribution et aux pharmacies.
L'amendement COM-5 est adopté.
Mme Anne-Catherine Loisier, rapporteure. - Mon amendement COM-8 a pour objet de fixer les dates butoirs de négociation au 15 janvier pour les PME et ETI et au 31 janvier pour les grandes entreprises.
Les amendements identiques COM-2 et COM-3 visent à fixer une date unique de clôture des négociations commerciales au 31 janvier 2024.
M. Franck Menonville. - Je retire l'amendement COM-2.
M. Laurent Duplomb. - Ce que je voudrais, c'est qu'on laisse le choix aux entreprises, sachant qu'il y a une incertitude sur les résultats de cette mesure. Je retire mon amendement COM-3, mais je vous demande de bien y réfléchir d'ici à l'examen du texte en séance publique.
Les amendements COM-2 et COM-3 sont retirés.
L'amendement COM-8 est adopté.
Mme Anne-Catherine Loisier, rapporteure. - Mon amendement COM-7 a pour objet d'apporter une précision sur le seuil de chiffre d'affaires, qui doit s'entendre comme le chiffre d'affaires consolidé lorsque celui-ci existe. S'il est adopté, l'amendement COM-1 sera satisfait.
M. Franck Menonville. - Je le retire.
L'amendement COM-1 est retiré.
L'amendement COM-7 est adopté.
Mme Anne-Catherine Loisier, rapporteure. - L'amendement COM-4 tend à renforcer les sanctions applicables en cas de non-respect de la date butoir des négociations commerciales. J'y suis favorable.
M. Laurent Duplomb. - Je vise les centrales d'achat internationales.
L'amendement COM-4 est adopté.
L'article 1er est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.
Article 2 (nouveau)
L'article 2 est adopté sans modification.
Le projet de loi est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.
Mme Dominique Estrosi Sassone, présidente. - Mes chers collègues, pour ce qui concerne les amendements de séance publique, en application des articles 45 de la Constitution et 44 bis du règlement du Sénat, sont susceptibles de présenter un lien, même indirect, avec le texte déposé les dispositions relatives à l'encadrement temporel des négociations commerciales annuelles entre fournisseurs de produits de grande consommation et distributeurs pour le cycle de négociations 2023-2024, au champ des entreprises concernées par ce calendrier dérogatoire, à l'articulation de ces dispositions dérogatoires avec les conventions en cours et avec les dispositions du code de commerce régissant les relations commerciales, aux sanctions applicables à ce cycle de négociations en cas de non-respect des règles régissant le calendrier de la négociation commerciale et aux juridictions compétentes pour l'application de ces dispositions.
Le sort des amendements examinés par la commission est retracé dans le tableau suivant :
Article 1er |
|||
Auteur |
N° |
Objet |
Sort de l'amendement |
Mme LOISIER, rapporteure |
5 |
Modification du champ d'application du texte en le restreignant à la grande distribution et aux pharmacies. |
Adopté |
Mme LOISIER, rapporteure |
8 |
Fixation des dates butoirs de négociation au 15 janvier pour les PME et ETI et au 31 janvier pour les grandes entreprises. |
Adopté |
M. MENONVILLE |
2 |
Fixation d'une date unique de clôture des négociations commerciales au 31 janvier 2024. |
Retiré |
M. DUPLOMB |
3 |
Fixation d'une date unique de clôture des négociations commerciales au 31 janvier 2024. |
Retiré |
Mme LOISIER, rapporteure |
7 |
Précision du seuil de chiffre d'affaires déterminant les dates de négociations afin de prendre en compte le chiffre d'affaires consolidé lorsqu'il existe. |
Adopté |
M. MENONVILLE |
1 |
Prise en compte du chiffre d'affaires consolidé ou combiné pour la détermination du seuil des entreprises négociant de manière anticipée. |
Satisfait ou sans objet |
Mme LOISIER, rapporteure |
6 |
Exclusion du bouclier qualité-prix en outre-mer du dispositif d'avancement de la date butoir des négociations commerciales. |
Adopté |
M. DUPLOMB |
4 |
Renforcement des sanctions applicables en cas de non-respect de la date butoir des négociations commerciales. |
Adopté |