EXAMEN DES ARTICLES
TITRE IER :
RENFORCER LE DIALOGUE SOCIAL
SUR LES CLASSIFICATIONS
Article 1er
Négociation de branche visant à
réviser les classifications
Cet article propose qu'une négociation en vue de l'examen de la nécessité de réviser les classifications soit ouverte avant le 31 décembre 2023 au sein des branches n'ayant pas procédé à cet examen depuis plus de cinq ans.
La commission a adopté cet article en supprimant la possibilité que la négociation s'engage à la demande d'une organisation syndicale représentative à défaut d'initiative de la partie patronale.
I - Le dispositif proposé
Les classifications permettent d'organiser, au sein d'une branche professionnelle, les différents types d'emplois en catégories, selon la nature des emplois, le niveau de qualification requis ou encore les tâches confiées aux salariés. À ces catégories sont associés des niveaux de rémunération, calculés par un système de points ou de coefficients. Les entreprises se réfèrent ainsi aux grilles de classification de la branche dont ils relèvent pour déterminer les salaires, hiérarchiser les postes et organiser le déroulement des carrières.
Les classifications de branche ne sont pas définies par le code du travail et la méthode de classification des emplois peut varier d'une branche à une autre, selon les spécificités des secteurs d'activité.
Les branches professionnelles ont toutefois pour obligation de définir une classification afin que leurs conventions collectives soient étendues. L'article L. 2261-22 du code du travail prévoit ainsi que pour pouvoir être étendue, une convention de branche doit contenir des clauses portant notamment sur « les éléments essentiels servant à la détermination des classifications professionnelles et des niveaux de qualification » et sur « le salaire minimum national professionnel des salariés sans qualification et l'ensemble des éléments affectant le calcul du salaire applicable par catégories professionnelles, ainsi que les procédures et la périodicité prévues pour sa révision4(*). »
En matière de classification, les stipulations des conventions de branche priment sur l'accord d'entreprise et sur le contrat de travail, sauf stipulations plus favorables5(*). L'employeur est donc tenu de se conformer à la classification de la convention collective qui lui est applicable en prenant en compte les fonctions réellement exercées par le salarié6(*).
Les conventions collectives de branche comportent ainsi des grilles de classification des emplois au sein de la branche et précisent la méthodologie de hiérarchisation des emplois et de calcul des salaires selon le niveau de responsabilité et de qualification.
À titre d'illustration, sont reproduits ci-après des extraits des stipulations de la convention collective nationale de l'architecture relatives à la classification.
Objectifs et spécificités de la
grille de classification définie
dans la convention collective
nationale des entreprises d'architecture
Article V. 1.1 de la convention collective nationale des entreprises d'architecture du 27 février 2003, modifié par l'avenant du 14 décembre 2017 relatif à la classification
Objectifs et spécificités de la nouvelle grille de classification
Les objectifs essentiels de la présente classification à critère classant sont les suivants :
- favoriser l'emploi et l'évolution de carrière du salarié en valorisant les compétences qu'il acquiert ;
- inciter au recours à la formation professionnelle ;
- reconnaître et prendre en compte la polyvalence ;
- définir le niveau de qualification du salarié dans son emploi, pour adapter au mieux son classement pour un poste donné ;
- valoriser les métiers.
La nouvelle grille de classification propose un classement des emplois existants dans la branche.
Elle définit cinq filières :
- filière 1 : emplois de conception en architecture ;
- filière 2 : emplois de conception spécialisés (urbanisme, architecture d'intérieur, paysage, conception scénographique, design ...) ;
- filière 3 : emplois de conception techniques (ingénierie, économie ...) ;
- filière 4 : administration et gestion (administration, gestion, relations clients ...) ;
- filière 5 : entretien et maintenance (technique, informatique ...).
Les cinq filières sont à consulter à l'article V. 1.10.
Chacune de ces filières est divisée en catégories d'emploi et chaque catégorie d'emploi comporte un ou deux niveaux.
Chacune de ces filières est plus ou moins spécialisée, mais contient des typologies d'emploi faisant appel à des savoirs et savoir-faire spécifiques.
Grille de classification des emplois de conception en architecture établie par la convention collective des entreprises d'architecture (extrait)
Source : Convention collective nationale des entreprises d'architecture du 27 février 2003 (avenant du 14 décembre 2017 relatif à la classification)
Afin que les grilles de classification s'adaptent aux évolutions des métiers, des qualifications et des rémunérations, le code du travail impose aux branches professionnelles d'examiner au moins une fois tous les cinq ans la nécessité de réviser les classifications.
Article L. 2241-15 du code du travail
Les organisations liées par une convention de branche ou, à défaut, par des accords professionnels se réunissent, au moins une fois tous les cinq ans, pour examiner la nécessité de réviser les classifications.
Ces négociations prennent en compte l'objectif d'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes et de mixité des emplois.
Lorsqu'un écart moyen de rémunération entre les femmes et les hommes est constaté, les organisations liées par une convention de branche ou, à défaut, par des accords professionnels font de sa réduction une priorité.
À l'occasion de l'examen mentionné au premier alinéa, les critères d'évaluation retenus dans la définition des différents postes de travail sont analysés afin d'identifier et de corriger ceux d'entre eux susceptibles d'induire des discriminations entre les femmes et les hommes et afin de garantir la prise en compte de l'ensemble des compétences des salariés.
Malgré cette obligation faite aux branches, les classifications conventionnelles sont peu fréquemment actualisées, compte tenu de la complexité du processus d'actualisation des classifications. Cet exercice suppose notamment d'évaluer les mutations économiques d'un secteur d'activité, leur conséquences sur le travail et l'évolution des métiers.
Les services du ministère du travail ont ainsi indiqué7(*) que ces évolutions imposent l'élaboration d'un système de classement à la fois lisible, équitable et attractif, la promotion des déroulements de carrière et la valorisation de la formation professionnelle. Par ailleurs, lors d'une refonte de la grille de classification, les partenaires sociaux se fixent généralement comme principe que la nouvelle hiérarchie n'entraîne pas de perte de revenus pour les salariés, ce qui n'est pas sans impact sur la masse salariale globale.
En outre, il est à noter que le code du travail n'impose pas aux branches de réviser leurs classifications, mais simplement d'examiner, tous les cinq ans, la nécessité de réviser les classifications.
Selon l'étude d'impact du projet de loi8(*), au 5 avril 2023, 35 % des 171 branches suivies par le ministère du travail, couvrant plus de 5 000 salariés, ont révisé leurs grilles de classification durant ces cinq dernières années mais seulement 13,5 % d'entre elles ont procédé à une refonte totale de leurs grilles de classification. Parmi les branches du secteur général :
- 65 % n'ont pas révisé leurs grilles de classification depuis plus de cinq ans.
- 46 % n'ont pas révisé leurs grilles de classification depuis plus de dix ans ;
- 13 % n'ont pas révisé leurs grilles de classification depuis plus de vingt ans.
Dans ce contexte, les signataires de l'accord national interprofessionnel du 10 février 2023 ont souhaité que les branches qui n'avaient pas procédé à l'examen de la nécessité de réviser leurs classifications depuis plus de cinq ans, comme le prévoit l'article L. 2241-15 du code du travail, engagent une discussion sur l'opportunité de réviser leur classification avant la fin de l'année 2023.
Article 3 de l'accord national interprofessionnel du 10 février 2023
Les classifications sont un levier important dans la valorisation des parcours des salariés et de reconnaissance des qualifications : fort d'un principe de classement objectif, elles favorisent une meilleure lisibilité des possibilités de progression professionnelle des salariés au sein de l'entreprise. Elles peuvent ainsi contribuer à l'évolution de leur rémunération.
Les grilles de classification sont également des outils essentiels pour accompagner l'entreprise dans l'organisation du déroulement de carrière des salariés, notamment dans les PME et les TPE.
Il est rappelé que les organisations liées par une convention de branche, ou à défaut, par des accords professionnels se réunissent, au moins une fois tous les 5 ans pour examiner la nécessité de réviser les classifications, en prenant en compte l'objectif d'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes et de mixité des emplois.
Les organisations signataires demandent aux partenaires sociaux dans les branches n'ayant pas procédé à cet examen depuis plus de 5 ans d'engager une discussion sur l'opportunité de réviser leur classification avant la fin de l'année 2023.
Poursuivant l'objectif de transposer l'article 3 de l'ANI, le présent article prévoit qu'une négociation en vue de l'examen de la nécessité de réviser les classifications en prenant en compte l'objectif d'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes et de mixité des emplois est ouverte avant le 31 décembre 2023 au sein des branches n'ayant pas procédé à cet examen depuis plus de cinq ans.
II - Les modifications adoptées par l'Assemblée nationale
? En commission, les députés ont adopté cet article sans modification.
? En séance publique, les députés ont adopté un amendement de M. Matthias Tavel visant à ce que la négociation en vue de l'examen de la nécessité de réviser les classifications permette d'assurer l'égalité professionnelle et d'améliorer la mixité des emplois, alors que ces enjeux ne devaient être, dans la rédaction initiale, que « pris en compte ».
Un amendement de M. Michel Castellani a également été adopté : il prévoit qu'à défaut d'initiative de la partie patronale, la négociation s'engage dans les quinze jours suivant la demande d'une organisation syndicale représentative dans la branche.
L'Assemblée nationale a adopté cet article ainsi modifié.
III - La position de la commission
? Dans un contexte d'inflation, de tensions de recrutement dans de nombreux secteurs d'activité et d'évolution du marché du travail, les classifications de branche revêtent une importance particulière. Disposer de grilles de classification actualisées et adaptées aux réalités du marché du travail permet de favoriser l'attractivité des métiers, notamment par l'évolution des rémunérations, de mieux valoriser les parcours professionnels et d'accompagner les entreprises dans leur gestion des ressources humaines.
C'est à ce titre que les signataires de l'accord national interprofessionnel ont rappelé, à l'article 3 de l'accord, que les branches sont tenues d'examiner au moins tous les cinq ans la nécessité de réviser leurs classifications et qu'ils ont demandé aux branches n'ayant pas respecté cette obligation de s'y conformer avant la fin de l'année 2023.
Le rapporteur partage pleinement les objectifs poursuivis par les signataires de l'ANI. Si le code du travail prévoit déjà que les branches doivent examiner au moins tous les cinq ans la nécessité de réviser leurs classifications, le présent article impose à celles qui n'ont pas procédé à cet examen depuis plus de cinq ans d'ouvrir à cette fin une négociation avant le 31 décembre 2023.
Le rapporteur soutient donc le dispositif proposé, qui assure une transposition fidèle des stipulations de l'accord et qui imposera aux branches de se saisir à court terme de l'enjeu des classifications.
? Toutefois, le rapporteur considère que les modifications apportées par l'Assemblée nationale s'écartent des stipulations de l'ANI.
D'une part, ni l'article L. 2241-15 du code du travail relatif aux classifications ni les stipulations de l'ANI ne prévoient qu'à défaut d'initiative de la partie patronale, la négociation s'engage dans les quinze jours suivant la demande d'une organisation syndicale représentative dans la branche.
D'autre part, ce même article L. 2241-15 prévoit que les négociations « prennent en compte l'objectif d'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes et de mixité des emplois ». Cette prise en compte est rappelée à l'article 7 de l'ANI. Il convient donc que le présent article reprenne ces termes, comme le prévoyait sa rédaction initiale.
En conséquence, le rapporteur a proposé de rétablir la rédaction initiale du présent article par les amendements COM-11 et COM-12, que la commission a adoptés.
La commission a adopté cet article ainsi modifié.
Article 1er
bis
Bilan de l'action des branches en faveur de la mixité des
emplois
Cet article propose que les branches professionnelles établissent, avant le 31 décembre 2024, un bilan de leur action en faveur de la promotion et de l'amélioration de la mixité des emplois.
La commission a supprimé cet article.
I - Le dispositif adopté par l'Assemblée nationale
? Les signataires de l'accord national interprofessionnel du 10 février 2023 ont tenu à rappeler les outils à la disposition des acteurs du dialogue social en faveur de l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes.
L'article 4 de l'ANI énumère ainsi les obligations de négociation sur l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes posées par le code du travail, tant au niveau de la branche que de l'entreprise, et prévoit que « afin d'avancer sur les questions d'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes, les branches professionnelles lanceront, en lien avec leurs observatoires prospectifs des métiers et des qualifications de branche ou inter-branches lorsqu'ils existent, des travaux sur la mixité de leurs métiers pour favoriser une représentation équilibrée des femmes et des hommes dans l'ensemble des métiers de leur champ, afin d'accompagner les entreprises de leur secteur pour mieux prendre en compte ces enjeux. Les organisations signataires considèrent qu'il convient d'apprécier les niveaux de rémunérations au regard non seulement des classifications mais aussi des métiers repères. »
? Le présent article entend transposer dans la loi cet article 4 de l'ANI. Il a été introduit par l'adoption de trois amendements identiques de Mmes Michèle Peyron, Anne Bergantz et M. François Gernigon lors de l'examen du projet de loi en commission. Il a été modifié en séance publique par deux amendements rédactionnels du rapporteur.
Il dispose que les organisations liées par une convention de branche ou, à défaut, par des accords professionnels établissent, avant le 31 décembre 2024, un bilan de l'action de la branche en faveur de la promotion et de l'amélioration de la mixité des emplois, prévu à l'article L. 2232-9 du code du travail, assorti de propositions d'actions visant notamment à améliorer l'accompagnement des entreprises dans l'atteinte de cet objectif. Ce bilan et les propositions associées sont élaborés en lien avec l'observatoire prospectif des métiers et des qualifications mentionné à l'article L. 2241-12 du même code.
? Le présent article s'appuie ainsi sur les dispositions de l'article L. 2232-9 du code du travail, qui prévoit que les commissions paritaires permanentes de négociation et d'interprétation instituées dans chaque branche établissent un rapport annuel d'activité qui comprend notamment « un bilan de l'action de la branche en faveur de l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes, notamment en matière de classifications, de promotion de la mixité des emplois et d'établissement des certificats de qualification professionnelle, des données chiffrées sur la répartition et la nature des postes entre les femmes et les hommes ainsi qu'un bilan des outils mis à disposition des entreprises pour prévenir et agir contre le harcèlement sexuel et les agissements sexistes. »
Il propose en outre, comme le prévoit l'article 4 de l'ANI, que les travaux des branches soient conduits en lien avec les observatoires prospectifs des métiers et des qualifications. Aux termes de l'article 31-3 de l'accord national interprofessionnel du 22 février 2018 relatif à l'accompagnement des évolutions professionnelles, l'investissement dans les compétences et le développement de l'alternance, « l'observatoire prospectif des métiers et des qualifications (OPMQ) constitue un outil technique paritaire d'information, de connaissance et d'analyse des besoins prioritaires des entreprises permettant aux branches professionnelles de conduire une politique d'emploi et de formation professionnelle. Il permet également d'anticiper les évolutions de l'emploi et des métiers, et d'alimenter les politiques nationales d'emploi et de formation. » Cet observatoire est placé sous l'autorité de la commission paritaire nationale emploi et formation professionnelle ou, à défaut, de l'instance paritaire politique désignée par la branche professionnelle.
II - La position de la commission
La loi prévoit déjà que les branches professionnelles, par l'intermédiaire de leurs commissions paritaires permanentes de négociation et d'interprétation, établissent un rapport annuel d'activité qui comprend un bilan de leur action en faveur de l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes, notamment en matière de classifications, de promotion de la mixité des emplois et d'établissement des certificats de qualification professionnelle.
En outre, la disposition du présent article selon laquelle ce bilan doit être assorti de propositions d'actions visant à améliorer l'accompagnement des entreprises n'apparait pas nécessaire. En effet, les commissions paritaires permanentes de négociation et d'interprétation ont pour mission de représenter la branche dans l'appui aux entreprises, en vertu de l'article L. 2232-9 du code du travail. Elles peuvent donc déjà assortir leurs bilans de propositions d'actions pour accompagner les entreprises.
Enfin, dans le cadre de leurs travaux, les branches professionnelles peuvent déjà s'appuyer sur l'expertise des observatoires prospectifs des métiers et des qualifications placés auprès d'elles, sans qu'il soit nécessaire de le rappeler dans la loi.
Dès lors, le droit actuellement en vigueur et les stipulations de l'ANI constituent une base suffisante pour que les branches engagent les travaux sur la mixité des emplois demandés par les signataires de l'accord. L'article 4 de l'accord ne nécessite donc pas de transposition législative pour pouvoir être appliqué.
Pour ces raisons, la commission a adopté l'amendement COM-13 du rapporteur tendant à supprimer le présent article.
La commission a supprimé cet article.
* 4 3° et 4° du II de l'art. L. 2261-22 du code du travail.
* 5 Art. L. 2253-1 et L. 2254-1 du code du travail.
* 6 Voir notamment Cass., ch. soc., 6 oct. 2016, 15-17-119 ; Cass., ch. soc., 23 nov. 2017, 16-13.429.
* 7 Réponses de services du ministère du travail au questionnaire du rapporteur.
* 8 Étude d'impact, page 21.