N° 739

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2022-2023

Enregistré à la Présidence du Sénat le 14 juin 2023

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées (1) sur le projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relatif à la programmation militaire pour les années
2024
à 2030 et portant diverses dispositions intéressant la défense,

Par M. Christian CAMBON,

Sénateur

(1) Cette commission est composée de : M. Christian Cambon, président ; MM. Pascal Allizard, Olivier Cadic, Mme Marie-Arlette Carlotti, MM. Olivier Cigolotti, André Gattolin, Guillaume Gontard, Jean-Noël Guérini, Joël Guerriau, Pierre Laurent, Philippe Paul, Cédric Perrin, Rachid Temal, vice-présidents ; Mmes Hélène Conway-Mouret, Joëlle Garriaud-Maylam, Isabelle Raimond-Pavero, M. Hugues Saury, secrétaires ; MM. François Bonneau, Gilbert Bouchet, Alain Cazabonne, Pierre Charon, Édouard Courtial, Yves Détraigne, Mmes Catherine Dumas, Nicole Duranton, MM. Philippe Folliot, Bernard Fournier, Mme Sylvie Goy-Chavent, M. Jean-Pierre Grand, Mme Michelle Gréaume, MM. André Guiol, Ludovic Haye, Alain Houpert, Mme Gisèle Jourda, MM. Alain Joyandet, Jean-Louis Lagourgue, Ronan Le Gleut, Jacques Le Nay, Mme Vivette Lopez, MM. Jean-Jacques Panunzi, François Patriat, Gérard Poadja, Stéphane Ravier, Gilbert Roger, Bruno Sido, Jean-Marc Todeschini, Mickaël Vallet, André Vallini, Yannick Vaugrenard.

Voir les numéros :

Assemblée nationale (16ème législ.) :

1033, 1234 rect. et T.A. 127

Sénat :

712, 726, 730 et 740 (2022-2023)

L'ESSENTIEL

Le 14 juin 2023, sous la présidence de Christian Cambon, la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées a adopté avec 171 modifications le projet de loi de programmation militaire (LPM) pour les années 2024 à 2030 et portant diverses dispositions intéressant la défense.

Ce texte fixe le cadre de notre politique de défense pour la prochaine décennie. Dans un contexte international marqué par une instabilité croissante, l'enjeu est existentiel : il s'agit de la sécurité de nos concitoyens, de notre capacité à protéger les valeurs et les intérêts de la France partout où elle est présente et plus fondamentalement pour la France de rester libre et maîtresse de son destin, c'est-à-dire souveraine. Le terrorisme demeure un enjeu majeur de sécurité, et l'agression russe en Ukraine a bouleversé l'environnement géostratégique européen. Le basculement du centre de gravité géopolitique vers l'Indopacifique se poursuit. La pandémie de covid-19, ou encore la guerre de haute intensité qui se déroule à trois heures de Paris, démontrent qu'une dégradation rapide de la situation internationale est à tout moment possible. Il faut nous tenir prêts à affronter l'improbable, voire l'imprévisible.

La commission a précisé le cadre stratégique dans lequel s'inscrit le projet de LPM. Interrompre la loi de programmation actuelle n'allait pas de soi, le projet soumis au Parlement doit prendre acte de la Guerre en Ukraine. Dans ce contexte incertain, la commission approuve les orientations du projet de LPM pour 2024-2030, qui poursuit la trajectoire d'augmentation des crédits de la LPM 2019-2025 afin de renouveler, de moderniser et de renforcer nos moyens de défense.

La commission a modifié le texte pour consolider et accélérer cet effort en adoptant une trajectoire lissée et en sécurisant les ressources non budgétaires. Cette trajectoire aboutit, comme celle du Gouvernement, à un budget de la défense de 69 Md€ en 2030, mais elle y parvient selon un rythme de progression plus régulier.

La commission a également renforcé les pouvoirs de contrôle du Parlement sur la bonne exécution de la LPM ainsi que son rôle dans l'actualisation de la programmation. La LPM est en effet, par nature, une loi d'intention dans un domaine où l'exécutif joue un rôle prééminent. Pouvoir contrôler sa bonne application est un enjeu démocratique. C'est fondamental au vu de l'effort qui est demandé à la Nation.

Elle a également renforcé les pouvoirs d'information du Parlement sur le suivi du contrôle a posteriori des exportations d'armement, et de la délégation parlementaire au renseignement dans le suivi des sujets d'actualités liés au renseignement.

Dans la logique du chantier relatif à l' « économie de guerre » (formule discutable), la commission a adopté plusieurs amendements visant à soutenir les entreprises de la base industrielle et technologique de défense (BITD) et prévoyant, en particulier, la création d'un « livret d'épargne souveraineté », produit d'épargne réglementée, exonéré d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux, destiné au financement de l'industrie de défense.

I. UN EFFORT IMPORTANT GREVÉ D'INCERTITUDES

A. UN EFFORT IMPORTANT QUI PROLONGE LA LPM PRÉCÉDENTE

Le projet de LPM 2024-2030 prévoit une augmentation significative du budget de la mission défense d'ici à la fin de la décennie. Ce budget passera, en crédits de paiement, de 47 Md€ en 2024 à 69 Md€ en 2030. L'enveloppe totale, sur sept ans, s'élève à 400 Md€ de crédits de paiement, complétés par 13,3 Md€ de ressources supplémentaires pour financer des besoins totaux évalués à 413,3 Md€. Cette enveloppe augmente de 40 % par rapport à celle de la LPM 2019-2025 (295 Md€).

LPM 24-30 : une augmentation de 40 % des crédits

LPM 19-25

LPM 24-30

 
 
 
 

La commission ne sous-estime pas l'ampleur de cet effort financier.

Ce budget permettra une augmentation de 56 % de l'agrégat consacré aux équipements. Il donnera lieu au renouvellement de capacités essentielles, notamment les deux composantes de la dissuasion nucléaire, le porte-avions, l'ensemble des flottes de la marine et les capacités de combat de l'armée de terre (SCORPION).

Même ralentie en 2024 et 2025, la hausse des effectifs amorcée dans la précédente programmation est poursuivie, avec la fixation d'un objectif de 275 000 équivalents temps plein en 2030, soit 6 300 créations de postes pendant la durée de la programmation.

Le projet de LPM consacre par ailleurs l'ambition annoncée par le Président de la République à l'été 2022 de doubler les effectifs de la réserve opérationnelle en fixant un objectif de 80 000 réservistes volontaires en 2030.

Les crédits consacrés à l'innovation atteindront un montant de plus de 10 Md€ sur la durée de la programmation, dont 7,5 Md€ au titre des études amont (+ 10,3 % par rapport à la LPM actuelle).

L'effort consenti en faveur de la préparation et de l'emploi des forces est conséquent. Trois chiffres marquent une progression nette : 69 milliards d'euros bénéficieront à l'entraînement et à l'activité des forces, soit 20 milliards (+40 %) de plus que sur la période de programmation précédente, 49 milliards à l'entretien programmé du matériel (EPM), soit un effort supplémentaire de 14 milliards supplémentaires (+40 %), et 18 milliards aux soutiens, qui bénéficient ainsi de 4 milliards supplémentaires (+28,6 %).

5,4 milliards d'euros sont prévus pour les trois services de renseignement du 1er cercle relevant du ministère des armées1(*). Cet effort représente une augmentation de 60 % des crédits de renseignement au total (contre 3,5 milliards d'euros pour la LPM précédente), dont un doublement des budgets de DRM et de la DRSD. En dépenses de fonctionnement et d'investissement sur la période 2024-2030, les dotations seront ainsi réparties : 4,6 milliards d'euros pour la DGSE, 600 millions d'euros pour la DRM et 233 millions d'euros pour la DSRD. Mais des points de vigilance devront être plus particulièrement suivis en ce qui concerne notamment le déménagement du siège de la DGSE au Fort neuf de Vincennes, dont le calendrier de livraison serait décalé de 2028 à 2030, le renouvellement des moyens aériens de surveillance et de renseignement, mais aussi de télécommunications spatiales (avions légers de surveillance et de reconnaissance, système Archange, drones, projet de constellation de satellites en orbite basse en remplacement du 3ème satellite Syracuse IV) et la politique de recrutement et de fidélisation des personnels.


* 1 La direction générale des services extérieurs (DGSE), la direction du renseignement et de la sécurité de défense (DRSD) et de la direction du renseignement militaire (DRM).

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