B. UN DÉVELOPPEMENT RAPIDE DE CES TECHNOLOGIES QUI APPELLE UN ENCADREMENT SPÉCIFIQUE

Le développement rapide des technologies de reconnaissance biométrique, grâce aux algorithmes d'apprentissage, polarise l'opinion publique entre ceux qui, compte tenu de leur caractère par nature attentatoire aux libertés, plaident pour un moratoire et ceux qui mettent en exergue leurs importants bénéfices potentiels.

L'encadrement par le droit des données à caractère personnel ne paraît cependant pas parfaitement adapté. Ses brèches laissent se développer des usages, notamment par les acteurs privés, en-dehors de toute réflexion collective sur la spécificité des traitements de données biométriques.

Cette réflexion est pourtant appelée de leurs voeux par plusieurs acteurs, qu'il s'agisse de la Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL) qui recommandait la fixation de lignes rouges claires4(*), du Conseil de l'Europe5(*), du Défenseur des droits6(*) ou encore de la Commission nationale consultative des droits de l'homme7(*).

Outre celui dont est issue la proposition de loi, trois rapports parlementaires traitent également du sujet :

- note n° 14, La reconnaissance faciale (juillet 2019) de Didier Baichère, député, au nom de l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques (OPECST)8(*) ;

- rapport au Premier ministre, Pour un usage responsable et acceptable par la société des technologies de sécurité, par Jean-Michel Mis, député, remis en septembre 20219(*) ;

- rapport d'information n° 1089 sur les enjeux de l'utilisation d'images de sécurité dans le domaine public dans une finalité de lutte contre l'insécurité, de Philippe Gosselin et Philippe Latombe, députés, déposé le 12 avril 202310(*).

Tous s'accordent sur la nécessité d'un encadrement spécifique des technologies de reconnaissance biométrique afin d'éviter le développement d'usages considérés comme illégitimes ou trop attentatoires aux libertés et aux droits fondamentaux.

C. LE RÈGLEMENT EUROPÉEN SUR L'INTELLIGENCE ARTIFICIELLE : UNE TEMPORALITÉ INADAPTÉE QUI EXIGE DE L'ANTICIPER

Le règlement européen sur l'intelligence artificielle actuellement en cours de discussion s'inscrit dans cette réflexion et a pour ambition d'encadrer le développement des systèmes de reconnaissance biométrique. Le projet présenté par la Commission européenne prévoit notamment une interdiction de la notation sociale basée sur les données biométriques ainsi qu'une interdiction des systèmes d'identification biométrique en temps réel dans les espaces publics à des fins répressives. Il autoriserait toutefois l'utilisation de ces systèmes en temps réel à des fins répressives dans trois cas : pour la recherche de victimes potentielles d'actes criminels, pour faire face à certaines menaces pour la vie ou la sécurité des personnes telles que les attaques terroristes, et pour détecter, localiser, identifier ou engager des poursuites à l'encontre des auteurs de certaines infractions passibles d'une peine de prison d'au moins trois ans11(*).

Présenté par la Commission européenne en avril 2021, ce texte pourrait être adopté définitivement au cours de l'année 2023. Son entrée en vigueur n'interviendrait cependant pas avant l'année 2025.

Au vu du développement rapide des technologies liées à l'intelligence artificielle, et plus particulièrement de celles traitant des données biométriques, il est cependant nécessaire de fixer dès maintenant des principes directeurs encadrant leur développement et leurs usages.


* 4 Reconnaissance faciale : pour un débat à la hauteur des enjeux, Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL), 15 novembre 2019. Le rapport est consultable à l'adresse suivante : https://www.cnil.fr/fr/reconnaissance-faciale-pour-un-debat-la-hauteur-des-enjeux.

* 5 Lignes directrices sur la reconnaissance faciale, Conseil de l'Europe, 28 janvier 2021. Le rapport est consultable à l'adresse suivante : https://www.dalloz-actualite.fr/document/conseil-de-l-europe-lignes-directrices-sur-reconnaissance-faciale-28-janv-2021.

* 6 Technologies biométriques : l'impératif respect des droits fondamentaux, Défenseur des droits, 19 juillet 2021. Le rapport est consultable à l'adresse suivante :

https://www.defenseurdesdroits.fr/fr/rapports/2021/07/rapport-technologies-biometriques-limperatif-respect-des-droits-fondamentaux.

* 7 Intelligence artificielle et droits humains : Pour l'élaboration d'un cadre juridique ambitieux, Commission nationale consultative des droits de l'homme, 7 avril 2022.

Le rapport est consultable à l'adresse suivante : https://www.cncdh.fr/sites/default/files/a_-_2022_-_6_-_intelligence_artificielle_et_droits_fondamentaux_avril_2022.pdf.

* 8 La note est consultable à l'adresse suivante : https://www.senat.fr/opecst/notes.html.

* 9 Le rapport est consultable à l'adresse suivante : https://www.vie-publique.fr/rapport/281424-pour-un-usage-responsable-et-acceptable-par-la-societe-des-technologies.

* 10 Le rapport est consultable à l'adresse suivante :

https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/16/rapports/cion_lois/l16b1089_rapport-information#.

* 11 Il s'agit des infractions visées dans la décision-cadre du Conseil du 13 juin 2022 relative au mandat d'arrêt européen, parmi lesquelles figurent les actes de terrorisme, la traite d'êtres humains, la corruption, les homicides volontaires, les viols etc.