N° 415

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2022-2023

Enregistré à la Présidence du Sénat le 8 mars 2023

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission spéciale (1) sur la proposition de loi visant à faciliter la mise en oeuvre des objectifs de « zéro artificialisation nette » au coeur des territoires (procédure accélérée),

Par M. Jean-Baptiste BLANC,

Sénateur

(1) Cette commission est composée de : Mme Valérie Létard , présidente ; Mme Viviane Artigalas, M. Emmanuel Capus, Mme Cécile Cukierman, MM. Ronan Dantec, Éric Gold, Jean-Raymond Hugonet, Stéphane Le Rudulier, Didier Rambaud, Christian Redon-Sarrazy, Bruno Rojouan, Mme Elsa Schalck , vice-présidents ; M. Jean-Claude Anglars, Mmes Frédérique Espagnac, Sonia de La Provôté , secrétaires ; MM. Philippe Bas, Joël Bigot, Jean-Baptiste Blanc, François Bonhomme, Jean-Marc Boyer, Michel Dagbert, Mme Françoise Gatel, MM. Fabien Genet, Daniel Gueret, Joël Guerriau, Patrice Joly, Éric Kerrouche, Mme Anne-Catherine Loisier, MM. Jean-François Longeot, Frédéric Marchand, Olivier Paccaud, Philippe Pemezec, Mmes Angèle Préville, Daphné Ract-Madoux, M. Stéphane Sautarel, Mme Marie-Claude Varaillas, M. Cédric Vial.

Voir les numéros :

Sénat :

205 et 416 (2022-2023)

L'ESSENTIEL

La proposition de loi d'initiative sénatoriale déposée à l'issue des travaux de la mission conjointe de contrôle sur l'application des objectifs de « zéro artificialisation nette » a été examinée le 8 mars par la commission spéciale chargée de son examen. La commission spéciale a validé les grandes orientations du texte et ses principaux dispositifs, en cohérence avec les grands principes défendus par son rapporteur : concilier la sobriété foncière et le développement des territoires, permettre la différenciation, viser la simplification et assurer le dialogue entre les collectivités.

I. DANS LA MISE EN oeUVRE DU « ZAN », LES COLLECTIVITÉS SE HEURTENT AUJOURD'HUI À DES DIFFICULTÉS TANT JURIDIQUES QUE PRATIQUES

A. LA LOI CLIMAT-RÉSILIENCE A FIXÉ DES OBJECTIFS AMBITIEUX QUE LES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES SONT TENUES DE TRADUIRE RAPIDEMENT DANS LEURS POLITIQUES LOCALES

Présentée à l'issue de la Convention citoyenne pour le climat, la loi Climat-Résilience » promulguée le 22 août 2021 a formulé, à l'échelle de la France, un double objectif de lutte contre l'artificialisation des sols :

• une réduction de moitié du rythme de l'artificialisation nouvelle entre 2021 et 2031 , par rapport à la période 2011-2021 (donc - 50 % en 10 ans) ;

• à l'horizon 2050, l'atteinte d'une artificialisation nette de 0 %, le « ZAN » (c'est-à-dire autant ou plus de surfaces « renaturées » que de surfaces artificialisées).

Ces objectifs sont traduits, très concrètement, par des obligations applicables aux collectivités territoriales , qui devront intégrer à leurs documents d'urbanisme et de planification d'ici 2027 des objectifs de réduction de l'artificialisation des sols, définis pour chaque période décennale. La modification des documents régionaux, puis des schémas de cohérence territoriale (SCoT), des plans locaux d'urbanisme (PLU) et des cartes communales (CC), permettra de fixer des règles qualitatives et quantitatives visant à limiter la construction nouvelle sur des surfaces agricoles, naturelles et forestières.

À compter de 2031, une nomenclature des sols artificialisés entrera en vigueur , qui servira de base de calcul à l'artificialisation intervenue sur le périmètre de chaque collectivité.

B. MAIS LA MISE EN PRATIQUE DU « ZAN » SE HEURTE À L'INADÉQUATION DES TEXTES D'APPLICATION ET À DES DIFFICULTÉS PRATIQUES MAL ANTICIPÉES

Depuis l'adoption de la loi, les nombreuses difficultés concrètes relayées par les élus locaux témoignent du manque d'anticipation et d'accompagnement dont a fait preuve le Gouvernement dans l'application de cette politique structurante pour les décennies à venir.

1. Des règles de comptabilisation de l'artificialisation bien trop floues pour pouvoir être appliquées rapidement

Un an et demi après l'adoption de la loi, l'État ne permet toujours pas aux élus locaux d'anticiper clairement les obligations qui leur sont imposées sur la période 2021-2031 et ultérieurement.

D'une part, les décrets d'application ne donnent pas de définition de la consommation d'espaces naturels, agricoles et forestiers, qui sera mesurée jusqu'en 2031, alors même que les « compteurs du ZAN » tournent déjà depuis août 2021. Surtout, le décret fixant une nomenclature des sols artificialisés applicable à compter de 2031 est en cours de réécriture par le Gouvernement, à la suite de l'opposition exprimée par les parties prenantes et du recours à son encontre devant le Conseil d'État.

De plus, alors que l'outil nouveau développé par l'État pour mesurer l'artificialisation ne sera disponible qu'à compter de 2025, celui-ci tarde à transmettre aux communes les données de référence dont il dispose. Il refuse pourtant de reconnaître la validité des données collectées par les observatoires locaux de l'artificialisation, immédiatement disponibles.

Alors que les documents de planification régionaux doivent être modifiés d'ici 2024 pour fixer des trajectoires et objectifs de réduction de l'artificialisation, ce manque de visibilité sur les règles concrètes applicables est inadmissible. En somme, il est demandé aux collectivités de fixer ou d'accepter à l'aveugle leurs objectifs « ZAN » .

2. La différenciation et la territorialisation défendues par le Sénat sont mises à mal par les décrets d'application

Lors de l'examen de la loi Climat-résilience, le Sénat avait conditionné son adoption du texte à deux principes intangibles : celui d'un lien souple de prise en compte entre les orientations fixées par les documents régionaux et les documents locaux, qui respecte la compétence des communes et intercommunalités en matière d'urbanisme ; et celui de la différenciation locale, traduite par la possibilité de « territorialiser » les objectifs du « ZAN » en fonction des circonstances locales plutôt que de les appliquer uniformément et mathématiquement.

Pourtant, les décrets d'application sont revenus sur ces deux principes, qui étaient la condition explicite de l'accord entre le Sénat et l'Assemblée nationale .

Ils ont conféré au SRADDET une portée plus contraignante - parfois à l'encontre du souhait même de la Région, limitant de facto la possibilité d'adapter localement les objectifs régionaux. Ils ont aussi réduit la liste de critères de territorialisation, qui devaient permettre d'aboutir à une répartition plus équitable de l'effort. Depuis le début de l'année 2022, le Sénat n'a eu de cesse de déplorer ce « centralisme régional », par lequel l'État renvoie aux Régions la responsabilité de restreindre les libertés locales garanties par la loi.

3. L'État aménageur s'affranchit de toute responsabilité et met la lutte contre l'artificialisation à la seule charge des collectivités territoriales

Si le texte fixe aux collectivités territoriales d'ambitieux objectifs pour limiter l'artificialisation des sols sur leur périmètre, le Gouvernement feint d'ignorer que certains des projets les plus consommateurs d'espaces sont décidés ou conduits par l'État , les élus locaux n'ayant aucun moyen de maîtriser leur impact.

Pour la période 2021-2031, on estime qu'environ 20 000 hectares, soit environ 15 % de l'enveloppe nationale d'artificialisation permise en application de l'objectif de réduction de 50 %, pourraient être consommés par de grands projets d'État, tels les grands ports maritimes, les liaisons ferroviaires à grande vitesse ou encore le Canal Seine-Nord. Les régions concernées devront renoncer à nombre de projets régionaux ou locaux, puisque pour compenser cet impact des grands projets nationaux, elles seraient dans certains cas tenues d'atteindre une réduction non pas de 50 %, mais de 85 % de l'artificialisation régionale. En outre, rien dans la loi Climat-résilience n'impose la réduction de l'impact de ces grands projets : la loi ne prévoit que la possibilité de mutualiser les projets d'ampleur régionale ou nationale.

Pourquoi l'État ne s'est-il pas imposé à lui-même le principe de sobriété foncière qu'il appliquera si fermement aux collectivités territoriales ?

4. Une gouvernance embryonnaire qui fait craindre une représentation insuffisante des territoires ruraux et une répartition inégale de l'effort

La loi Climat-résilience a conféré un « chef de filat » nouveau à la Région en matière de lutte contre l'artificialisation : le SRADDET et les autres documents de planification régionaux joueront un rôle central dans la définition des objectifs et la répartition de l'effort. Pourtant, n'étant pas des documents d'urbanisme, leur élaboration est peu encadrée, et l'association des collectivités compétentes en matière d'urbanisme à ce processus central n'est pas suffisamment garantie .

Si le Sénat avait prévu la réunion d'une « conférence des SCoT », pouvant formuler des propositions en matière de territorialisation et dont le rôle a été unanimement salué, l'échelon communal apparaît encore trop peu représenté aux étapes stratégiques du déploiement de la politique de lutte contre l'artificialisation (en particulier concernant les communes n'ayant pas transféré leur compétence à l'intercommunalité ou n'étant pas membre d'un SCoT).

Au vu de la qualité inégale de la gouvernance régionale et intercommunale selon les territoires, les élus des communes, en particulier les plus petites et les plus rurales, demandent des garanties afin d'éviter que la répartition de l'effort ne bénéficie qu'aux zones urbaines, au détriment des enjeux de revitalisation et de développement rural.

II. FACE À L'ATTENTISME DU GOUVERNEMENT ET À L'URGENCE D'APPORTER DES SOLUTIONS POUR RÉUSSIR LE « ZAN », UNE PROPOSITION DE LOI D'INITIATIVE SÉNATORIALE NÉE D'UN TRAVAIL CONCRET, COLLÉGIAL ET TRANSPARTISAN

A. LES TERRITOIRES ATTENDENT DES RÉPONSES, MAIS LE GOUVERNEMENT TARDE À RÉAGIR

Tant le Sénat que les associations représentatives d'élus locaux se sont fortement mobilisés , dès la présentation des projets de décret d'application de la loi, appelant le Gouvernement à faciliter la mise en oeuvre du « ZAN » en adaptant son cadre juridique et en dotant les collectivités territoriales de nouveaux outils.

« Sur un sujet si structurant pour l'aménagement de notre pays, pour des décennies à venir, l'État se doit de soutenir la construction d'un consensus, d'accepter la critique constructive des parties prenantes, d'adapter les principes aux réalités. [...] C'est à ces conditions que pourra se créer un réel élan national en faveur de la préservation des sols et des espaces, sans mettre en danger la cohésion territoriale ni tomber dans le piège d'une opposition entre espaces urbains et ruraux.

Communiqué de presse de la commission des affaires économiques, 14 mars 2022

En juillet 2022, un an après l'adoption de la loi Climat-résilience, la consultation en ligne des élus locaux organisée par les commissions des affaires économiques et de l'aménagement du territoire et du développement durable du Sénat révélait que 72 % des élus s'estimaient insuffisamment informés sur le « ZAN », et que seuls 18 % d'entre eux pensaient disposer des moyens humains et techniques pour mettre en oeuvre les dispositions de la loi Climat-résilience en matière de lutte contre l'artificialisation des sols.

En dépit de ces constats unanimes d'inadéquation du cadre juridique et de manque d'outils pour « faire le ZAN », le Gouvernement n'a jamais proposé aucune évolution concrète du cadre juridique et réglementaire du « ZAN » . Ce positionnement attentiste est dommageable, car les collectivités territoriales portent seules, sans accompagnement, la charge de mettre en oeuvre une politique inaboutie et pourtant contraignante.

B. POUR RÉPONDRE AUX DIFFICULTÉS PRATIQUES ET CONCILIER DÉVELOPPEMENT TERRITORIAL ET SOBRIÉTÉ FONCIÈRE, UNE INITIATIVE SÉNATORIALE TRANSPARTISANE AU FORMAT UNIQUE

Le Sénat a donc pris l'initiative, en septembre 2022 , de constituer une mission conjointe de contrôle relative à la mise en application des objectifs du « ZAN » , chargée de mettre en commun les travaux de quatre commissions permanentes (affaires économiques, aménagement du territoire et développement durable, finances et lois) et de proposer des solutions concrètes aux difficultés rencontrées par les acteurs de terrain. Composée de sénateurs issus de tous les bancs, cette mission pluri-partisane a conduit près d'une quarantaine d'auditions et un cycle de consultations approfondi afin de nourrir ses travaux des appréciations de terrain les plus récentes.

« Si l'objectif de sobriété foncière est nécessaire et légitime, le bilan de nos travaux, tiré de manière unanime, est que le cadre juridique du « ZAN » est aujourd'hui largement perfectible. Pourtant, en dépit des groupes de travail ministériels, des consultations, et des déclarations du Gouvernement, à ce jour, rien n'a évolué concrètement, ni dans la loi, ni dans les décrets. »

Communiqué de presse de la mission conjointe de contrôle, 8 décembre 2022

À l'issue de ses travaux, le 14 décembre 2022, la mission conjointe de contrôle a déposé une proposition de loi pluripartisane, comportant 13 articles et visant à faciliter la mise en oeuvre du « ZAN » au coeur des territoires .

C. LE TEXTE : QUATRE AXES POUR UNE MISE EN oeUVRE DU « ZAN » PLUS ÉQUITABLE, PLUS EFFICACE ET PLUS APAISÉE

La proposition de loi présentée le 14 décembre dernier répond à deux grands principes .

Ø D'une part, ne pas remettre en cause le cadre ou l'esprit général de la politique de lutte contre l'artificialisation des sols introduite par la loi Climat-résilience. En particulier, elle ne modifie ni l'objectif national de réduction de 50 % de l'artificialisation en 2031 ni l'objectif d'atteinte de la « zéro artificialisation nette » en 2050. Elle ne remet pas non plus en cause l'application de cette politique à l'ensemble du territoire français : l'incontestable urgence climatique et environnementale doit engager l'ensemble de la Nation dans une démarche commune de sobriété foncière.

Ø D'autre part, adapter, compléter et réinsuffler au texte de la loi Climat-résilience l'esprit de décentralisation et de différenciation défendu de manière constante par le Sénat, et que les décrets d'application ont contribué à dévoyer. L'aménagement du territoire et l'urbanisme sont, avant tout, des compétences locales, absolument centrales pour les libertés locales, le développement des territoires, et la lutte contre les inégalités. Face à la tentation étatique d'un centralisme déguisé, il est primordial de démontrer que la transition environnementale ne pourra se faire sans les collectivités et sans la décentralisation. C'est dans cet esprit que les auteurs proposent d'améliorer le dialogue territorial et de doter les collectivités de nouveaux outils pour répondre aux défis de demain.

Les 13 articles de la proposition de loi s'organisent ainsi autour de quatre axes d'action .

FAVORISER LE DIALOGUE TERRITORIAL
ET RENFORCER LA GOUVERNANCE DÉCENTRALISÉE

Article 1 er - Laisser le temps au dialogue territorial en prolongeant d'un an le délai laissé pour la modification des documents régionaux et en adaptant les étapes de la procédure de modification du SRADDET

Article 2 - Restaurer un rapport de prise en compte plutôt que de compatibilité entre les documents régionaux et les documents d'urbanisme locaux, conformément à la répartition des compétences décentralisées

Article 3 - Instaurer une gouvernance décentralisée du « ZAN » associant de manière renforcée l'échelon communal au sein d'une « conférence régionale de gouvernance »

ACCOMPAGNER LES PROJETS STRUCTURANTS DE DEMAIN

Article 4 - Préserver les grands projets en prévoyant qu'ils fassent l'objet d'une comptabilisation séparée et ne pèsent pas sur les enveloppes des collectivités concernées

Article 5 - Faciliter la mutualisation de projets d'ampleur régionale, en prévoyant notamment un « droit de proposition » pour les communes et EPCI

MIEUX PRENDRE EN COMPTE LES SPÉCIFICITÉS DES TERRITOIRES

Article 6 - Améliorer la prise en compte des efforts de réduction de l'artificialisation déjà réalisés par les collectivités territoriales dans le passé

Article 7 - Garantir à chaque commune une « surface minimale de développement communale » d'un hectare : la répartition territoriale de l'effort de réduction de l'artificialisation ne pourra pas conduire à octroyer à une commune une enveloppe inférieure à cette surface minimale, risque réel au sein de la ruralité

Article 8 - Sanctuariser une « part réservée au développement territorial » pour les projets d'intérêt général non anticipés ou qui ne rentreraient pas dans les enveloppes initiales affectées aux communes et EPCI

Article 9 - Mieux protéger les espaces verts et la nature en ville, tout en facilitant la densification des espaces déjà urbanisés

Article 10 - Prendre en compte l'impact du recul du trait de côte et ne pas empêcher la recomposition spatiale du littoral ; prendre en compte les spécificités des territoires de montagne et ultramarins au regard du « ZAN »

PRÉVOIR LES OUTILS POUR FACILITER LA TRANSITION VERS LE « ZAN »

Article 11 - Inciter l'État à transmettre rapidement aux collectivités locales des données d'artificialisation fiables et complètes ; à défaut, préserver les outils locaux d'observation de l'artificialisation

Article 12 - Instaurer un « sursis à statuer ZAN » et un « droit de préemption ZAN », afin de lutter contre la spéculation foncière et la « ruée vers le foncier », tout en favorisant les efforts de renaturation et de recyclage foncier

Article 13 - Prendre en compte dès 2021 les efforts de renaturation des collectivités territoriales, conformément à la logique « d'artificialisation nette »

III. SOUTENANT PLEINEMENT LES AVANCÉES PORTÉES PAR LE TEXTE DE LA MISSION CONJOINTE, LA COMMISSION SPÉCIALE L'A COMPLÉTÉ POUR APPROFONDIR SON INTENTION FACILITATRICE

A. LA COMMISSION SPÉCIALE A VALIDÉ TANT LA DÉMARCHE QUE LES ORIENTATIONS DE LA PROPOSITION DE LOI

Comme l'y a invité son rapporteur, la commission spéciale a validé les orientations de la proposition de loi et les mesures qu'elle porte . Les auditions réalisées dans le cadre de ses travaux ont démontré que l'intention du texte est à la fois comprise et partagée sur tous les bancs et par la plupart des acteurs de terrain, car il convient d'apporter rapidement les clarifications et adaptations nécessaires à la bonne application du « ZAN ».

La commission spéciale a notamment pleinement soutenu l'article 2 , qui prévoit de restaurer un rapport de prise en compte entre les dispositions relatives au « ZAN » du SRADDET et des autres documents de planification régionale, et les documents d'urbanisme locaux. Le rapporteur a estimé que ce retour à l'esprit de la loi est nécessaire, car cette mesure qui touche directement à l'exercice des compétences décentralisées respectives des Régions et des communes conditionne l'acceptabilité même du « ZAN » dans les territoires : sans souplesse et sans marge d'adaptation des objectifs quantitatifs fixés par la Région, quelle sera la possibilité réelle de territorialiser et de différencier ? À défaut de la mesure portée par l'article 2, les SRADDET seraient transformés par les décrets d'application en « super-SCoT régionaux », sans que cette transformation n'ait jamais été soumise au Parlement.

La commission a également confirmé la rédaction de l'article 3 , qui renforce la gouvernance du « ZAN » en remplaçant les conférences des SCoT par une « conférence régionale de gouvernance du ZAN » . Outre les représentants des SCoT, y siègeraient également des représentants des communes et EPCI. Le rôle d'avis conféré à cette conférence régionale permettra d'intensifier le dialogue entre collectivités territoriales ; de même que ses nouvelles missions de suivi des trajectoires permettront un meilleur pilotage du « ZAN » en cours de période décennale .

B. UN TEXTE PRÉCISÉ ET COMPLÉTÉ POUR APPROFONDIR SON INTENTION FACILITATRICE

En outre, la commission spéciale a complété les dispositifs de la proposition de loi afin de répondre aux problèmes pratiques soulevés par la mise en oeuvre du « ZAN » , en particulier afin de :

Ø Faciliter l'évolution des documents d'urbanisme

En cohérence avec les simplifications procédurales et de calendrier portées par l'article 1 er , la commission a adopté plusieurs amendements visant à :

• rétablir le délai minimal de deux mois pour la mise à disposition du public du projet de modification du SRADDET , afin de favoriser l'appropriation par la population des enjeux de sobriété foncière au niveau local et ainsi renforcer l'acceptabilité de cette dernière ( COM-59) ;

• permettre aux régions d' utiliser les procédures dérogatoires d'évolution des SRADDET prévues par la proposition de loi pour les modifications concomitantes des autres volets requises par les lois Climat-résilience et « 3DS » (énergies renouvelables, logistique, infrastructures aéroportuaires...), favorisant ainsi la lisibilité de l'action des régions, tout en limitant les coûts ( COM-58 et COM-18 ) ;

• introduire, par parallélisme avec la procédure dérogatoire proposée pour les SRADDET, la possibilité d'une consultation simultanée du public et des personnes publiques associées, pour les modifications des SCoT et les PLU(i) relatives à la lutte contre l'artificialisation des sols ( COM-60 ).

Au même article 1 er , elle a également souhaité permettre aux collectivités territoriales de saisir la commission départementale de conciliation en matière d'urbanisme, dans les cas où la modification des cartes communales, plans locaux d'urbanisme ou schémas de cohérence territoriale rendue obligatoire par la loi Climat-résilience ferait émerger des divergences problématiques entre l'administration déconcentrée et les élus locaux ( COM-61 ). Il faut sécuriser juridiquement cette phase de modification générale des documents d'urbanisme et apaiser le dialogue.

Ø Mieux piloter l'artificialisation liée aux grands projets

À l'article 4 , la commission a prévu qu'une information soit donnée sur l'artificialisation due aux projets d'ampleur nationale et européenne conduits entre 2011 et 2021, et pas seulement entre 2021 et 2031, afin de permettre un suivi effectif de l'artificialisation induite par ces projets ( COM-69 ). Elle a demandé que l'État définisse une trajectoire de réduction de cette artificialisation résultant des « grands projets » ( COM-12 ). Elle a instauré un délai limite de deux mois pour l'avis rendu par la commission régionale de gouvernance sur la qualification des projets d'ampleur nationale ou européenne ( COM-68 ). Enfin elle a inclus les projets relevant d'une concession de service public de l'État parmi ceux qui peuvent recevoir cette qualification ( COM-28 ), dès lors qu'ils relèvent d'un intérêt majeur.

À l'article 5 , la commission a prévu que l'artificialisation résultant des projets d'ampleur régionale seraient comptabilisés de manière séparée de celle induite par les autres projets ( COM-13 ). Elle a également prévu un délai limite de deux mois pour les avis rendus au sujet de la qualification de ces projets ( COM-72 ).

Ø Clarifier la comptabilisation de l'artificialisation et de la renaturation

À l'article 9 , la commission spéciale a adopté un amendement visant à exclure les pelouses situées sur des parcelles affectées à une activité secondaire ou tertiaire des surfaces considérées comme non artificialisées , afin de favoriser la densification industrielle et économique à l'échelle de la parcelle et ne pas pénaliser les projets d'extension ( COM-80 ). Ce même amendement inclut en revanche dans les surfaces non artificialisées les pelouses attenantes aux infrastructures de transport, afin de réduire leur emprise foncière souvent fort importante. La commission spéciale a également adopté un amendement visant à considérer comme artificialisée une surface dont l'état de pollution des sols est incompatible en l'état avec un usage récréatif ou agricole , dans le but d'inciter les porteurs de projets à y conduire les opérations de dépollution préalables à de nouveaux aménagements - qui ne compteraient alors pas pour de l'artificialisation nouvelle - ou des opérations de renaturation afin d'améliorer le solde net d'artificialisation potentielle ( COM-81 ).

Dans un nouvel article 12 bis , la commission a logiquement prévu d'imputer sur la période 2011-2021 l'artificialisation résultant de projets décidés avant l'adoption de la loi Climat-résilience , mais dont la réalisation a été différée ( COM-89 ). Cette mesure de bon sens est essentielle, notamment pour éviter de remettre en cause un grand nombre de projets portés par les collectivités, tels que les zones d'aménagement concerté (ZAC) ou les grandes opérations d'urbanisme (GOU) réalisées sur plusieurs années avec de lourds investissements.

À l'article 13, la commission spéciale a adopté un amendement du rapporteur ( COM-90 ) visant à mieux prendre en compte l'artificialisation réelle des surfaces pendant les phases de travaux, afin de ne pas impacter négativement les possibilités des communes de faire usage de leur enveloppe d'artificialisation sur le reste de leur territoire.

Ø Préserver la capacité de chaque commune à assurer son développement

À l'article 6 , la commission a adopté sur proposition du rapporteur un amendement (COM-76) qui améliore la prise en compte des efforts de sobriété foncière effectués par les collectivités territoriales, lors de la déclinaison des objectifs de réduction de l'artificialisation par les SRADDET et les SCoT. Les efforts seront désormais comptabilisés dans les mêmes termes par les SRADDET et les SCoT sur toute la période .

À l'article 7 , la commission spéciale a soutenu le dispositif de « surface minimale de développement communale » d'un hectare , destiné à apporter la garantie aux communes - notamment petites et rurales - que leurs perspectives de développement ne seront pas sacrifiées dans le cadre de la territorialisation des objectifs du « ZAN ».

À l'initiative du rapporteur, elle a adopté une rédaction globale de l'article ( COM-77 ) visant à prévoir cette garantie directement au niveau législatif , sans renvoyer sa modulation aux SRADDET ni au SCoT. Cela simplifiera l'application du dispositif et garantira le respect de cette source minimale, dès maintenant et tout au long du processus de détermination des objectifs territorialisés de réduction de l'artificialisation. Il est aussi prévu que le niveau de cette surface minimale soit revu à la baisse après chaque période décennale , en vue de contribuer à l'atteinte de la « zéro artificialisation nette » d'ici 2050. Il est précisé que ces surfaces minimales seront bien comptabilisées dans les enveloppes globales d'artificialisation autorisées au titre de la loi Climat-résilience et n'emportent aucune dérogation .

À l'article 8 , la commission a adopté un amendement visant à supprimer l'échelon intercommunal l'instauration d'une « part réservée au développement territorial » au niveau intercommunal , tout en la maintenant au niveau du SCoT et du SRADDET ( COM-47 ). Cette modification est gage de simplification et préservera la cohérence au sein du périmètre du SCoT. De plus, afin de garantir un ciblage pertinent de la « part réservée » , la commission a renforcé la justification de la qualification des projets concernés : il devra être démontré qu'ils ne pouvaient pas être réalisés au sein des espaces déjà urbanisés ( COM-79 ).

Ø Prendre en compte la spécificité des territoires littoraux et ultramarins

À l'article 10 , la commission spéciale a adopté un amendement visant à garantir que les surfaces artificialisées rendues impropres à l'usage en raison du recul du trait de côte devront faire l'objet d'actions ou d'opérations effectives de restauration pour être considérées comme renaturées au sens du « ZAN » ( COM-83 ). Elle a également adopté un amendement prévoyant que les relocalisations dues au recul du trait de côte fassent l'objet d'une étude préalable de densification , afin de limiter et rationnaliser la consommation de nouveaux espaces ( COM-84 ).

La commission spéciale a également adopté deux amendements identiques ( COM-19 et COM-33 ), dans une logique de souplesse et de différenciation territoriale au bénéfice des territoires ultramarins, afin de préciser que les trajectoires de réduction de l'artificialisation des sols en outre-mer, fixées par les schémas régionaux d'aménagement (SAR), tiennent compte des contraintes auxquelles sont soumises les communes incluses dans le périmètre d'un schéma de mise en valeur de la mer . La prise en compte de ce document, qui détermine les orientations en matière de développement, de protection et d'équipement à l'intérieur du périmètre, et notamment les sujétions particulières nécessaires à la préservation de l'espace marin et littoral, est une mesure qui répond à la volonté de la commission spéciale de tenir compte des efforts passés .

Ø Préserver les dispositifs locaux d'observation de l'artificialisation

Par l'adoption de trois amendements identiques ( COM-14, 23 et 85 ), la commission spéciale a souhaité, à l'article 11 , sécuriser les dispositifs locaux d'observation foncière, en précisant que la mise à disposition par l'État des données de consommation d'espaces et d'artificialisation n'est pas exclusive des données locales que les régions et les autres collectivités pourraient collecter pour suivre leurs trajectoires d'artificialisation.

Ø Doter les élus locaux de nouveaux outils efficaces pour lutter contre l'artificialisation

La commission a amélioré les outils de sursis à statuer et de droit de préemption spécifiques au « ZAN » proposés par l' article 12 du texte. Concernant le droit de préemption, elle a précisé que la renaturation, qui figure parmi les finalités de ce nouveau droit, peut inclure la préservation ou la restauration de continuités écologiques ( COM-87 ). La commission a également adopté une rédaction globale du dispositif de sursis à statuer ( COM-88 ), qui étend notamment sa durée maximale à quatre ans , afin de couvrir l'ensemble de la période de modification des documents d'urbanisme. Il permet aussi aux collectivités couvertes par un SCoT de recourir au sursis à statuer dès l'adoption du SCoT modifié au titre de la loi Climat-résilience, plutôt que de recourir à un plafond communal indicatif, ce qui est gage de simplification.

À l'article 11 , la commission a par ailleurs adopté un amendement demandant la remise d'un rapport au Parlement, dans un délai d'un an, sur le recensement des terrains à renaturer à l'échelle du territoire national , ainsi que leur localisation , leur qualité et l'estimation du coût des opérations de renaturation ( COM-17) .

Page mise à jour le

Partager cette page