B. LA PROPOSITION DE RÉSOLUTION EUROPÉENNE CONDAMNE FERMEMENT LA REPRESSION EN COURS ET APPELLE À DES SANCTIONS FERMES ET GRADUÉES

1. Cette proposition de résolution européenne s'inscrit dans la ligne de plusieurs initiatives parlementaires...

Cette proposition de résolution européenne (PPRE), qui fait l'objet du présent rapport, a été publiée après que l'Assemblée nationale eut adopté, le 28 novembre 2022, au titre de l'article 34-1 de la Constitution, une résolution en soutien au mouvement pour la liberté du peuple iranien 8 ( * ) . Le même texte a également été déposé par notre collègue François Patriat sur le bureau du Sénat le 1 er décembre dernier 9 ( * ) .

Le rapporteur a accordé la plus grande attention à ces propositions de résolution, ainsi qu'aux résolutions du Parlement européen du 6 octobre 2022 10 ( * ) et du 19 janvier dernier 11 ( * ) .

2. ...en condamnant fermement la répression en cours et prévoyant une série de sanctions graduées, en fonction de l'évolution de la situation en Iran

Le texte, tel que modifié sur proposition du rapporteur, vise à condamner fermement la répression en cours orchestrée par les autorités iraniennes, et à en demander l'arrêt immédiat.

Le rapporteur a proposé à la commission des affaires européennes, qui l'a suivi, de renforcer certaines dispositions - figurant dans le texte déposé par Mme Nathalie Goulet - et d'en ajouter de nouvelles , notamment aux alinéas 28 à 40 de la PPRE.

Le texte dénonce ainsi notamment « l'usage généralisé, brutal et disproportionné de la force » par les autorités iraniennes, les détentions arbitraires , la pratique de la torture et des discriminations , notamment à l'encontre des femmes et des minorités et appelle à la cessation de ces pratiques . La proposition de résolution soutient les sanctions prises par l'Union européenne et les instances internationales concernant ces graves violations des droits de l'Homme.

Est également affirmé, dans le texte, le soutien du Sénat « au peuple iranien dans son aspiration à la démocratie et au respect de ses droits et libertés fondamentale » (alinéa 31 de la PPRE).

À l'initiative du rapporteur, a également été introduit dans le texte la mention d'« otages d'État» : il prévoit que le Sénat « invite le Gouvernement et l'Union européenne à exiger des autorités iraniennes la libération immédiate des otages d'État européens arrêtés et détenus arbitrairement, et l'application sans délai, y compris pour les ressortissants binationaux, de leur droit à la protection consulaire, conformément aux obligations internationales souscrites par la République islamique d'Iran » (alinéa 40 de la PPRE) .

La condamnation du soutien militaire apporté par l'Iran à la Russie dans sa guerre contre l'Ukraine a également été ajoutée au texte. Par cette PPRE, le Sénat affirme son soutien aux sanctions prises par l'Union européenne contre les individus et entités iraniens pour leur rôle dans la mise au point et la livraison de drones à l'Ukraine (alinéa 33 de la PPRE).

La disposition - prévue dans la PPRE telle qu'initialement déposée par Mme Nathalie Goulet - encourageant le Gouvernement et l'Union européenne à la délivrance de visas à toute personne craignant avec raison d'être persécutée en Iran a été conservée (alinéa 41 de la PPRE). Le rapporteur soutient cette disposition qui correspond à la politique actuellement mise en oeuvre par les autorités françaises. Il salue d'ailleurs les accords conclus afin que les demandes de visas d'Iraniens puissent être faites dans des pays tiers, dans lesquels ils se seraient réfugiés.

Sur le volet sanctions, les modifications du texte - proposées par le rapporteur - ont été guidées par la nécessité de garder ouvert un canal de communication avec l'Iran et de ne pas aller à l'encontre de la politique du gouvernement français vis-à-vis de l'Iran au Moyen-Orient.

La question des otages d'État européens, et notamment des sept otages français retenus en Iran, fut un des paramètres essentiels pris en compte par le rapporteur dans ses propositions d'amendements au texte de Mme Nathalie Goulet.

Ainsi le texte proposé par le rapporteur, contrairement au texte initialement déposé par l'auteur, n'appelle pas à la cessation de l'accord sur le nucléaire, qui serait dangereux et contraire à la position de la France. Certes les négociations sont suspendues, mais depuis le retrait américain de l'accord sur décision du Président Trump, ni la France, ni l'Union européenne ne souhaitent rompre pour le moment cet accord, bien que l'Iran n'en respecte plus les termes et accélère son programme nucléaire. Dans ses conclusions du 12 décembre 2022, le Conseil de l'Union européenne indique ainsi que « l'Union européenne réaffirme son attachement et son soutien constant à la mise en oeuvre intégrale et effective d'un JCPoA restauré. (...). En tant que priorité essentielle en matière de sécurité, l'UE continuera à s'investir diplomatiquement et politiquement pour faire en sorte que l'Iran ne se dote pas de l'arme nucléaire ».

Le risque - en mettant un terme à cet accord - est en effet de mettre fin à un canal de discussion et de contrôle de la politique nucléaire iranienne, et de laisser les autorités iraniennes se diriger vers l'arme nucléaire. Le texte dénonce toutefois « le manque de coopération de l'Iran dans la mise en oeuvre de l'accord (...) » (alinéa 34 de la PPRE).

Sur la question des visas , la mesure - proposée dans le texte initial - visant à recenser les étudiants iraniens au sein de l'Union européenne et d'expulser sans délai ceux qui ont un lien familial avec les responsables iraniens sanctionnés n'a pas été conservée . Le rapporteur considère cette mesure comme techniquement difficile à mettre en oeuvre et juridiquement contraire à nos engagements internationaux.

Néanmoins, il a été considéré que le régime iranien ne pouvait pas rester impuni face à la répression et les violations des droits de l'Homme en cours. Le texte proposé par le rapporteur appelle ainsi à prendre une série de nouvelles sanctions, qui pourront l'être progressivement au vu de l'évolution de la situation en Iran.

Parmi ces sanctions possibles, figure l'élargissement de la liste des personnes et entités faisant l'objet de mesures restrictives (alinéa 42 de la PPRE).

Concernant la limitation de l'accès aux marchés des capitaux de l'Union ainsi que la fermeture de l'espace aérien de l'Union aux avions iraniens, le texte n'appelle pas immédiatement à la prise de telles sanctions , pour plusieurs raisons : car il s'agit de sanctions qui ont été levées dans le cadre de l'accord sur le nucléaire iranien, et car elles auraient des répercussions pratiques gênantes, entravant par exemple le départ d'Iraniens, voulant quitter le territoire par avion. Toutefois, le rapporteur considère que ces sanctions doivent demeurer à l'étude et être prises si l'évolution de la situation en Iran le nécessitait (alinéa 43 de la PPRE).

Concernant l'inscription sur la liste des entités terroristes du corps des Gardiens de la révolution, le rapporteur n'a pas jugé que cette mesure était la réponse immédiate à apporter, à ce stade , à la crise actuelle. Il a estimé qu'il convenait d'attendre les conclusions de l'analyse du Service juridique du Conseil, demandée par certains États membres et attendue pour le prochain Conseil Affaires étrangères du 20 février. Il semblerait que cette mesure se heurte, sur le plan juridique, à l'absence de décision d'une autorité judiciaire d'un État membre concernant l'implication du corps des Gardiens de la révolution ou d'un de ses membres dans un acte terroriste 12 ( * ) . Sur le plan politique ensuite, le rapporteur a jugé qu'une telle sanction pourrait être comprise comme un acte de rupture par les autorités iraniennes.

Toutefois, le rapporteur n'a nullement exclu la possibilité d'une telle sanction, considérant qu'elle devait demeurer dans l'arsenal des mesures possibles à l'encontre de l'Iran, au vu de l'évolution de la situation . Le texte proposé invite ainsi « le Gouvernement et le Conseil de l'Union à examiner le moment venu, et sur la base de décisions de justice, la possibilité d'inscrire des groupes et entités tels que le corps des Gardiens de la Révolution islamique sur la liste des organisations terroristes de l'Union » (alinéa 44 de la PPRE).

Pour le rapporteur, cette proposition de résolution n'est ainsi pas exclusive d'un texte ultérieur sur le sujet , qui pourrait appeler à de nouvelles sanctions, au vu de l'évolution de la situation en Iran.

*

En conséquence, le rapporteur propose d'adopter la proposition de résolution européenne, déposée par Mme Nathalie Goulet et plusieurs de ses collègues, ainsi modifiée en vue de son renvoi à la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées.


* 8 Résolution n° 35 (16 e législature) de M. Hadrien Ghomi et de plusieurs de ses collègues députés en soutien au mouvement pour la liberté du peuple iranien, adoptée le 28 novembre 2022.

* 9 Proposition de résolution n° 165 (2022-2023) de M. François Patriat et plusieurs de ses collègues sénateurs, en soutien au mouvement pour la liberté du peuple iranien, déposée le 1 er décembre 2022.

* 10 Résolution 2022/2849 du Parlement européen du 6 octobre 2022 sur la mort de Mahsa Jina Amini et la répression des manifestants pour les droits des femmes en Iran.

* 11 Résolution 2023/0016 du Parlement européen du 19 janvier 2023 sur la réaction de l'Union européenne face aux manifestations et aux exécutions en Iran.

* 12 Cf. Article 1 er de la position commune 2001/931/PESC du Conseil du 27 décembre 2001 relative à l'application de mesures spécifiques en vue de lutter contre le terrorisme.

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