N° 484
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 2021-2022
Enregistré à la Présidence du Sénat le 15 février 2022
RAPPORT
FAIT
au nom de la commission de la culture, de
l'éducation et de la communication (1)
sur la
proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale en nouvelle
lecture,
visant à
combattre
le
harcèlement
scolaire
,
Par M. Olivier PACCAUD,
Sénateur
(1) Cette commission est composée de : M. Laurent Lafon , président ; M. Max Brisson, Mme Laure Darcos, MM. Stéphane Piednoir, Michel Savin, Mme Sylvie Robert, MM. David Assouline, Julien Bargeton, Pierre Ouzoulias, Bernard Fialaire, Jean-Pierre Decool, Mme Monique de Marco , vice-présidents ; Mmes Céline Boulay-Espéronnier, Else Joseph, Marie-Pierre Monier, Sonia de La Provôté , secrétaires ; MM. Maurice Antiste, Jérémy Bacchi, Mmes Annick Billon, Alexandra Borchio Fontimp, Toine Bourrat, Céline Brulin, Samantha Cazebonne, M. Yan Chantrel, Mme Nathalie Delattre, M. Thomas Dossus, Mmes Sabine Drexler, Laurence Garnier, Béatrice Gosselin, MM. Jacques Grosperrin, Jean Hingray, Jean-Raymond Hugonet, Claude Kern, Mikaele Kulimoetoke, Michel Laugier, Pierre-Antoine Levi, Jean-Jacques Lozach, Jacques-Bernard Magner, Jean Louis Masson, Mme Catherine Morin-Desailly, MM. Philippe Nachbar, Olivier Paccaud, Damien Regnard, Bruno Retailleau, Mme Elsa Schalck, M. Lucien Stanzione, Mmes Sabine Van Heghe, Anne Ventalon, M. Cédric Vial .
Voir les numéros :
Assemblée nationale ( 15 ème législ.) : |
Première lecture : 4658 , 4712 et T.A. 720 Commission mixte paritaire : 4984 Nouvelle lecture : 4976 , 4997 et T.A. 798 |
Sénat : |
Première lecture : 254 , 310 , 323 , 324 et T.A. 86 (2021-2022)
Commission mixte paritaire :
433
et
434
(2021-2022)
|
I. DES DIVERGENCES INCONCILIABLES ENTRE LES DEUX ASSEMBLÉES, MALGRÉ UNE VOLONTÉ PARTAGÉE DE LUTTER CONTRE LE HARCÈLEMENT SCOLAIRE
A. UN TEXTE ENRICHI PAR LES NOMBREUX APPORTS DU SÉNAT
1. L'objectif du Sénat : permettre une prévention et une lutte contre le harcèlement scolaire à 360 degrés
Lors de l'examen du texte en première lecture, le Sénat a fortement enrichi la proposition de loi avec un objectif ambitieux : permettre une prévention et une lutte contre le harcèlement scolaire à 360 degrés .
Dans cette perspective, il lui a semblé essentiel de mentionner explicitement la lutte contre le cyberharcèlement aux articles 1 er , 1 er bis , 2 et 3 de la proposition de loi. En effet, le cyberharcèlement démultiplie les conséquences du harcèlement scolaire en s'affranchissant de toute frontière temporelle et spatiale. Selon les chiffres mis en évidence par la mission d'information sénatoriale sur la lutte contre le harcèlement scolaire et le cyberharcèlement 1 ( * ) , un quart des collégiens serait confronté à du cyberharcèlement .
En outre, le texte issu des travaux du Sénat permettait une prise en compte des témoins , au même titre que le harceleur et la personne harcelée, que ce soit dans les mesures prises par les établissements scolaires et universitaires pour prévenir et lutter contre le harcèlement scolaire (article 1 er ), ou encore dans la formation initiale et continue de l'ensemble des adultes concernés face à ce fléau (article 3). Agir sur les témoins est important afin de désamorcer une situation de harcèlement, casser des dynamiques de groupe et faire comprendre à la fois au harceleur, à la victime et aux témoins que les faits subis ne sont ni normaux, ni acceptables.
Le Sénat a également souhaité étendre aux élèves l'information annuelle consacrée aux risques liés au harcèlement scolaire, destinée dans le texte initial uniquement aux parents d'élèves (article 1 er ). Il était surprenant que les principaux concernés par ce fléau ne puissent pas bénéficier de cette sensibilisation annuelle.
Le Sénat a par ailleurs tenu à renforcer la formation de l'ensemble des acteurs concernés, en prévoyant notamment une information sur les compétences respectives de l'ensemble des acteurs (article 3). Cette nouvelle disposition traduit une demande des acteurs de terrain qui ont fait part au rapporteur des difficultés concrètes rencontrées dans la lutte contre le harcèlement scolaire : souvent, l'adulte qui soupçonne ou détecte une situation de harcèlement scolaire, mais dont la santé scolaire n'est pas le coeur de métier, ne sait pas vers qui se tourner.
Il a élargi l'engagement de lutter contre le harcèlement scolaire au réseau des établissements de l'enseignement français à l'étranger (article 2 bis ), l'existence de dispositifs visant à lutter contre le harcèlement scolaire devenant ainsi l'une des conditions pour obtenir l'homologation au réseau.
Le Sénat a enfin assoupli les dérogations à la carte scolaire (article 3) ou au recours à l'instruction en famille (articles 3 bis A, 3 bis B et 3 bis C), pour un enfant victime de harcèlement scolaire. Certes, devoir quitter son établissement pour un enfant victime de harcèlement est toujours une défaite de l'école . Mais dans certains cas, un enfant harcelé ne peut pas ou ne souhaite pas poursuivre sa scolarité dans l'établissement où il a souffert, parfois pendant plusieurs mois voire des années. La loi du 24 août 2021 confortant le respect des principes de la République prévoit la possibilité de commencer l'instruction en famille d'un enfant victime de harcèlement scolaire, sans attendre l'autorisation de l'administration qui peut prendre deux mois. Mais cette situation demeure transitoire et le maintien en instruction en famille nécessite pour ses parents de présenter un projet pédagogique et une capacité d'enseignement. L'enfant harcelé se retrouve dans une situation incertaine . C'est la raison pour laquelle, le Sénat a souhaité aligner les conditions de recours à l'instruction en famille des enfants harcelés, sur celles des enfants en situation de handicap, isolés ou en itinérance.
2. Assurer une réponse pénale cohérente face au harcèlement scolaire
Sur le volet pénal de ce texte, le Sénat, en première lecture, a privilégié la création d'une circonstance aggravante au délit de harcèlement existant pour conserver la cohérence du droit pénal , plutôt que de créer un délit spécifique qui interroge quant à son applicabilité et les ruptures d'égalité qu'il risque d'engendrer (article 4).
Le Sénat a également tiré les conséquences de deux questions prioritaires de constitutionnalité en matière de confiscation des biens ayant servi à commettre un harcèlement et de réquisition des données de connexion (article 4 bis ).
Il a supprimé l'article 6 relatif aux stages de responsabilisation car leur création relève du domaine réglementaire. D'ailleurs, de tels stages existent déjà ou peuvent être créés sans intervention du législateur : la mission d'information sénatoriale précédemment citée avait pris connaissance avec intérêt de la mise en place de stages sur le cyberharcèlement et les cyberviolences par la protection judiciaire de la jeunesse de Nice, en partenariat avec le Parquet.
* 1 Harcèlement scolaire et cyberharcèlement : mobilisation générale pour mieux prévenir, détecter et traiter , rapport d'information n° 843 de Mme Colette Mélot, (2020-2021) : http://www.senat.fr/notice-rapport/2020/r20-843-notice.html .